J'ai dû écourter le chapitre parce que je voulais encore en faire trop et je trouve qu'il y a déjà bien assez de nouvelles infos au niveau world-building pour un chapitre. Du coup, à mon grand regret... Shoto n'est pas là. Je sais, je sais... j'avais promis mais le chapitre 4 est en bonne voie et Shoto est dedans donc, voilà... Et pour compenser... il sera touuuuut le temps là dans le chapitre 5. (Pardon, Kacchan, du coup toi aussi, tu recules...)

Je vais devoir retourner dans le chapitre 2 faire des modifications mineures (notamment au niveau de la description du campus), just so you know. Mais rien de bien important.

Je trouve que FF/net manque clairement d'une feature et c'est le fait de pouvoir mettre des tags... vive AO3. Je vais essayer de prévenir en début de chapitre si quelque chose peut être triggering pour quelqu'un. Mais n'hésitez pas à le signaler en commentaire si ce n'est pas le cas. Et, pour info, le TodoDeku et le BakuDeku sont censés... à un moment, loiiiiiiiiin, former un TodoDekuBaku. Aucun des deux ne va outrageusement passer pour le "méchant" de l'histoire entre Shoto et Katsuki.

Voilà, désolée pour la tartine mais j'estime que quelques explications étaient de rigueur ! Bonne lecture ! :)


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Depuis son plus jeune âge, Izuku avait toujours voulu devenir un héros. Ce désir était né en lui en voyant pour la première fois All Might à la télévision alors qu'il n'avait même pas six ans. L'Alter d'Ascendance Terre du héros était incroyable, celui-ci pouvait soulever des charges beaucoup plus lourdes que lui et la force de ses poings lui permettait d'envoyer valser ses ennemis à des kilomètres. Mais le plus impressionnant pour Izuku, c'était la manière admirative dont les gens qu'il sauvait le regardaient. En général, un civil qui se fait attaquer panique et a peur pour sa vie. Mais avec All Might, les gens semblaient de suite plus calmes et moins inquiets. Avec chacune de ses interventions, un grand sourire rassurant aux lèvres, les personnes qu'il venait secourir étaient de plus en plus soulagées dès qu'elles le voyaient arriver. C'en était arrivé à un tel point que les victimes s'estimaient déjà sauvées, seulement en le voyant arriver sur les lieux, sa réplique signature annonçant la fin des problèmes. Il inspirait l'espoir par sa simple présence et les crimes avaient diminué fortement depuis son arrivée chez les Pros.

C'était cette envie de rassurer les gens et de faire de son pays un endroit plus sûr qui l'avait pleinement convaincu qu'il ne pourrait —et ne voudrait— jamais rien faire d'autre de sa vie. Kacchan partageait son ambition et ils avaient passé des heures à imaginer quel nom de héros ils endosseraient. Quels costumes et équipements utiliser ? Ils avaient griffonné avec application, assis à la table du salon de Tantine Mitsuki, utilisant les vieux crayons de couleur dont celle-ci ne se servait plus. Bien qu'usés, ils restaient tout de même de très bonne qualité puisqu'ils provenaient de son travail. En tant que designer dans la mode, la mère de Kacchan était équipée professionnellement pour tout ce qui avait attrait au dessin. Kacchan avait insisté pour utiliser ces crayons spécifiquement parce que, s'ils voulaient devenir de vrais héros, il fallait qu'ils utilisent du matériel de pointe. Izuku avait hoché la tête à vive-allure en l'entendant expliquer son raisonnement pour harceler sa mère jusqu'à ce qu'elle craque. Après tout, c'était parfaitement logique dans leurs têtes d'enfants.

« Waaah, Kacchan… tu as raison ! »

« Tch, ça t'étonne ? J'ai toujours raison, Izuku ! »

C'était à l'époque où Kacchan l'appelait toujours par son prénom. Celle à laquelle il croyait encore être « un peu en retard » pour son âge. Celle où il pensait que son Alter se manifesterait bientôt. A ce moment-là, il était libre d'imaginer ce qu'il voulait pour sa future carrière. Après tout, il ne savait pas encore la nature de son Alter. Il espérait cracher du feu, comme son père avait supposément pu le faire avant lui. Mais peut-être aurait-il été capable de voler ou de faire de la télékinésie, grâce à l'Ascendance de sa mère. Ça lui laissait plein de possibilités pour son Alias et son équipement, contrairement à Kacchan qui avait déjà son Alter et savait déjà s'en servir pour créer de petites explosions. Izuku aurait souhaité que le sien soit d'une quelconque manière complémentaire à celui de son meilleur ami, pour qu'ils puissent former un Duo imbattable.

« Même si ton Alter est nul, on sera les meilleurs de toute façon avec le mien ! »

C'était le genre de souvenirs qui le faisait regretter davantage son amitié avec Kacchan. Mais apparemment, ce dernier était comme les autres. Lui aussi pensait que mieux valait avoir un Alter stupide que de ne pas en avoir du tout… Après qu'Izuku lui ait révélé le résultat de son test d'Alter, Kacchan avait affiché une expression contrariée avant de partir sans lui adresser la parole. Lui qui avait espéré trouver du réconfort après les mots emplis de finalité de sa mère, il n'en avait que plus été blessé. Kacchan n'avait pas arrêté de lui parler après ça, mais il s'était encore plus éloigné de lui. Peut-être avait-il déjà laissé tomber l'idée qu'Izuku ait un Alter avant ça. Ça aurait expliqué pourquoi il était déjà devenu plus froid par moments avant ce jour.

« Vraiment, tu sers à rien… Deku. »

Qu'est-ce que Kacchan penserait maintenant en le voyant ici, à U.A, en pleine inscription pour la filière héroïque ? Et avec un Alter de mutation Foudre en plus ! C'était rare mais apparemment, Izuku n'était pas le seul à avoir un Alter de ce type. Il y avait plusieurs cas dans le monde mais ils étaient peu nombreux et souvent, l'usage qui pouvait en être fait était négligeable. Par exemple, une femme dans la cinquantaine en Inde pouvait provoquer de mini-décharges d'électricité statique en touchant une personne. Si elle n'avait pas été testée positive à son test d'Alter, elle n'aurait jamais su qu'elle en avait un ou du moins, que c'était celui-là. Un enfant en Chine était insensible aux décharges et l'avait découvert en mettant une fourchette dans une prise de courant sans finir carbonisé. En Allemagne, un homme savait allumer une ampoule rien qu'en la prenant en main. Et il y en avait encore d'autres, mais Eraserhead n'avait pas l'air très enclin à lui en dire davantage.

Pourtant, une foule de questions à leur sujet se bousculaient déjà dans la tête d'Izuku. Est-ce que cette femme pouvait utiliser son Alter sur des objets ? Jusqu'à quelle intensité de courant le corps du petit garçon pouvait-il résister avant d'avoir des séquelles ? En avait-il d'ailleurs eu après son expérience avec la prise ? Avait-il ressenti une sensation quelconque à ce moment ? Son corps avait-il juste bloqué le courant comme s'il était recouvert d'un isolant ou bien était-il plutôt un méga conducteur ? S'était-il déjà promené à l'extérieur pendant un o-

―Midoriya.

Le soupir las du héros le coupa dans ses réflexions. Izuku se gratta la nuque en s'excusant, un sourire contrit aux lèvres. Cette réaction fit pousser un nouveau soupir à son interlocuteur, jetant un coup d'œil dépité au ciel étoilé derrière la vitre à sa droite. Il semblait bien plus enclin à aller se coucher qu'à continuer cette discussion. Néanmoins, c'était lui qui avait insisté pour que l'inscription d'Izuku et la signature du contrat de confidentialité soient finalisés ce soir. En effet, pour qu'Izuku soit autorisé à quitter la surveillance d'un membre du personnel de U.A —que ce soit Recovery Girl ou Eraserhead― il était obligatoire qu'il fasse partie du corps étudiant. De cette manière, il serait soumis aux mêmes règles que les lycéens de la section qu'il rejoindrait et serait tenu au secret pour tout ce qu'il pourrait apprendre.

Entrer dans une école comme U.A demandait bien plus de démarches administratives. Il fallait après tout s'assurer que les élèves étaient et resteraient en sécurité. C'était aussi une manière de dissuader des personnes mal intentionnées d'en enlever un pour lui extorquer des informations. Ça ne servirait à rien, la Rune de Silence les empêcherait de dire quoi que ce soit si c'était considéré comme une information confidentielle par le contrat qu'ils avaient signé. Son inscription à Kokuri n'avait pas nécessité d'intervention de sa part. C'était sa mère qui s'en était chargée. Dans un lycée formant la future génération de héros, c'était l'étudiant qui était le plus impliqué et pas ses parents. Ces derniers devaient juste remplir les formulaires et donner les autorisations de base. Dans le cas présent, Izuku n'aurait pas besoin d'autorisation parentale puisque sa mère était introuvable et qu'il avait été amené à U.A pour sa sécurité.

Ça signifiait aussi que, contrairement aux autres étudiants de la filière héroïque, il ne pourrait pas rentrer chez lui les week-ends. Désormais et jusqu'à ce que la situation soit totalement éclaircie, Izuku serait confiné dans l'enceinte du campus.

La décision ne le dérangeait pas outre-mesure. De toute façon, où pourrait-il aller ? Chez lui ? Il n'y avait personne là-bas. Ses grands-parents maternels étaient décédés quand il était petit et il ne connaissait pas ceux du côté de son père. Il n'avait pas de tantes ou d'oncles chez qui loger en attendant le retour de sa mère ―parce qu'elle reviendrait, il en était sûr. Ce n'était donc pas plus mal que l'école lui offre un logement.

Eraserhead ouvrit un des tiroirs de son bureau pour en sortir un étui à stylo. Celui-ci était d'un bleu nuit profond et était décoré d'une gravure dorée représentant la Rune de Silence. Le héros le posa sur le bureau à côté d'une pile de feuilles dont la première était intitulée « Contrat de Confidentialité ». Dans un bâillement sonore, il continua ses explications et Izuku s'efforça de ne plus laisser ses pensées partir en tous sens.

―En tant que possesseur d'un Alter de type mutation Foudre, tu as droit à une prime de l'Etat pour étudier ici. Elle couvre l'entièreté des frais d'hébergement et une partie de ceux de scolarisation. La somme ne devrait pas différer énormément de celle à laquelle ta mère était habituée dans ton ancien établissement.

Bien qu'il n'y ait pas pensé avant, cette information le soulagea. Même s'ils n'avaient pas de problèmes d'argent, ça restait une bonne nouvelle à entendre.

―Pour le moment, tu n'as pas à t'en soucier. Nous verrons par la suite comment procéder au paiement pour cette année.

« Par la suite ». Autrement dit, quand ils en sauraient plus sur l'endroit où se trouvait sa mère. D'heure en heure, l'absence de toute manifestation d'un quelconque ravisseur rendait l'hypothèse d'un enlèvement moins crédible. Ne resteraient ensuite que deux possibilités : soit sa mère était partie de son propre chef soit la personne qui l'avait emmenée ne l'avait pas fait avec Izuku comme objectif. La première option était la plus rassurante et pourtant, Izuku n'arrivait pas à se résoudre à y croire. Il n'y avait pas de raison pour que sa mère se volatilise ainsi, de son plein gré et sans lui…

A moins qu'elle ne soit au courant de quelque chose…

Izuku chassa cette pensée, stupéfait qu'elle ait pu lui traverser l'esprit. Sa mère avait toujours fait ce qui était le mieux pour lui. Elle savait à quel point il voulait devenir un héros et elle avait eu l'air de se sentir tellement coupable qu'il n'ait pas d'Alter. La connaissant, elle croyait certainement que c'était le trop grand écart de générations avec l'un des Quatre de son côté qui avait scellé son destin. Elle s'était excusée inlassablement le soir de son test d'Alter, le serrant dans ses bras avec des yeux baignés de larmes. Lui-même avait pleuré à chaudes larmes pendant des heures après l'avoir vue s'effondrer plutôt que de lui répondre lorsqu'il avait demandé s'il lui serait toujours possible de devenir un héros. Le lendemain matin, il avait rejoint Kacchan au parc pour lui en parler, espérant comme toujours l'entendre dire que ce n'était pas grave. Que de toute manière, ils formeraient le meilleur Duo de Héros qui ait jamais existé rien qu'avec son Alter. C'était idiot, bien sûr… il était impératif d'avoir un Alter, aussi inutile soit-il pour ne serait-ce que s'inscrire dans un cursus héroïque. Cependant, il aurait voulu entendre des encouragements de la part de son meilleur ami, même si c'était d'une manière détournée.

On n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie…

Et il était bien placé pour le savoir.

Mais aujourd'hui, enfin, alors qu'il avait fini par se résigner à son sort, les choses commençaient à aller dans son sens. Il avait un Alter. Il ignorait encore les limites de ce dernier mais il avait pu l'utiliser pour se défendre contre un Vilain. Ça signifiait qu'il avait une chance, à présent. Une chance de faire changer les choses et d'avancer vers son but initial, vers ce qui l'avait toujours motivé dans la vie : marcher dans les pas d'All Might. Dommage cependant qu'il ne puisse pas le faire aux côtés de son ex-meilleur ami…

Sa mère ne lui aurait jamais enlevé cette opportunité. Elle se serait assurée qu'il était en sécurité, bien sûr. Mais elle ne l'aurait pas regardé s'enfoncer dans son chagrin pendant si longtemps sans rien lui dire. Non, si elle avait su pour son Ascendance, elle ne le lui aurait pas caché durant des années. Ou du moins, elle l'aurait mis au courant depuis. Elle ne l'aurait pas encouragé à choisir un lycée principalement fréquenté par des Lumen.

Lorsqu'il avait hésité à s'inscrire à U.A en filière générale, elle lui avait demandé s'il se sentait prêt à côtoyer des aspirants héros tous les jours, sans pouvoir en faire partie. Evidemment, elle avait aussi présenté l'argument que Kacchan serait là lui aussi, et après ce qu'il avait fait…

Ce n'était pas le moment de penser à Kacchan. Ou bien même à ce qu'il s'était passé entre eux avant qu'Izuku déménage. Ça ne l'empêcherait pas de réaliser son rêve. Kacchan devrait se faire à sa présence dans ce lycée. Ils n'allaient peut-être jamais se croiser, de toute façon.

―Deux choix s'offrent à toi, Midoriya. Soit tu rejoins la classe de première année et on peut potentiellement t'exempter des matières que tu as réussies dans ton ancien lycée, à condition que les critères de réussite de notre école soient remplis. Ça te laissera du temps libre pour exercer ton Alter à ton rythme ou bien…

Eraserhead leva les yeux sur lui, le jaugeant pour la énième fois du regard depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Il croisa les bras sur son torse et s'installa dans le fond de sa chaise.

―Tu pourrais rejoindre la classe de seconde… et utiliser les deux semaines qui viennent pour te mettre un tant soit peu à niveau. Ca dépend évidemment de ce que tu as réussi comme matières l'an dernier et de ta motivation à rattraper les cours spécifiques à la filière héroïque.

Izuku se tendit sur son propre siège, à tel point au bord de celui-ci qu'il serait bientôt assis dans le vide s'il s'avançait davantage. Et dans l'état d'excitation où il se trouvait, il ne s'en serait sûrement même pas rendu compte. Ses jambes se mirent à trembler nerveusement quand le Héros poursuivit ses explications avant qu'il puisse poser les questions qui lui brûlaient les lèvres.

―Les cours de « Lois et réglementations héroïques » ne faisaient pas partie de ton programme scolaire mais ici, il est primordial que tu les réussisses. Un Héros qui ne connait pas les lois ne peut pas être envoyé sur le terrain, ni même remplir ses rapports correctement. C'est un danger pour lui-même et pour les autres, et aucun directeur d'agence ne voudra de toi si tu ignores ce que tu as le droit ou non de faire.

Izuku hocha vigoureusement la tête, comprenant parfaitement ce raisonnement. Il connaissait déjà une partie de ces lois, les ayant assimilées avec avidité comme tout ce qui concernait le monde des héros.

―Les première ont septante-huit heures de cours pour voir l'entièreté de la matière requise. Tu pourrais suivre un programme accéléré d'ici la rentrée et passer l'examen à la fin de la première semaine de cours. En plus de ça, tu devras suivre des entraînements physiques pour ne pas être à la traîne dans les cours pratiques. Ce sera difficile, tu n'auras pas l'occasion d'affronter des adversaires variés pour tester tes compétences et créer tes techniques de combat. Tout ce que je peux te proposer c'est de t'entraîner avec un autre élève qui est lui aussi à temps plein sur le campus. Peut-être qu'on pourra trouver un ou deux Pro pour donner un coup de main mais il est fort probable que le timing soit trop serré pour que ça soit possible. Je ne pense pas que tu sois capable de tenir le rythme mais c'est une option…

Tout ça avait l'air difficile et il serait certainement éreinté avant la fin des vacances. Pourtant, Izuku se sentait vibrer sur place face à l'occasion qui lui était offerte. Rejoindre la classe de deuxième allait être un véritable challenge. Il y aurait un écart conséquent à combler entre ses capacités et celles des autres élèves qui avaient eu toute une année pour apprendre à perfectionner leurs Alters. Pire encore, des élèves qui avaient sûrement appris à manier leurs Alters depuis qu'ils étaient tous petits.

Entrer en première lui permettrait d'avancer plus sereinement dans son projet. Mais il était indéniable que l'idée de « perdre » une année uniquement pour les cours pratiques ne l'attrayait pas le moins du monde. En plus, aide de l'Etat ou pas, ça faisait une année scolaire de plus à payer. Une année en plus avant de pouvoir avoir une licence de héros…

—Cela étant, si tu t'engages sur cette voie, sache qu'on ne te fera pas de cadeau. Tu seras logé à la même enseigne que tes camarades. Je suivrai tes progrès de très près et si je juge que tu ne seras pas capable de rattraper ton retard, tu seras envoyé directement dans la classe du dessous. Il n'y aura aucune discussion possible à ce sujet.

Bien qu'Eraserhead soit clairement en train de le mettre en garde, les sourcils froncés et le regard dur, Izuku ne s'était plus senti aussi extatique depuis longtemps. Il avait l'impression de vibrer de l'intérieur alors qu'une jauge imaginaire de joie se remplissait à vitesse grand V. Il ne savait pas ce qui arriverait quand elle serait pleine mais il espérait qu'il serait seul au moment où ça arriverait. Se mettre à hurler comme un possédé —ou pire, à pleurer comme un geyser humain— devant un Héros n'était pas vraiment dans ses projets.

Le Héros en question soupira en voyant sa réaction.

―Mais je suppose que ta décision est déjà prise…

―O-Oui ! S'exclama-t-il, criant presque.

Eraserhead fit une grimace devant son volume sonore et Izuku s'empressa de s'excuser, butant sur ses mots.

―Je vais devoir te faire un horaire pour les deux prochaines semaines mais je peux déjà te dire que tu auras au minimum huit heures de cours, théorique ou pratique, par jour. Les samedis seront peut-être un peu moins chargés pour que tu aies suffisamment de temps pour retravailler ta matière ou préparer tes devoirs de la semaine suivante.

Ses joues commençaient à lui faire mal à force de sourire autant. Il devait avoir l'air totalement stupide mais il s'en fichait bien. Il allait entrer à U.A, en seconde, s'il y mettait les efforts nécessaires ! C'était certainement le plus beau jour de sa vie, abstraction faite de l'attaque de Sludge le matin-même.

―Bien, tu vas pouvoir signer tes documents d'inscription et moi… (il bailla à s'en décrocher la mâchoire) Je vais pouvoir aller me coucher.

Izuku bondit sur le formulaire dès qu'il fut à sa portée. Son empressement lui fit oublier que la chaise sur laquelle il était assis de manière précaire ne le suivrait pas d'elle-même dans son déplacement. Pendant un instant, Izuku fut pris de panique en se sentant chuter vers le sol mais il parvint à se rattraper de justesse au bureau en laissant échapper un petit cri aigu. Eraserhead haussa un sourcil, visiblement peu impressionné. Avant que ce dernier ne change d'avis sur sa capacité à entreprendre une carrière héroïque, Izuku tira sa chaise vers lui et s'installa correctement sur l'assise avant de se munir du stylo le plus proche.

―Nous verrons plus tard pour le design de ton costume et de ton équipement. Précisa le Héros en le voyant hésiter sur les passages à ce sujet. De même pour ton Alter. Vu que tu viens de le découvrir, il te sera difficile de parler de ses spécificités.

―D'accord !

―Indique simplement ton Ascendance sur le document et on y reviendra un autre jour.

Izuku hocha la tête en s'exécutant puis signa son nom dans l'espace prévu. Il rendit ensuite les documents à Eraserhead qui lui tendit le certificat de confidentialité en échange.

―Lis-le attentivement parce qu'une fois qu'il sera signé, tu ne pourras plus changer d'avis.

―Je sais, murmura-t-il, déjà plongé dans sa lecture.

Dans ce monde, les contrats qui servaient à protéger des informations, ou des personnes, étaient toujours signés et scellés grâce à la Rune de Silence. Une double-mesure de sécurité était souvent utilisée, même si juste apposer la Rune sur la personne à qui on veut faire garder le silence fonctionnait parfaitement. Cependant, les établissements qui tenaient absolument à s'assurer que le moins de failles possible existent dans leurs contrats faisaient usage d'un Serment du Sang. Ce n'était pas aussi terrible que ce que le nom pouvait laisser entendre.

L'étudiant s'engage, dès aujourd'hui et jusqu'à ce qu'il soit libéré de ce contrat ―par la mort ou par la dissolution de celui-ci par l'autorité compétente―, à ne pas révéler d'informations à une personne extérieure au lycée U.A concernant :

- Le contenu exact des cours qui lui sont dispensés à lui, ainsi qu'aux autres élèves de l'établissement ;

- L'horaire et l'emplacement des cours si ceux-ci ont lieu hors de l'enceinte de U.A

- Le contenu des examens et la manière dont les compétences sont évaluées lors de ceux-ci

- La venue d'un invité/visiteur ayant en sa possession une licence de Héros, que celle-ci soit toujours active ou non

- L'identité civile des membres du corps enseignant ainsi que les spécificités de leurs Alters (Ascendance, points faibles, techniques, fonctionnement)

Cette ligne lui fit jeter un coup d'œil vers Eraserhead, sans relever la tête. C'était très certainement pour cette raison que le Héros ne s'était pas présenté sous son vrai nom jusqu'à présent. Beaucoup de héros préféraient garder l'anonymat alors c'était plus simple d'introduire une règle générale dans le règlement que de procéder au cas par cas.

Tout ça était tout à fait logique pour un lycée proposant un cursus héroïque. Le contrat en soi protégeait et l'école, et les élèves. Si ces derniers avaient de mauvaises intentions, ils ne pourraient pas faire grand-chose de ce qu'ils auraient appris à U.A. Mais aussi, puisque l'utilisation des Serments du Sang étaient connue de tous, ça dissuadait les personnes malveillantes d'enlever un étudiant pour lui extorquer des informations.

La Rune de Silence provoquait des réactions physiques plus ou moins douloureuses si on essayait de la contourner. De même, si vous commenciez à parler d'un sujet tabou sans vous rendre compte que vous étiez sur une pente glissante, la Rune se chargeait de vous le rappeler. L'efficacité de celle-ci était sans faille, tenter d'en contrer les effets pouvait vous rendre muet jusqu'à la fin de votre vie. Le procédé n'avait rien à voir avec une simple extinction totale de voix. Avant qu'elle ne disparaisse, la Rune prenait soin de vous lacérer les cordes vocales sans ménagement. C'était pour cette raison que la Rune du Silence ressemblait à une couronne de ronces acérées. Néanmoins, cette dernière n'agissait pas que sur les transgressions orales. Si les règles de base étaient formulées correctement, il était alors impossible d'écrire l'information à protéger ou même de la taper sur un clavier.

C'était le cas pour le contrat qu'il avait sous les yeux. Une fois qu'il serait signé, Izuku serait tenu au silence jusqu'à ce qu'il soit brisé ou que les conditions de sa validité soient arrivées à terme. Mais pour qu'il soit possible de le briser totalement, il faudrait déjà qu'Izuku rencontre son AS…

- Les liens d'Ame Sœur, scellés ou non, entre au moins un individu faisant partie de l'établissement (quel que soit son statut : élève, professeur, …) et une autre personne, que celle-ci soit externe à U.A ou non.

Encore une fois, c'était parfaitement compréhensible. Révéler qui était l'AS d'une personne pouvait les mettre toutes les deux en danger. Un vilain ferait grand cas de ce genre de renseignements, surtout si l'une des deux personnes était un Héros. Si un lien était scellé, tuer l'AS de quelqu'un vous assurait une victoire écrasante. En effet, la douleur de perdre son Ame Sœur était telle que bien souvent, la personne mourrait elle aussi sur le coup. Il y avait des cas particuliers, bien sûr… mais dans nonante-trois pourcents des cas, le choc était fatal.

- La présence sur le campus de U.A de quiconque possédant un Alter découlant d'une autre Ascendance que celles de types Feu, Eau, Terre ou Air de manière directe.

Ce point lui aurait semblé étrange s'il ne s'était pas trouvé dans la situation actuelle. Bien que ça ne soit pas mentionné clairement, il n'était pas possible pour quelqu'un qui aurait signé ce contrat de mentionner l'existence d'une personne ayant une Ascendance Givre, Foudre ou de mutation. Les Ascendances mixtes étaient considérées comme telles. Elles étaient le fruit d'un mélange entre les caractéristiques de deux Ascendances ou plus, et non pas une « mutation » quelconque. Il n'y avait donc aucune restriction quant à elles.

Ils restaient d'autres règles à respecter qui étaient toutes valides selon Izuku. Satisfait, il hocha la tête une dernière fois avant de se redresser pour montrer à Eraserhead qu'il avait terminé. Celui-ci semblait avoir anticipé le moment où il avait fini de lire car il avait déjà poussé le boîtier surplombé de la Rune de Silence jusqu'à lui. Les cercles sombres sous les yeux du Héros étaient tellement profonds qu'il avait l'air de ne plus avoir su dormir depuis des jours. Il bailla avant de s'enfoncer confortablement dans sa chaise de bureau. Sa posture aurait pu paraître désintéressée mais la manière dont il fixait avec attention les gestes d'Izuku et ses épaules crispées, montraient qu'il observait scrupuleusement ce qu'il allait faire. Il faudrait certainement un bon moment avant qu'Eraserhead ne lui fasse confiance, bien qu'il n'ait rien fait qui puisse l'en dissuader jusqu'ici.

Izuku ouvrit le boitier et en sortit le stylo plume avec précaution. Sur la plume, à la place du jour en forme de cercle —comme sur les stylos habituels—, se trouvait la Rune de Silence. Elle était minuscule mais on pouvait toujours voir la forme d'un cercle de ronces. Au bout du stylo se trouvait un bouton poussoir qui devait certainement renfermer une aiguille fine comme un cheveu. Quand Izuku le pressa, il s'attendait déjà à la piqûre qui transperça légèrement son pouce. Le sang qui s'en échappa coula directement dans le réservoir d'encre avant de venir imprégner la plume. Izuku laissa son doigt appuyé quelques secondes pour qu'une quantité suffisante de liquide soit prélevée avant de relâcher la pression.

―Tiens. Dit Eraserhead en lui tendant un mouchoir en papier.

Izuku le remercia avant d'essuyer son pouce pour éviter de faire des taches de sang un peu partout. Il se dépêcha de signer son nom au bas du contrat avant que le sang se remette à couler. Dès l'écriture de la première lettre de son nom de famille, Izuku commença une ressentir une gêne au niveau de sa gorge. Sachant qu'il s'agissait d'un des effets normaux du Serment, il poursuivit son écriture sans s'arrêter. La gêne se transforma bien vite en une légère irritation accompagnée d'une sensation de chaleur désagréable mais facile à supporter. Chaque effleurement du stylo sur la feuille semblait se répercuter à l'intérieur de sa gorge, amenant avec lui un goût métallique qu'Izuku identifia rapidement comme celui de son propre sang.

Lorsqu'il eut fini de tracer la dernière lettre, seul le goût de celui-ci lui resta dans le fond de la bouche. Il reposa le stylo sur le bureau et leva les yeux de nouveau vers Eraserhead. Ce dernier avait l'air prêt à s'endormir sur sa chaise, sa posture plus détendue qu'un instant auparavant.

―Midoriya Izuku, tu es officiellement élève de U.A. Mon nom est Aizawa Shota et je serai ton professeur principal, que tu entres en première ou en seconde.

―Merci, Monsieur Aizawa. Répondit-il, le cœur battant à tout rompre. Je ferai de mon mieux !

―On verra. Mais maintenant, il est temps d'aller se coucher.

Le lendemain, le labeur commencerait. Mais tout de suite, Izuku n'arrivait à penser qu'à une et une seule chose : il allait finalement pouvoir devenir un Héros.

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Après avoir donné sa taille de vêtements à Eraserhead ―Aizawa, il faudrait le temps qu'il s'y habitue― pour la commande de son uniforme, ce dernier l'accompagna à son dortoir d'un pas traînant. Le professeur semblait s'endormir sur place et fixait le bâtiment au loin, les yeux à moitié clos. Il avait commencé par avancer d'un bon pas vers les dortoirs mais avait ralenti au fur et à mesure. Tous les dix pas environ, il accélérait de nouveau sur quelques mètres avant de freiner l'allure. Aizawa paraissait frustré, visiblement tiraillé entre l'envie d'en finir au plus vite et celle de sombrer là où il se tenait. Izuku ignorait si c'était normal pour Aizawa ou si quelque chose en particulier avait provoqué cet état de fatigue poussé. Le Héros n'apparaissait jamais à la télévision, sauf pendant le festival de U.A mais toujours sous son identité héroïque, jamais en civil. Izuku pensa brièvement qu'il lui faudrait compléter ses notes avec ce qu'il avait pu apprendre aujourd'hui, aussi peu que ça puisse être.

Un énième bâillement d'Aizawa en provoqua un chez lui aussi. Bien que l'excitation de ces dernières heures reste toujours présente en lui, il commençait à sentir le sommeil le gagner à son tour. Il avait pourtant passé la majorité de la journée à dormir. Cependant, son corps ne paraissait s'en soucier que très peu vu la lourdeur qui s'installait petit à petit dans ses membres. Le rythme lent qu'ils entretenaient pour rejoindre leur destination n'aidait pas à le redynamiser. Les lampadaires entourant le terrain de sport baignaient le chemin d'une lumière jaunâtre et seul le bruit du vent secouant les feuilles des arbres par intermittence régnait. Le silence entre les deux marcheurs poussait le cerveau d'Izuku à se mettre en veille, ayant déjà bien assez chauffé pendant la journée. Il bailla de nouveau, une main devant la bouche.

Encore un peu de patience et ils atteindraient les dortoirs de la filière héroïque. Les façades des deux bâtiments étaient partiellement recouvertes d'une plante grimpante dotée de feuilles presque aussi grandes que la main d'Izuku. Celle-ci évitait soigneusement les fenêtres des cinq étages ―rez-de-chaussée compris― et continuait sa route jusqu'au toit. U.A était sous la protection de Daichi. Ce dernier avait laissé plusieurs présents à l'établissement, tous sous le signe de la Terre. Cette plante en faisait partie. Elle n'envahissait pas plus d'espace que nécessaire et n'empêchait pas la lumière de rentrer dans les pièces. Elle n'avait pas non plus besoin d'être entretenue, elle le faisait très bien elle-même. Izuku se promit de l'observer de plus près dès qu'il aurait un moment libre.

Les deux bâtisses se faisaient face, séparées par un petit parc qui était présentement plongé dans l'obscurité. Aizawa contourna celui-ci par la gauche, se dirigeant vers le dortoir qui se trouvait de ce côté.

Au rez-de-chaussée, trois portes vitrées à double-battant se trouvaient à distance égale les unes des autres. Chacune d'elle devait donner sur une partie séparée du bâtiment. La première sur le dortoir des première et ainsi de suite. Aizawa avança en direction de la porte au centre. Là, un petit écriteau métallique au-dessus de l'entrée sur lequel était écrit distinctement « 2-A » confirma son hypothèse. Il n'y avait aucune lumière à l'intérieur qui puisse indiquer que quelqu'un était là mais ce n'était pas étonnant vu qu'on était en pleine période de congé scolaire. De toute façon, U.A devait sûrement avoir mis en place un couvre-feu et à cette heure-ci, il aurait été largement dépassé. La fatigue croissante d'Izuku lui fit ignorer ce qu'impliquait cet écriteau sur ses futurs camarades de classes.

Aizawa ouvrit la porte à l'aide d'une badgeuse sur le côté de celle-ci et d'un code qu'il prit soin de taper en se mettant dans l'angle optimal pour cacher le clavier numérique à Izuku.

―Demain tu recevras une carte d'étudiant qui te permettra d'entrer et sortir du bâtiment sans être accompagné. D'ici là, ce sera moi qui viendrai te chercher moi-même. Tu m'attendras dans le hall à huit heures demain matin pour ton premier cours théorique. Si tu n'es pas capable de respecter cette consigne, on va avoir un problème, toi et moi.

Izuku hocha la tête rapidement en sentant l'irritation naissante que laissait filtrer la voix de son professeur. L'œillade appuyée que celui-ci lui lança par-dessus son épaule en franchissant le seuil acheva de le convaincre que la menace était réelle. Le genkan était plongé dans l'obscurité mais la lumière du lampadaire le plus proche éclairait légèrement un meuble à casiers destiné à accueillir des chaussures. Lorsqu'Aizawa appuya sur l'interrupteur pour allumer les néons du plafonnier, Izuku s'aperçut que des emplacements en plastique transparents se trouvaient devant chaque case. La dernière rangée, à ras du sol, avait été complétée avec des étiquettes « visiteurs ». Des pantoufles blanches basiques étaient mises à disposition.

Retirant ses chaussures, assis sur la marche qui séparait le genkan du hall à proprement parler, Izuku hésita brièvement sur l'endroit où mettre les siennes. L'année scolaire n'avait pas encore commencé, il ne pouvait donc pas encore y avoir de place attitrée. Pourtant, en observant avec plus d'attention, il remarqua une paire de baskets blanches dans le tout premier emplacement du meuble. C'était peut-être un oubli, vu qu'aucune étiquette nominative n'indiquait l'appartenance de ce casier.

Aizawa suivit son regard en venant mettre ses propres chaussures dans une des cases du fond. Izuku s'attendait à ce qu'il fasse un commentaire mais le Héros se contenta d'enfiler une paire de pantoufles, les remplaçant par ses chaussures de ville. Il se redressa avant de se mettre des gouttes dans les yeux et, pour la énième fois, laissa échapper un bâillement. Sentant la fatigue s'installer de minute en minute, Izuku s'empressa d'imiter son professeur. Lorsqu'il se releva, Aizawa était déjà en train de s'enfoncer davantage à l'intérieur, ayant déjà presque disparu au détour du mur qui devait séparer le hall des pièces à vivre. Izuku le suivit d'un pas hésitant. C'était excitant de découvrir l'endroit où il allait passer la prochaine année scolaire, encore plus en pensant qu'il allait fréquenter de jeunes héros en apprentissage qui avaient déjà suivi un an de formation. Mais en même temps, c'était aussi ce dernier point qui était stressant…

La première pièce qui se présenta à lui lorsque la lumière principale fut allumée était un salon de grande taille meublé de quatre canapés de trois places formant un « U » avec au centre une grande table basse en bois laqué. Un long meuble de TV se trouvait contre un muret qui séparait le living d'une cuisine de taille moyenne. Les murs étaient peints dans un jaune pâle discret et le sol en parquet brillait comme s'il venait d'être traité récemment, ce qui était fort possible vu l'odeur de cire qui régnait dans l'air. Celle-ci était accompagnée de notes fraiches et une senteur de fleurs se mélangeait aux autres, rappelant à Izuku les jours de grand ménage de printemps chez lui. Il eut une pensée pour sa mère, l'inquiétude s'agitant tel un serpent dans son estomac.

Aizawa agita vaguement le bras en direction de la cuisine.

―Les étudiants laissent généralement de la nourriture dans les placards. Si ce n'est pas périssable, le personnel d'entretien n'y touche pas. Il doit aussi y avoir des aliments dans le réfrigérateur. Ne prends rien qui se trouve dans un Tupperware ou dans le haut de la porte.

Ce dernier point interloqua Izuku. Pourquoi y avait-il de la nourriture dans le frigo et surtout dans des plats ? Il devait certainement s'agir de plats déjà préparés ou d'aliments qui pouvaient sécher s'ils n'étaient pas emballés.

Izuku repensa aux chaussures dans le genkan et à la mystérieuse personne dont Aizawa avait parlé pour l'aider à s'entraîner. Peut-être croiserait-il l'élève à qui appartenait tout ça le lendemain matin ?

―Tu trouveras de quoi déjeuner demain matin. On s'organisera pour le reste ensuite.

Soulevant à peine les pieds du parquet, Aizawa traversa le salon et s'engouffra dans un hall qui débouchait sur deux ascenseurs et deux portes surmontées d'un panneau qui indiquait la présence d'escaliers de part et d'autre. Aizawa se dirigea vers l'ascenseur de gauche et appuya sur le bouton pour appeler la cabine. Celle-ci ne tarda pas à descendre pour venir les chercher et Izuku nota distraitement qu'elle venait du quatrième étage selon le chiffre lumineux indiqué sur l'écran au-dessus des portes.

Aizawa sélectionna le premier étage parmi les chiffres de zéro à quatre qui étaient proposés. Vu son état, le choix de prendre l'ascenseur plutôt que les escaliers n'étonna pas Izuku.

Le couloir était perpendiculaire à l'ascenseur et était couvert d'une moquette couleur grenat. Celle-ci était impeccable et les murs étaient peints de la même couleur jaune pâle qu'au rez-de-chaussée. Quatre portes en bois clair se tenaient à distance égale l'une de l'autre sur le mur d'en face. Chacune d'elle possédait une petite ardoise blanche sur la droite à laquelle était attachée un marqueur noir. Aucun nom n'était encore indiqué sur l'une d'elle. Aizawa s'avanca vers la première porte sur la droite, celle qui portait le numéro trois. Il sortit une clé de sa poche et la tendit à Izuku.

―Ce sera ta chambre jusqu'à ton évaluation. Selon tes résultats, tu l'utiliseras jusqu'à la fin de l'année ou tu déménageras dans le dortoir des premières.

―D'accord, acquiesça-t-il en prenant la clé.

Ils restèrent un instant immobiles devant la porte.

―On n'a pas toute la nuit, Midoriya.

―Oh, euh, oui ! Pardon !

Il s'empressa d'ouvrir la porte, manquant au passage de faire tomber la clé qu'il rattrapa de justesse. L'interrupteur se trouvait sur sa droite à l'intérieur. La pièce était de taille moyenne, assez de place pour le lit d'une personne qu'y se trouvait dans un coin et un bureau sous la fenêtre. Une penderie à deux portes occupait le mur opposé au lit. Il n'y avait rien de plus dans la pièce, à part des rideaux de couleur crème qui paraissaient très opaques. Les murs étaient encore vierges.

―Tu auras le droit de décorer comme tu l'entends mais tout doit être dans cet état quand tu quitteras la chambre.

Izuku l'écouta d'une oreille distraite, établissant déjà une liste de ce dont il aurait besoin pour l'année. Il lui faudrait des draps, vu que seul le matelas était déjà fourni. Des vêtements, naturellement. Comme il avait l'habitude d'étudier assis par terre en général quand il avait besoin d'écrire, il lui faudrait le tapis et la table basse qui se trouvaient dans sa chambre à la maison. Un ou deux coussins supplémentaires ne pourraient pas faire de tort, surtout celui avec la housse collector du costume de l'Age d'Argent d'All Might. Sa chaise de bureau serait aussi bien plus confortable que celle en bois qui était déjà là. Il faudrait qu'il la récupère. Il lui faudrait aussi un matériel de toilette mais il avait déjà ce qu'il fallait à la maison. Ses cahiers. Oui, il faudrait qu'il ramène ses cahiers de notes !

―Je sens que ça va vite devenir lassant, grommela Aizawa, le ramenant à la réalité.

Le professeur était en train de se pincer l'arête du nez d'une main, l'air profondément dépité.

Ah… les marmonnements…

Izuku se frotta la nuque, les épaules rentrées. Ça ne risquait pas de s'améliorer tant qu'il n'aurait pas eu une bonne nuit de sommeil.

―Extinction des feux pour les parties communes à vingt-deux heures. Tu es libre d'aller te coucher à l'heure que tu veux, du moment que tu restes dans ta chambre et que tu ne fais pas de bruit qui pourrait déranger tes camarades. L'isolation des murs a été pensée pour les personnes ayant un Alter qui rend leur ouïe plus fine… mais n'en abuse pas.

Il lui lança un regard appuyé dont la signification lui échappa.

―Personne n'est censé se balader après cette heure-là. Et personne n'est autorisé à rester dans la chambre d'un autre élève une fois ce délai dépassé. Ce qui ne veut pas pour autant dire que tout est permis pendant le reste du temps.

Izuku repensa au règlement concernant les comportements à adopter et proscrire dans les dortoirs. Notamment les consignes concernant les rapports entre les étudiants. L'insinuation le fit rougir jusqu'à la racine de ses cheveux plus vite qu'il ne l'aurait cru possible. Ce n'était pas le genre de conversation qu'il tenait à avoir avec un Héros Pro et encore moins avec un de ses professeurs.

―Bien sûr, répondit-il en manquant de s'étouffer avec sa propre salive.

―Hn… Soit. Il y a une salle de bains à chaque étage, une du côté des garçons et une du côté des filles.

Le deuxième ascenseur dans le hall devait mener à cette partie.

―Si tu perds cette clé (il l'indiqua du doigt), signale-le rapidement à un professeur. Mais fais-y attention, si tu l'égares trop souvent, tu devras te contenter de laisser ta chambre déverrouillée. Un robot ménager viendra te réveiller et t'apporter une tenue de sport demain vers sept heures. C'est tout ce qu'on a en stock.

S'en suivirent encore quelques explications sur le fonctionnement des dortoirs puis Aizawa s'éclipsa pour aller se coucher, sans oublier de lui rappeler une dernière fois d'être prêt à l'heure le lendemain.

Izuku jeta un dernier regard autour de lui avant d'aller éteindre la lampe. Il avança prudemment dans l'obscurité, voulant éviter de se cogner l'orteil contre le pied du lit en y arrivant. Arrivé à bon port, il se laissa tomber lourdement sur le matelas, les derniers événements lui revenant en mémoire comme un vieux film qu'on aurait mis sur avance rapide.

Après tout ce temps, toutes ces années à se faire une raison. Toutes ces années à penser qu'il ne serait jamais assez bien, qu'il était défectueux en tant qu'être vivant… Toutes les larmes qu'il avait pu verser à cause de son absence d'Alter… Les regards coupables de sa mère qui devait certainement croire que c'était sa faute s'il était ainsi. Les moqueries des autres enfants alors qu'ils vivaient encore à Musutafu lorsqu'ils avaient compris qu'Izuku n'était pas comme eux, qu'il ne le serait jamais. La distance grandissante qui s'était installée entre Kacchan et lui jusqu'à ce que ce dernier en vienne à le harceler régulièrement. Le moment où Kacchan avait décrété qu'il ne servait à rien, allant jusqu'à l'annoncer devant l'entièreté de leur classe de primaire. Le surnom qui l'avait accompagné pendant les années qui suivirent.

Tout ça allait changer. A présent, il avait un Alter. Ça n'effacerait pas tout ce qui s'était passé. Ça n'effacerait pas non plus tout ce qu'il avait pu endurer avant qu'il se manifeste. Mais Izuku comptait bien en tirer le meilleur parti à partir d'aujourd'hui.

C'était sur cette dernière pensée qu'il sombra dans un sommeil sans rêve.

.

Izuku enroula la serviette autour de sa taille, faisant un nœud rapide au niveau de sa hanche avant de vérifier que celui-ci tenait bien. Il ouvrit la porte de sa cabine de douche, laissant sortir avec lui un nuage de vapeur chaude et le laissant frissonnant sous la différence de température. Il avait frotté avec application chaque recoin de son corps, se souvenant de la sensation dégoutante du liquide visqueux qui composait Sludge sur sa peau. Il avait pris soin de ne pas mettre son visage directement sous le jet, n'étant pas à l'aise avec la possibilité d'avaler de l'eau par le nez ou la bouche.

S'il n'avait pas déjà eu la chair de poule à cause du froid de la pièce, il l'aurait certainement eu maintenant. Il était préférable qu'il range ses souvenirs de l'attaque au fond d'un tiroir pour le moment. Mais ce serait sûrement plus facile à dire qu'à faire…

Ne voulant pas perdre de temps, Izuku s'avança jusqu'à la tenue de sport qui lui avait été fournie à son réveil, laissant derrière lui une trainée d'eau. Il aurait certainement glissé dans son empressement si le carrelage n'avait pas été couvert d'un relief antidérapant.

C'était bizarre de se laver ici. Tout était si propre et épuré. La majorité de la pièce était dans des tons gris, ce qui laissait penser à Izuku qu'ils devaient en fait être bleus, ou du moins en partie. Les établissements qui accueillaient uniquement des Ignae utilisaient rarement la couleur grise pour d'autres surfaces que le sol. Le but était bien évidemment de mettre le plus à l'aise possible les personnes qui n'avaient pas encore rencontré leur AS. Ça diminuait drastiquement les possibilités de révéler sa Couleur par mégarde. Il fallait cependant rester vigilant dans la vie de tous les jours, à l'extérieur. Dans son ancien lycée, on ne prêtait pas tellement d'attention à ce point. En début d'année, il avait passé beaucoup de temps à se demander si ce qu'il voyait comme gris l'était vraiment. Pour éviter tout problème, il s'était appliqué à ne plus utiliser la couleur d'un objet pour le décrire.

Il doit y avoir beaucoup d'autres personnes qui ont la même Couleur que moi à U.A. Je me demande si beaucoup de gens de ma classe ont déjà trouvé leur AS… Peut-être même qu'il y a des Paires entre les élèves ! Est-ce qu'ils auront déjà scellé leur lien ou est-ce qu'ils attendent de finir le lycée, si c'est le cas ? Je me demande si ce sera facile de reconnaître les Paires existantes. Tout le monde se connait depuis déjà un an, ils sont sûrement à l'aise entre eux depuis le temps alors peut-être que ça ne pose de problème à personne de s'afficher-

Izuku secoua la tête vivement. Son essuie était toujours posé autour de sa nuque qu'il avait visiblement arrêté de frotter quelque part au milieu de son monologue intérieur. Il l'attrapa pour se sécher un minimum les cheveux avant de s'habiller. Le connaissant, il avait sûrement marmonné tout ça à voix basse. Heureusement, pour le moment, personne ne partageait cet étage avec lui. Il faudrait qu'il fasse attention à cette habitude quand il aurait des colocataires. Après tout, même si Namigawa s'en accommodait très bien, elle ne plaisait pas à grand monde en général. Kacchan s'était toujours moqué de lui quand il commençait à murmurer frénétiquement ses propres réflexions, mais ce n'était pas vraiment méchamment. Du moins, pas au début. La dernière fois qu'Izuku avait marmonné ainsi en présence de Kacchan, celui-ci avait carbonisé en grande partie la première page de son cahier de notes. Tout ça avant de le lancer par la fenêtre et de partir, sans un regard en arrière. Le cahier avait atterri trois étages plus bas dans la fontaine et Izuku avait mis des heures à le sécher avec un sèche-cheveux. Certains passages étaient à présent illisibles mais il l'avait quand même conservé aussi précieusement que les autres volumes.

Une fois habillé, Izuku s'observa rapidement dans l'énorme miroir qui faisait la largeur des quatre éviers en faïence blanche à disposition. Ses cheveux verts partaient dans tous les sens, ébouriffés par ses frottements pressés avec l'essuie de bain. Son teint était légèrement pâle, faisant ressortir un peu plus ses taches de rousseur ―comme si c'était nécessaire. Dans son ancienne école, tout le monde disait toujours qu'il était banal, qu'il ne se démarquait pas dans la foule. Du moins, s'il restait immobile et silencieux. Il ne comprenait pas vraiment ce qui avait pu plaire à Namigawa chez lui. Sûrement sa personnalité, plus que son apparence.

Ignorant combien de temps il lui restait pour finir de se préparer, il ramassa ses affaires et partit les remettre dans sa nouvelle chambre, pliées sur son bureau. Le robot-ménager lui avait dit qu'il était sept heures lorsqu'il l'avait réveillé. Il n'avait pas trop traîné dans la douche alors il devait lui rester une grosse demi-heure.

Une fois dans la cuisine, Izuku n'eut d'autre choix que de fouiller les placards à la recherche de quelque chose à manger. La plupart étaient vides mais celui en hauteur le plus proche du frigo et par la même occasion, le plus éloigné de la plaque de cuisson, contenait quelques provisions. Notamment du riz complet, des boîtes de sardines à l'huile et des boîtes de poudre pour des shakes de protéines. Un rapide coup d'œil dans le frigo lui révéla qu'il n'y avait, comme il s'y attendait, pas de lait. La dernière option était donc écartée, même si elle lui aurait fait économiser du temps.

Il s'empara d'une casserole dans le meuble près de l'évier et la remplit d'eau pour cuire le riz. Il y avait peut-être un autocuiseur quelque part mais l'horloge du salon annonçait déjà sept heures trente-cinq. Il devrait se dépêcher de manger pour être dans les temps mais c'était mieux que ne pas manger du tout.

Pendant que l'eau chauffait, Izuku n'avait rien à faire. Il avait déjà sorti un bol et des baguettes jetables ainsi qu'une passoire. Une boîte de sardines attendait bien sagement sur la table, avec tout le reste. Sans téléphone, il était incapable de consulter les nouvelles en ligne comme il le faisait chaque matin en déjeunant. Aussi, il se dirigea vers la télévision et s'installa dans le salon avec la télécommande. La chaîne des informations locales n'avait pas grand-chose d'intéressant à dire.

Quand son repas fut enfin prêt, Izuku revint se poser sur le canapé, son bol de riz couvert de sardines à la main. Une retransmission d'une interview du Héros Endeavor attira son attention. Elle datait de deux jours plus tôt et parlait d'une grosse attaque de Vilains qui avait eu lieu à Tokyo et à laquelle Endeavor avait participé. Izuku avait déjà vu les nombreuses vidéos qui étaient parues sur le net sur le sujet mais il n'avait pu que lire le résumé de l'interview qui était en train de passer.

Endeavor était le numéro deux au classement national des héros mais l'écart entre son score et celui d'All Might était tout de même conséquent. En plus d'avoir un nombre d'arrestations de Vilains impressionnant, All Might était adulé pour son attitude joviale et rassurante. Il souriait tout le temps et se montrait toujours très poli et disponible pour ses fans ainsi que les autres civils. Il n'hésitait jamais à apporter son aide, même si c'était pour décoincer un chat dans un arbre ou aider une personne âgée à traverser la rue. Izuku ne comptait plus nombre de photos ou de témoignages qui relataient des faits de ce genre sur les forums.

Au contraire, Endeavor se montrait généralement froid devant les caméras et évitait les rassemblements de fans. De nombreuses personnes s'étaient déjà plaintes de sa manière de traiter le public. Il refusait les autographes et dédaignait les conventions de Héros où il pourrait rencontrer ses fans. Son regard était généralement méprisant, comme si son interlocuteur ne valait pas la peine qu'il lui adresse la parole. C'était un gros point négatif chez lui mais qui était contrebalancé en partie par le fait que son passé était connu publiquement. Les gens étaient bien plus compréhensifs envers lui, sachant qu'il avait perdu son AS peu après qu'il ait été diplômé de U.A. Leur lien avait déjà été scellé depuis quelques années et c'était un miracle qu'Endeavor soit encore vivant et capable d'assumer ses fonctions héroïques à ce jour.

Le père d'Izuku avait beau être l'AS de sa mère, ces derniers n'avaient pas encore scellé leur lien au moment de son décès. Ils pensaient être trop jeunes et attendaient, comme beaucoup de personnes de cette génération, de se marier pour échanger leur premier baiser. En règle générale, de nos jours, peu de gens procédaient encore de cette manière. Ils attendaient d'être au lycée, par exemple, mais rarement plus longtemps. S'ils se rencontraient après cette période, le moment dépendait plus de la manière de penser du couple.

Perdre son AS avec un lien déjà consolidé, c'était comme perdre une partie de soi-même. Vous n'en reveniez jamais le même, et le plus souvent, vous n'en reveniez pas du tout. La mort de l'autre parti arrivait dans les minutes qui suivaient ou, dans de rares cas, il tombait dans un profond coma dont il ne se réveillerait jamais. Endeavor avait en effet été hospitalisé et était resté comateux pendant plusieurs mois. Mais il s'était réveillé. D'après ses proches, il n'était plus le même homme qu'avant l'accident. Sa volonté d'être un Héros n'avait pour autant pas été entamée par la perte tragique qu'il avait subie. C'était ça, cette force d'esprit et son efficacité sur le terrain, qui lui valaient son statut de numéro deux.

Bien qu'Izuku ne soit pas vraiment un fan d'Endeavor, il pouvait admirer ça chez lui. Il ne connaissait pas encore son AS, mais il était presque sûr qu'il ne pourrait pas survivre dans ces conditions. Le lien amenait plusieurs avantages qui permettaient de renforcer la connexion entre les deux personnes qui le partageaient. Par exemple, la capacité de sentir les émotions de son AS, parfois même de lire dans ses pensées ―après des décennies passées ensemble― ou bien de savoir la retrouver aisément même sur de grandes distances. Il était difficile d'imaginer qu'après avoir eu tout ça, on puisse supporter de se retrouver seul.

―Tu es en retard.

La présence dans son dos le fit sursauter, faisant valser ses baguettes au passage. Elles atterrirent sur le tapis et son bol vide oscilla légèrement sur la table avant de se stabiliser.

Eraserhead le regardait, les bras croisés, un sourcil arqué. Izuku ignorait si c'était sa maladresse qui lui valait cette expression très peu impressionnée ou si c'était le cri aigu qui l'avait accompagnée. Qu'importe la raison, il se mit à rougir en ramassant rapidement toutes ses affaires pour aller les poser dans l'évier. Il ferait la vaisselle plus tard, en revenant des cours. Quand il revint dans le salon, Aizawa regardait Endeavor à l'écran, une lueur insondable au fond des yeux et la posture raide. Il éteignit lui-même la télévision avant de lui dire de se remuer.

.

La matinée passa rapidement. Aizawa avait organisé son planning pour qu'il puisse apprendre un maximum de choses avant la rentrée scolaire. Ça lui laissait deux semaines pour rattraper un retard d'un an. Heureusement, en première année, le cours de « Lois et réglementations héroïques » ne représentait qu'une heure par semaine. Il s'agissait plus d'une introduction que d'un apprentissage en profondeur. C'était le cours de cette année qui serait le plus formatif. Il pouvait donc s'estimer heureux que ça soit la seule matière théorique qu'il ait à récupérer. Son dossier scolaire de Kokuri était arrivé très tôt dans la matinée et sa moyenne semblait convenir au comité de U.A. Il était donc libéré des autres matières qu'il avait étudiées dans son ancien lycée. Restaient néanmoins les cours pratiques… pour lesquels Izuku n'avait pas d'expérience. Il allait sûrement en baver, malgré les séances de jogging et celles de musculation qu'il faisait à la maison. Namigawa faisait partie du club de gymnastique et l'avait aidé à travailler sa souplesse régulièrement. Ça risquait fortement de ne pas être suffisant face à un étudiant qui avait réussi l'examen d'entrée de U.A.

Son horaire s'organisait ainsi : quatre heures de théorie le matin et minimum quatre heures de pratique l'après-midi. Il aurait les dimanches pour récupérer mais pas les samedis, bien que les heures de pratique passent à deux seulement ces jours-là. Aizawa l'avait observé avec attention, analysant ses réactions à chaque information qu'il lui dispensait. Izuku s'était appliqué à se montrer aussi déterminé que possible : les épaules droites, la tête levée et le regard assuré. Il ne prendrait pas le risque qu'Aizawa doute de sa motivation. Ce qu'il avait vu avait dû lui suffire parce qu'il avait enchaîné sans plus de cérémonie sur l'introduction du cours. Izuku avait pris le plus de notes possible, même pour les informations qu'il connaissait déjà. Le simple fait de se trouver là, assis sur un des bancs de U.A, suffisait à le rendre extatique. Le fait qu'il connaisse déjà en partie la matière grâce à ses recherches personnelles au cours des années n'entamait en rien son entrain pour le cours.

Aizawa était, en temps normal, le professeur qui s'occupait de cette matière. Et ça se voyait par sa manière précise et directe d'aborder les différents sujets. Sa façon de parler lentement était idéale pour permettre à Izuku d'écrire ce qu'il disait et en même temps d'ajouter ses propres questions sur le côté pour plus tard. Les deux heures passèrent à une vitesse folle et ce fut le téléphone d'Aizawa qui finit par les interrompre. Le héros jeta un œil à l'horloge avant de prendre son portable.

―On va faire la pause maintenant. Si tu dois aller aux toilettes, elles sont au bout du couloir sur la droite. Sois de retour à ton bureau dans quinze minutes.

Et sur ces mots, il s'éclipsa dans le couloir, fermant la porte derrière lui. Sa voix étouffée s'éloigna de la classe alors qu'il prenait l'appel.

Izuku fixa la porte encore un instant après son départ avant de se tourner de nouveau vers son cahier. Il commença à se relire, n'ayant pas particulièrement besoin de quitter la pièce. Les mots finirent bien vite par ne plus être que des griffonnages sans signification que son cerveau cessa d'interpréter. Il releva la tête et balaya la classe d'un regard circulaire, se mordillant la lèvre au passage. Bientôt, celle-ci serait occupée par d'autres étudiants, tous se connaissant déjà de l'année précédente. Et avec un peu de persévérance, lui aussi serait là, assis à ce même bureau comme Aizawa l'en avait informé avant de commencer le cours. Il n'avait plus été assis du côté de la fenêtre depuis des années. La dernière fois devant remonter au primaire, à Musutafu. A cette époque, Kacchan était assis à sa droite, donnant l'impression qu'il se fichait totalement du cours alors qu'en réalité, il écoutait chaque mot avec application. Quand les autres enfants lui demandaient comment il faisait pour être premier de classe malgré tout, il répondait toujours que c'était trop facile et qu'il n'avait pas besoin d'écouter.

« Trop facile »

S'il y avait bien une chose qui était vraie au sujet de Kacchan, c'était que tout lui réussissait. Qu'importe ce qu'il entreprenait, c'était toujours un succès. D'aussi loin qu'Izuku se souvienne, son meilleur ami avait toujours excellé en tout. Que ce soit pour apprendre à compter jusqu'à apprendre à maîtriser son Alter. Lorsqu'ils étaient plus jeunes, Izuku avait pu assister à l'évolution de ses techniques. Il avait toujours été ébahi de voir ce que Kacchan était capable de faire avec ses explosions et aussi, le nombre d'utilisation qu'il pouvait leur trouver. Izuku avait posé beaucoup de questions, formulé des tas d'hypothèses et Kacchan avait toujours été partant pour essayer de les mettre en pratique. Lui-même avait pensé à des choses qui n'avaient même pas traversé l'esprit d'Izuku.

L'an dernier, pendant la diffusion télévisée du festival de sport des première, il avait pu constater ses progrès fulgurants. Kacchan était devenu un opposant redoutable aussi bien au sol que dans les airs. Il avait fait vite cas de ses adversaires même si une fille de sa classe avec un Alter d'anti-gravité lui avait donné du fil à retordre. Durant la finale, il avait détruit une bonne partie du stade en combattant le frère d'Ingenium. Izuku avait retenu son souffle bon nombre de fois, vibrant d'anxiété sur son lit alors qu'il fixait son écran d'ordinateur. Ses cris de joie avaient rejoint les clameurs de la foule quand Kacchan avait été désigné vainqueur. Si sa mère avait été à la maison, elle serait certainement arrivée en courant pour lui demander ce qui lui arrivait. Néanmoins, si elle avait été là, il n'aurait sûrement pas été en train de regarder le championnat…

Bien sûr, les Alters des autres élèves étaient eux aussi très impressionnants. Tous avaient de gros points forts et des points faibles qui avaient été rendus flagrants lors de leurs combats. Izuku n'avait pas pu s'empêcher de faire un rapport écrit de tout ce qu'il avait vu. C'était grisant de s'imaginer posant les questions qui lui avaient traversé l'esprit pendant son visionnage directement aux concernés. En face à face. Lui qui n'avait pas d'Alter avant-hier encore. Lui qui allait débarquer dans une classe dont les membres se connaissaient déjà depuis un an, voire peut-être plus pour certains.

Il déglutit difficilement, sa salive lui faisant soudainement défaut. S'intégrer risquait potentiellement d'être compliqué. Surtout vu la manière dont il allait rejoindre la classe. Bien que l'idée de rentrer directement en seconde le motive énormément, ça allait peut-être gêner les autres étudiants. Certains se sentiraient peut-être floués que quelqu'un rejoigne leur classe sans avoir fait tous les efforts qu'eux-mêmes avaient dû déployer. Aizawa avait dit qu'il n'aurait qu'une courte période pour prouver qu'il était capable de rattraper son retard sur les cours pratiques. Il n'avait pas spécifié de quelle durée serait cette période. Cependant, Izuku ne doutait pas qu'il mettrait sa menace de le faire redescendre en première à exécution s'il le fallait. Ce serait normal. Izuku espérait néanmoins que ça ne serait pas nécessaire. Il ferait tout son possible pour prouver qu'il pouvait y arriver. Avec un peu de chance, l'élève censé l'aider à s'entraîner accepterait de le faire même en dehors des heures de cours.

—Midoriya, légère modification pour l'horaire d'aujourd'hui. Les deux prochaines heures de théorie sont annulées un inspecteur nous attend pour un état de lieux de ton domicile. Laisse tes affaires ici, tu pourras passer les rechercher plus tard.

La voix d'Aizawa le fit sursauter pour la seconde fois de la matinée. Heureusement, cette fois, aucun petit cri ne lui échappa et rien ne termina par terre. Ou du moins, presque rien si on ne tenait pas compte de la chute qu'il avait failli faire en se prenant les pieds dans ceux de sa chaise en se relevant. Il s'était rattrapé de justesse au bureau d'à côté, manquant de peu de finir face contre celui-ci au passage. Aizawa observa la scène sans rien ajouter, baillant simplement avant de se mettre des gouttes dans les yeux. Izuku se posa de nouveau la question de savoir si son état de fatigue apparent provenait d'une nuit trop courte ou si Aizawa avait souvent l'air éreinté à ce point. Les valises sous ses yeux n'avaient pas diminué du tout et ses cheveux étaient ébouriffés en tous sens. Sa tenue était si large et informelle qu'on avait l'impression qu'il était prêt à retourner se coucher.

Izuku le suivit dans les couloirs, quittant la classe indiquée comme celle de la seconde A par les mêmes énormes lettres rouges qu'il avait vues la veille. La part de lui qui était angoissée à l'idée de recroiser Kacchan s'étaient manifestée par des sueurs froides, et l'envie de prendre ses jambes à son cou lui avait plus qu'effleuré l'esprit. Il n'était pas idiot. Il avait été placé dans le dortoir de la seconde A et suivait ses cours dans leur salle de classe. Kacchan était en première A l'an dernier alors il serait forcément en seconde A cette année.

Jusque-là, Izuku avait essayé de ne pas trop penser à cette évidence. Après tout, se croiser dans les couloirs et être dans la même classe était totalement différent. Il ne préférait pas imaginer quelle serait la réaction de Kacchan en le voyant à la rentrée, dans cette même pièce.

« Si tu oses mettre les pieds à U.A, j'te fume, Deku. »

Un frisson lui parcourut l'échine alors qu'une odeur de brûlé imaginaire emplissait ses narines. Il faudrait espérer que les quatre années pendant lesquelles ils avaient été séparés avaient calmé le tempérament de Kacchan. Si pas, Izuku devrait éviter de se retrouver seul à seul avec lui pour ne pas lui laisser l'occasion de mettre sa menace à exécution.

Mais ce n'était pas le moment de s'inquiéter sur ce point. L'important, maintenant, c'était de comprendre ce qui avait pu arriver à sa mère pour qu'elle disparaisse soudainement.

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Non, je n'utilise pas la barre ci-dessus pour séparer les scènes... parce que je trouve ça biiiiiiiien moche

N'hésitez pas à laisser un petit commentaire pour donner votre avis. J'aimerais vraiment entrer dans le vif du sujet (premièrement avec le début du TodoDeku et après le KatsuDeku). Je promets que j'ai des pages et des pages et des paaaaaaaaaages de caractérisation pour nos trois personnages principaux. J'espère que tout le monde passer a un bon moment et prenez soin de vous ! =^.^=