Chapitre 5 : Double Game

note : pour les scènes d'enquêtes je me suis inspirée de la série New York de Dick Wolf

Musique : Christophe Wilhem : Double Je

"- Si vous aviez vu la façon dont ils me regardaient.

- Quelle façon ?

- Comme s'ils me jugeaient.

- Ils vous ont fait des remarques désobligeantes ?

- Non.

- Alors comment pouvez-vous savoir qu'ils vous jugeaient ?

- A la façon dont ils me regardaient !

- Le regard est une donnée subjective Austin, chaque personne peut en faire une interprétation personnelle. Ca ne définit pas un sentiment ou un jugement.

- Je n'y retournerais pas.

- Vous vous êtes senti mal à l'aise parce que c'était votre première séance avec les alcooliques anonymes, le but c'est d'entendre des récits qui peuvent refléter ce que vous endurez. Est-ce que vraiment rien ne vous a fait écho ?

- Pff ils sont tous paumés et désespérés.

- Ils traversent tous ou ont traversés une période difficile dans leur vie. Tout comme vous. Ils se réunissent pour s'écouter, se raconter et peut-être même se conseiller mais en aucun cas pour se juger. J'aimerais vraiment que vous retentiez l'expérience.

La psychologue regarda sa montre.

- La séance est terminée, on reprendra ça, vendredi."

Austin quitta le bureau et Rachel termina de prendre des notes. Après avoir passé le week-end entre les mains d'Estela, la jeune femme était arrivée au bureau en se sentant plus en forme, un reste de toux persistait mais ça ne l'empêcherait pas de travailler. Elle avait donc commencé par une réunion de travail avant de recevoir l'officier Malarko qui, visiblement n'avait pas été emballé par les alcooliques anonymes. Rachel appréhendait par contre son face à face avec Paul, leur altercation de vendredi avait laissé des traces. Elle avait éprouvé tellement de colère au moment où il avait annulé son passage à la brigade des mœurs, comment avait-il osé se mêler de son emploi du temps ? Et puis il s'était approché d'elle, le regard flamboyant et il lui avait murmuré à l'oreille, qu'elle sa trêve. Comment devait-elle interpréter cette phrase ? Qu'attendait-il comme réaction ? Et puis il y avait eu le gobelet de soupe avec cette citation sur la force et la faiblesse de confier un secret. Se demandait-il si il pouvait lui faire confiance ? Devait-elle lui prouver que tout ce qu'il lui dirait entre ses murs lui appartiendrait et qu'en aucun cas il ne devait en avoir honte ou en avoir peur. Que jamais elle ne le trahirait.

La jeune femme regarda sa montre et soupira. Paul était en retard. Avait-il finalement renoncé à venir la voir ? Croyait-il avoir franchi une nouvelle limite au raisonnable ? Rachel avait le sentiment d'un échec cuisant, la pire prise en charge de toute sa jeune carrière.

Elle se pencha sur ses notes prises lors d'une précédente réunion, ne s'attendant plus à le voir arriver, lorsque finalement quelques minutes plus tard, elle entendit quelqu'un frapper contre la porte. Paul entra dans la pièce, vêtu d'un polo blanc et d'un jean, le visage fermé et les mâchoires serrés comme à son habitude. Il avait des cernes sous les yeux et une barbe naissante, Rachel eut une sorte de décharge électrique quand elle rencontra son regard. Il resta adossé à la porte se demandant comment aborder la situation, son cœur battait fort en la voyant aussi hésitante que lui. Elle portait un pull bicolore, blanc et vert, sur un simple jean et des ballerines. Ses cheveux étaient lâchés et retombaient sur ses épaules, toujours à peine maquillée. Simple. Belle.

Paul se racla la gorge et soupira pour reprendre ses esprits.

"- Désolé j'ai pas vu l'heure.

Rachel le surprit en haussant les épaules, décidant de jouer la carte de l'indifférence, le prenant peut-être à son propre jeu. Elle lui désigna le canapé, d'un geste désinvolte de la main.

- Vous connaissez le chemin.

Le jeune homme se dirigea vers le sofa et s'y installa en posant les coudes sur les genoux. L'ambiance n'était pas la même que d'habitude. Il était perdu entre ce qu'il pensait et ce qu'il devait faire. Raisonnable ou excessif. Quelle était la bonne stratégie ? Rachel l'observa quelques secondes en fronçant les sourcils. Il avait l'air perplexe, stressé mais toujours tellement fermé.

- Vous avez oublié votre magazine ?

L'inspecteur releva la tête et la regarda attentivement.

- Je suis partis précipitamment.

Elle pouffa de rire.

- Hum ça va être long trois quart d'heures.

Elle se foutait de lui ou quoi ? Elle ne devait pas plutôt s'inquiéter de savoir pourquoi il était en retard ? C'était quoi son job ? L'enfoncer ou le conseiller ? Elle faisait moins la maligne vendredi quand elle était prête à cracher un poumon sur son bureau à cause de ses microbes à la con.

- Votre rhume ça va mieux ?

Elle perdit son sourire et son visage se contracta. Une légère rougeur colora ses joues et il la vit baisser la tête. Une bouffée chaude s'infiltra dans ses veines en la regardant. Elle pouvait paraître tellement fragile.

- Oui.

Sa voix n'était plus qu'un murmure. Elle se racla la gorge avant de relever la tête pour parler. Elle savait que tôt ou tard il leur faudrait aborder la question mais Rachel ne savait du tout comment faire. Paul la troublait tellement.

- Merci pour la soupe mais ce n'était pas nécessaire.

Il arqua un sourcil avec un sourire en coin.

- Pourquoi ? Vous l'avez également pris comme une insulte ? Vous avez cru que c'était de la pitié?

Elle se remémora leur dernier échange et grimaça.

- Si vous me disiez plutôt pourquoi vous avez décidé de m'envoyer cette attention ?

Ils pensèrent tous les deux à la carte que Paul avait accroché au gobelet de soupe et qui contenait la citation de Foussard.

- Je pensais que ça excuserait mon attitude.

- Laquelle ? Parce qu'on pourrait en parler longtemps.

Elle le vit serrer les dents et contracter ses poings.

- Je vous avais prévenu dès le départ que je n'avais pas l'intention de coopérer.

- Et je vous ai répondu qu'il vous faudrait faire un minimum d'effort sous peine de plus graves sanction, il me semble.

Paul souffla d'exaspération.

- Changez voir de rengaine ça devient lourd.

Elle ne pouvait pas se contenter de lui faire une liste de bonne conduite, non ? Il la regarda baisser la tête sur ses papiers et griffonner quelques mots.

- Vous n'avez pas meilleure mine pour autant.

- Il faut une dizaines de jours pour se débarrasser définitivement d'une rhinopharyngite.

- Vous travaillez trop.

- C'est à moi que vous dites çà, alors que vous passer le plus clair de votre temps ici.

- Qu'est-ce que vous en savez ?

Sans bouger la tête, Rachel releva les yeux vers lui et il arrêta de respirer sans vraiment savoir pourquoi.

- Paul, je suis censée être votre thérapeute, par conséquent j'ai reçu quelques informations vous concernant avant notre première rencontre.

Elle croisa les mains devant elle.

- Vous faites des gardes supplémentaires en cas de besoin, vous ne prenez pratiquement jamais de vacances, vous être volontaire pour la bascule de noël/nouvel an à chaque fois et vous prêtez main forte la nuit aux officiers du RDC quand vous n'arrivez pas à gérer vos insomnies.

Paul contracta les muscles de ses mains, il avait une envie folle de casser quelque chose. Charlie avait lâché trop d'infos, beaucoup trop. Putain de merde, comment la balance pouvait-elle être équilibré si elle en savait plus sur lui que lui sur elle ?

- Travailler c'est tout ce que je sais faire.

Ca lui éviter surtout de ne pas penser à son passé, à son quotidien et aux stigmates qui persistaient.

- A trop travailler on en perd son objectivité.

- Pas moi !

- Pourquoi ?

- Parce que je sais très bien ce que je vaux en tant qu'inspecteur.

- Ca n'a rien à voir Paul. Vous êtes un excellent flic, personne ne dit le contraire mais malheureusement votre incapacité à gérer vos émotions vous rend instable et du coup votre travail n'est plus aussi efficace.

- C'est n'importe quoi.

- Vous croyez être le meilleur ?

Il haussa les sourcils, surpris qu'elle en doute et Rachel esquissa un sourire.

- Franchement vous y croyez ? Après avoir agressé un détenu ? Après avoir suggérer à votre supérieur de fermer les yeux en faisant mentir votre coéquipier ? Moi j'appel ça de l'abus de pouvoir, c'est la ligne de conduite des flics ripoux et je le sais sans même avoir potasser le manuel de l'académie. Courtoisie, respect, professionnalisme...c'est bien ça ?

Paul ferma brièvement les yeux en détournant la tête, dégouté par son culot.

- Arrêtez vos conneries, c'est le discours du chef vous n'avez rien de plus neuf en stock ?

- Oh si, pour résumé je dirais que vous un caractère à chier Paul, c'est plus clair là ? Personne ne devrait avoir à subir vos assauts de colère sous prétexte que vous ne savez pas faire la part des choses entre le bien et le mal. La limite est franchie depuis trop longtemps et actuellement vous ne savez pas comment revenir sur le bon chemin, alors on fait quoi ? Vous continuez à jouer les exaspérés névrosés, inconscient du problème ou vous poser les cartes et on décortique les solutions ?

- C'est pour ça que je suis là, parce qu'ils ne veulent plus bosser avec moi ?

- Non, vous êtes là parce que vous vous mettez en danger, votre intégrité personnelle et professionnelle ne signifie plus rien et vos collègues de travail ainsi que votre hiérarchie ne peuvent pas se permettre de couvrir vos fautes plus longtemps, vous comprenez ça ? Alors par respect pour leur propre valeur, il est temps de faire un travail sur vous-même.

- Je les ai toujours respecté.

- Vous n'entendez de mes phrases que ce qui vous arrange, n'est-ce pas ? Paul, votre façon travaillez était différente avant, la rupture qui c'est crée provient d'un choc émotionnel et...

- VOUS ALLEZ LA FERMER !

Rachel sursauta alors que Paul se levait d'un bond. Son regard remplit de colère la cloua sur son fauteuil et elle souffla discrètement pour chasser son appréhension mais cette fois ce n'est pas lui qui aurait le dernier mot. Il était grand temps de mettre un terme à sa tentative de supériorité. C'était elle la thérapeute, c'était son bureau donc ses règles à elle.

- Vous ne respectez personne Paul. Vous n'avez même plus de respect pour vous même. Ce qui c'est passé avec Joe ou Charlie ne vous a pas inquiété et c'est ça qui est terrible. Quand à ces rendez-vous, vous vous en fichez toujours autant. Le respect est une donnée qui vous devenue étrangère. Ca demande de la déférence envers autrui, du dépassement de soi et actuellement vous en êtes tout à fait incapable parce que vous êtes bloqué sur ce qui c'est brisé dans votre vie il y a quatre ans.

Il aurait du sortir en claquant la porte et ne jamais revenir. Comment osait-elle lui faire un cours de jugement moral ? Pour qui se prenait-elle ?

Sortir et ne jamais revenir.

- Je me suis excusé pour mon retard.

- C'est justement ça le problème. Trop d'excuse pour peu de changement.

- Je ne veux pas changer quoi que ce soit, vous n'avez toujours pas compris ?

Rachel claqua ses deux mains sur le bureau en se levant.

- Alors vous aviez raison dans ce cas.

Elle attrapa son manteau, son sac et contourna sa table de travail.

- Ces séances ne servent vraiment à rien."

Rachel sortit en claquant la porte sous le regard abasourdie de Paul.

...

L'air était très frais mais ça lui fit un bien fou. Une bouffée d'oxygène qui relâcha ses muscles et dénoua son estomac. Rachel se balada quelques minutes avant de se décider à prendre à manger pour le déjeuner, mais son portable résonna dans le fond de sa poche au même moment. Le capitaine Price venait de lui envoyer un message, lui demandant de venir rapidement jusqu'à son bureau. Elle resserra son écharpe et remonta la rue en réfléchissant si l'échec de sa prise en charge avec Paul, n'allait pas lui porter préjudice.

Lorsqu'elle arriva devant les portes vitrées, Rachel prit en temps pour respirer profondément avant d'entrer dans la pièce principale. Elle observa quelques instants les agents en fonction lorsqu'une voix l'interpella. La jeune femme répondit au sourire bienveillant de Joe.

"- Bonjour Rachel.

- Bonjour, vous allez bien ?

- Oui mais c'est un peu l'effervescence ici.

- Comme d'habitude.

Il y avait beaucoup de bruit qui régnait, des gens qui s'interpellaient, qui répondaient au téléphone, des ordinateurs qui carburaient et des imprimantes qui travaillaient à plein régime.

- Au fait comment vont Jenny et votre fils ?

- Ils vont bien, c'est d'ailleurs l'anniversaire de Julian dans deux semaines.

- Quatre ans c'est ça ?

- Oui j'ai du mal à croire qu'il va à l'école depuis un an déjà.

- Et ça se passe bien ?

- Mieux qu'on ne l'avait espéré.

- C'est bien...Humm Charlie m'a envoyé un message en me disant qu'il voulait me voir, vous savez pourquoi ?

- Oui c'est à propos de la jeune femme afro-américaine qu'on a retrouvé morte dans Time Square, le chef a discuté avec le docteur Benson, ils pensent tous les deux que vous êtes prête à travailler sur la victimologie de certaines enquêtes et comme là on trouve rien.

- Euh...

- Ca va aller, Emily a dit à Charlie que vous étiez très douée.

S'il savait qu'en ce moment, ses compétences frôlaient le zéro absolu avec son nouveau patient, ils réviseraient tous leur jugement.

- Ok...

- Malheureusement le boss vient de descendre à la cafétéria mais Paul est dans la salle numéro deux, il va vous expliquer.

Son estomac se resserra d'un coup sec et discrètement Rachel soupira.

- Génial !"

Elle longea donc le couloir sombre menant aux salles d'interrogatoire, arrivée devant la porte elle respira profondément en fermant les yeux puis elle entra. Paul se tenait confortablement installé dans une chaise, les pieds posés sur la table, des documents entre les mains. Lorsqu'il croisa son regard, il s'arrêta de bouger et son cœur partit en vrille. N'importe quoi !

- Qu'est-ce que vous faites là ?

- Charlie m'a envoyé un message en me demandant de passer.

- Je lui avais dit que c'était pas une bonne idée.

- Je peux repartir, j'ai d'autres rdv de toute façon, je vous laisse lui dire.

Elle se retourna et entendit distinctement le grognement de Paul.

- Ca va attendez...venez vous asseoir.

L'inspecteur se redressa rapidement, Rachel marchait doucement avec beaucoup d'hésitation, elle ouvrit son manteau et le posa sur le dossier de la chaise. Une légère effluve de parfum sucré balaya l'air et Paul serra les dents, tout en étalant les documents devant lui. Il remonta ses manches.

- Le boss pense que vous pouvez nous aider à analyser les données qu'on a collecté concernant la mort de cette fille. Apparemment vous avez un parcours universitaire d'étude sur les comportements violents.

- Oui.

Ils se regardèrent un instant sans rien dire. De près, Paul remarqua que ses yeux étaient d'un marron très doux, elle ne portait que peu de maquillage, ses cheveux étaient lâchés sur ses épaules, juste une touche discrète de rouge à lèvres, pas de fards, pas de blush, un trait rosé de gêne suffisait à colorer ses joues, deux petites boucles d'oreilles de chaque côté en forme d'étoile et de lune et un collier avec une médaille en or blanc. Ses mains étaient propres fines, des ongles courts soignés polis mais sans vernis. Vraiment aucun artifice. Et le pire c'est qu'elle n'en avait pas besoin pour le troubler.

- J'ai fait beaucoup de théorie mais à vrai dire je...

- C'est le moment où jamais de la mettre en pratique.

Elle trembla légèrement et serra ses mains entre ses genoux.

- C'est un premier test...faut bien se lancer. On a beaucoup d'infos mais pas de chronologie et pas de cohérence entre ce qu'on a trouvé, ce qu'on sait et ce qui est vrai. Mais vous êtes maligne non ?

Rachel plissa les yeux devant sa réplique.

- Montrez-moi ce que vous savez faire.

Il se moquait ouvertement d'elle et cela accentua son malaise. Paul lui tendit un bloc note, un stylo et il désigna plusieurs documents.

- Ok, elle s'appelle Macy Ederson, afro-américaine de vingt ans, étudiante en droit, retrouvée morte étranglée et asphyxiée par un sac plastique dans Time Square. Elle était habillée de manière très provocante du coup on a d'abord pensé à une prostituée mais c'est pas le cas. Elle venait d'une famille aisée et aimante, faisait du bénévolat dans un refuge pour SDF et elle s'entretenait régulièrement. Aucun suspect en vue, son petit ami est clean. Les filles du quartiers ne la connaissaient pas mais une chilienne du nom de Deretta Davis s'est faite agressée il y a un peu plus d'un an maintenant, même mode opératoire du coup c'est là dessus qu'on a planché et on a trouvé ça.

Paul lui tendit un épais dossier cartonné mais quand Rachel voulut s'en emparée, il résista.

- C'est pas très joli à voir.

- J'ai fait une partie de ma thèse de fin d'étude à l'ADX de Florence dans le Colorado avec les psychiatres du pénitencier. Inutile de préciser que c'est la prison plus dangereuse du monde.

Il haussa les sourcils. Paul avait du mal à l'imaginer faisant un stage dans un endroit regroupant les pires psychopathes et tarés de tout le pays même si il se doutait qu'elle avait été ultra protégé. Rachel dégageait à la fois une fragilité tendre et une force intérieure mystérieuse. Envoûtante.

Il finit par lui lâcher le dossier et elle l'ouvrit délicatement. A l'intérieur se trouvait plusieurs photos, certaines étaient en noir et blanc, les plus anciennes remontées aux années 80. Elles montraient des corps de femmes étendues sur le bitume ou dans l'herbe, les yeux ouverts pour la plupart, elles semblaient figées comme des poupées de cires et leurs visages étaient recouvert d'un sac plastique transparent. Rachel serra les mâchoires.

- Vous croyez que c'est un tueur en série qui a assassiné Macy ?

- C'est une piste comme une autre. Ces meurtres là, n'ont jamais été résolu. Jetez un coup d'oeil au compte rendu, dites-moi si on a loupé quelque chose. La similitude du geste et des corps n'est peut-être pas la seule chose qu'il y a en commun.

- Ok je vais regarder tout ça.

Au moment où Rachel commença à feuilleter le dossier, son estomac gargouilla fortement lui rappelant ainsi qu'elle avait oublié de déjeuner. Elle leva les yeux vers Paul et grimaça avant de s'excuser pour cette indélicatesse sonore alors que ses joues se colorèrent une fois de plus.

- Il manque la photo du dossier de l'année 86.

Le jeune inspecteur se leva en soupirant.

- Je vais allez voir Joe c'est lui qui a tout rangé...continuez.

Paul sortit de la pièce et se dirigea vers son bureau. Du coin de l'oeil il vit arriver son collègue.

- Elle s'en sort ou elle a déjà fondu en larmes ?

- Je lui laisse une longueur d'avance. Il manque la photo de l'année 86.

Joe fronça les sourcils en le voyant mettre sa veste.

- Je vais descendre aux archives, tu vas où ?

Son collègue fit une petite moue.

- J'ai besoin de cinq minutes, je meure de faim.

Il regarda Paul s'échapper de la salle principale en criant.

- Tu t'es enfilé trois hot dog il y a une demi-heure."

...

La jeune femme griffonna encore quelques notes avant de se lever et de s'approcher du tableau qui se trouvait de l'autre côté de la table. Lorsqu'elle entendit le bruit de la porte, elle se retourna en regardant sa montre.

"- Vous en avez mis du temps où étiez-vous passez ?

Paul se tenait dos à la porte, un sachet dans la main. Il s'approcha de la table sans un mot et déballa ce qu'il avait apporté : des boîtes blanches avec un logo rouge et doré, des petits gâteaux emballés et des baguettes.

- Chinois ? C'est le meilleur de la ville et visiblement vous avez faim.

- Euh...oui.

- Venez là.

Elle s'avança doucement, ne sachant pas quoi faire de ses bras, ne sachant pas quoi dire non plus. Paul releva la tête et lui tendit une petite bouteille d'eau.

- Merci mais euh...vous n'auriez pas du.

- Pourquoi ?

- Euh...

Comment pouvait-elle perdre toute assurance en sa présence, c'était dingue quand même.

- C'était pas urgent.

- La gastronomie est l'art d'utiliser la nourriture pour créer le bonheur : Theodore Zeldin.

Rachel haussa les sourcils en s'arrêtant de respirer. L'entendre citer un sociologue anglais était la dernière chose à laquelle elle s'attendait.

- Vous êtes gourmand ?

Il esquissa un sourire en ouvrant un petit gâteau.

- C'est l'un de mes pêchés.

- Après la colère et l'orgueil je suppose.

Ils se regardèrent intensément, Rachel avait toujours une réplique pour lui clouer le bec et ça l'énervait au plus au point.

- C'est très drôle.

- Désolée.

Elle baissa la tête et attrapa un nem dans lequel elle croqua avidement. Il suivit le mouvement de ses lèvres en ressentant une nouvelle décharge électrique au fond de son thorax et il se força à se concentrer sur l'emballage de son gâteau tout en s'approchant du tableau.

- Vous avez trouvé quelque chose ?

- Je pense que oui.

Rachel retourna le tableau dans l'autre sens et Paul écarquilla les yeux face aux photos des victimes qui étaient toutes alignées les unes à côtés des autres. On aurait dit qu'elles se tenaient la main. L'inspecteur regarda attentivement la psychologue poser le doigt sur les clichés, elle parcourue la ligne imaginaire qui les reliait

- Il tisse un lien entre elles comme si finalement ce n'était qu'une seule et même personne. Ce sont toutes des prostituées âgées de 20 à 30 ans. En y réfléchissant bien je pense que c'est le statut qu'elles ont qu'il essaye de tuer.

- Comment ça ?

- Il n'attaque pas la femme, il attaque la prostituée, c'est ce qu'elle représente qui ne lui plaît pas, il n'y a pas de viol, pas d'hésitation dans son geste, c'est une haine libérée. Il utilise le sac plastique pour les voir agoniser. Il est fort, il peut les dominer facilement.

- Oui mais pourquoi ?

- Peut-être que ça le touche près. Peut-être qu'il a connu quelqu'un qui se prostituait ou alors...

Elle fit face au tableau en réfléchissant.

- Et si c'était une prostituée ? Elle se libérerait du mal, d'un poids trop lourd, une sorte de purification.

- Non ça ne peut pas être une femme, vous l'avez dit vous-même, il les domine et Deretta nous a dit que son agresseur la dépassait largement, son bras a fait le tour de sa tête pour l'étrangler. Elle ne doit sa survie qu'à sa copine qui est arrivée au même moment.

Rachel fronça les sourcils.

- Je ne comprends pas comment il s'y prend, un bras pour étrangler et un pour passer le sac plastique mais elles ont forcément dû se défendre.

- C'est une technique de combat, vous encerclez le cou avec un bras. vous attrapez votre main avec la deuxième et vous serrez, ça coupe l'arrivée du sang au niveau des carotides et en général la personne s'évanouit. Pour le sac plastique il doit l'enfiler avant.

Elle s'approcha de lui en le regardant droit dans les yeux.

- Ce n'est pas à la porter de tous le monde.

- N'importe quel cours de self défense peut vous l'apprendre.

- Oui mais d'après le témoignage de Deretta, avant de lui mettre le sac plastique il l'a aveuglé avec une lumière très puissante. Une sorte de lampe de poche à grand faisceau.

- Et alors ?

Rachel se pencha au dessus de la table et attrapa un stylo.

- Un sac plastique, une lampe et il réussit à l'étrangler ?

Paul secoua la tête ne comprenant pas où elle voulait en venir. Elle s'approcha donc encore de lui et lui tourna le dos. Le jeune inspecteur se redressa, tendu par cette soudaine proximité.

- Levez votre bras.

- Quoi ?

- Faites ce que je vous dis.

Hésitant Paul resta immobile mais Rachel voulait lui démontrer sa théorie si bien qu'elle s'empara de sa main et un courant électrique bizarre la fit trembler. Elle leva le bras de Paul au-dessus d'elle et lui passa la main devant.

- Ok il encercle sa tête et il l'étrangle. Mais là vous n'avez ni sac ni lampe.

Elle se dégagea et attrapa le sachet du chinois et un stylo avant de les lui donner.

- Comment vous faîtes maintenant ?

Il fronça les sourcils complètement déstabilisé par sa proximité avec Rachel. Pour reprendre ses esprit il souffla fortement.

- Ok euh, si on oublie le sac et la lampe, il l'attrape par le bras et la pivote et lui serre le cou. Maintenant si on rajoute ça...

Il regarda les accessoires et pivota le stylo dans un sens avant de caler le sac dans le reste de ses doigts.

- Il lève la main avec la lampe, elle ne voit rien donc elle ne voit pas le sac qui est déjà ouvert, il s'approche toujours avec la lampe braquée sur elle et du coup comme elle ne voit pas le sac il lève le bras, lui met sur la tête et avec son autre main il la pivote dos à lui, il n'a plus qu'à serrer.

- Est-ce que tous le monde est capable de faire ça ? Ce n'est pas une technique de self défense.

- C'est une technique de la police, la lampe est maintenue dans la main vers l'intérieur, ça permet de poser l'autre main contenant l'arme dessus et assurer la stabilité.

- Et avec quel service les prostitués sont-elles le plus en contact habituellement ?

- Les mœurs.

Il grimaça en secouant la tête.

- C'est tiré par les cheveux.

- C'est une théorie qu'il faut explorer.

- Macy n'a pas le même profil.

- Pendant que vous étiez partis, j'ai demandé à discuter avec sa mère, elle doit passer d'ici une vingtaines de minutes.

- Ok...je vais voir avec Joe pour qu'on décortique l'historique des agents des moeurs, je peux vous laisser ?

- Oui je vais encore éplucher certaines données.

Il hocha la tête et sortie en soufflant. Quand elle s'était approchée de lui, il avait senti son parfum puis elle lui avait pris la main, sa peau était douce et froide, elle était plus petite que lui, plus fine, plus discrète. Son cœur avait raté plusieurs battement face à ce rapprochement.

Environ une heure plus tard Paul entra dans la salle et Rachel le regarda attentivement.

- J'ai vu la mère de Macy.

- Vous me raconterez plus tard, Joe et moi on file au 3e district voir Jero, faut qu'on discute. Evan est à côté si vous avez besoin.

- D'accord."

...

Paul et Joe décortiquèrent avec l'inspecteur Jero la liste de agents travaillant au sein de la brigade des mœurs et qui avaient eu affaire à l'inspection interne de la police : comportement déviant, plainte pour harcèlement, pots de vin...

Deux heures après leur départ de la crim', les deux inspecteurs revinrent avec un suspect. Rachel qui se trouvait toujours là suivit l'inspecteur Call jusqu'à la salle d'interrogatoire pour observer la confrontation. L'homme était âgé d'une soixantaine d'année, grand, musclé, le regard vidé de toutes expressions. La psychologue se tourna vers Evan.

"- Qui est-ce ?

- Ridley Meyer, soixante et un an, il est à la retraite depuis six ans maintenant, les gars ont eu un mandat d'arrêt express.

- Pour quel motif ?

- Il a à son actif plusieurs plaintes pour agression mais sans vraiment de preuve.

- Quel rapport avec notre affaire ?

- Il a eu quelques rdv avec des escorts qui ont mal tourné.

- C'est à dire ?

- Il les a essayé de les étouffer avec un sac plastique.

Rachel écarquilla les yeux et se tourna vers la vitre sans tain.

- Antonio Jero dirige les moeurs depuis dix ans, il a enquêté mais malheureusement il n'a jamais eu assez de preuve contre Meyer.

De l'autre côté, Paul faisait le point avec le suspect.

- Trente six meurtres en tout c'est pas rien. Terrain facile d'accès et puis on n'aurait jamais soupçonné un flic, un trop plein de pouvoir je suppose ?

- Tu crois tout comprendre Cardoza mais c'est faux et puis d'après ce qu'on dit toi aussi t'as frôlé la limite.

Paul savait que malgré le fait d'être en retraite, la plupart des flic continuent de baigner dans le milieu, devenant parfois instructeurs ou venant prêter main forte pour des rondes en tant de bénévoles de surveillance dans certains quartiers, Meyer connaissait peut-être la réputation sulfureuse de Paul mais il ne pouvait pas se comparer à lui, non. Pourtant vu la conjoncture, le chemin pouvait y ressembler.

- Tu veux un avocat avant de tout avouer ?

De l'autre côté de la vitre, Rachel grogna légèrement.

- C'est pas la bonne méthode Paul.

Charlie fronça les sourcils en regardant la jeune femme.

- Notre témoin pourrait facile t'identifier à la voix, en plus les officiers qui ont procéder à la perquisition ont trouvé beaucoup de sacs plastiques qui correspondent au même modèle que ceux utilisés dans les meurtres.

- Hep, suppositions, présomption d'innocence, attention où tu mets les pieds Cardoza.

Rachel soupira fortement.

- Il sait comment ça fonctionne c'est un flic !

Le capitaine Price se dirigea vers la porte qu'il ouvrit avec fracas. Ses deux inspecteurs tournèrent la tête vers lui, surpris.

- Dehors tous les deux. C'est un ordre.

Il laissa passer Paul et Joe et fit un signe de tête à la psychologue.

- C'est votre tour. Finissez le boulot.

Et sans même lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, il referma la porte, laissant Rachel face à Ridley Meyer. Dans le couloir Paul grogna fortement.

- Mais t'es dingue où quoi, qu'est-ce que tu fais ?

- Elle a raison, il ne vous dira rien du tout.

- Tu nous as pas vraiment laissé le temps de le cuisiner.

- C'est un flic Paul, il sait très bien comment ça marche.

- On sait que c'est lui, il n'a plus choix que de coopérer.

- Oui mais rien ne l'oblige à vous faciliter la tâche et fermes-là un peu c'est moi le patron.

Le groupe se retourna vers la vitre pour observer Rachel qui venait de s'asseoir en face de Meyer. La jeune femme trembla fortement et essaya tant bien que mal de contenir ses émotions.

- Vous n'êtes pas flic ?

- Pourquoi ? J'en ai pas l'allure ?

- Vous êtes trop belle, trop frêle aussi...Vous tremblez.

Rachel esquissa un sourire et souffla discrètement avant de baisser les épaules.

- Je suis psychologue.

- Vous êtes là pour me faire avouer ?

- Non j'essaye de comprendre qui vous êtes et pourquoi vous vous retrouver de l'autre côté de cette table.

- Vous êtes profiler ?

- Non, jusqu'à présent j'apportais mon soutien à vos collègues.

- Le flics sont tous tarés.

La jeune femmes pouffa de rire.

- Quelques uns oui et vous ?

- Je ne fais pas exception à la règle. On voit des choses horribles que très peu de gens seraient capables de supporter alors je pars du principe que si certains d'entre nous craquent c'est normal.

- Vous avez déjà craqué Mr Meyer ?

- Pour moi c'est différent.

- Comment ça ?

- Je suis passé en travers des mailles du filet mais j'étais déjà pourri avant d'arriver.

- Pourquoi ? Parce que vous avez connu une fille qui vous a fait souffrir ? C'était une prostituée ? Ou peut-être votre mère ?

Le suspect fixa son regard à celui de Rachel et esquissa un sourire qui lui glaça le sang. En voyant la tête de Ridley Meyer, Paul fronça les sourcils et Joe siffla.

- Oh ben merde.

Conscient d'avoir trouvé la faille, Rachel s'engouffra rapidement dans la brèche.

- Comment ça se passait Mr Meyer ? Elle vous laissait seul à la maison ou alors elle ramenait ses clients chez vous ? Vous les entendiez la nuit ? Est-ce que vous même êtes le fruit de son travail ?

Paul grogna légèrement en serrant les poings.

- Le pousse pas à bout.

Charlie l'observa du coin de l'œil et esquissa un très discret sourire.

- Vous étiez complice avec votre mère mademoiselle ?

Rachel serra les dents.

- Ma mère est morte lorsque j'avais six ans, j'ai trop peu de souvenirs avec elle.

De l'autre côté de la porte, Paul trembla sans vraiment reconnaître l'émotion qui le traversait. Pendant ce temps là Ridley fit une petite moue.

- Je suis désolé pour vous.

- Ce n'est rien...Pour le peu de temps que je l'ai eu à mes côtés, oui nous étions très complices.

- Moi non, elle est morte quand j'ai eu quinze ans et je ne l'ai pas regretté. Parce que le seul souvenir que j'ai d'elle, le plus important de tous, c'est celui des biscuits.

- Expliquez-moi.

- Quand j'arrivais devant la maison et que le pot de biscuits était sur les marches du perron, ça voulait dire que je ne pouvait pas rentrer, ça pouvait durer toute la journée et toute la nuit, aussi bien en hiver qu'en été. J'ai passé les quinze premières années de ma vie, assis sur ces marches.

Le suspect se leva et désigna la première photo sur le tableau.

- Jusqu'à ce que je lui dise stop.

Il suivit du doigt la ligne imaginaire, reliant toutes ses victimes.

- Je lui ai dit stop trente cinq fois.

Rachel fronça les sourcils.

- Trente six.

- Non...

Ridley montra la photo de Macy.

- Celle-là, c'est pas moi !"

...

L'ensemble de l'équipe était réuni dans la pièce principale, faisant le point sur l'affaire en cours.

"- On a pas besoin de ses aveux pour l'inculper, le mode opératoire est le même, on le boucle et point barre.

Joe feuilletait les différents dossiers.

- Il faut attendre la réponse de l'assistant du procureur.

- Moi je pense qu'il dit la vérité. Le rituel est peut-être le même mais pourquoi il mentirait ? Il sait déjà qu'il sera inculpé et qu'il risque la peine de mort, quel est son intérêt ?

- Nous emmerder.

Rachel fronça les sourcils tout en observant la manière dont l'équipe travaillait sur leurs différents points de vue avec les données qu'ils venaient de collecter. Letty étala une nouvelle fois les photos des victimes et éloigna celle de Macy.

- On est peut-être passé à côté de quelque chose.

- Oh non tu vas pas t'y mettre...C'est quoi ? Une solidarité féminine.

La psychologue rigola légèrement en voyant Paul user son énergie pour démonter sa théorie. Le voir travailler était assez intéressant.

- Ca paraît trop évident.

- Ce type a tué de sang froid trente cinq personnes alors une de plus ou de moins.

Rachel se déplaça pour faire face à l'inspecteur.

- Non.

Sa voix tranchante coupa le sifflet à tous le monde, Paul y compris. Ils s'affrontèrent du regard et Charlie esquissa un sourire en coin.

- Il a tué trente cinq personnes, point. Les certitudes s'arrêtent là. On ne va pas lui mettre un meurtre de plus sur le dos alors qu'il n'a peut-être rien fait à Macy, c'est la limite à ne pas franchir. Parce que ça voudrait dire laisser l'assassin de cette jeune femme en liberté.

Les collègues de Paul se regardèrent tour à tour, abasourdis pas l'attitude de Paul qui baissa la tête avant de balancer le dossier sur la table. La commission disciplinaire clignotait dans un coin de sa tête et les recommandations de son supérieur aussi.

- Ok Einstein, éclairez-moi.

Rachel souffla pour essayer de détendre ses muscles trop crispés. En face d'elle Paul attendait patiemment qu'elle prouve son utilité à l'équipe. Elle le trouvait toujours aussi agaçant et toujours aussi beau. Les manches de son pull relevés dévoilaient les muscles de ses bras, ses cheveux étaient désordonnés, son parfum brute commençait à s'effacer, il était a la fois rassurant et intimidant.

- Manière et signature.

Elle se tourna pour regarder l'ensemble de l'équipe.

- Séminaire du FBI...la manière c'est comment opère le criminel, la signature c'est ce qui distingue les criminels qui suivent le même procéder.

- Un copieur ?

- Ce n'est pas Ridley Meyer qui a tué Macy...Il a commis ses meurtre en réponse à la souffrance que lui a infligé sa mère. Il tue pour la punir et pour se libérer, ce qui émane de son geste montre qu'il ne peut éprouver le moindre remord, en fait il exacerbe son ressentiment quand il attaque. Et n'oubliez pas une chose, il agresse la prostituée pas la femme. C'est l'image qu'elle renvoi qui le rend violent...

La jeune femme s'arrêta.

- C'est ça...

- Quoi encore son père le battait ? Oh les psy...

Charlie s'approcha de Paul et lui envoya une claque derrière la tête.

- Fermes-là bordel.

- Ridley aurait pu confondre Macy au vue de ce qu'elle portait mais ça ne colle pas. C'était une bonne élève, aimée de tous, elle ne fréquentait pas ce quartier. Sauf qu'elle s'est retrouvée habillée comme une salope en plein Time Square, ça n'est pas logique, quelqu'un a voulu casser son image, la dégrader...Comme si on voulait lui prouver qu'elle pouvait être une moins que rien, indigne de ce qu'elle pouvait montrer aux autres. Peut-être que quelqu'un a eu honte d'elle, la faire disparaître parce qu'elle prenait trop de place et le seul moyen c'était de la rendre différente.

- Qui aurait pu faire ça ? Elle n'avait que de bonnes relations.

- Son petit ami ?

Letty secoua la tête.

- Non il est clean, il a été très coopérant d'ailleurs.

Evan rigola.

- Oui un peu trop, il nous a sortis la liste de son emploi du temps et le numéro de son meilleur pote avant même qu'on lui demande.

Paul se tourna vers son coéquipier.

- Quoi ?

- Que son alibi tient la route, il était avec son meilleur pote toute la soirée.

- Et tu te promène avec un emploi du temps et le numéro de ton pote dans la poche ?

Letty rigola.

- Moi je connais celui de ma meilleure amie par cœur.

Paul haussa les sourcils en tournant la tête vers Rachel. Celle-ci esquissa un sourire.

- Macy était afro-américaine, son petit ami issu d'une longue lignée d'américains conservateurs. Suspicions égale vérifications.

Le jeune inspecteur hocha discrètement la tête puis Rachel regarda sa montre.

- Bon j'ai encore des patients à voir, tenez-moi au courant.

Charlie se dirigea vers elle et l'embrassa sur le sommet de la tête.

- C'est du très bon boulot fillette, merci.

La jeune femme sentit un poids énorme quitter son estomac et elle esquissa un sourire en fermant brièvement les yeux.

- De rien.

Elle salua l'équipe et se dirigea vers les portes lorsque soudain elle se retourna pour faire quelques pas en arrière.

- Oh j'allais oublier un détail.

Le groupe releva la tête pour la regarder, complétement abasourdi par la scène qui se déroulait sous leurs yeux. La jeune femme se dirigea vers Paul qui s'était réinstallé à son bureau. Elle se pencha vers lui, une main posée sur la table, le regard fier et dur à la fois, un sourire espiègle sur les lèvres. Sa voix était posée, à peine murmurée.

- Ne vous avisez plus jamais d'être en retard à l'une de mes séances, je ne suis pas à votre disposition, c'est compris ?

Elle claqua un morceau de papier devant lui.

- Voici votre prochain rendez-vous.

Il releva les yeux vers elle, sentant son cœur se décrocher, il se défièrent du regard un instant, regard flamboyant de sentiments confus. Puis Rachel se redressa très légèrement en murmurant à son oreille.

- Bonne fin de journée, inspecteur."

Elle esquissa un sourire, son corps papillonnant bizarrement mais satisfaite. Paul la regarda partir, le visage fermé, les dents serrés, en colère devant tant d'audace et définitivement effrayé par ce qu'elle représentait et ce qu'elle remuait en lui.

...

Ouii, quand je s'rai grand ça s'ra facile

Enfin je saurais qui je suis

Oui mais,

En attendant je me défile

C'est vrai...

Je me dérobe et je me file

Je pleure, je ris, j'ai peur, envie je sais !

A qui la faute ? Je suis l'un et l'autre

Double jeu

... ... ... ...

Laissez-moi vos impressions sur ce chapitre. biz ^^