6 mars : Le souvenir est le parfum de l'âme, George Sand

Univers : Downton Abbey, Beryl Patmore


La pièce était envahie d'une odeur de pommes cuites.

Marigold venait en effet de sortir sa tarte du four et, si le plat n'était pas parfait, elle devait s'admettre plutôt satisfaite de l'apparence de sa première tentative. Restait à voir au goût maintenant... Pour vérifier la réussite de la recette, elle n'avait qu'à prendre un couteau, se couper une part ; si elle était pressée, elle pourrait même se saisir d'une cuillère et la planter sans ménagement dans la tarte. Rien de bien compliqué, en somme. Et pourtant, Marigold restait figée, sans oser s'attaquer à sa création. Finalement, au lieu du sourire de fierté, ce furent des larmes de tristesse qui s'échappèrent d'elle. Pleurer est plus fort qu'elle. Il fallait dire que cette odeur lui rappelle tellement Donwton Abbey... Et en particulier celle qui faisait naître ces douces effluves.

Et c'était bien là tout le problème.

Beryl Patmore était décédée la semaine précédente. Marigold avait pensé réussir à se montrer forte, mais en arrivant au manoir, ses barrages avaient cédés. Il fallait dire que tout le monde était en larmes ; même Mary semblait profondément bouleversée. Elle avait tout fait pour le cacher, mais la blonde jurait avoir vu une larme couler sur la joue de sa tante. Avec la fin de la cérémonie, l'émotion était un peu retombée, et le retour à Londres avait aidé à se reprendre. Mais ce soir là, Marigold avait voulu rendre un dernier hommage à sa manière à la cuisinière, en préparant cette tarte qu'elle lui avait tant fait petite. Et bien évidement, elle ne put retenir son émotion.

Beryl lui manquait. Marigold pleurait la femme qui avait toujours fait partie de sa vie, celle qui lui avait servie de troisième grand-mère, qui avait excusé ses bêtises d'enfants, qui lui avait donné mille mets de bon goût en cachette. Elle pleurait une femme qu'elle avait aimé.

Mais elle pleurait aussi une femme qu'elle respectait. Une femme qui lui avait montré que les femmes pouvaient être fortes elles aussi. Sa famille ne manquait pas de figures féminines puissantes ; sa mère, sa tante, sa grand-mère, son arrière grand-mère... Toutes étaient des modèles. Mais celle qui l'avait été le plus, c'était Beryl. Marigold avait toujours été fascinée par la manière dont la cuisinière arrivait à gérer cinq plats en même temps, tout en donnant des ordres aux garçons de cuisine et superviser le service. Elle admirait aussi la façon dont elle avait de ne jamais se laisser faire, d'oser hausser la voix pour faire entendre ses idées. Elle ne reculait jamais devant rien, était consciente de son savoir-faire et ses compétences, se battait pour être reconnue. Cette verve et cette assurance avait toujours baignée Marigold. À chaque fois qu'elle était dans les cuisines, la petite fille se promettait d'être comme elle plus tard.

Maintenant que Marigold est une femme adulte, elle songe que si elle a autant réussi à s'assumer, oser exposer ses idées et donner des directives à d'autres, y compris à des hommes, c'est parce qu'elle a pu bénéficier de l'exemple de Madame Patmore.

Alors oui, ce soir elle est triste de perdre un tel modèle. Mais elle se jure de continuer de se battre pour que l'héritage de son amie soit transmis à de nouvelles générations.