Chapitre 4 : Breathe
note : pour les scènes d'enquêtes je me suis inspirée de la série New York de Dick Wolf
Musique : Anna Nalick : Breathe
"- C'est bon, on a les résultats des empreintes, il s'agit de Marc Karnacek, marié, deux enfants, il travaillait à la poste depuis quinze ans, après un échec dans l'immobilier. Employé modèle visiblement. Il y a une plainte qui a cependant était déposée contre lui alors qu'il avait dix-huit ans à peine, harcèlement et viol mais sans aucune preuve avéré donc l'affaire a été classé sans suite.
- Ok allons rendre visite à Mme Karnacek, on verra ce qu'elle a nous dire. Elle n'a pas signalé la disparition de son mari d'ailleurs, c'est bizarre.
- Non Paul toi tu restes là...Joe tu vas faire des recherches sur cette plainte, Evan et Letty allaient interroger la femme.
L'inspecteur Cardoza se redressa en haussant les sourcils alors que ses collègues se mettaient déjà en route.
- Quoi ? Pourquoi ?
- Parce que tu as rdv dans moins d'une heure avec la psy et qu'il n'est pas question que tu sois en retard pour ta première séance.
- Charlie tu plaisantes ?
- J'en ai l'air, tu crois quand même pas qu'on va en rediscuter ?
Le chef regarda ses autres agents et haussa le ton.
- Qu'est-ce que vous faites encore là vous ? Au boulot !
Le capitaine partit s'enfermer dans son bureau alors que Paul balançait ses clés dans un geste de rage. Joe lui attrapa l'épaule en signe de soutien.
- Allez viens on va aller respirer l'air pure des archives.
Ensembles ils descendirent jusqu'au sous sol. Paul était exaspéré par la situation mais il devait garder pour lui ses réflexions les plus profondes étant donné que son poste et sa carrière étaient visiblement sur la sellette des affaires internes. Le duo d'inspecteurs passa environ vingt minutes à déterrer l'affaire de l'agression de Karnacek et quand ils remontèrent, le chef les attendait près de leur bureau respectif.
- Letty a appelé, la femme était au courant pour cette histoire d'agression mais elle a toujours soutenu son mari parce qu'elle dit que ce n'était pas fondé. Par ailleurs, elle n'a pas signalé sa disparition parce que celui-ci devait se rendre chez une tante dans le Vermont.
- Elle a une idée de qui aurait pu le tuer ?
- Elle a déposé une main courant au commissariat de leur quartier il y a quelques semaines concernant des menaces qu'aurait reçu Karnacek, des appels étranges à la maison.
- Quel genre ?
- Evan et Letty vont passer chercher le dossier et vous vous avez quoi ?
- Olga Stevens a déposé plainte pour viol et séquestration quand ils étaient au lycée. Elle disait à l'époque qu'elle avait subi un véritable harcèlement moral de la part de Karnacek jusqu'à ce qu'il pète littéralement les plombs et qu'il l'a kidnappe dans sa chambre. Ils étaient en couple depuis un an et leur relation aurait mal tourné.
- Contactez-là pour en parler.
Joe hocha la tête avant de se réinstaller devant son écran d'ordinateur. Le chef quand lui interpella Paul qui haussa les sourcils.
- Quoi encore ?
- Fais en sorte que ton rdv ce passe bien, sinon tu auras à faire à moi c'est clair.
- Ouais, ouais."
Un quart d'heure plus tard, Paul descendit au cinquième étage, serein mais certainement pas décidé à coopérer. Il frappa à la porte et entra dans le bureau, très lumineux et dans les tons gris et blanc. Il y avait une très belle représentation du Mont Rainier au dessus du canapé et la vue sur New York par delà la fenêtre était imprenable. En passant la porte, ses yeux se portèrent immédiatement sur la jeune femme qui se trouvait face à lui. Brune, des yeux marrons, fine, gracile, apparemment discrète, environ un mètre soixante-dix, elle paraissait gênée et impressionnée mais essayait de garder la tête droite. Elle lui tendit la main pour se présenter mais Paul la contrecarra immédiatement. Il n'était pas question qu'il se laisse attendrir par ses phrases structurées, sa politesse ou son charme parce que, sur ce point...Sans hésitation on pouvait dire que Rachel Berckley était très belle. Sa simplicité était lumineuse, sa gêne était attendrissante et sa voix douce et posée la rendait très sexy. Mais Paul ne chassait pas sur le terrain du boulot. Le meilleur moyen qu'il trouva pour rester de marbre était la délicatesse légendaire dont il faisait preuve envers beaucoup de monde.
Il s'installa donc sur le canapé blanc et posa ses pieds sur la table basse avant de plonger la tête dans son magazine sportif pendant une heure. Il savait que Rachel n'irait pas le dénoncer au chef ni à qui que ce soit d'autre, elle avait sa fierté et sa réputation à préserver au sein de l'unité et puis d'un autre coté elle était trop timide pour le défier...quoi que, ce petit jeu de ping-pong verbal l'avait distrait plus qu'il ne l'aurait cru au départ mais c'était lui le boss, lui qui fixait les règles et non, il ne coopèrerait pas.
Une heure plus tard il quitta son bureau, soulagé qu'elle ait cédé mais aussi contrarié parce qu'il savait pertinemment qu'elle reviendrait à la charge à chaque séance et face à son attitude, il avait un doute sur le fait qu'elle lâche l'affaire. Paul ne savait plus depuis longtemps comment gérer des relations sociales normales, la plupart du temps, il grognait et les gens s'écrasait. Pour les femmes c'étaient un peu la même chose, réputation de tombeur collectionneur, ça lui allait très bien comme étiquette, pour ce qu'il en faisait de tout façon.
Lorsqu'il arriva dans la pièce principale de son unité, Charlie le regarda suspicieusement.
"- T'as été sage ?
- Comme une image.
Le chef Price grimaça.
- Ouais tu parles, je te connais Paul...un conseil fais pas le malin, c'est une fille en or, si j'apprends que tu l'as fait tourner en bourrique, je troue la peau, compris ?
L'inspecteur rigola en haussant les sourcils.
- Tu me menaces ?
- Exactement et devant témoin en plus...maintenant remets-toi au boulot et fais-toi tout petit."
...
Le reste de la journée se passa sans encombre, les membres de l'équipe de jour laissèrent la place à celle de nuit et Paul regagna son quartier huppé où l'une de ses conquêtes d'un soir l'attendait pour se détendre après une journée de boulot.
Son quotidien se résumait à frôler les interdits, voir franchir les limites les plus raisonnables, il jouait avec le feu, il pouvait tout se permettre ou presque. Pourquoi ? Parce qu'il était flic ? Non derrière cette facette se cachaient d'autres évènements plus ou moins tragiques, rendant complexe ses rapport aux autres, réduisant à néant sa confiance à autrui et c'était cette partie, ces crevasses de son passé qu'il aurait dû confier à Rachel mais après tout que pouvait-elle y faire ? Si Charlie croyait qu'elle pouvait réparer les blessures, amenuiser la douleur ou lui rendre sa joie de vivre, il se fourrait le doigt dans l'œil, jamais, jamais Rachel ne réussirait à percer quoi que ce soit. Jamais, elle ne parviendrait à lisser les cicatrices. Pourquoi faire ? Pourquoi devait-il faire un effort alors qu'il se sentait bien ?
Il se sentait bien...
Le lendemain matin, le jeune homme se réveilla avec l'intime conviction que toute cette histoire de psychothérapie n'était qu'un vulgaire écran de fumé et que par conséquent, il n'était pas question de changer quoi que ce soit à sa vie ou à son comportement. A partir de maintenant il allait juste faire preuve d'un peu de retenu dans ses échanges avec les suspects. Il pouvait le faire ce n'était pas si compliqué non ?
Du coup la séance suivante fut identique à la première et ainsi de suite pendant trois semaines. Entre temps le jeune homme avait découvert avec ses coéquipiers qu'Olga Stevens avait perpétré le meurtre de Karnacek avec sa mère pour le punir de ce qu'il lui avait fait subir au lycée. Puis il avait enchaîné avec une autre affaire : celle d'une femme qui s'était suicidée après une rupture douloureuse. Pendant les premiers jours, l'équipe avait d'abord pensé à un meurtre mais l'ex-petit ami avait été mis hors de cause et le dossier rapidement bouclé.
Dernièrement Paul et Joe avait été appelé d'urgence à l'hôpital général pour le cas d'un mannequin retrouvé sur le parking après avoir été balancé d'une voiture. Grièvement blessée, la jeune femme faisait partie d'une agence de mannequinat très sélect de la ville. Le coupable avait rapidement été appréhendé, il s'agissait du photographe qui après avoir trop bu avait sauvagement agressé son modèle, qui était finalement morte deux jours plus tard des suites de ses blessures.
A la fin de la semaine, le commissariat avait appelé Paul en plein milieu de la nuit pour prêter main fort à l'équipe qui croulait sous le boulot. Il avait donc rejoint Evan, pour prendre en charge le meurtre d'une jeune femme noire d'environ vingt ans qu'on avait retrouvé derrière une poubelle, habillée de manière provocante. L'équipe avait décidé de faire une enquête dans le milieu des prostitués du quartier, ce qui n'avait pas donné grand chose puisque, personne ne semblait la reconnaître.
"- Ok, j'ai eu Philips, il dit qu'il n'y a pas de fibres à analyser, pas de peau sous les ongles, par contre son estomac contenait du soja et ce qui semblait être les restes d'un steak de tofu. Il dit aussi qu'elle aurait fait des U.V et que sa pédicure était fraîche.
- C'est pas le schéma classique d'une prostitué, sauf si c'était une escorte.
- Elle ne faisait peut-être pas partie du milieu de la prostitution.
- Dans ce cas, faut qu'on reprenne les infos depuis le début. Elle faisait du bénévolat dans un refuge...
- On ira quand tu reviendras de ta séance.
Paul jeta un coup d'œil à sa montre.
- Dis à Letty de recontacter les parents pour voir s'ils n'auraient pas oubliés de nous parler d'un truc."
Joe acquiesça tout en faisant le tri dans les papiers qu'il avait devant lui alors que Paul attrapait sa veste et se dirigeait vers les escaliers pour descendre au cinquième étage.
Lorsqu'il arriva devant la porte, il prit le temps de souffler avant de frapper. La transition entre l'agitation de son travail et le calme plat du bureau dans lequel il voyait Rachel, était parfois déstabilisante. Et puis, depuis une semaine, Paul avait du mal à gérer les silences qui se faisaient de plus en plus long, leurs rixes verbales devenaient rare, Rachel avait semble-t-il décidé de ne plus jouer à celui qui clôturera le débat en premier. Depuis trois jours, il avait envie de l'entendre hurler contre lui, c'était ça ou lui confier que son boulot, parfois, il ne l'aimait pas. Comme cette histoire de mannequin qu'on avait balancé devant l'hôpital comme un vulgaire sac d'ordure. Que des tarés sur terre !
Mais pouvait-il aborder un sujet aussi sombre avec elle ?
Les affaires s'enchaînaient les unes derrières les autres à un rythme très soutenu parfois et même s'il n'était pas toujours d'accord avec ce qu'on lui imposait aujourd'hui, il devait avouer que pour la première fois en quatre semaines, la présence de la jeune femme l'apaisait. Une parenthèse de calme face à la tempête judiciaire. La dernière fois qu'il était venu, il l'avait observer discrètement : elle mâchouillait son stylo quand elle réfléchissait, elle fronçait souvent les sourcils et soupirait quand elle corrigeait ses notes, elle tortillait ses cheveux quand elle était fatiguée. Des petites manies qu'il trouvait attendrissantes or il n'aurait pas du éprouver ce genre de sentiments. Ca n'en était que plus désarmant.
Il frappa à la porte et immédiatement le battant s'ouvrit mais Rachel se tenait de dos et toussait fortement. Elle ne lui adressa pas un seul mot, il la suivit du regard lorsqu'elle s'affala dans son fauteuil, la tête entre les mains. Ses joues étaient rouges mais pas de gêne cette fois, plutôt de fièvre, ses yeux larmoyaient fortement et elle avait les épaules courbées vers l'avant signe d'une fatigue intense. Il la regarda lutter contre le sommeil pendant un temps, trouvant stupide d'être venu travailler en prenant le risque de contaminer ses patients alors qu'elle aurait pu se reposer chez elle.
Mêles-toi de ce qui te regarde crétin !
Il savait que ce genre de préoccupations, étaient un nid à emmerdes, il refusait de voir que Rachel le troublait et qu'une nouvelle limite dangereuse se profilait à l'horizon.
Le téléphone résonna dans le silence de la pièce et la jeune femme décrocha après s'être excuser auprès de Paul. Lorsque celui-ci entendit parler de la brigade des moeurs, sa mâchoire se contracta violemment. Antonio Jero dirigeait le service, c'était un véritable tocard, un gros dragueur qui se foutait des victimes comme des criminels, en résumé, pourri jusqu'à la moelle. La psychologue n'aperçut pas le réaction de Paul quand elle renonça à sa pause déjeuner, celui-ci se redressa vivement avec une palpitation trop forte au creux du thorax. Il n'était pas question que quelqu'un d'autre abuse de sa gentillesse. Il l'observa se masser le visage, littéralement épuisée. A ce moment là, une fois de plus la raison déserta sa conscience professionnelle. Paul se leva et se dirigea vers le bureau pour s'emparer du téléphone.
"- Brigade des mœurs ?
- Jero ?
- C'est moi.
- Ouais c'est Cardoza, dis, il paraît que t'as besoin de la psy de la crim' ?
- J'ai une évaluation sur une victime de viol lors d'un racolage qui a mal tourné.
- Ouais ben va falloir t'en passer, elle est pas dispo aujourd'hui.
- Fais pas chier Paul, j'ai personne d'autre sous la main pour le reste de la journée.
- J'en ai rien à foutre, elle bosse pour nous pas pour les mœurs alors t'as gueule.
- C'est une première évaluation pour un interrogatoire, Price a dit que c'était bon.
- T'inquiète je gère le boss, appelles Emily et écrases-toi.
- Tu te la tapes c'est ça ?
Paul éclata de rire.
- Non pas aujourd'hui."
Après avoir raccroché, il observa la jeune femme qui trembla. Elle semblait tellement vulnérable. Il déposa quelques billets sur le bureau et lui conseilla de rentrer chez elle. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'était qu'elle prendrait son geste comme une insulte. Elle hurla. Presque aussi fort que Charlie la dernière fois. Elle aurait voulu qu'il lui parle, qu'il se confie à elle, sur sa vie, son travail, ses parents mais comment ?...oui peut-être qu'aujourd'hui il l'aurait fait s'il ne l'avait trouvé aussi malade et fatiguée...oui aujourd'hui il en avait eu envie, envie d'apaiser pour quelques minutes un sentiment d'oppression et d'échec. Quand vous arrêtez un criminel, combien sont-ils encore dehors à attendre leur tour pour faire le mal et détruire la vie de quelqu'un ? Est-ce que son travail avait un sens face au chaos du monde ? Face à ce déferlement de violence quotidienne ? Il aurait voulu avoir quelques minutes aujourd'hui pour connaître son avis. Mais au final est-ce que ça aurait changer quelque chose ? Il avait peur d'être vulnérable en lui confiant que parfois il doutait. Quels mots auraient pu traduire ses sentiments ?
Sauf qu'elle hurla. Fort. Elle regarda. Tremblante. Fiévreuse. Le souffle court. Fragile.
Belle. Même rouge de température. Belle. Même avec un nez gonflé par un gros rhume. Belle malgré sa colère. Belle parce que naturelle. Simple. Douce.
Une parenthèse.
Elle lui demanda pourquoi il était là alors qu'il ne le voulait pas. C'est vrai ça, pourquoi continuer à descendre au cinquième étage alors que ça ne servait à rien, il aurait très bien pu passer un accord avec la commission disciplinaire, une suspension, une rétrogradation éventuellement et basta. Plus de soins. Plus de rdv deux fois par semaine.
Sauf que...
Crac...Il le sentit au fond de lui même, un peu comme une évidence, un peu comme s'il l'avait eu entre les mains. Une barrière qui se brise. Oh certes une toute petite déchirure, minuscule, presque invisible mais il la sentit quand même.
Une brèche ouverte. Alors il s'approcha d'elle, le cœur battant, le souffle rapide, ne voulant rien révéler mais pourtant tout lui dire. Une vérité dans un secret.
Eres Mi Tregua
Une pause dans un quotidien chaotique.
Il se retrouva dans le couloir, le corps frissonnant, les idées chamboulées et la peur au ventre de ce qui arriverait par la suite. Cette sensation le poursuivit jusqu'à la fin de sa journée. Quand il sortit du commissariat en début de soirée, il décida de marcher pour réfléchir et au coin d'une rue, des effluves aromatiques chatouillèrent son nez. L'enseigne d'un traiteur de luxe clignotait dans la nuit et sans même se poser de questions, Paul entra, laissant son instinct le guider. Il fit livrer chez Rachel un bol de soupe aux légumes. Une manière d'expliquer son geste. De remettre le compteur à zéro.
Cette nuit-là, il ne dormit pas beaucoup, préoccupé par ses doutes et ses sentiments confus. Que se passerait-il par la suite ? Etait-il prêt à suivre cette voie incertaine, vers ce fil que lui tendait Rachel ? Pouvait-il lui faire confiance ? Et pour quels résultats ?
Représenterait-elle sa force ou sa faiblesse ?
...
No One Can Find The Rewin Button (personne ne peut trouver le bouton de rembobinage)
So Cradle Your HEad In Your Hands And Breathe (alors poses ta tête délicatement entre tes mains et respire)
There's A Light At Each En Of This Tunnel (il y a une lumière à chaque sortie d'un tunnel)
Juste Breathe (respire simplement)
... ... ... ...
Le point de vue de Paul sur le chapitre précédent, j'espère que ça vous a plu ^^
Merci à Adeline pour ta review j'espère que ce chapitre t'as plu ^^
Merci à Gaelle-51 pour ta review : non je n'envisage pas de gros changements pour l'histoire juste quelques remaniements peut-être sur l'histoire avec Derek et Kim mais je n'y suis pas encore, j'ai beaucoup d'idées mais rien qui me plaît vraiment pour le moment, rassures-toi dans les grandes lignes ça ne changera pas ^^
Les conseils sont les bienvenus lol ^^
