Hello, tout le monde. Info: Il y a des choses pour lesquelles j'ai volontairement choisi de ne pas donner d'explication maintenant, ou du moins, le strict minimum. Mais vous êtes libres de poser des questions dans les commentaires si vous ne comprenez pas quelque chose.
Un grand merci à ma bêta-lectrice qui a dû relire cette monstruosité une bonne vingtaine de fois. Elle est courageuse !
J'espère que ça vous plaira ! Bonne lecture :)
Depuis plusieurs années, Izuku faisait toujours le même rêve. Presque chaque nuit, il se retrouvait dans un espace sombre éclairé par de minuscules boules lumineuses qui semblaient être suspendues à un plafond invisible. Elles étaient disposées aléatoirement autour de lui et restaient figées, même quand il essayait de les pousser du bout des doigts. Hormis ces sources de lumière d'un blanc glacé, il n'y avait rien. Pieds nus, Izuku pouvait sentir un sol froid sous lui mais il ne voyait rien. L'espace était délimité par des murs invisibles qu'il avait déjà pris le temps par le passé de suivre à l'aide de ses mains puisque ses yeux ne pouvaient les distinguer. Une des parois ―celle sur laquelle il ouvrait les yeux en arrivant dans cet endroit― ressemblait à la surface d'un lac gelé. Bien qu'il ait déjà essayé de la frotter avec la paume de ses mains en espérant faire disparaitre le givre, rien ne s'était passé.
La paroi restait désespérément opaque et diffusait une froideur intenable. Bien qu'il s'agisse d'un rêve, le jeune homme ressentait ce froid s'infiltrer par tous ses pores, le frigorifiant de l'intérieur. Plus il restait proche de ce mur de glace, plus il était affecté. Pourtant, quelque chose en lui —sûrement de la curiosité vis-à-vis de ce qui pouvait se trouver de l'autre côté— le ramenait toujours vers celui-ci. Izuku avait passé d'interminables nuits à étudier chaque centimètre de la paroi l'envie de savoir ce qu'elle cachait le démangeait de plus en plus. Il n'avait néanmoins jamais pu apprendre quoi que ce soit. Mais peut-être n'y avait-il qu'encore plus de vide et d'obscurité au-delà… Peut-être était-ce juste un leurre créé par son esprit pour le rendre fou petit à petit.
Quand il se réveillait de ces rêves, l'impression de vide le suivait tout au long de la journée. Il gardait avec lui le sentiment d'avoir oublié quelque chose, comme quelqu'un qui a fait sa valise pour partir en voyage et est sûr d'avoir laissé un objet important à la maison, sans se rappeler quoi. Ça l'avait rendu nerveux et un tantinet paranoïaque, ce que sa mère avait bien fini par remarquer. Midoriya Inko était par nature anxieuse et s'inquiétait toujours pour lui. Lorsqu'elle avait parlé de l'emmener chez un psychologue pour parler de ce qui le tracassait, Izuku avait décidé que la situation ne pouvait pas durer. Il exécrait l'idée que sa mère se fasse du souci pour lui et encore plus pour une raison aussi stupide. Alors, il avait arrêté d'essayer.
A peu près un an après l'arrivée de ce qu'il considérait à présent comme des cauchemars, il s'était résolu à ignorer son besoin de connaître les secrets de cet endroit. Après tout, tout ça c'était dans sa tête et il n'y avait pas de raison de se rendre malade pour si peu. Une fois cette décision prise, lorsqu'il avait ouvert les yeux sur le même décor familier, il s'était assis en tailleur dos au mur de glace et avait tenté d'ignorer son existence. Ça n'avait pas été facile au début. Dans un premier temps, il avait éprouvé autant de difficulté qu'on pourrait en avoir à entendre un enfant pleurer sans que personne ne s'en occupe. Ensuite, avec le temps, c'était devenu aussi simple qu'ignorer le tic-tac d'une horloge. Il suffisait d'un peu de patience pour que ça ne soit plus qu'un bruit de fond. Son comportement anxieux avait fini par s'améliorer notablement et sa mère n'avait plus reparlé de cette histoire de psy.
Cette nuit ne faisant pas exception à la règle, Izuku garda les yeux résolument fermés quand il reconnut la sensation qui venait d'éclore en sa poitrine. Il s'apprêtait à faire un demi-tour sur lui-même lorsqu'il remarqua quelque chose d'inhabituel : la température. Le froid qui l'assaillait d'ordinaire dans cet endroit était presque inexistant. Sans réfléchir, le jeune homme s'empressa d'ouvrir les yeux. Le hoquet de surprise qui s'étrangla dans sa gorge en constatant la raison flagrante de ce changement brisa le silence. Il n'y avait rien. Disparue la surface gelée qui se dressait devant lui comme une tentatrice, dissimulant ses secrets depuis des années. Une vue dégagée s'offrait à lui à présent. Pendant un court instant, un sentiment de déception sans nom germa dans sa poitrine mais il fut soufflé telle la flamme d'une bougie dans la seconde qui suivit. Ce qui se cachait derrière le mur de glace était tout à fait semblable à ce qui se trouvait de ce côté à une exception près : il y avait quelqu'un.
La personne lui tournait le dos, assise par terre avec les jambes ramenées contre son torse. Sa tête était enfouie sous ses bras qui étaient croisés de telle manière qu'Izuku n'aurait su dire la couleur de ses cheveux ou même si elle en avait. L'inconnu avait le visage caché entre ses genoux et n'avait pas l'air d'avoir remarqué la présence d'Izuku. Désireux de savoir pour qui son esprit avait maintenu autant de mystère pendant si longtemps, le jeune homme s'avança rapidement vers l'objet de sa curiosité, la main tendue vers lui. Il fut néanmoins coupé dans son élan quand celle-ci se heurta à une paroi invisible. Sentant la frustration monter en lui, Izuku laissa glisser sa main sur la surface translucide afin de confirmer ce qu'il redoutait. Cette fichue paroi était toujours là. Elle avait beau ne plus être discernable à l'œil nu, elle continuait de le narguer en le laissant voir sans lui permettre de toucher.
— Est-ce que tu m'entends ?
Vu que la personne juste devant lui n'avait pas encore réagi à sa proximité, il était fort probable qu'elle ne le puisse pas. Comme de fait, aucun mouvement de la part de cette dernière ne trahissait la possibilité qu'elle l'ait entendu. La gorge nouée par cette découverte cruelle, Izuku appuya son front contre la vitre qui se tenait entre lui et… une personne qu'il connaissait ? Ou bien un simple visage qu'il avait entre-aperçu à la gare ou au supermarché que son cerveau avait décidé d'utiliser pour le torturer la nuit ? Apparemment, il ne le saurait pas. Peut-être d'ailleurs ne le saurait-il jamais. Pourquoi avait-il fallu que quelque chose change ? Non. Pourquoi avait-il ouvert les yeux ? Il s'était pourtant juré de ne plus prêter la moindre attention à la paroi gelée qui le tourmentait presque chaque nuit. Se réveiller dans cet endroit. Garder les yeux fermés. Se retourner. Attendre. Tout ça en ignorant la petite voix dans sa tête qui lui chuchotait des paroles encourageantes pour l'inviter à jeter un œil.
Juste une minute, juste un instant, un simple regard en arrière.
Mais pendant tout ce temps, il avait tenu bon. Il savait qu'un rapide coup d'œil ne valait pas le coup sachant les conséquences qu'il pourrait avoir. Essayer de percer les secrets de ce mur était devenu un besoin viscéral qu'il n'avait été capable de contenir qu'avec beaucoup d'efforts. S'autoriser une œillade dans sa direction aurait été une erreur. Il aurait fini par se convaincre que ce n'était pas grave, qu'il pouvait très bien gérer la situation. Une seconde en serait devenue dix, puis une minute, pour au final durer aussi longtemps que son temps de sommeil le permettait. Aussi, avec toute la ténacité dont il pouvait faire preuve, Izuku était resté inflexible.
Dans ce cas, pourquoi avoir flanché maintenant ? Après tout ce temps… Il n'était plus un enfant. Sa volonté de ne pas retomber dans le même vice aurait dû être plus forte que sa curiosité. Pourtant, il se tenait bien là, au plus près possible d'un mur qu'il ne pourrait sans doute jamais franchir. Cette nuit serait longue et demain matin, il ne serait certainement pas en forme pour son jogging avec Namigawa. Aussi, Izuku se dit qu'il n'avait plus grand-chose à perdre.
Il commença à détailler la personne adossée à la paroi avec application. Il ne pouvait pas en être sûr à cent pourcent mais la carrure de celle-ci le poussait à penser qu'il devrait s'agir d'un garçon. Ou plutôt, un jeune homme. Il devait avoir le même âge qu'Izuku ou peut-être un peu plus. Un T-shirt noir un peu large ne laissait distinguer que la musculature évidente de ses bras. La pénombre environnante et l'angle de vue ne lui permettaient pas de définir la couleur de son pantalon ou quoi que ce soit d'autre. Une mèche à peine discernable dans le fond de sa nuque sur la droite indiquait des cheveux courts et d'une couleur claire. La lueur émise par les minuscules sphères lumineuses qui les entouraient créait un reflet blanchâtre, entraînant une incertitude sur la teinte exacte. Le jeune homme était aussi immobile qu'une statue durant son observation.
Résigné à être hanté par de nouvelles interrogations, Izuku referma son poing contre la vitre et toqua doucement contre celle-ci en fermant les yeux. Il ne comprenait pas pourquoi son esprit s'acharnait à l'enfermer dans cet endroit depuis des années. Pour quelles raisons prenait-il plaisir à agiter une énigme sous ses yeux sans lui laisser la possibilité de la résoudre ? Pourquoi est-ce qu-
Une vibration sur la paroi invisible le coupa net dans ses réflexions. Son souffle se bloqua dans sa poitrine alors qu'il n'osait ouvrir les yeux. Il était certain d'avoir senti quelque chose heurter la surface sur laquelle son front était toujours appuyé. Izuku se figea sur place, guettant un prochain coup. Celui-ci ne tarda pas à venir, accompagné de plusieurs autres vibrations rapprochées, comme si on frappait à la porte d'une maison avec impatience. Le cœur d'Izuku se mit à cogner rapidement dans sa poitrine. Pinçant les lèvres, le jeune homme entrouvrit les paupières. Une excitation sans nom monta en lui, le poussant à expirer tout l'air précédemment emprisonné dans ses poumons alors que devant lui se trouvait le torse de l'inconnu. Il prit à peine le temps de noter que son vis-à-vis portait un pantalon sombre mais aucune chaussure. Celui-ci ne semblait pas prêt de se démonter, son bras s'abattant frénétiquement contre la vitre. Dans un mouvement vif, Izuku leva la tête.
.
Le soleil était toujours couché, tout comme la plupart du voisinage. Il ne pointerait pas le bout de son nez avant une bonne heure encore, laissant amplement le temps à Izuku de faire son jogging matinal pour commencer la journée sur une séance de cardio. Celle d'aujourd'hui lui serait des plus profitables au vu de ce qui s'était passé cette nuit. Il allait pouvoir essayer d'éliminer la frustration qui le grignotait férocement de l'intérieur depuis qu'il avait ouvert les yeux sur le plafond de sa chambre au moment le plus important. Il avait été à ça de voir le visage de cette personne. Il savait pertinemment qu'il l'avait regardé mais impossible de se souvenir du moindre détail concernant les traits de l'autre garçon. Ça n'avait duré qu'un instant, un bref instant durant lequel il avait ressenti un profond soulagement... avant de se voir claquer la porte au nez en dehors de son rêve. Le cri rageur qu'il avait étouffé dans son oreiller ne l'avait que partiellement détendu.
Izuku enfila ses baskets de course à pied dans le genkan avant de sortir en prenant soin de ne pas claquer la porte ―pour ne pas réveiller sa mère. L'air frais lui balaya le visage et il se félicita d'avoir pensé à prendre un hoodie à enfiler par-dessus son T-shirt. Par habitude, il n'avait mis qu'un short pour le bas. Il était rare qu'il ait froid avec les jambes découvertes, contrairement à ses bras. Le mois de mars avait offert jusque-là des températures assez douces. Toutefois, il fallait vous préparer à finir trempé si vous décidiez de faire une balade sans prendre un parapluie au cas où. Les averses arrivaient souvent sans crier gare. En jetant un œil au ciel étoilé, Izuku espéra qu'il n'y aurait pas droit sur son trajet.
Namigawa Aoi, sa camarade de classe, n'habitait pas très loin de chez lui, juste quelques rues. Izuku se mit à trottiner pour prendre un bon rythme tout en douceur et échauffer ses muscles. Bien malgré lui, ses pensées retournèrent vers le mystérieux garçon qu'il avait rencontré dans son rêve habituel. Il avait le sentiment de le connaître mais dès qu'il commençait à avoir un semblant d'idée sur son identité, celle-ci lui glissait entre les doigts. C'était comme avoir le titre d'une chanson sur le bout de la langue mais ne plus parvenir à retomber dessus. Pourtant, il ne se souvenait de rien de précis. Il savait qu'il avait redressé la tête. Il savait qu'il avait croisé le regard de cette personne. Cependant, il lui était impossible de donner la couleur de ses cheveux, celle de ses yeux ou même la forme de son visage. Rien ne lui revenait. Rien. L'envie de s'arracher les cheveux le démangeait fortement rien que d'y penser.
Perdu dans ses réflexions, il ne vit pas Namigawa qui l'attendait avec un sourire en coin devant la grille de sa maison. Ce fut la voix de cette dernière qui le ramena à la réalité.
―Bonjour Midoriya. Tu marmonnes encore.
La jeune fille accompagna sa remarque d'un rire amusé tout en replaçant une mèche rousse derrière son oreille. Il s'arrêta à sa hauteur et se gratta la nuque, embêté d'avoir commencé à déballer à voix haute ce qui lui trottait dans la tête. C'était une mauvaise habitude qui le prenait souvent et que Namigawa était bien souvent amenée à subir puisqu'elle avait le bureau juste derrière lui en classe. Elle ne lui en avait jamais tenu rigueur mais lui tapotait gentiment l'épaule lorsque ça arrivait pour qu'il ne commence pas à déranger le cours. La jeune fille faisait toujours preuve de discrétion et ses yeux brillaient d'une étincelle rieuse quand il lui lançait un hochement de tête de remerciement par-dessus son épaule.
D'après les garçons de la classe qui lui couraient après, Namigawa avait de magnifiques yeux bleu glace, une couleur qu'on ne voyait pas souvent, même si elle restait assez « normale ». Pour un humain lambda, ça restait rare. Izuku ne pouvait que les croire sur parole. Pour lui, ses iris étaient d'une teinte de gris tellement claires qu'ils étaient presque blancs. La raison était simple : le bleu était la Couleur d'Izuku. Quelque part sur Terre, une personne aux yeux de cette couleur était destinée à croiser sa route.
Dans ce monde, il existait deux types d'humains. Ceux qui descendaient d'un des quatre grands dragons —les Fondateurs— et ceux qui avaient été « créés » par ces derniers. Les premiers étaient des Ignae, les seconds des Luxen. Chaque Ignae possédait une Anima, une sorte de mana permettant d'utiliser son Alter. Bien qu'avoir une Anima ne garantissait pas toujours d'en avoir un…
Izuku faisait partie de cette catégorie alors que Namigawa était une Luxen, tout comme la grande majorité des autres élèves de leur école. Le lycée de Kikuoshi —la ville où il vivait aujourd'hui— n'était pas fréquenté par beaucoup de personnes ayant du sang de dragon dans les veines. Après tout, il n'avait qu'une filière générale, contrairement aux lycées comme U.A ou Shiketsu.
―Désolé, j'essayais de... résoudre un problème. Pas grand-chose ! Il n'y a vraiment pas de quoi s'inquiéter, il n'est rien arrivé de grave ! Juste une histoire qui me trotte dans la tête depuis longtemps et qui est devenue encore plus compliquée. Si on peut dire ça comme ça… ce serait plus juste de dire que le mystère s'épaissit mais- je recommence ! Désolé.
Izuku sentit son visage chauffer rapidement alors qu'il essayait de se cacher derrière son bras. La réaction fit de nouveau rire Namigawa qui s'empressa de lui dire que ce n'était pas grave. Un voile rosé dû sûrement à la fraicheur matinale s'étalait sur ses pommettes, dissimulant en partie ses taches de rousseur. Bien qu'étant doté de ce même trait physique, Izuku doutait fortement qu'elles embellissent autant son propre visage. Namigawa était très mignonne, il n'était pas aveugle. Elle avait beau ne pas être la personne qui lui était destinée, ce fait ne lui avait pas échappé pour autant. Premièrement, parce que la foule d'admirateurs de la jeune fille le jalousaient pour l'amitié qu'ils entretenaient depuis le début du collège. Ensuite, parce que sa gentillesse innée ne venait que rehausser sa beauté. Elle essayait toujours d'aider les autres autant que possible et il ne l'avait jamais entendue médire sur qui que ce soit.
Namigawa était une chic fille. Elle était toujours très positive et elle écoutait toujours ses analyses à rallonge sur les derniers combats entre superhéros et vilains qui avait été relayés sur Internet. Il avait toujours peur de l'ennuyer —elle qui n'avait pas d'intérêt particulier envers ce sujet— mais elle l'avait assuré que le voir parler avec autant d'entrain d'un sujet qui le tenait à cœur lui faisait plaisir. Elle aurait certainement fait une AS parfaite... un teint de porcelaine, de grands yeux amplis de douceur, des cheveux d'un roux vif lui arrivant presque aux aisselles. Elle était aussi plus petite que lui, ce qui n'était pas toujours facile vu qu'il n'était déjà pas spécialement grand lui-même. Namigawa aimait aussi rester en forme et quand l'an dernier elle l'avait entendu marmonner dans son coin à propos d'un jogging le matin, elle avait demandé timidement pour l'accompagner. Depuis, ils faisaient le même parcours tous les matins ensemble. Lorsqu'elle ne pouvait pas se joindre à lui, Izuku en profitait pour passer par la plage afin de rendre l'exercice un peu plus laborieux en courant dans le sable. Ses baskets et les muscles de ses cuisses appréciaient rarement l'expérience...
Oui, si Namigawa avait été son Ame Soeur, il n'aurait certainement pas eu de quoi se plaindre. Chaque personne —ou presque— descendant d'une lignée primordiale en avait une. C'était quelqu'un qui vous complétait, quelqu'un avec qui votre âme —ou plutôt votre Anima— résonnait. Le sentiment que sceller un lien avec son AS provoquait était difficile à exprimer oralement et Izuku aurait été bien incapable de le faire puisqu'il n'avait encore jamais rencontré la sienne. Qu'importe qu'il ait pensé autrement à une époque... Bien qu'il ait rencontré nombre de personnes aux yeux bleus, le moment fatidique n'était encore jamais arrivé. Sa Couleur restait toujours grise et elle le resterait pour un temps encore indéterminé. Jusque-là, Izuku devrait se contenter de ne discerner les différentes nuances de bleu qu'en variantes de gris. Le jour où il croiserait pour la première fois le regard de son AS, et seulement alors, il pourrait expérimenter pleinement le monde dans sa palette de teintes complète.
L'existence des AS n'empêchait pas pour autant certains d'avoir des relations de couple avec d'autres personnes que celle-ci. Après tout, il était possible que votre rencontre ne soit pas prévue avant dix ans ou plus. La pratique n'était pas spécialement mal vue par la société mais Izuku trouvait cruel de se lancer dans une relation avec une limite de temps. Surtout si l'autre personne était un Luxen puisque ces derniers ne pouvaient pas avoir d'âme sœur.
De ce fait, bien que Namigawa soit un choix idéal pour une petite amie, il n'en restait pas moins qu'entretenir l'idée ne servait à rien. Izuku ne pouvait pas changer le fait que son Ame Sœur était ailleurs et qu'elle croiserait son chemin le moment venu. Il ne pouvait pas mener quelqu'un en bateau de cette manière. Ça n'aurait pas été correct de sa part et surtout... Namigawa n'aurait pas été son premier choix s'il avait voulu trahir son AS de la sorte.
—On y va ? Fit-elle en faisant quelques flexions pour s'échauffer elle aussi.
—C'est quand tu veux. S'il y a bien quelque chose de pratique avec les vacances c'est qu'on n'a pas besoin de se dépêcher pour être en cours à l'heure.
—Vrai ! Je propose un K.O par épuisement alors !
—Ah ? Tu n'avais pas un cours de danse aujourd'hui ?
Le K.O par épuisement, comme son nom le laissait imaginer, signifiait qu'ils allaient faire leur trajet habituel mais autant de fois que possible jusqu'à ce qu'un des deux n'en puisse plus. Malgré sa motivation évidente, Namigawa était généralement la « perdante » de cette petite compétition. Elle y mettait néanmoins tout son cœur et finissait par ne même plus savoir marcher. Izuku finissait toujours par la prendre sur son dos pour le reste du trajet et balayait ses protestations d'un revers de la main en lui faisant remarquer que ça l'aidait à faire travailler les muscles de ses bras et de son dos en même temps. Son amie acceptait en ronchonnant et promettait qu'elle ferait mieux la prochaine fois. Autant dire qu'ils ne se lançaient pas dans ce genre de défi pendant les jours où ils avaient cours.
—C'est plus tard dans la journée. J'aurai le temps de reprendre des forces d'ici là.
Puisque Namigawa était sûre d'elle, ils commencèrent tous deux à trottiner pour se mettre dans le bain. Bien vite, ils prirent tous les deux un rythme soutenu. Seul le bruit de leurs respirations et celui de leurs pieds martelant le sol les accompagnaient. Parler avait tendance à vous essouffler beaucoup plus rapidement et c'était contre-productif dans un exercice d'endurance, aussi s'abstinrent-ils. Leur parcours les faisait passer à travers le parc du quartier qui était bien entendu désert à cette heure-ci. Tout en suivant le sentier qui faisait le tour de la plaine de jeu, les pensées d'Izuku se mirent irrévocablement à dériver vers ce rêve obsédant. Quand il avait commencé à ignorer le mur de glace, il s'était mis à courir tous les matins. C'était sa façon d'évacuer sa frustration. Dès qu'il commençait à penser à la pièce sombre, il accélérait pour se concentrer sur la sensation de brûlure dans ses muscles plutôt que sur ce qui pouvait bien se trouver de l'autre côté de la paroi. Par un réflexe Pavlovien, son cerveau avait fini par associer le fait de penser au rêve à l'épuisement et c'était devenu facile de ne plus s'en soucier avant le moment d'aller dormir.
Aujourd'hui, ce qu'il avait découvert était trop intriguant pour que cette technique fonctionne. Son esprit fouillait dans sa mémoire pour retrouver le moindre indice sur la personne qu'il avait vue. Sans résultat. Il s'acharnait pourtant à creuser, tel un renard essayant de débusquer un lapin dans son terrier. Izuku pouvait sentir cette gêne profonde réapparaitre, celle qui le démangeait de l'intérieur sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit. Il avait oublié quelque chose et pas moyen qu'il s'en souvienne. Dans un soupire rageur, il augmenta sa vitesse, oubliant totalement Namigawa à côté de lui. Celle-ci retint un soupir résigné en le voyant faire, comprenant qu'il y avait peu de chance qu'elle tienne plus longtemps que lui à ce rythme.
Lorsqu'ils passèrent pour la troisième fois par le parc, la fatigue commençait doucement mais sûrement à s'installer chez les deux jeunes gens. Namigawa avait une respiration saccadée qui annonçait d'ordinaire qu'elle ne tiendrait plus bien longtemps. La barrette qui retenait ses mèches de devant pour qu'elles ne lui tombent pas dans le visage avait bougé et était à présent aussi utile qu'une simple bouteille d'eau pour remplir une piscine. Son T-shirt foncé était trempé dans le dos et elle passait son temps à essuyer son front à l'aide de son bracelet en éponge. Izuku n'était pas dans un meilleur état. Des mèches vertes étaient collées contre son front transpirant et son propre haut lui collait à la peau. Il avait attaché son gilet autour de sa taille au milieu de leur premier tour pour éviter de transpirer dedans. Ainsi, il pourrait le remettre pour éviter d'attraper froid sur la fin du parcours. Malheureusement, ça voulait aussi dire qu'un trait humide se dessinait entre son torse et la ligne de tissus qu'il avait nouée là. A ce moment précis, une douche était une perspective des plus attrayantes pour les deux coureurs.
—J'en… J'en peux plus ! Déclara Namigawa, jetant finalement l'éponge.
La jeune fille s'arrêta pour reprendre son souffle, penchée en avant et les mains sur les genoux. Sa respiration haletante ne lui permit pas d'en dire plus. Izuku ralentit progressivement avant de revenir en marchant vers elle en la félicitant d'avoir tenu aussi longtemps. Elle avait amélioré son endurance depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. La semaine avait été bien remplie par les examens et les parents de Namigawa refusaient qu'elle aille courir pendant cette période. Ayant toujours des notes moyennes, elle devait étudier sérieusement pour rester à niveau.
—Tu parles, dit-elle après avoir récupéré un peu. J'espère pouvoir compléter ce fichu troisième tour entièrement avant la rentrée ! J'aimerais qu'on s'arrête parce que tu es prêt à t'effondrer un de ces jours !
—Je suis sûr que tu en es capable, Namigawa. Mais c'est bien de se fixer des objectifs dans le temps. On a trois semaines pour que tu atteignes ton but et avec ta motivation, ça ne devrait pas poser de problème. Tu as une persévérance incroyable !
Les joues de la concernée se colorèrent d'un léger rouge carmin. Namigawa semblait toujours gênée par ses compliments alors qu'elle-même lui en faisait régulièrement. Là encore, elle détourna le regard en prenant soin de regarder partout sauf dans la direction d'Izuku. Ses jambes tremblotaient légèrement, aussi, ce dernier s'accroupit dos à elle avec les bras tendus vers l'arrière pour l'encourager à grimper sur son dos. Izuku l'entendit bredouiller que ce n'était pas nécessaire mais après une vingtaine de secondes, elle finit par accepter sa proposition. Maintenant chargé du poids familier de Namigawa, il continua son chemin en direction de la maison de cette dernière.
Contre son dos, il pouvait sentir le cœur de son amie cogner rapidement dans sa poitrine. Il prenait toujours beaucoup de temps à se calmer. D'ordinaire, il ne reprenait pas un rythme régulier avant qu'ils n'arrivent à destination. Quand il avait constaté ce fait, il s'était un peu inquiété mais Namigawa lui avait assuré qu'elle n'avait pas de problème cardiaque. La question avait eu l'air de tellement la gêner qu'Izuku n'avait plus osé aborder le sujet depuis.
― Midoriya…
― Oui ?
La manière dont elle avait prononcé son nom, dans un soupir quasi inaudible, l'interloqua. Peut-être y avait-il été un peu fort en accélérant autant et aussi souvent sur le trajet. Elle ne se plaignait jamais de son rythme et ne demandait à arrêter que lorsque ses jambes menaçaient de céder. A l'avenir, il devrait prendre ça plus en considération.
―Je me demandais… est-ce que…
Sa question se termina en un murmure étouffé dans la nuque d'Izuku. Il sentit Namigawa se crisper et en baissant la tête, il put voir qu'elle se triturait les doigts nerveusement. Le front tiède de sa charge se posa sur son épaule droite alors que les muscles de ses bras passés autour de sa nuque et ceux de ses cuisses qu'il tenait se contractaient. Elle lui fit penser à une proie qui se fige devant un prédateur, attendant de voir la réaction de ce dernier à sa présence. Izuku ne comprenait pas ce qui pouvait bien la pousser à réagir ainsi. Qu'importe ce qu'elle voulait lui demander, elle avait l'air de s'attendre à ce qu'il le prenne mal ou du moins, à ce que la réponse ne lui plaise pas.
Mal à l'aise, il se décida à l'encourager à parler en voyant qu'elle ne semblait pas prête à se répéter.
― Hum… quoi ? Désolé, je ne t'ai pas entendue…
Namigawa lâcha un nouveau soupir, visiblement contrariée de devoir formuler sa question encore une fois. Elle cessa de triturer ses doigts, préférant resserrer sa prise autour de son cou en remontant ses mains jusqu'à ses coudes. Son cœur battait toujours à tout rompre contre le dos d'Izuku. D'un pas hésitant, il continua d'avancer, lui laissant le temps de rassembler son courage.
Finalement, dans un souffle elle demanda :
―Midoriya, est-ce que tu voudrais faire une sortie à l'aquarium le week-end qui vient ?
Izuku ne comprit pas tout de suite la question sous-jacente à celle-ci. C'était pour demander ça qu'elle avait eu l'air aussi hésitante ? D'accord, en quatre ans, ils n'avaient jamais fait de choses ensemble en dehors des cours à part étudier ou courir… Mais justement, depuis autant de temps il était même bizarre que ça ne se soit pas fait avant. Après tout, elle était sa seule véritable amie et il était normal de passer du temps avec ses amis à l'extérieur de l'école. Pour s'amuser. Et pas pour s'entraîner ou étudier. L'idée n'avait jamais traversé l'esprit d'Izuku pendant tout ce temps. Bien sûr, si elle lui avait proposé quelque chose avant aujourd'hui, il aurait accepté sans problème. Elle ne l'avait pourtant jamais fait. Ou bien, contrairement à maintenant, avait-elle songé à le faire sans pour autant y arriver ? Izuku parcourut sa mémoire à la recherche d'un indice mais tout ce qui lui venait étaient les nombreuses fois où elle lui avait proposé une session de révisions. Bien souvent, elle avait commencé par lui tapoter l'épaule alors qu'elle était assise derrière lui à son bureau. Et dès qu'il se retournait pour savoir ce qu'elle voulait, Namigawa s'était… trituré les doigts avant de parler d'un passage à la bibliothèque municipale. Oh, quel crétin !
Evidemment qu'il aurait dû se poser des questions plus tôt ! Il n'y avait pas de raison pour qu'elle ait l'air aussi gênée à chaque fois qu'elle lui suggérait de travailler ensemble. Au bout de quatre ans, elle aurait dû être bien plus à l'aise que ça. Pour sa défense, il ne se serait jamais permis de lui proposer une sortie de lui-même, de peur qu'elle prenne ça comme un rencard.
Izuku s'arrêta net, la connexion s'établissant finalement dans sa tête. Est-ce que Namigawa… est-ce que Namigawa venait de lui demander un rencard ? Il n'arrivait pas à décider s'il aurait préféré voir son visage à ce moment ou si le fait qu'elle ne puisse pas voir le sien l'arrangeait davantage. Partagé entre la gêne et l'angoisse, il devait être blanc comme un linge. Soudainement, les différents points de contact entre son corps et celui de Namigawa, toujours sur son dos, lui semblèrent brûlants. Izuku dut se retenir de la lâcher, sachant qu'elle risquait de tomber et se faire mal s'il le faisait.
―Na- Namigawa-
La suite de sa phrase se perdit avant de franchir ses lèvres. Izuku ne savait pas quoi dire. Namigawa était quant à elle parfaitement silencieuse, le visage enfoui entre ses omoplates et toujours aussi tendue. Il était impossible qu'il ait mal interprété la situation. Elle venait de lui donner un rendez-vous et attendait anxieusement qu'il lui donne une réponse. Mais il ne savait pas par où commencer ni comment s'exprimer pour ne pas la blesser. Elle était une amie précieuse et il ne voulait pas lui faire de la peine mais il ne pouvait pas accepter.
Cependant, la seule manière de lui expliquer la raison de son refus l'obligeait à révéler une information qu'il aurait volontiers gardée pour lui. Personne au lycée n'était au courant qu'il était un Ignae. Ce n'était pas le genre de chose dont on parlait spontanément dans une conversation. D'autres étaient dans son cas à l'école mais ils avaient quelque chose qu'Izuku n'avait pas, lui : un Alter. La plupart du temps, ils n'étaient pas très impressionnants et n'avaient pas d'utilité pour le métier de Héros. C'était d'ailleurs pour cette raison que leurs détenteurs ne choisissaient pas cette voie. Il arrivait néanmoins qu'une personne avec un Alter puissant ne soit pas intéressé par ce statut. Kageyama Haru de la classe E avait la capacité de figer le temps pendant presque une minute. Il était obligé de porter un pendentif gravé d'une Rune Restrictive pendant les cours pour l'empêcher d'utiliser son Alter comme bon lui semblait. Ce pouvoir était très utile en combat et aurait certainement fait de lui un Héros Pro très populaire mais l'idée ne lui faisait ni chaud ni froid. Kageyama voulait devenir médecin et c'était tout aussi admirable.
Izuku ne pouvait néanmoins pas s'empêcher de ressentir une certaine amertume face à cette situation. Kageyama avait un Alter dont il ne souhaitait pas nécessairement faire usage. Izuku n'en avait aucun. Lui qui avait toujours rêvé être un Héros qui sauve les gens… on ne lui avait même pas laissé sa chance. Aussi, être un Ignae sans Alter avait un impact très négatif sur la manière dont les gens vous percevaient. Car après tout, avoir une Anima et ne rien pouvoir en faire, c'était contre nature. Il y avait une source de pouvoir en lui dans laquelle il ne pourrait jamais puiser… La société en général ne trouvait pas ça normal. Dire que vous étiez un Ignae sans Alter provoquait soit du dégoût, soit de la pitié. Les gens vous évitaient, on n'osait pas vous regarder, comme si vous aviez une maladie contagieuse. Izuku avait trop souvent vu ce genre de réaction autour de lui et avait subi assez de moqueries pendant le primaire à cause de ça. Quand lui et sa mère avaient déménagé avant son entrée au collège, il avait décidé de cacher ce fait. Il espérait ainsi pouvoir se faire des amis, sans pour autant pouvoir remplacer celui qu'il avait perdu.
Izuku secoua légèrement la tête, ne voulant pas penser à ça dans un moment pareil. Il fallait qu'il le dise à Namigawa. De cette manière, elle comprendrait que, quelque part, son Ame Sœur l'attendait et qu'il ne voulait pas entamer une relation amoureuse avec elle alors qu'elle serait vouée à l'échec. L'appréhension enserra sa poitrine tel un serpent prêt à le dévorer. Namigawa comprendrait… mais après ça, comment se comporterait-elle avec lui ? Depuis le temps, elle savait qu'il n'avait pas d'Alter. Ou peut-être pourrait-il dire que c'était un Alter inutile et qui ne se manifeste pas de manière physique ? Peut-être pouvait-il lui faire croire que sa capacité d'analyse était son Alter ? Non. Il était inutile de mentir. Mentir par omission, c'était toujours mentir quelque part et il avait déjà passé les quatre dernières années à le faire. Il devait lui dire et lui faire confiance pour la suite. Namigawa était si douce qu'il ne la voyait pas se moquer de lui ou même révéler son secret. Mais il n'était pas impossible qu'elle ait pitié de lui et qu'à l'avenir, elle ne le voie plus que comme un pauvre gars à l'Anima défectueuse. L'angoisse de perdre leur amitié telle qu'elle l'était aujourd'hui grignotait peu à peu sa résolution. Ne voulant pas la laisser gagner, Izuku reprit sa marche vers la maison de Namigawa, celle-ci n'ayant toujours pas prononcé un mot depuis qu'elle lui avait posé sa question.
Il prit une grande bouffée d'air et sentit Namigawa s'agiter un peu dans son dos, sûrement inquiète elle aussi pour l'avenir de leur amitié. Les yeux braqués sur le soleil qui commençait à se lever à l'horizon, Izuku se lança avant de pouvoir se dégonfler :
―Je suis désolé, Namigawa. Je… Je ne suis pas un Luxen.
Un hoquet surpris derrière lui assura Izuku qu'elle l'avait entendu. Il avait voulu énoncer clairement ces mots, sur un ton régulier et assuré. Cependant, au moment de les prononcer, la boule d'inquiétude logée dans sa gorge les avait fait sortir sous la forme d'un murmure presque douloureux. Ils étaient seuls dans la rue déserte, sans personne pour entendre sa révélation. Pourtant, ça faisait tellement longtemps qu'Izuku n'avait plus abordé ce sujet qu'il ne pouvait empêcher les émotions négatives qu'il faisait remonter en lui.
Lui-même avait fini par se sentir honteux avec le temps. Il n'y pouvait rien mais malgré ça, il se sentait coupable. Coupable de ne pas être « normal ». Coupable de ne pas rentrer dans une case. Coupable de ne pas avoir ce qu'il faut pour être un Héros. Coupable de souhaiter parfois ne pas être un Ignae et pouvoir choisir la personne qui se tiendrait à ses côtés pour la vie puisque, de toute façon, il ne serait qu'un handicap pour son Ame Sœur… Coupable d'être inutile.
―Midoriya… pourquoi est-ce que… pourquoi est-ce que tu ne me l'as jamais dit ?
Il ne répondit pas, sa bravoure soudainement envolée. Izuku continua d'avancer, apercevant la grille de la maison de Namigawa au loin. En cet instant, par les Quatre, il aurait aimé être à la place de Kageyama. Figer le temps ne serait-ce qu'une minute pour profiter plus longtemps de cet entre-deux. Ce moment où tout n'était pas encore fixé, où il ne savait pas encore ce que Namigawa allait décider.
―Est-ce que… c'est parce que tu n'as pas d'Alter ?
Il pouvait sentir son regard lui brûler l'arrière de la tête. Elle s'était redressée et se tenait à présent à ses épaules. Sa voix douce était remplie d'hésitation mais il ne décelait pas la moindre trace de mépris. Le poids sur sa cage thoracique ne disparut pas pour autant. Elle avait l'air triste… allait-elle avoir pitié de lui ? Elle était bien assez gentille pour que ça soit le cas. Peut-être lui adresserait-elle toujours la parole alors ? Était-ce mieux de la garder comme amie tout en sachant qu'elle le considérait comme « handicapé » par sa différence ? Il ne voulait pas voir cette lueur de désolation dans les yeux d'ordinaire si chaleureux de son amie. Il ne pouvait pas-
Un petit coup sur le sommet du crâne le ramena à la réalité. Le petit rire amusé qui s'ensuivit étonna Izuku.
―Je peux presque t'entendre réfléchir, Midoriya. Quelles bêtises te trottent dans la tête ? Sûrement les mêmes que celles des gens qui croient qu'être un Ignae sans Alter est une tare ! Je suis un peu vexée que tu puisses penser que je suis d'accord avec ces idées ridicules.
― Nami-
L'interrompant, elle se blottit à nouveau contre son dos et l'entoura de ses bras dans une étreinte pleine d'affection. Sa respiration saccadée balaya la nuque d'Izuku, provoquant malgré lui un frisson qui descendit tout le long de sa colonne vertébrale. La chaleur que son corps dégageait contre lui s'étendit à tout son corps, réchauffant son cœur au passage. Le nœud qui s'était formé dans sa poitrine se défit, laissant un soulagement énorme s'installer à sa place. Empli de reconnaissance pour Namigawa, il resserra doucement sa prise sur elle pour lui montrer qu'il appréciait son geste.
Izuku soupira doucement, chassant les dernières miettes de son anxiété.
―Je suis désolé. Je ne sais pas où j'avais la tête… Dit-il, un sourire d'excuse aux lèvres.
―Eh ben, il va falloir que tu viennes à l'aquarium avec moi pour te faire pardonner… je ne vais pas y aller sans mon meilleur ami.
Izuku perçut le léger tremblement de sa voix. Il ne put s'empêcher d'admirer son amie pour son courage. Elle avait enfin réussi à lui poser la question qui devait la tourmenter depuis des années. Tout ça pour apprendre qu'elle avait espéré pour rien et que ça ne pourrait jamais arriver. Malgré ça, elle avait quand même pris la peine de le rassurer et de lui faire comprendre qu'elle le voyait toujours comme avant. Et voilà qu'elle continuait en lui signifiant que le fait qu'il ne puisse pas accepter ses sentiments n'était pas grave. Izuku n'avait jamais été dans cette situation précise. Pourtant, il avait déjà expérimenté le déchirement qu'on pouvait ressentir en aimant une personne qui ne vous était pas destinée. A l'époque, il n'était pas certain que ce sentiment était de l'amour. Avec le temps, il avait fini par se rendre à l'évidence mais en être sûr avant n'aurait rien changé. Il avait une Ame Sœur. Ce n'était pas la personne qu'il espérait mais c'était la réalité. Il ne pouvait pas changer ce qui était écrit.
Ce n'est pas le moment d'y penser.
―Oui, bien sûr ! Il faudra organiser ça.
Ils étaient arrivés à destination. Dans un mouvement fluide, il fit descendre Namigawa. Lorsqu'elle lui fit face, ses yeux étaient baignés de larmes qu'elle s'appliquait à ne pas laisser couler. Le soleil levant créait des reflets flamboyants dans sa chevelure rousse et il eut un pincement au cœur en voyant une larme s'échapper malgré ses efforts pour la retenir. Elle s'empressa de l'essuyer d'un revers de la main avant de remettre une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Le sourire larmoyant qu'elle lui offrit ensuite lui donna envie de la serrer dans ses bras pour la consoler. Izuku se retint, ne voulant pas la mettre mal à l'aise. Il ne balayerait pas ses efforts pour garder la tête haute malgré son chagrin.
Alors il fit la seule chose qui lui semblait juste. Il lui sourit le plus sincèrement possible et lui souhaita une bonne journée avant de la regarder passer la grille. Elle ne se retourna pas une seule fois, les tressautements de ses épaules trahissant le moment où elle perdit la lutte contre sa tristesse.
Izuku aurait aimé pouvoir faire plus. Mais il ne savait pas comment. Personne n'avait jamais été amoureux de lui auparavant ou du moins, pas qu'il soit au courant. Et le seul dont il avait dû rejeter les avances par le passé était parfaitement au courant de la situation mais refusait juste de l'accepter. Izuku n'avait jamais compris pourquoi celui qu'il aimait avait été aussi insistant pour qu'il l'embrasse. Ils étaient meilleurs amis et Izuku ne comptait pas laisser l'ombre de sa future AS ainsi que ses sentiments se dresser en travers de leur amitié. Il avait tout fait pour qu'ils restent aussi proches, pour que leur lien reste solide malgré la découverte de sa Couleur et son absence d'Alter. Mais il n'était pas le seul concerné dans cette histoire et l'autre garçon n'était pas du même avis. Ce dernier avait poussé, poussé, jusqu'à ce que les refus répétés d'Izuku ―aussi difficiles à réitérer qu'ils aient pu être― finissent par le mener à le détester. A cette époque, Izuku avait décidé qu'être malmené par celui à qui il tenait le plus était préférable à être ignoré.
Tu es vraiment un crétin…
Cette journée avait décidément mal commencé. Entre ce rêve frustrant, l'angoisse de possiblement perdre sa seule amie, et les événements d'un passé éloigné qui revenaient le hanter… il n'était pas gâté. Un soupir de dépit lui échappa. Ne se sentant pas prêt à faire bonne figure devant sa mère qui devait être réveillée à présent, Izuku décida de poursuivre son jogging. La transpiration faisant coller son T-shirt à sa peau ne parvint pas à le convaincre de rentrer pour prendre une douche méritée. Bien vite, il reprit un rythme de course soutenu qui eut tôt fait de raviver la sensation de brûlure dans ses jambes. Fonctionnant en autopilote, il n'aurait su dire combien de tours supplémentaires il avait fait. Peut-être trois… Peut-être quatre… Il avait couru jusqu'à avoir la tête vide, jusqu'à ce que le regard grenat empli de dédain qui l'avait tant captivé par le passé retourne dans un coin reculé de sa mémoire.
Finalement, il n'eut pas d'autre choix que de s'arrêter dans le tunnel qui passait sous le chemin de fer. A bout de souffle, Izuku s'adossa contre le mur et bascula sa tête vers l'arrière sans faire attention à la légère douleur que provoqua l'impact avec le béton. Ses jambes menaçaient de céder sous son poids à tout instant et il commençait à avoir la tête qui tourne. Il aurait dû emmener quelque chose à boire avec lui. Trop tard pour s'en rendre compte. N'en pouvant plus, il se laissa tomber sur les fesses avec la ferme intention de se relever dès qu'il n'aurait plus envie de vomir ses tripes et que l'incendie au niveau de ses voies respiratoires se serait calmé. Les yeux fermés pour tenter de minimiser sa nausée et le cœur battant dans ses temps, il ne vit ni n'entendit la plaque d'égout qui se soulevait à quelques mètres de là.
―Parfait. Et déjà fatigué en plus, j'ai de la chance.
La voix déformée venant de juste devant lui le poussa à se concentrer sur ce qui l'entourait. Mais dès qu'il ouvrit les yeux, ce fut sur un mur de liquide gluant brunâtre qui s'abattait sur lui. Izuku eut un mouvement de recul. Trop tard. La masse visqueuse était déjà en train de l'avaler. C'était comme tomber dans l'eau la tête la première sans avoir eu le temps de prendre sa respiration. Par réflexe, Izuku tenta de prendre une bouffée d'air en ouvrant la bouche mais il se rendit rapidement compte de son erreur. Son assaillant profita de l'occasion pour s'engouffrer dans sa gorge. La même chose se produisit aussitôt avec ses oreilles et son nez. Ses pieds ne touchaient plus le sol et il avait beau se débattre, il était comme suspendu dans une eau vaseuse. Impossible de se dégager. Impossible de respirer. Le liquide se répandait partout dans son corps. Izuku sentait son estomac rempli à sa limite alors que ses poumons subissaient le même sort. Il ne voyait rien, même les yeux ouverts. Une pression à l'arrière de ses orbites combinée au manque d'oxygène étaient en train de lui donner des maux de tête comme jamais il n'avait eu à subir auparavant.
Izuku essaya dans un geste désespéré de se défaire au moins de l'étreinte gluante autour de sa gorge mais il n'avait aucune prise sur la matière qui l'enserrait. Une terreur sans nom le prit en comprenant qu'il était totalement impuissant. Il allait certainement mourir ici. Si personne n'arrivait pour l'aider, si aucun héros n'était dans les parages, il allait finir par étouffer pour de bon. Il croyait pouvoir discerner la voix du vilain mais il n'entendait que des sons déformés qu'il ne parvenait pas à comprendre. A cet instant, il se fichait bien de savoir sur quoi pouvait bien monologuer celui qui l'avait pris pour cible. Les battements frénétiques de son cœur se répercutaient dans sa boîte crânienne, devenant de plus en plus lents au fur et à mesure que le temps passait. Ils commençaient à ressembler à un compte à rebours cruel dont Izuku ne connaissait pas la durée mais qui se rapprochait inexorablement de zéro. Izuku n'avait jamais failli se noyer mais il était certain que c'était ainsi qu'il allait mourir. Il aurait voulu lutter plus longtemps. Il aurait voulu pouvoir chasser les ténèbres qui gagnaient du terrain sur sa conscience. A ce stade, il ne savait même pas comment il avait fait pour ne pas s'évanouir. Depuis combien de temps agonisait-il ? Quelques secondes ? Quelques minutes ? Ça ne devait pas faire bien longtemps mais il avait l'impression que ça faisait des heures.
Une douleur lui vrilla soudainement l'épaule. L'instant d'après, Izuku se sentit chuter alors que l'air extérieur lui fouettait le visage. Il tomba au sol sans parvenir à se rattraper, tremblant de toute part. Il entendit une voix forte qui se rapprochait mais n'y prêta pas la moindre attention alors qu'il déversait le contenu de son estomac et de ses poumons sur le bitume. Il lui semblait que tout son corps était en flammes alors qu'il toussait des masses de liquide visqueux. Sa vision était floue et un tam-tam se déchaînait dans sa tête. Péniblement, il réussit à s'appuyer sur ses avant-bras avant que l'envie de vomir de plus belle ne le reprenne. Autour de lui, des ombres colorées s'agitaient mais une seule s'approcha de lui. Des héros ?
L'ombre s'agenouilla devant lui mais elle ne le toucha pas. Cette fois, la voix de son interlocuteur lui parvint accompagnée d'un bourdonnement désagréable. Il ne comprenait pas un mot. Il ne pouvait se concentrer assez longtemps pour forcer les sons qui lui parvenaient à prendre un sens. Une lumière verdâtre dansait dans la périphérie de son champ de vision mais il ne savait pas d'où elle provenait. La voix s'adressa à lui une nouvelle fois mais avant même qu'elle ait terminé, Izuku se sentit tomber de côté. Il sombra avant même que sa tête ne heurte le sol.
Shoto nous rejoint dès le chapitre 3 et Kacchan, le chapitre 4 ou 5. J'avais besoin de poser le cadre avant de les faire intervenir mais ils vont être présents à l'avenir, n'ayez crainte !
N'hésitez pas à laisser un commentaire pour me dire ce que vous avez aimé (ou pas !) dans ce chapitre. Comme n'importe quelle auteure, je suis toujours plus motivée quand j'ai des retours sur ce que je poste. Et c'est une des raisons pour lesquelles le chapitre 1 a mis tant de temps à venir...
