Bonsoir à tous. Désolée (encore une fois) pour l'attente sur ce chapitre. Je comptais en avoir fini avec lui bien plus tôt mais deux membres de ma famille ont été atteints du Corona virus... d'où mon retard. J'espère que l'attente en aura valu la peine... ^^" Merci à ma bêta-lectrice qui, malgré de longues journées au boulot a quand même fait au plus vite pour me relire et me corriger. 3
Il est toujours nécessaire que je retourne faire deux ou trois modifications mineures sur les chapitres 2 et 3 mais rien d'important. Pour rappel, au niveau des noms des dragons : Hono, celui du Feu ; Daichi, celui de la Terre ; Kaiyo, celui de l'Eau et Kuki celui de l'Air. Inazuma est celui de la Foudre et Shimo, celui du Givre.
Si quelqu'un lit encore cette fanfiction, en dépit du temps écoulé entre chaque publication, faites-moi signe dans l'espace commentaire. Et oui, Bloodiane, je sais que tu es là, toi. xD Merci pour tes encouragements !
Oh et pour le passage du message (texte en gras), les passages qui sont écrit entre tirets (example : -passage entre tiret-), ce sont des ratures faites par la personne qui a écrit le message ! Mais comme il n'y a pas l'option de mise en page correspondante sur ce site... -_- Voilà !
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Aizawa le fit sortir du bâtiment par la grande porte d'entrée et ils se dirigèrent en silence vers l'imposante barrière en métal qui empêchait les personnes non-autorisées d'entrer sur le campus. Alors qu'ils passaient sous les grandes arches de béton qui surplombaient l'allée pavée, Izuku remarqua une voiture garée sur le côté qui n'avait rien de particulier. Le modèle était un de ceux qu'on voyait partout en ville et sa carrosserie d'un gris métallisé la rendait passe-partout. Une jeune femme en tailleur noir se tenait à côté du véhicule, les cheveux relevés en un chignon serré. En les voyant arriver, elle s'inclina pour les saluer, un sourire poli collé aux lèvres. Son regard ambré s'attarda remarquablement longtemps sur Izuku avant de se porter sur son professeur.
—Enchantée de faire votre connaissance, Eraserhead. Je n'ai pas encore eu le plaisir de travailler avec vous. Je suis l'inspectrice Akihara et je suis responsable de vous escorter sur une partie de votre trajet. Tu dois être Midoriya Izuku.
Izuku commença à hocher la tête, ouvrant déjà la bouche pour répondre, quand Aizawa prit la parole.
—Je m'attendais à ce que l'inspecteur Higuchi s'occupe de cette affaire.
Les épaules de la jeune femme se tendirent et elle se retint visiblement de croiser les bras. Izuku s'était lui-même figé sur place à l'intervention du professeur. Ce dernier jugeait l'inspectrice avec attention, malgré sa posture détendue.
—Il est déjà occupé sur une autre affaire. Mon supérieur a donc décidé de me l'assigner.
Izuku admira la façon calme dont elle paraissait gérer la situation. Il n'était pas sûr qu'il aurait pu en faire de même si un héros s'était adressé à lui sur ce ton à leur première rencontre. L'inspectrice devait cependant être bien plus habituée que lui à rencontrer des héros en chair et en os. Elle n'avait néanmoins pas l'air d'avoir passé la trentaine, ses traits étant parfaitement lisses et son teint frais. Il se dégageait d'elle un certain professionnalisme mêlé d'une touche chaleureuse. Ou du moins, c'était le cas lorsqu'elle avait salué Izuku. A présent, ses lèvres pincées dans un sourire et ses sourcils presque imperceptiblement froncés racontaient une autre histoire. Elle n'était visiblement pas enchantée que sa présence soit remise en question, bien qu'elle essayât de rester courtoise dans ses réponses.
—Je suppose que vous avez signé les documents adéquats avant de venir ici. Déclara Aizawa, étonnant Izuku au passage. Les informations concernant Midoriya sont sensibles et requièrent la plus grande discrétion.
Le sourire de l'inspectrice se crispa d'une manière à peine remarquable avant de se détendre à nouveau. Ses yeux glissèrent encore une fois vers Izuku pendant quelques secondes avant qu'elle reporte toute son attention sur Aizawa, désormais clairement contrariée par cette question.
—Bien entendu. Bien loin de nous l'idée de mettre qui que ce soit en danger en ne respectant pas les procédures. Je suis habilitée à gérer les dossiers des Ignae d'Ascendance mutée. Monsieur Midoriya est en parfaite sécurité sous ma surveillance.
Le héros se contenta d'incliner la tête, apparemment satisfait de cette réponse.
Bien qu'Aizawa n'ait pas eu l'air particulièrement hostile en la posant, sa question était assez surprenante. Vu la manière dont étaient traitées les Ascendances de mutation Foudre d'après ce que son professeur lui avait dit la veille, il était logique que des mesures spécifiques soient prises par la police pour gérer ces cas. Pourquoi Aizawa aurait-il des raisons de douter que celles-ci n'aient pas été respectées ? Cela avait-il déjà été le cas auparavant ? Un officier ou un inspecteur avait-il déjà mis en danger quelqu'un comme lui ? Si oui, était-ce le garçon qui étudiait présentement à U.A —Kaminari, s'il se souvenait bien— et partageant son Ascendance ?
Il s'agissait là de questions qu'il ne pouvait décemment pas poser. Les informations devaient, elles aussi, être confidentielles. Il devrait donc attendre qu'Aizawa ou quelqu'un d'autre décide de les lui fournir.
Les deux adultes passèrent rapidement sur les points techniques de l'opération. Le but étant qu'Izuku fasse un voyage jusque chez lui pour récupérer les affaires qu'il pouvait emporter de lui-même et désigne celles qui devraient lui être livrées le plus tôt possible. Bien qu'il n'y ait aucune trace de lutte, les inspecteurs attendaient aussi de lui qu'il les informe du moindre fait étrange qu'il pourrait remarquer dans la maison. Izuku avait déjà bien quelques idées mais il n'était pas certain qu'elles soient très concluantes. Aussi, il décida de ne pas en faire part à l'inspectrice Akihara avant d'être arrivé chez lui.
Cette dernière était dotée d'un Alter —qu'elle avait nommé Glamour— permettant de faire passer sa présence, ainsi que celle des personnes situées dans un rayon réduit autour d'elle, comme dénuées d'importance. Il se basait sur le principe de se « fondre dans le décor » sans pour autant vous rendre invisible. Pour qu'il fonctionne au mieux, il fallait que le sujet s'adapte un maximum à son environnement. Par exemple, le véhicule utilisé par l'inspectrice était tout à fait banal pour éviter d'attirer trop l'attention.
—Si je devais me balader discrètement au milieu d'un bureau de poste, je porterais l'uniforme pour aider mon Alter à m'intégrer. Ajouta-t-elle, regardant Izuku rapidement dans le rétroviseur, avant de se concentrer sur la route quand le feu où ils étaient passa au vert.
Izuku ne put s'empêcher de la complimenter sur l'utilité d'un tel Alter dans la police. L'inspectrice répondit à quelques-unes de ses questions de bonne grâce. Elle ne paraissait pas le moins du monde gênée de lui expliquer le fonctionnement de Glamour et avait même l'air assez flattée qu'il lui montre tant d'intérêt. Aizawa les laissa parler sans rien dire, assis sur le siège passager, observant ce qui se passait à l'extérieur à travers des paupières mi-closes.
—Et toi, Midoriya ? Ton Alter s'est déclaré très récemment mais est-ce que tu sais déjà quelque chose à son sujet ? Les informations de Best Jeanist mentionnaient que ton corps émettait une sorte de courant électrique lorsqu'il t'avait trouvé. Tu as pu réi-
—Midoriya ignore encore les spécificités de son Alter et ne se souvient pas vraiment de ce qui s'est passé avant qu'il perde connaissance. Il est inutile de lui poser ce genre de questions maintenant.
Cette fois encore, Aizawa intervint avant qu'Izuku ne puisse répondre. Son ton était bien plus sec qu'avant et il fixait désormais l'inspectrice avec un regard appuyé et les sourcils froncés. Les questions de cette dernière ne plaisaient visiblement pas à son professeur. Si elle n'avait pas mentionné ne pas le connaître lorsqu'elle s'était présentée, Izuku aurait pu croire que le Héros avait un problème quelconque avec elle. Cela aurait pu expliquer son attitude méfiante envers elle. Ou peut-être venait-ce du fait que l'inspectrice paraissait encore jeune et qu'Aizawa se montrait un peu trop cassant dans sa façon de la recadrer. Difficile à dire puisqu'Izuku ignorait ce qui était normal ou pas dans la manière d'agir de la jeune femme.
Celle-ci laissa entrevoir une grimace agacée avant de reprendre une expression plus neutre. Elle ne répliqua pas et fixa la route avec application, ignorant l'œillade contrariée de son professeur. Durant les minutes qui suivirent, aucun d'eux ne parla. Pendant ce temps, l'inspectrice s'accorda quelques coups d'œil rapides à Izuku dans son rétroviseur, que celui-ci fit semblant de ne pas remarquer. Il se sentait mal à l'aise vis-à-vis de l'ambiance qui régnait dans la voiture et commençait aussi à s'angoisser de ce qu'il pourrait trouver en arrivant à la maison. Mais avant d'y arriver, ils devaient faire une escale.
Pour maximiser leurs chances de passer inaperçus, Izuku ne ferait pas tout le trajet en voiture. En effet, un autre inspecteur l'attendait dans un immeuble qui ferait office de point de relais. De là, l'Alter de celui-ci lui permettrait de se téléporter directement dans sa maison, où se trouvait le frère jumeau de l'inspecteur. Izuku n'avait encore jamais entendu parler d'un Alter « partagé » entre deux personnes. Bien qu'une foule de questions se mirent à se bousculer dans sa tête en rencontrant l'inspecteur, il n'osa pas les formuler à voix haute après le fiasco de tout à l'heure. Aizawa semblait parfaitement serein en parlant avec l'homme, habillé en civil pour plus de discrétion. Comme son Alter ne permettait de transporter qu'une personne à la fois, Aizawa décréta d'emblée qu'Izuku devait être le premier à partir. Cette décision ne parut absolument pas ravir l'inspectrice Akihara qui était chargée de rester là jusqu'à leur retour. Néanmoins, vu le ton définitif employé par le Héros, elle se contenta de serrer les dents en croisant les bras. Avant qu'Izuku ne disparaisse, elle lui offrit un sourire qui paraissait sincère auquel il répondit avant que le paysage autour de lui ne s'effondre comme un château de cartes.
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Quand on lui avait donné les informations à propos de ce trajet à étapes, Izuku aurait apprécié qu'on lui parle de la nausée puissante entraînée par une téléportation de ce genre. A peine avait-il posé les pieds à terre, ayant l'impression d'avoir raté une marche invisible, que son estomac se rebella face au changement de décor qui l'avait laissé chancelant. Quelqu'un qu'il n'eut pas le temps de voir le fit faire un quart de tour et le pencha au-dessus de ce qui se révéla être la cuvette des W.C. Son petit déjeuner, ou du moins ce qu'il en restait, s'y retrouva bien vite.
Une main lui tapota doucement l'épaule.
—Désolé, petit. Je vois que tu fais partie des gens qui supportent mal notre Alter. Par sécurité, j'avais calculé que c'était le meilleur endroit où te réceptionner.
—M-merci, geignit Izuku, la tête lui tournant encore un peu.
—Je vais te laisser un instant pour te remettre. Mon prochain client n'a d'ordinaire pas de problèmes de nausées à l'arrivée. Dit celui qui devait donc être le second jumeau, sur le ton de la plaisanterie.
Enviant Aizawa fortement en cet instant, Izuku se redressa pour se rincer la bouche à même le robinet de l'évier, tout en essayant de ne pas se tremper la moitié du visage. Il recommença plusieurs fois l'opération avant de rincer l'évier et sortir des toilettes dont la porte était restée entrouverte.
Ce qu'il vit en sortant du couloir qui menaient aux pièces à vivre était étonnamment « normal », si on ignorait le fait qu'un policier en uniforme se tenait au milieu de son salon, accompagné d'Aizawa et de l'homme dont l'Alter l'avait fait arriver ici. Le policier était en train de poser des questions au héros sur les informations qu'il avait pu recueillir depuis l'arrivée d'Izuku à U.A. Celui-ci paraissait parfaitement à l'aise, bien que tout aussi fatigué qu'avant : un contraste toujours autant étonnant avec la manière dont il s'était comporté autour de l'inspectrice Akihara. Peut-être connaissait-il déjà cet agent et n'avait aucun doute sur sa capacité à faire son travail… Peut-être aussi que sur le trajet du retour, Aizawa serait plus détendu avec la jeune femme. Izuku l'espérait, en tout cas. Il n'avait pas envie de se replonger dans la même ambiance qu'à l'aller.
Son arrivée dans la pièce attira l'attention des trois adultes.
—Midoriya, je suis l'agent Kohamaru. Je coordonne l'équipe scientifique qui s'est occupée de relever les indices. Toutes les empreintes possibles ont déjà été relevées, tu peux donc toucher tout ce que tu veux sans problème. A part la penderie dans la chambre au fond du couloir (il indiqua la direction sans se retourner, avec la pointe de son stylo), qui a été vidée, nous n'avons rien relevé d'anormal. A ce stade, j'attends de toi que tu fasses le tour de toutes les pièces et que tu me dises si quelque chose te saute aux yeux. Tu pourrais commencer par cette pièce, si ça te convient. Est-ce qu'un objet aurait disparu, bougé de place, … ? N'hésite surtout pas à signaler quoi que ce soit.
—Hum, d'accord…
—Ensuite, tu pourras faire ta valise. Ajouta Aizawa.
Izuku jeta un regard circulaire sur la pièce, s'attardant sur les cadres aux murs qui exposaient fièrement des photos de lui et sa mère le petit canapé deux places en tissu bordeaux qu'ils avaient toujours eu, aussi loin qu'il s'en souvienne le tapis de sol beige et si doux sur lequel lui et Kacchan s'étaient endormis maintes fois étant enfants les meubles en bois clair recouverts par d'autres cadres, livres ou encore DVDs la table de salle à manger, assez grande pour quatre personnes même s'ils n'étaient que deux et n'avaient jamais reçu de visiteurs à dîner les différentes lampes sur pied destinées à diffuser une lumière plus tamisée en soirée la table basse du salon parfaitement dégagée si ce n'était pour leurs deux télécommandes. Le parquet au sol était propre, malgré le fait que nombre de personnes avaient dû défiler dans la maison en chaussures d'extérieur depuis la veille au soir. Izuku lui-même portait les siennes présentement, puisqu'il avait été téléporté ici. Bien que sa mère ne soit pas là pour le remarquer, il espéra ne pas salir le sol. Avec un peu de chance, elle serait bien vite de retour et Izuku ne voulait pas lui créer du travail inutile quand ce moment serait venu. Sentant les larmes lui monter aux yeux, il secoua légèrement la tête avant de reprendre ses observations.
Tout paraissait être à sa place. Aucun appareil électrique ne semblait avoir disparu : la télévision était sur le meuble face au canapé, le téléphone fixe trônait sur la commode à l'entrée de la pièce, … Au-delà de la salle à manger, un passe-plat séparait le living de la cuisine. Une sensation désagréable naquit dans sa poitrine en voyant le frigo garni d'une multitude de post-it de couleurs diverses. Son visage dût trahir son anxiété car son professeur se tourna vers lui. Izuku ne prit pas la peine de le regarder et s'avança d'un pas hésitant vers la cuisine, les yeux toujours braqués sur le frigo.
Sa mère avait toujours été anxieuse, parfois à outrance. C'était le rôle d'Izuku de la rassurer autant que possible, puisque son père n'était plus là pour le faire. De ce fait, il ne s'était jamais plaint des nombreux messages qu'elle pouvait lui envoyer sur une même journée dès qu'elle en avait la possibilité. Il suffisait qu'il lui réponde que tout allait bien ou dans combien de temps il rentrait s'il était à l'extérieur. De même, si elle était de service à l'hôpital lorsqu'il rentrait de l'école, il la prévenait de son retour par SMS. Il n'avait jamais trouvé ça contraignant mais, aussi, il avait toujours été habitué ainsi. Elle s'était occupée de lui, seule, pendant seize années —presque dix-sept. S'il pouvait lui enlever un poids, quel qu'il soit, des épaules, il le ferait.
Elle l'avait de nombreuses fois mis en garde sur nombre de choses : ne pas parler à un inconnu, se méfier d'une personne aux yeux gris, prendre le chemin le plus direct pour rentrer à la maison, ne pas sortir après une certaine heure, … Des choses qui, somme toute, étaient parfaitement raisonnables de sa part, bien que d'autres garçons de son âge n'auraient sûrement pas été de cet avis.
Parfois, il arrivait à sa mère d'avoir des idées plus… originales…
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C'était peu de temps après le déménagement, alors qu'Izuku n'avait qu'à peine quatorze ans. Lui et sa mère étaient attablés autour d'un bol de riz et une myriade d'accompagnements, tous plus appétissants les uns que les autres. Izuku s'était déjà resservi une fois alors que sa mère avait à peine touché à son plat, bien trop occupée à fixer fébrilement la nuit au dehors d'un regard aussi vert que le sien. L'orage grondait au loin, ne semblant pas pressé d'arriver au-dessus de leur maison. L'après-midi avait été pluvieuse et Izuku était rentré complètement trempé après que son parapluie se fut retourné sous la force du vent. Sa mère l'avait accueilli avec un sourire teinté d'inquiétude et l'avait envoyé prendre un bain pour se réchauffer pendant qu'elle préparait le repas. La chaleur de l'eau lui avait fait le plus grand bien et il avait rejoint la table, habillé d'un short de basket et d'un sweater d'intérieur uni. La vue de son sweater All Might avait la fâcheuse tendance de la rendre encore plus agitée que d'ordinaire et il ne le portait plus en sa présence depuis plusieurs mois.
—Izuku…
—Oui, maman, qu'est-ce qu'il y a ?
Il jeta lui aussi une œillade par la fenêtre, discernant au loin un éclair qui déchirait la nuit noire. Le coup de tonnerre qui s'en suivit peu après fit sursauter sa mère et sembla faire naître une étincelle de détermination dans son regard. Elle se leva à la hâte, bondissant sur ses pieds avec l'agilité d'un animal en fuite, avant de s'engouffrer dans la cuisine sans prendre la peine d'allumer la lampe au passage.
—Maman ?
—Attends, mon chéri ! Elle doit être par… (il l'entendit farfouiller dans l'armoire au-dessus du frigo) là ! Parfait !
Elle revint s'asseoir à table, armée d'une boîte de curry instantané qu'elle s'empressa de poser juste devant lui. Ses mains tremblaient légèrement. Quand elle vit qu'Izuku l'avait remarqué, elle croisa les bras contre sa poitrine et le regarda avec le plus grand sérieux.
Des années auparavant, peut-être aurait-il été surpris par cette attitude. Aujourd'hui, il n'en fit rien. Elle s'était déjà maintes fois comportée de cette manière, s'était déjà montrée aussi inquiète —et inquiétante— au fil du temps. Sa mère se faisait du souci pour beaucoup de choses et prenait presque tout à cœur. Aussi, il se contenta de lui dire qu'il l'écoutait et fit exactement ça.
—Cette boîte de curry est là depuis le déménagement et elle n'a jamais servi.
Oui, en effet, le jour où ils étaient arrivés et avaient commencé à ouvrir les cartons, Izuku avait été chercher de quoi manger à la supérette du coin et avait ramené plusieurs possibilités de dîner avec lui. Ils n'étaient pas encore assez installés pour que sa mère puisse cuisiner quelque chose alors ils s'étaient contentés de déballer le micro-onde et avaient fait chauffer des nouilles instantanées. Le paquet de curry n'avait jamais servi et avait fini au fond de l'armoire d'où elle venait de l'extirper. Après tout, celui qu'elle faisait elle-même était cent fois meilleur. Sa date d'expiration devait déjà être passée maintenant.
Izuku ne voyait pour autant pas où elle voulait en venir. Mais lorsqu'elle était dans cet état, mieux valait la laisser parler. Il hocha la tête pour l'inciter à poursuivre.
—Si à l'avenir, un jour, tu as besoin de cacher quelque chose d'important, je veux que tu le mettes dans cette boîte.
Izuku écarquilla les yeux, les faisant voyager de la boîte en question à sa mère. Elle le fixait avec attention, les sourcils froncés et les lèvres pincées. Un nouveau grondement dehors la fit se tendre sur sa chaise avant qu'elle ne vienne poser une main chancelante sur la boîte de curry.
—Je sais que c'est étrange, mon cœur. Je le sais. Mais on ne sait jamais ce qui peut arriver et mieux vaut avoir un plan dont on n'aura jamais besoin que de ne pas en avoir le moment venu. S'il arrive quelque chose et que tu veux que je trouve un objet ou quoi que ce soit d'autre, … mets-le dans cette boîte.
Cette fois, elle s'attendait à une réponse verbale de sa part.
—Maman… pour… pourquoi est-ce que je devrais cacher quelque chose ? Demanda-t-il, après un instant d'hésitation. Tu n'as pas à t'inquiéter comme ça, j'ai mon téléphone portable et je peux-
—Izuku.
Il s'interrompit. Rares étaient les fois où elle défendait une idée avec autant de conviction. Du moins, ces dernières années. La dernière fois datait du jour où elle lui avait dit qu'il n'irait pas au collège Aldera à la rentrée et qu'ils allaient déménager. Encore perdu à cause des événements récents, Izuku n'avait pas protesté davantage.
—Si, par exemple, je dois te laisser de l'argent pour quelque chose, que ce soit pour un voyage scolaire ou quoi que ce soit d'autre… Je le mettrai dans cette boîte et de cette façon, même si quelqu'un rentrait ici, il ne penserait jamais à chercher là.
—… D'accord.
Si quelqu'un rentrait par effraction chez eux, ils auraient sûrement à s'inquiéter de bien plus que l'argent laissé sur la table, mais soit. Si c'était ce qu'elle voulait qu'il fasse, ce n'était pas difficile.
Semblant penser à autre chose, elle pivota sur sa chaise, ouvrit un des tiroirs du meuble derrière elle et en sortit un bloc de post-it vert encore dans l'emballage. Le frigo était déjà couvert d'une multitude de petits papiers de couleur jaune et rose. C'était de cette manière qu'ils communiquaient souvent. Certains reprenaient la liste des courses, d'autres rappelaient des rendez-vous importants, d'autres encore contenaient simplement des messages pour se souhaiter une bonne journée ou dire à Izuku que son repas était dans le four.
—Si tu dois mettre quelque chose dans cette boîte, écris un message vague sur un de ces post-it et je saurai que je dois regarder dedans. Sinon, n'y touche pas.
Elle attendit qu'il ait acquiescé avant de remettre le bloc en place dans un tout autre tiroir plus proche du sol.
Lorsqu'elle se redressa, elle prit une profonde inspiration comme pour se calmer et hocha la tête, visiblement satisfaite. Izuku la regarda faire, n'osant rien dire de plus. Ça ne servait à rien de discuter, elle semblait enfin être rassérénée alors il ne voulait pas risquer de la faire se remettre dans tous ses états en lui posant des questions. Elle avait sûrement dû entendre quelque chose à la télévision ou ailleurs qui l'avait inquiétée et elle n'avait trouvé que ça pour se rassurer.
Au final, c'était peu de chose. Elle avait un de ces épisodes, lui demandait de faire quelque chose en particulier sans qu'il y ait de cause précise, puis agissait comme si tout était normal.
—Bon, je vais aller prendre un bain et me coucher. Je suis de service tôt, demain matin. Enchaîna-t-elle, quittant la table avec son bol encore à moitié rempli. Bonne nuit, mon chéri.
Il lui souhaita la même chose alors qu'elle l'embrassait tendrement sur le front. Ensuite, il la regarda disparaître dans le couloir en tentant de se convaincre que ce n'était pas bien grave, elle mangerait demain. L'encourager à manger des soirs comme celui-ci n'avait jamais servi à rien, de toute façon.
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Il était là, au milieu de tous les autres, le narguant de loin : un post-it vert. Le seul de cette couleur. Et Izuku en était sûr, il n'était pas là la veille quand il était parti pour son jogging matinal. Il n'avait que brièvement considéré cette possibilité, ce matin, dans la douche. C'était ridicule, bien sûr, puisque ça sous-entendait que sa mère avait eu le temps de mettre ce post-it à cet endroit et sûrement de cacher quelque chose dans le placard de la cuisine avant de disparaître. Difficile de croire que quelqu'un ait pu l'enlever « par surprise » et avant qu'elle puisse s'apercevoir de sa présence, si elle avait pu faire tout ça.
Mais il était là. Son seul indice sur ce qui avait pu se passer.
Izuku parcourut l'espace qui le séparait de la note à la hâte. Il entendit vaguement des voix l'interpeller mais il n'y prêta pas la moindre attention, bien trop pressé d'atteindre son but.
—Midoriya ?
Il n'aurait même pas su dire lequel des hommes présents lui avait adressé la parole. D'une main tremblante, il détacha le post-it du frigo.
« Je rentrerai tard.
Il reste du curry dans l'armoire.
Bisou.
Maman. »
Il leva la tête vers la porte en bois verni qui se trouvait au-dessus de lui.
Maman… ?
Que lui avait-elle laissé ?
Une main se posa sur son épaule au moment même où il ouvrit l'armoire. Un regard en coin lui indiqua qu'il s'agissait d'Aizawa, son visage tout entier exprimant son interrogation. Celui-ci leva les yeux vers l'armoire à présent ouverte, cherchant sûrement ce qui pouvait mettre Izuku dans cet état. Quand il ne vit rien de particulier, il reporta son attention sur Izuku mais celui-ci était déjà focalisé sur la boîte curry qui se fondait parmi les autres paquets présents.
Il la saisit avec douceur, malgré son appréhension. Il ignorait ce qui se trouvait à l'intérieur mais ne pouvait s'empêcher de considérer l'emballage de carton comme un objet précieux et fragile. Son poids dans sa main paraissait parfaitement normal pour un simple sachet de curry préparé et Izuku eut un instant de doute. Mais une fois la boîte ouverte, ce dernier s'envola en fumée, remplacé par une boule d'angoisse dans sa gorge. Le nid de serpent loti dans ses entrailles s'agita à la vue de la fine enveloppe dissimulée à l'intérieur.
Aizawa le laissa sortir ladite enveloppe sans rien dire mais il dut faire un quelconque signe aux deux agents parce que l'un deux s'avança vers eux sans pour autant pénétrer dans la cuisine. La seule raison pour laquelle Izuku remarqua ce détail était que la main de son professeur, se resserrant légèrement sur son épaule, avait attiré son attention. Néanmoins, il recommença aussitôt à ignorer ce qui l'entourait pour se concentrer sur ce que contenait l'enveloppe lui étant adressée. Son cœur se serra alors que ses doigts traçaient les lettres de son prénom dans l'écriture de sa mère. Ne pouvant plus supporter d'ignorer une seconde de plus ce qui lui était arrivé, il extirpa la lettre au plus vite, faisant tomber son contenant au passage.
Izuku,
Je suis désolée d'avoir dû partir sans pouvoir te donner d'explication. -Ton p- Je pensais que j'avais plus de temps avant de devant moi. Mon cœur, il y a des choses que je n'ai jamais pu te dire mais je l'ai fait pour ta sécurité et rien d'autre. Je t'aime plus que tout au monde et mon seul désir c'est qu'il ne t'arrive rien. Tu le sais bien, n'est-ce pas ? Alors crois-moi quand je te dis que tout ce que j'ai pu faire, je l'ai fait pour de bonnes raisons.
-Quand j'ai eu cet appel-
U.A est un endroit sûr. Plus sûr que la maison, désormais. Ils vont te protéger jusqu'à ce que tout rentre dans l'ordre. Je t'en prie, restes-y.
Tout ceci n'était pas censé arriver mais les circonstances auraient pu être pires. Ton Alter n'aurait pas dû se déclarer. Je dois aller -chez un- quelque part pour comprendre ce qui s'est passé. Ne t'inquiète pas pour moi, c'est un endroit sûr et une fois que j'y serai, on pourra trouver une solution ensemble.
Je t'aime, Izuku.
Maman va tout arranger.
La nausée grandissante, qui l'avait envahi de plus en plus au cours de sa lecture, était à présent si sévère qu'il aurait couru jusqu'aux toilettes si il avait été capable de bouger. Cependant, ses muscles s'étaient figés quelque part au milieu du message, bien qu'il n'aurait su dire le moment exact. Il était comme paralysé, ne pouvant que fixer le morceau de papier autour duquel ses doigts étaient crispés, le froissant au passage.
« Ton Alter n'aurait pas dû se déclarer… »
Ces mots résonnaient dans sa tête sans qu'il puisse en comprendre le sens. C'était impossible. Sa mère était avec lui lorsqu'il avait passé son test d'Alter. Elle l'avait tenu dans ses bras en sanglotant alors que lui-même pleurait toutes les larmes de son cœur en voyant son rêve partir en fumée. Elle s'était excusée de ne pas pouvoir lui offrir la chance de devenir un Héros. Pourquoi parlerait-elle de son Alter aujourd'hui ? Pourtant, il reconnaissait parfaitement son écriture, il n'avait aucun doute sur l'identité de l'auteur de cette lettre. C'était bien sa mère, même si les informations qu'il venait de recevoir ne semblaient pas pouvoir s'assembler de manière cohérente dans son cerveau. En plus, elle disait être partie de son plein gré pour une destination qu'elle avait choisi de ne pas révéler… Elle n'avait pas été attaquée, ce qui le rassurait autant que ça le laissait stupéfait.
Ou peut-être que si. Elle a parlé d'aller dans un endroit sûr mais comment est-ce qu'elle va s'y rendre ? Est-ce que c'est loin ? Elle doit prendre l'avion ? Le train ? Juste la voiture ? Et s'il lui arrivait quelque chose en chemin ? Elle est toute seule et elle est si frêle. Si quelqu'un l'attaque, elle ne saura jamais se défendre ! Son Alter n'est pas assez puissant pour l'aider ! Pourquoi est-ce qu'elle n'a pas dit où elle allait ? Idiot, parce que ce serait trop risqué si quelqu'un d'autre avait trouvé la lettre ! Mais peut-être qu'elle veut juste empêcher la police de la retrouver… Pourquoi ferait-elle ça ?! Si Shimo décide de s'en prendre à elle pour m'atteindre, elle serait bien plus en sécurité sous surveillance judiciaire-
Une main se posa sur son épaule, lui faisait tourner la tête et remonter le long du bras de son propriétaire pour croiser le regard d'Aizawa. Le professeur était penché vers lui, les sourcils froncés et maintenant qu'il avait un contact visuel, ses yeux noirs étaient ancrés dans les siens. Izuku pouvait voir ses lèvres bouger mais il n'entendit rien, hormis un bourdonnement sourd. Son manque de réaction fit pincer les lèvres à Aizawa qui se redressa légèrement avant de lancer quelques mots par-dessus son épaule à une personne qu'Izuku ne voyait pas, sans pour autant le quitter des yeux. Son attention se porta ensuite sur la lettre qui se trouvait toujours entre ses mains. Le professeur approcha sa main libre, une question dans les yeux, et Izuku la lui tendit en comprenant que c'était sûrement ce qu'il voulait. Il la lui prit et la fit de suite passer à l'agent Kohamaru qui venait d'entrer dans son champ de vision. Quand les deux hommes se mirent à parler entre eux, Izuku baissa la tête vers le sol, fixant le parquet sans le voir. Ses muscles, tétanisés encore un instant plus tôt, finirent par se détendre, laissant ses bras pendre inutilement à ses côtés.
Un brouillard épais encombrait toujours son esprit, l'empêchant de savoir quoi faire ensuite. Il ne comprenait pas. Sa mère était partie d'elle-même et sans lui. Jamais il n'aurait pu imaginer qu'elle le fasse et pourtant, c'était écrit noir sur blanc sur son message. Et pire : elle n'était pas surprise qu'il ait un Alter ! Elle savait aussi vraisemblablement pourquoi il ne s'était jamais manifesté jusqu'ici ! Ce n'était pas possible-
La main sur son épaule le secoua avant de disparaître promptement.
—Midoriya ! Calme-toi !
La voix d'Aizawa résonna comme un coup de canon dans ses oreilles, le sortant de sa torpeur.
Une lumière verdâtre et vive dansa dans la périphérie de son champ de vision mais s'évanouit si vite qu'Izuku crut l'avoir rêvée. Quand il se tourna vers Aizawa pour s'excuser, celui-ci le fixait d'un regard rouge vif alors que ses cheveux noirs flottaient autour de son visage comme si la gravité à laquelle ils étaient soumis s'était retrouvée inversée.
Son Alter…
Il n'avait jamais vu où que ce soit une quelconque information sur la manière dont fonctionnait l'Alter d'Eraserhead. Néanmoins, la couleur de ses yeux qui avait changé drastiquement et ses cheveux en l'air paraissaient être de solides indicateurs. Izuku repensa aux arcs électriques verdâtres qui avaient parcouru tout son corps dans la Cave de Cristal et comprit qu'il avait dû se servir de sa foudre. Mais la seule impression durable qui lui restait était un fourmillement dans tout le corps et une gêne prononcée au niveau de sa cicatrice.
Aizawa était visiblement satisfait d'avoir enfin son attention. Quand il parla de nouveau, sa voix était basse et profonde, comme si il parlait à un enfant apeuré :
—Respire, petit. On ne peut pas se permettre de te laisser perdre le contrôle de ton Alter dans un endroit pareil. Je sais que la situation est extrêmement confuse pour toi mais j'ai besoin que tu te calmes.
Sous les conseils du professeur, Izuku prit une profonde inspiration qu'il bloqua dans sa poitrine avant de la laisser s'échapper en dehors de ses poumons. Aizawa avait raison, il ne savait pas encore comment gérer les manifestations de son Alter et ça aurait bien valu la peine de prendre toutes ses mesures afin de l'amener jusqu'ici, pour qu'il finisse par attirer l'attention ainsi. Il frotta le revers de sa main contre ses yeux pour chasser les larmes qui commençaient déjà à s'accumuler au bord de ses cils. Avant tout, il devait finir le tour de la maison pour vérifier si rien d'autre ne lui sautait aux yeux qui pourrait l'aider à comprendre. Peut-être trouverait-il des réponses dans une autre pièce. Réfléchir pouvait attendre d'être rentré à U.A. S'il voulait prouver qu'il était capable d'intégrer le cursus héroïque, il devrait apprendre à garder son sang-froid.
Il ferma les yeux un instant pour se calmer puis regarda le héros dans les yeux, hochant la tête pour signifier qu'il pouvait gérer ses émotions. Ce dernier soupira de soulagement en relâchant l'emprise de son Alter. Il attrapa rapidement le flacon de gouttes dont il ne semblait jamais se séparer et en fit tomber plusieurs dans chacun de ses yeux. Izuku l'entendit grommeler entre ses dents à propos d'« enfant à problème » et de « prescription à renouveler » mais il ne posa pas de questions. Il le fit ensuite s'asseoir sur une des chaises de la salle à manger quand ses jambes se mirent à trembler légèrement sous le contre-coup de ses émotions. Bien vite, un verre d'eau fut placé dans ses mains et Aizawa le regarda avec insistance jusqu'à ce qu'il l'ait vidé entièrement. Ce dernier le dévisagea attentivement à nouveau avant de faire signe au policier qui était resté en retrait.
L'agent Kohamaru s'avança vers lui pour l'interroger un peu plus en profondeur au sujet de la lettre qu'il tenait dans une main gantée. Izuku répondit au mieux et s'appliqua à ignorer l'expression sur le visage de celui-ci quand il lui expliqua pour l'histoire de la boîte de curry. Il ne voulait pas penser à ce que l'agent pouvait bien imaginer au sujet de sa mère en cet instant. Lui-même éprouvait des difficultés à ne pas former un jugement trop hâtif sur la situation, aussi se contenta-t-il d'énoncer les faits le plus objectivement possible.
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Le tour de la maison se poursuivit mais Izuku ne vit rien qui sorte de l'ordinaire. La salle de bain était toujours aussi propre et bien rangée, rien ne semblait manquer, même pas la brosse à dents de sa mère qui trônait dans un gobelet en verre près du lavabo. Dans l'entrée, la paire de chaussures plates qu'elle affectionnait en ce moment avait disparu de l'armoire. Comme Aizawa le lui avait dit, dans la chambre de cette dernière, la penderie était restée ouverte et une partie des vêtements avait disparu. Izuku signala à l'agent que la valise qui se trouvait normalement au-dessus de la penderie n'était plus là. Après lui avoir demandé quelques détails supplémentaires sur ladite valise —couleur, taille, matière—, l'agent Kohamaru l'invita à aller faire le tour de sa propre chambre.
Absolument rien n'avait bougé, si ce n'était la manne de linge propre qui l'attendait sur le lit. Personne d'autre que lui n'entra dans la pièce, Aizawa attendant appuyé contre le chambrant de porte, son attention concentrée entièrement sur les réactions d'Izuku. Quand il fit signe à l'agent que tout avait l'air correct, celui-ci s'éloigna, téléphone portable à la main.
—Tu as de quoi emballer tes affaires ?
—Une petite valise et des bacs de transport. Répondit-il sans avoir besoin de réfléchir. Qu'est-ce que je peux emporter ?
—Comme nous ne sommes que deux, je te conseille d'aller à l'essentiel. Je peux t'aider en portant un bac mais tu devras te débrouiller pour le reste. Si tu m'indiques ce que tu veux emmener d'autre, on pourra le faire livrer à l'internat dans la semaine. Sois sélectif, ta chambre n'est pas un château.
Izuku hocha la tête avant de faire un tour d'horizon de la pièce. Elle n'était pas beaucoup plus grande que celle qui lui avait été attribuée dans les dortoirs mais la vitrine remplie de figurines —dont il était assez fier— encombrerait sûrement plus l'espace qu'autre chose à U.A. Il faudrait donc qu'il se résigne à laisser sa collection sur place. Elle était composée à cent pour cent de produits dérivés d'All Might et était malheureusement la seule preuve encore visible de son admiration pour son idole. Les murs de sa chambre, par le passé tapissés de posters du Héros, étaient nus depuis qu'il avait emménagé ici. Ses magazines étaient tous stockés dans le tiroir du fond de sa commode, aux côtés de ses cahiers de notes. Les informations qu'il y avait à la base amassées pour l'aider dans son futur métier héroïque n'avaient jusqu'ici plus que la fonction de lui permettre de nourrir sa soif de connaissance. Mais à partir d'aujourd'hui, ça allait changer.
—Ne traine pas trop. Tu as encore des cours, cet après-midi.
—O-oui !
D'abord, il se dirigea vers la garde-robe imbriquée dans le mur au pied de son lit et s'agenouilla devant elle après avoir ouvert les portes en accordéon. Des boîtes de rangement transparentes étaient posées au sol de l'armoire, les quatre du dessus étant remplies à rabord. Sous chacune d'elle, deux autres boîtes vides étaient emboitées l'une dans l'autre. Elles avaient servi pour le déménagement.
Izuku traîna la pile qu'il savait la moins lourde en dehors de la garde-robe, faisant attention de ne pas être trop brusque pour ne pas risquer d'abîmer le contenu de la boîte pleine. Il prit tout autant de soin à la soulever pour l'extraire de la pile et ainsi libérer celles du dessous. Il n'était pas question qu'il abîme les figurines qui n'avaient pas pu trouver leur place dans la vitrine, par manque d'espace.
Il remplit la première boîte d'une partie de ses vêtements, ceux qu'il mettait le plus souvent. Une partie provenait de la manne de linge laissée par sa mère. Pendant le processus, Izuku essaya de ne pas trop réfléchir à ce qu'il pouvait ressentir. La seule et unique fois où Izuku avait dû faire ses cartons, c'était pour déménager de Musutafu. Ce souvenir en lui-même n'était pas des plus joyeux et il se passerait volontiers de se le remémorer… La sensation de perte qui l'avait accompagné dans chacun de ses gestes avait rendu toute l'opération encore plus difficile à vivre. Au début, il avait cru qu'elle provenait de sa dernière rencontre avec Kacchan mais-
Non ! Ce n'est pas le moment.
Izuku secoua la tête, se morigénant intérieurement de penser à tout ça alors que c'était exactement ce qu'il tentait d'éviter. Il déglutit, essayant de faire partir la boule épaisse qui lui nouait la gorge, ignorant le picotement dans ses yeux. De toute façon, il serait probablement bientôt fixé sur l'origine de ce sentiment qui l'avait laissé des mois durant avec un vide dans la poitrine qu'il n'avait jamais vraiment réussi à combler.
Sentant sur lui le regard de son professeur —sûrement inquiet qu'il perde le contrôle de nouveau—, Izuku continua d'emballer ses affaires méthodiquement. Quand la première boîte fut pleine de vêtements et sous-vêtements, il attrapa la valise dissimulée sous son lit et l'ouvrit pour la remplir à son tour. Il prit soin d'ignorer le cahier aux pages jaunies qui s'y trouvait déjà, tout en faisant attention à ne pas l'abîmer, et y joignit les douze autres. Ne lui restait à présent qu'une boîte disponible il ne saurait pas en transporter davantage. Un rapide passage à la salle de bain pour récupérer ses affaires de toilette et quelques essuies propres fit déjà fi de la moitié de l'espace dans la boîte. Il occupa l'autre partie avec des draps et une paire de rideaux qu'il ne put s'empêcher de prendre dans l'un des containers restés dans la garde-robe. Si Aizawa remarqua le mélange de couleurs caractéristique du costume d'un de ses collègues, il n'en dit rien.
Après avoir rempli son sac à dos jaune de tout le matériel scolaire dont il pourrait avoir besoin, Izuku se tint debout au milieu de la chambre. Il prit gare à ne pas marcher avec ses chaussures sur le tapis beige qui tapissait le sol près de son lit puis fit un tour sur lui-même. Il était difficile de croire que, pour une durée indéfinie encore, il ne reverrait pas cet endroit… Cette maison…
A part pour un voyage scolaire, Izuku n'avait jamais dormi ailleurs que chez lui plus d'une nuit. Les rares fois où il avait dormi chez Kacchan remontaient à presque dix ans. Mais cette fois, il serait seul. Il n'était pas question de passer la nuit chez son meilleur ami ou de dormir au milieu d'une pièce occupée par tous les garçons de sa classe. Même si d'autres élèves allaient vivre avec lui dans l'internat, ce n'était pas pareil. De plus, rien ne garantissait qu'ils l'apprécieraient et il savait mieux que quiconque que le fait d'être entouré de gens n'empêchait pas de se sentir seul. En tout cas, il y en avait un à qui sa présence ne risquait pas de faire plaisir…
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Izuku claqua la porte du casier plus fort qu'il ne l'aurait voulu, entrainé par son excitation montante. Le bruit métallique résonna dans la pièce vide alors que quelques semaines plus tard, il aurait été noyé dans le brouhaha du vestiaire. Izuku ne pouvait s'empêcher de vibrer sur place en pensant à ce qui allait suivre : son premier entraînement. Aizawa avait profité de la pause de midi pour lui expliquer davantage de choses sur le fonctionnement de U.A et sur ce qui était attendu de lui pour devenir officiellement membre de la seconde A. Il lui avait ensuite indiqué exactement où se rendre pour leur première session de cours pratique, qu'ils commenceraient à deux. Ensuite, l'élève dont il lui avait brièvement parlé les rejoindrait pour poursuivre la leçon.
Aizawa ne lui avait pas expliqué ce qu'ils allaient faire avec précision mais l'imagination d'Izuku ne pouvait s'empêcher de partir en tous sens, tentant d'anticiper ce qui pourrait lui être demandé. L'option la plus probable était que son professeur lui montre des façons de se servir volontairement de son Alter. Après tout, il n'arriverait pas à grand-chose s'il n'était pas capable de faire appel à celui-ci sans être chamboulé émotionnellement. Néanmoins, jusque-là, Izuku n'avait pas vraiment eu l'occasion d'y penser sérieusement. Il avait bien essayé, dans l'intimité de sa chambre d'internat, d'utiliser cet Alter qui restait encore si mystérieux. Il était toutefois difficile d'utiliser quelque chose dont on ignorait la nature exacte. Oui, il pouvait apparemment produire des éclairs autour de lui mais que pouvaient-ils faire réellement ? Best Jeanist avait dit à Aizawa que son Alter avait « électrocuté » Sludge mais est-ce que ça avait fonctionné parce qu'il était composé d'une grande quantité de liquide ? Izuku avait-il besoin de « recharger sa batterie » pour pouvoir ensuite libérer un courant électrique… ou bien était-il capable d'en produire lui-même ? Sans compter qu'Izuku n'avait jamais eu d'Alter auparavant. Il se retrouvait forcé de réfléchir activement pour pouvoir effectuer une action qui venait tout naturellement au reste de la population. Ça serait sans aucun doute difficile, mais il n'abandonnerait pas pour autant.
Ses marmonnements résonnèrent dans le silence des vestiaires, lui indiquant qu'il avait de nouveau commencé à parler à voix basse. Izuku se mordilla la lèvre en songeant que ce tic ne s'était plus exprimé autant depuis des années. Il faudrait qu'il surveille ça. Pas question de se mettre à murmurer tout ce qui lui passait par la tête devant la classe entière quand l'année débuterait. En primaire, les gens l'avaient toujours trouvé étrange et n'avaient pas hésité à se moquer de lui en lui disant qu'il était flippant. Pendant bien longtemps, Kacchan s'était contenté de l'interrompre en mettant un léger coup de pied dans sa chaise ou en tapant contre le dossier de celle-ci. Quand c'était possible, il se contentait de lui tirer une mèche de cheveux sans vraiment lui faire mal, tout en continuant son activité. Lorsque leur amitié s'était détériorée, Kacchan avait rejoint leurs camarades de classe dans leurs railleries. Bizarre comme les mots de certaines personnes blessent plus que les autres…
« Ferme-la, Deku ! Personne ne veut t'entendre marmonner comme un cinglé. »
C'était diamétralement opposé à la manière dont Namigawa réagissait en l'entendant marmonner. Et depuis qu'Izuku l'avait rencontrée, personne ne s'était plus moqué de lui à ce sujet. Namigawa était appréciée par toute la classe et par les professeurs aucun élève n'aurait risqué de lui déplaire en critiquant son ami. Ce n'était pas pour autant qu'il était moins invisible aux yeux des autres… Ses camarades de classe lui disaient bonjour lorsqu'ils saluaient Namigawa mais si quelqu'un venait près d'eux quand ils étaient ensemble, la conversation ne l'incluait jamais vraiment. Néanmoins, cette situation lui convenait. Il valait mieux être ignoré « gentiment » qu'être un sujet de moquerie pour son absence d'Alter.
Comment se comporteraient les élèves de sa nouvelle classe à son égard ? Il le saurait bien assez tôt, en commençant par celui qui allait les rejoindre pour son entraînement. Avec un peu de chance, ils auraient l'occasion de faire plus ample connaissance avant la rentrée et Izuku se sentirait peut-être un peu moins comme un cheveu dans la soupe. En tout cas, il allait faire son possible pour que ça se passe bien !
Lorsqu'il arriva à la salle prévue pour son cours pratique, Aizawa l'attendait déjà, avachi sur un banc contre le mur, les bras croisés sur la poitrine et menton collé au torse. Sa respiration lente indiquait qu'il devait sûrement s'être assoupi. Izuku se demanda brièvement s'il était directement venu ici après leur discussion ou s'il avait vraiment été manger quelque chose. Lui avait dû se contenter d'un bol de nouilles instantanées qu'il avait trouvé dans le fond d'une armoire. Son appréhension pour ce qui allait suivre ne lui aurait pas permis de manger beaucoup plus, de toute façon. Son estomac était noué et, bien qu'il ait du mal à retenir son enthousiasme, une part de lui ne pouvait s'empêcher d'être nerveuse. Après tout, il allait devoir apprendre à maîtriser son Alter alors que tous les autres élèves avaient eu presque une décennie pour manier le leur. Il allait tout faire pour se dépasser ! « Plus Ultra » n'était pas la devise de U.A pour rien.
Il feinta une quinte de toux en entrant dans l'énorme bâtiment qui renfermait le gymnase Gamma. Cette salle était bien plus grande et bien plus haute de plafond que le gymnase de son ancien lycée ! Les murs étaient couverts de grands panneaux métalliques rectangulaires sur tous les côtés et le sol n'était qu'une épaisse couche de béton parfaitement lisse. Dans le fond du terrain se trouvaient des piles de tapis de gym juste assez épais pour atténuer d'éventuels impacts avec le sol. Des lignes de bancs en bois étaient disposées sur les deux longueurs du hall et la lumière du jour éclairait l'endroit grâce à un plafond de verre, certainement équipé de filtres réfléchissants contre la chaleur solaire. De gros spots étaient attachés en biais dans l'angle formé entre celui-ci et les murs, présentement éteints. Cet espace immense, presque vide, lui donna soudain l'impression d'être minuscule et il avala difficilement sa salive tout en rentrant la tête dans les épaules sans le vouloir.
—Tu es capable d'être à l'heure, on dirait…
Combien de fois avait-il sursauté en la présence d'Aizawa ? … une fois de plus, en tout cas. Son professeur ne fit aucune remarque à ce sujet, se relevant tout en baillant. Il n'était peut-être pas judicieux de lui répondre et de toute manière, Izuku n'aurait su que dire. Son cerveau avait décidé d'arrêter de fonctionner normalement devant la réalité de sa situation : il allait s'entraîner ici, comme All Might, comme énormément de héros devenus Pro.
Comme Ka-
—On va commencer par le plus difficile : ton Alter. Il va falloir que tu apprennes à t'en servir de manière naturelle et spontanée et sans… sans nécessiter de stimuli émotionnels négatifs. Pour être un héros, tu dois maîtriser ton Alter à la perfection. Il est parfaitement inenvisageable que tu blesses un civil ou un autre héros parce que tu perds le contrôle, voire même que tu te blesses toi-même. Ici, à U.A, on vous apprend l'esprit d'équipe et à collaborer avec des personnes que vous n'aurez peut-être jamais rencontrées auparavant. Mais ça ne veut pas dire que tu peux compter sur le fait de te cacher derrière les autres élèves de ta classe parce que tu n'arrives pas à suivre. Si tu n'es pas capable de faire ta part du boulot tout seul, je devrai te recaler dans la classe inférieure. C'est bien compris ?
Difficile d'imaginer qu'Aizawa puisse passer de blasé et aux portes du sommeil à cet homme intimidant à la posture sérieuse et autoritaire. Pourtant, c'était tout à fait possible. Izuku se hâta d'hocher la tête pour signaler qu'il avait saisi.
Aizawa prit un instant pour le regarder dans les yeux, sûrement histoire que le message passe bien, avant de se gratter le menton en soupirant. Il lui fit signe de le suivre un peu plus au centre du hall avant de continuer.
—Comme tu dois t'en douter, tu pars avec un énorme désavantage. Se servir de son Alter, c'est automatique pour tout le monde depuis l'enfance. Quand tu dois lever le bras, tu n'as pas besoin d'y penser ou de réfléchir, ton corps exécute l'ordre instinctivement. C'est à ce résultat qu'on doit arriver d'ici trois semaines.
Quand il avait découvert son Alter, Kacchan avait pris deux ou trois mois avant de pouvoir y faire appel quand il le voulait. Et il n'avait que trois ans à l'époque !
—Comment est-ce que je devrais m'y prendre, alors ?
Pas question de demander comment il lui serait possible d'y arriver en aussi peu de temps. Aizawa l'aurait clairement pris comme un manque de motivation et Izuku ne pouvait pas se permettre de faire douter son professeur. Il ne savait pas comment il allait y arriver mais il ferait tout son possible pour que ça soit le cas. Mais par où commencer... ?
—Les seules fois où j'ai pu m'en servir, ce n'était pas volontaire de ma part. Poursuivit-il, à voix haute. J'ai essayé de m'en servir ce matin en me réveillant mais sans résultat… Je ne sais pas comment l'expliquer mais c'est comme si-
Comme si il n'y avait rien.
Les mots se bloquèrent dans sa gorge.
Aizawa le regarda avec attention, sentant sûrement son angoisse dans sa posture raide et son visage blême. Il avait essayé de ne pas trop penser au fait qu'il ne sentait pas son Alter. Il se souvenait distinctement de la sensation qui l'avait envahi au contact de la Draconite, d'un grésillement parcourant son corps en partant de sa poitrine. Pourtant, il n'en percevait plus la moindre étincelle depuis. Par moment, il lui semblait sentir quelque chose de semblable à plus faible dose mais ça ne durait pas très longtemps. Il espérait de tout son cœur que ça ne voulait rien dire. Après tout, il n'avait jamais eu conscience de son Alter auparavant alors peut-être était-ce normal qu'il ne le sente pas pendant qu'il ne l'utilisait pas. Et si ça ne l'était pas, qu'est-ce que ça signifiait ?
—Comme si ton Alter n'était pas là ? Finit Aizawa à sa place. C'est possible que ça soit le cas… On ne sait toujours pas exactement comment ton Alter a été endormi aussi longtemps. La meilleure explication serait une Rune d'Entrave mais elle aurait été posée sur un objet dont tu ne peux pas te séparer et tu ne portes rien de ce genre. Ou alors…
—Une rune corporelle ?
L'idée était assez surprenante. Seuls les criminels qui avaient été arrêté et possédaient des Alters nuisibles portaient ce genre de runes. Toutes les personnes d'une Ascendance Givre répertoriées en étaient marquées, par ordre du gouvernement. La rune se trouvait aussi généralement sur une zone aisément accessible. Si la personne était coupable d'un crime, la rune se trouverait au niveau de la carotide, à la rencontre entre la mâchoire et le cou, habituellement à gauche. La proximité avec l'artère permettait de décourager les porteurs de cette rune de tenter de l'enlever. Les personnes d'Ascendance Givre qui avaient, par un moyen quel qu'il soit, réussi à éviter ou trafiquer le résultat de leur test d'Alter, se voyaient marqués au même endroit. Il n'était pas impossible de cacher la rune sous une écharpe ou derrière ses cheveux mais vous étiez obligé de la montrer si un agent de police ou un héros vous le demandait, de même pour un entretien d'embauche.
L'autre emplacement était spécifiquement réservé aux Ascendants Givre qui avaient été déclarés dès que leur Alter s'était manifesté. Si les parents avaient d'eux-mêmes été enregistrer leur enfant comme Ascendant Givre, après un test de vérification, le concerné recevait une rune d'Entrave dans le dos, entre les omoplates. L'endroit était difficile d'accès pour son porteur mais pouvait être caché aisément sous les vêtements. C'était bien entendu fait exprès pour encourager les gens à aller se dénoncer volontairement. Les personnes ayant une rune d'Entrave dans le cou subissaient énormément de discriminations.
Ça ne voulait pas pour autant dire qu'avoir une rune dans le dos vous mettait à l'abri des regards méfiants. Si Izuku n'avait pas eu les yeux verts et que sa cicatrice s'était trouvée à peine dix centimètres plus loin, il aurait eu une vie bien plus difficile que celle qu'il menait actuellement. Une rune d'Entrave au milieu du dos signifiait un lien de parenté avec Shimo et ça suffisait pour la majorité de la population à prouver que l'on ne pouvait pas vous faire confiance. Izuku trouvait ça parfaitement ridicule, mais c'était malheureusement comme ça…
—Recovery Girl a dit que tu avais une marque de brûlure à l'omoplate. Tu te souviens de comment c'est arrivé ?
Contrairement à la veille, lorsqu'il lui avait posé de nombreuses questions, la posture d'Aizawa était détendue. Il lui faisait confiance pour répondre honnêtement.
Izuku aurait cependant préféré éviter cette question. Il n'avait aucune envie de parler de ce qui s'était passé le jour où il avait reçu cette cicatrice. Pourtant, il ne pouvait pas mentir à ce sujet. Il n'était pas question que son professeur se remette à douter de lui juste parce qu'il ne voulait pas aborder un sujet sensible. Serrant les poings à s'en faire mal, Izuku prit son courage à deux mains :
—C'est arrivé à la fin de ma dernière année de primaire. Dit-il, sentant une vague de tristesse monter en lui.
Il agrippa son bras droit au niveau du coude, se rappelant d'une poigne bien plus ferme enserrant exactement le même endroit. Il serra les dents, l'odeur de chair calcinée se rappelant à son bon souvenir.
—Une… conversation avec un ami qui a mal tourné.
Izuku ne put empêcher le trémolo dans sa voix sur le mot « ami ».
—Tu es sûr de l'avoir reçue à ce moment-là ? Demanda Aizawa, sur un ton plus doux.
Izuku hocha la tête en regardant le héros dans les yeux. Il avait dû comprendre qu'Izuku ne voulait pas en parler car il n'avait pas l'air contrarié qu'il n'ait pas donné plus de précisions. Au contraire, il semblait prêt à abandonner cette partie de la discussion. Après tout, il était impossible que l'Alter d'Izuku ne se soit pas déclaré avant ses douze ans. Il n'était donc pas nécessaire d'investiguer davantage dans cette direction.
—Certain.
—Très bien. Alors il va falloir que tu voies Recovery Girl pour un examen plus approfondi. Elle a d'autres obligations plus urgentes alors ça prendra quelques jours. D'ici là, on peut faire sans.
Il sortit une des mains qui étaient plongées dans ses poches et, alors qu'Izuku se serait attendu à un pot de sérum physiologique, Aizawa en sortit un morceau de Draconite. Il le tenait du bout des doigts par une des extrémités qui était couverte d'un métal argenté. Celui-ci faisait à peine la taille de son petit doigt et était taillé en hexagone. Il brillait d'une douce lueur ambrée mais, vu qu'Aizawa ne le touchait pas directement, il ne laissa rien transparaître de la nature de son Ascendance. Aizawa le tendit vers Izuku qui s'empressa de faire un pas en avant, une main levée paume face au ciel.
—Il est fort probable que le Cristal ne réagisse pas à ton contact. Ce n'est pas la peine de t'affoler pour ça.
Grillé…
Apparemment, Aizawa avait très bien compris les inquiétudes d'Izuku vis-à-vis de son incapacité à sentir la présence de son Alter. Izuku le remercia silencieusement, un sourire gêné aux lèvres, pour l'égard dont il faisait preuve à son encontre. D'autant plus, lorsqu'une fois le Cristal posé dans sa main, celui-ci redevint inerte après qu'Aizawa se soit éloigné. Bien qu'il ait été prévenu de cette éventualité, Izuku ne put empêcher ses entrailles de se nouer à la vue du Cristal non-réactif.
—Quel que soit ce qui t'empêche d'utiliser ton Alter, ça n'a pas totalement disparu. C'est sûrement pour cette raison que tu ne parviens pas à y faire appel volontairement. Visiblement, les émotions fortes auxquelles tu as dû faire face ces derniers jours ont dû créer une brèche… ou bien elles en ont agrandi une qui était déjà là.
Il retourna s'installer sur le banc où Izuku l'avait trouvé à son arrivée mais cette fois, il se coucha carrément sur le dos et se couvrit d'une couverture qu'Izuku n'avait pas remarquée jusque-là.
—Ton boulot c'est de te concentrer pour trouver cette brèche et la forcer à s'ouvrir mais sans avoir recours à une émotion négative. (Il se tourna vers le mur) Ton partenaire devrait arriver d'ici peu, interdiction de me réveiller avant ce moment si ce n'est pas pour me montrer un résultat concluant.
La menace sous-jacente était bien présente dans sa voix et un instant plus tard, sa respiration s'était déjà approfondie.
Izuku le fixa, abasourdi, avant de secouer la tête. Il avait peu de temps pour s'entraîner. Décidé, il s'assit en tailleur sur le sol froid et se dressa correctement, le dos droit, le menton baissé vers la poitrine et le Cristal posé sur ses mains en coupe dans le berceau formé par ses jambes croisées. Il prit une profonde inspiration, jetant un dernier regard au Cristal inactif, avant de fermer les yeux.
Difficile de savoir par où commencer mais vu que les deux seules et uniques fois où il avait utilisé son Alter, la sensation était partie de sa poitrine et s'était diffusée dans son corps… Il serait évident de chercher de ce côté. Néanmoins, ça restait compliqué. Comment faire pour faire appel à son Alter ? Aizawa avait comparé l'utilisation du sien à celle d'une partie de son corps. Il ne se forçait pas, ça venait naturellement. Kacchan avait un jour dit qu'il suffisait qu'il pense à faire exploser quelque chose pour que des étincelles crépitent dans sa main. Mais Izuku ne savait pas à quoi penser pour déclencher le sien. La première fois, il avait été sur le point de mourir et son Alter s'était manifesté pour empêcher que ça arrive. La seconde, il avait juste été sujet à une crise de panique et son Alter avait réagi sans réelle raison valable. En plus, Aizawa lui avait donné pour consigne de ne pas utiliser d'émotions négatives pour réussir l'exercice. Il n'était donc pas beaucoup plus avancé.
Bon… Plus Ultra.
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Il ignorait combien de temps s'était écoulé quand une voix dénuée de toute inflexion se fit entendre. Il n'avait même pas entendu la personne entrer, bien trop occupé à tenter de desceller la moindre parcelle de son Alter dans son corps, sans résultat. Izuku ouvrit les yeux, sans sursauter pour une fois, et se tourna vers le nouvel arrivant.
—Désolé du retard.
Aizawa devait s'être réveillé entre temps car il était déjà assis sur le banc, aucune trace de sa couverture à l'horizon. Il ne se formalisa pas de l'absence apparente d'un quelconque regret dans l'attitude de son élève.
Ce dernier, les mains dans les poches, se contenta de le regarder sans accorder un seul regard à Izuku. Tout au contraire, Izuku ne put s'empêcher de noter chaque détail de son apparence, excité à l'idée de faire plus ample connaissance avec un futur camarade de classe. Il avait l'étrange impression de l'avoir déjà vu quelque part mais ça paraissait ridicule parce que ce garçon avait clairement une physique qu'on n'oublie pas. Ses cheveux étaient parfaitement sectionnés en deux parties égales mais de couleur différente : rouge à gauche et blanc à droite. Pas une seule mèche rebelle dans sa chevelure lisse et Izuku se demanda brièvement si ses cheveux étaient aussi doux qu'ils en avaient l'air. Il portait la tenue de sport réglementaire, son gilet s'ouvrant sur un T-shirt blanc uni. Vu la musculature de ses bras et la largeur de ses épaules, il n'y avait pas vraiment de doute sur le fait qu'il s'entrainait bien plus qu'Izuku. Il devait aussi le dépasser d'au moins dix centimètres, à vue d'œil.
Ce qui marqua le plus Izuku ensuite fut la couleur de ses yeux. Par un réflexe habituel, le cœur d'Izuku se serra en découvrant le gris clair de ses iris. Mais l'instant d'après, il se sentit empli d'une légère déception : rien, comme d'habitude. Il rosit légèrement et se morigéna intérieurement pour cette réaction.
—C'était prévu. On va pouvoir commencer. Dit Aizawa en se mettant debout, les bras croisés. Midoriya, je te présente ton partenaire pour les cours pratiques : Todoroki Shoto.
Le regard d'Izuku étant déjà braqué sur ce dernier, il ne rata pas une seconde de sa réaction lorsqu'il tourna les yeux vers lui. La dernière miette d'espoir —bon sang, ce qu'il pouvait être stupide— s'envola quand leurs regards se rencontrèrent et que le gris ne se peignit pas de bleu.
Ça faisait bien longtemps qu'Izuku n'avait plus rencontré une nouvelle personne aux yeux bleus —parce que ceux de Todoroki devaient être de cette couleur, assurément— et ressentit cette seconde d'appréhension. Son ancien lycée était majoritairement composé de Luxen, impossible que l'un d'eux fasse se révéler sa Couleur. Il n'y avait presque personne avec des yeux bleus dans sa classe et ça n'avait pas été bien différent au collège. Autant dire qu'avec le temps, il ne s'était plus vraiment préoccupé de ce que rencontrer une nouvelle personne impliquait : la possibilité de rencontrer son AS.
Mais cette fois, une part inconsciente de lui avait dû placer ses espoirs dans le fait que Todoroki était un Ignae tout comme lui et qu'il aurait pu être la personne qui lui était destinée. Ce qui lui fit soudainement envisager une perspective encore plus intrigante… Malgré lui, il sentit cette étincelle d'espoir mêlée de stress se raviver dans un recoin de sa poitrine.
Houla, ça risque d'être une rentrée haute en émotion…
Après réflexion, vu le regard noir empli de dégoût que Todoroki lui adressa en reconnaissant finalement sa présence, peut-être valait-il mieux qu'il ne soit pas son AS. Izuku ignorait ce qu'il avait bien pu faire de si terrible pour être dévisagé ainsi mais il n'avait plus vu quelqu'un le regarder de cette façon depuis…
« Tu vraiment qu'une merde, Deku. »
Et dire qu'encore un instant auparavant, Izuku avait espéré se faire son premier ami à U.A… Tout dans l'attitude de Todoroki hurlait son mépris pour Izuku. La manière dont ses sourcils bicolores étaient froncés, son nez plissé comme s'il avait reniflé quelque chose de répugnant, ses épaules tendues et sa posture rigide, mais aussi ses lèvres pincées et sa mâchoire crispée. Comment Izuku pouvait-il provoquer une réaction aussi viscérale chez quelqu'un qu'il n'avait jamais rencontré de sa vie ?
Il recula d'un pas sans le vouloir, enfonçant la tête dans ses épaules, la tête baissée. Aizawa, quant à lui, semblait attendre quelque chose avant de continuer à parler. Aussi, Izuku se décida à parler, déglutissant difficilement au préalable et le regardant timidement par-dessous ses cils.
—E-enchanté, Todoroki. Je suis Midoriya Izuku.
Silence.
—M-merci d'avoir accepté de m'aider.
Quelque chose traversa le regard de Todoroki mais disparut tout aussi vite, sans qu'Izuku ait le temps de comprendre de quelle émotion il pouvait s'agir. Que ça ait été positif ou négatif, dans la seconde qui suivait, Todoroki serra les dents et releva presque imperceptiblement le menton, comme si Izuku était un insecte qu'il venait de trouver sous ses baskets blanches.
A ce stade, il n'était même pas certain que Kacchan ait déjà exprimé un mépris aussi intense en sa présence. Peut-être était-ce juste le temps qui avait simplement adouci ne serait-ce qu'un peu ses souvenirs de son ancien meilleur ami… Il le saurait bien assez tôt.
—On m'a pas demandé mon avis. Asséna-t-il sèchement.
Aizawa s'empressa de reprendre le contrôle de la conversation après avoir lancé un regard en coin réprobateur à Todoroki, qui l'ignora superbement.
—Maintenant que les présentations sont faites, passons aux choses sérieuses. J'ignore totalement où tu en es au niveau combat au corps-à-corps mais c'est le moment de le découvrir. Est-ce que tu as déjà pratiqué un sport de combat ?
—J'ai déjà suivi quelques leçons de self-defense il y a un an ou deux… Mais je me souviens en partie de ce qu'on m'a montré.
Les cours n'étaient pas pour lui, à la base. En fait, vers la fin du collège, Namigawa lui avait dit se sentir observée sur le trajet entre l'école et son domicile lorsqu'elle rentrait le soir et elle n'était pas particulièrement rassurée. Il avait d'abord commencé par la raccompagner jusque chez elle, faisant ainsi un court détour sur son propre chemin (ce que sa mère ignorait ne pouvait pas lui faire de tort).Puis, il s'était dit que, si jamais pour une raison ou une autre, il ne pouvait pas être là, elle pourrait potentiellement être en danger. Il n'avait vu personne lorsqu'il la raccompagnait mais les filles semblaient avoir un sixième sens pour repérer ce genre de choses. Mieux valait donc prévenir que guérir. Aussi, il lui avait proposé de suivre un cours de self-defense pour se sentir plus en sécurité, même seule. Devant son hésitation, il avait fini par proposer de se joindre à elle et Namigawa avait accepté.
Il avait assisté à un peu moins de séances, six pour lui et neuf pour elle. L'important était qu'après ça, elle s'était sentie beaucoup plus à l'aise. Par acquit de conscience, Izuku avait néanmoins continué de faire le trajet avec elle lorsque c'était possible.
—En partie ? On va voir ça.
La commissure des lèvres de Todoroki eut un sursaut presque imperceptible alors qu'une étincelle moqueuse s'allumait dans son regard grisâtre. Après des années au contact de Kacchan et de ses moqueries, Izuku savait reconnaître quand quelqu'un ne le croyait pas capable de réussir. Et à vrai dire, il n'appréciait pas particulièrement. Il fronça les sourcils légèrement, pinçant les lèvres pour s'empêcher de lui faire une quelconque réflexion.
—Todoroki, pas d'Alter pour cet exercice. On passera à cette phase plus tard.
Todoroki marmonna une réponse à voix basse dont il ne comprit presque rien. Il lui semblait avoir entendu le mot « enfoiré » mais vu l'absence de réaction d'Aizawa, il avait du mal comprendre.
Le professeur leur fit prendre position au milieu du terrain d'entraînement, face à face. Todoroki ne tarda pas à se mettre en position de défense, prenant appui sur sa jambe droite et la gauche en avant. Contrairement à Kacchan qui aurait sûrement écarté largement les bras, paumes vers le ciel et les doigts recroquevillés en pince, Todoroki garda la main droite tendue, doigts écartés alors que l'autre formait un poing. Tant bien que mal, Izuku tenta de l'imiter. L'action ne provoqua aucune réponse visible chez son partenaire. Todoroki comptait certainement rester en défense, le temps de voir ce qu'Izuku comptait faire. Mais vu l'expérience que son adversaire avait dû acquérir en un an à U.A, il valait sûrement mieux que-
—Prêts ? Go.
Le mot « go » avait à peine quitté la bouche d'Aizawa que Todoroki était déjà à sa hauteur, le poing levé. Izuku eut à peine le temps de réfléchir à ce qu'il devrait faire pour le contrer qu'il était déjà allongé au sol, le souffle coupé, les bras croisés sur son bas-ventre et les larmes aux yeux. Le surplombant de toute sa hauteur, Todoroki lui lança un regard supérieur.
—C'est pas gagné, soupira Aizawa, de nouveau assis sur son banc. Todoroki… vas-y un peu plus doucement, la prochaine fois. Je veux évaluer son niveau, pas l'envoyer à l'infirmerie.
Vu l'expression sur le visage de Todoroki et la sensation encore très nette de son poing réarrangeant ses intestins, Izuku était à peu près sûr que l'issue de cette session ne serait pas en adéquation avec les plans d'Aizawa.
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Voilà, Shoto a enfin rejoint l'aventure : il était temps ! Même pour moi, ça devenait insoutenable ! Malheureusement, il fallait mettre des choses en place avant de le faire apparaître. Mais il sera biiiien présent dans les deux prochains chapitres puisque lui et Izuku vont passer trois semaines ensemble, sans le reste de la classe. Katsuki arrivera donc logiquement dans le chapitre 7. Ah, et si vous avez remarqué, j'ai taggé la fanfic sous "Katsuki B./Izuku M.", à défaut de pouvoir mettre mieux... (C'est un TodoDeku aussi, après tout...) J'espère juste que ça la rend plus facile à trouver !
N'hésitez vraaaaaaaiment pas à me laisser votre avis en commentaire. D'avance, merci ! :)
