Chapitre 7 : Heartbeat

note : pour les scènes d'enquêtes je me suis inspirée de la série New York de Dick Wolf

Musique : Usher : How Do I Say

"- Excusez-moi mais ma pièce de viande est tout juste tiède, veuillez la rapporter en cuisine et le verre de ma compagne est sale.

- Richard..."

Le serveur présenta ses excuses auprès du couple et rapporta le plat et le verre en cuisine rapidement. Rachel se sentait terriblement mal à l'aise quand son petit ami jouait la carte de la suffisance.

Elle l'avait rencontré lors d'un cocktail organisé par la ville. Rachel était présente suite à une invitation du département de la police et Richard représentait son entreprise : une grande boîte d'import export. Elle l'avait trouvé séduisant et charmant, ils s'étaient tout de suite bien entendus et au moment de quitter la soirée, Rachel s'était surprise à accepter l'invitation à diner du jeune homme. Trois autres rendez-vous avaient suivi, le dernier se soldant par un baiser. Rachel se sentait flatté par sa gentillesse et sa prévenance mais elle éprouvait de temps en temps un malaise lorsqu'il utilisait sa condition pour se pavaner. Elle ne l'avait pas encore invité chez elle, cette étape là, la rendait nerveuse et elle ignorait pourquoi.

Sa précédente relation avait duré six ans, elle avait rencontré Riley sur les bancs de la fac de Columbia et lorsqu'il lui avait annoncé qu'il partait vivre en Espagne à cause de son travail, leur histoire c'était terminée, tout simplement, sans cris mais avec beaucoup de larmes car ils avaient beaucoup de respect l'un pour l'autre. Au lycée, elle avait été plutôt solitaire, toujours le nez dans ses bouquins, ne s'intéressant pas vraiment aux garçons, ne se trouvant pas assez jolie pour plaire. Riley et elle avaient des cours en communs en littérature et ils s'étaient plus l'un à l'autre. Il avait été son premier grand amour, son premier amant.

Aujourd'hui c'était difficile pour la jeune femme, d'imaginer se laisser découvrir par quelqu'un d'autre. Elle en avait d'ailleurs discuté avec son ex petit ami, avec qui elle entretenait une amitié sincère. Il lui racontait sa vie en Espagne, elle lui parlait de New York. Riley lui avait conseillé de ne rien précipiter avec Richard, de laisser les choses suivre leurs cours sans rien brusquer et que lorsqu'elle serait prête à le laisser monter dans son appartement, elle le saurait. Or plus les temps passait, plus elle s'éloignait de cette idée, quelque chose la mettait vraiment mal à l'aise quand elle pensait à une intimité commune avec Richard.

Richard soupira une fois de plus et jeta sa serviette sur la table.

- Je savais qu'on aurait du diner au Plaza.

- Je n'étais pas assez bien habillée pour ça.

Rachel tenta de sourire mais c'était peine perdue.

- Je ne comprends pas pourquoi tu continues à travailler pour la police, tu es une excellente psychologue, tu pourrais...

- S'il te plaît on ne va pas revenir là-dessus, j'aime ce que je fais, je me sens utile...

Au même moment le serveur ramena le plat de Richard mais celui-ci se leva et jeta quelques billets sur la table.

- Gardez la monnaie, on s'en va."

Rachel suivit son compagnon dans la rue, elle savait qu'il avait tendance à tout prendre à cœur, ne supportant pas qu'on le contredise, ayant pour argent comptant tout ce qu'il voulait. Elle n'avait pas été élevée comme ça et c'était parfois un peu dur de suivre la cadence.

La jeune femme esquissa un sourire qu'il lui rendit et qui lui réchauffa immédiatement le cœur. Elle se sentait bien avec lui malgré ses défauts et elle voulait laisser une chance à leur histoire. Tendrement Rachel caressa sa joue.

- Je te propose un marché, je termine à 16h vendredi, on pourrait aller diner dans un bon restaurant et ensuite faire cette sortie à l'opéra dont tu me parlais l'autre jour.

Richard se rapprocha d'elle et l'embrassa brusquement, forçant sa langue dans sa bouche. Rachel recula d'un pas en fronçant les sourcils.

- Richard qu'est-ce qu'il se passe ? Tu es toujours en colère pour le diner ?

- Je voudrais qu'on aille chez toi.

La jeune femme sentit une angoisse monter progressivement en elle.

- J'ai eu une longue journée et je dois lever tôt demain, je te promets de me consacrer entièrement à toi vendredi mais...

- J'ai envie de toi maintenant.

- Richard il faut que tu me laisses un peu de temps.

- Tu rigoles ça fait trois semaines qu'on sort ensembles...

- Et alors ? Ca veut dire quoi exactement ? Que je devrais te laisser me mettre dans ton lit sans y réfléchir ? Je ne fonctionne pas comme ça Richard.

- Les diners et les embrassades d'un soir c'est pour les ados.

- Je crois que je ferais mieux d'oublier cette remarque puérile, tu es énervé et je pense que tu as un peu trop bu, je vais rentrer chez moi et je te rappelle demain d'accord.

Rachel se détourna afin d'appeler un taxi sauf que son compagnon l'attrapa par le bras en la serrant très fort.

- Tu crois que je vais me contenter de ça ?

- Lâches-moi tu me fais mal.

Il esquissa un mauvais sourire.

- Tu vas te mettre à hurler ?

- Tu veux voir ?

Ce n'était plus de l'angoisse qui la tiraillait maintenant mais une véritable peur panique parce qu'il n'y avait visiblement personne aux alentours pour lui venir en aide. Rachel n'eut pas le loisir de réfléchir davantage à la question, car Richard lui assena une grande gifle sur la joue qui résonna dans le silence de l'avenue. Abasourdie la jeune femme leva la main pour toucher son visage en feu, ses doigts caressèrent sa lèvre qui sous la force du coup s'était mise à saigner. Instinctivement elle recula de plusieurs pas face au geste agressif de son compagnon. Celui-ci écarquilla les yeux.

- Mon Dieu...Rachel je suis désolé...c'est partit tout seul je...

- Tu ne t'approches plus de moi."

Elle se détourna et commença à courir en l'entendant l'appeler depuis la devanture du restaurant. Elle courut sans s'arrêter, en se moquant du point qui lui broyait le ventre, jusqu'à la station de taxi la plus proche afin d'être conduite dans un endroit sûr.

...

"- T'inquiètes pas, tu auras le temps de cuver avant que ta femme ne vienne te chercher.

- T'es trop cool toi...merci.

- De rien...allez à tout à l'heure."

Paul referma la cellule et secoua la tête. Il avait une fois de plus échoué au commissariat en pleine nuit, n'arrivant pas à trouver le sommeil. Des insomnies répétées depuis plusieurs années, souvenirs de son passé douloureux qui tentaient d'assombrir son présent. La lutte était dure et le plus souvent, il capitulait et finissait par venir se vider la tête dans le seul endroit qui trouvait grâce à ses yeux.

L'inspecteur se réinstalla à son bureau et commença à taper une note sur l'homme qu'il venait d'enfermer en cellule de dégrisement. La plupart du temps, il se retrouvait au rdc avec les officiers qui travaillaient la nuit, il leur donnait un coup de main pour rédiger leur rapport et pour gérer les poivrots et autres débordements nocturnes. Il était vingt trois heures, beaucoup de flics étaient dehors profitant de l'accalmie de la pluie, les lumières éclairaient le minimum de la pièce principale, créant une douce pénombre. Paul aimait l'odeur qui régnait dans ces locaux, il aimait le silence et le bruit, il aimait cet endroit plus que son propre appartement surtout quand il s'agissait d'apaiser ses nuits agitées.

Il était plongé dans ses notes quand il entendit la porte battante s'ouvrir. Sans relever les yeux, il esquissa un sourire.

"- Alors les mecs, la pause clope est terminée ?

- Est-ce que vous faites aussi des pauses café ?

Au son de sa voix, il redressa si vite la tête que ses cervicales craquèrent. D'abord surpris, son étonnement laissa rapidement place à une rage profonde. Une rougeur de la taille d'un poing s'étendait sur l'une de ses joues et sa lèvre était enflée et ensanglantée. Elle portait toujours les mêmes vêtements que quelques heures auparavant, son regard était fuyant et elle tremblait de froid. Paul essaya de calmer sa respiration avant de se lever pour se diriger doucement vers elle.

La jeune femme baissa la tête, mal à l'aise face à lui. Honteuse de s'être précipitée ici alors qu'elle aurait peut-être mieux fait de rentrer chez elle mais pourquoi faire ? Etre seule comme à son habitude ? Estella était gentille mais elle n'aurait pas eu le courage de la réveiller en pleine nuit pour lui raconter ses déboires. Le commissariat était un endroit sécurisant où elle s'était fait de nouveaux amis, une nouvelle famille. Elle connaissait pratiquement tous le monde et elle s'entendait bien avec la plupart du personnel. Son idée était de rechercher un tout petit peu de réconfort après une soirée catastrophique et humiliante.

En le voyant approcher, elle ressentie une douce chaleur l'envahir, Paul s'était changé, il portait un jean, un tee-shirt blanc et une veste sweat noire. Rachel serra les dents et refoula ses larmes. Délicatement le jeune homme glissa un doigt sous son menton afin qu'elle relève le visage. Elle garda les yeux baissés. Sa peau était froide. Et pourtant Paul eut l'impression de se brûler à son contact.

- Rachel regardez-moi.

Hésitante, elle fronça les sourcils avant d'ouvrir les paupières pour planter son regard chocolat dans ses yeux verts. Immédiatement une larme roula sur sa joue. Le cœur de Paul se décrocha de sa poitrine et il trembla.

- Que c'est-il passé ? C'est Richard ?

Elle renifla discrètement en tentant d'éluder la question.

- C'est un malentendu, c'est pas grave. Je passais pour récupérer des dossiers avant de rentrer chez moi...Je vous ai vu en arrivant dans le hall. Insomnies ?

- C'est pas moi le sujet.

- Je m'inquiète pour vous, je suis toujours votre thérapeute.

- Pas ce soir.

- Je suis quoi alors ? Une paumée de vingt cinq ans qui vient de passer une soirée désastreuse avec un riche industriel bien sous tout rapport et qui en réalité est un connard fini.

Elle s'arrêta de respirer en secouant la tête face à cette réplique inappropriée.

- Désolée.

En face d'elle Paul serra les dents. Son doigt se trouvait toujours sous son menton comme s'il n'avait pas la force de rompre son contact. Il réitéra son interrogation.

- C'est Richard qui vous a fait ça ?

- Oui.

L'estomac de Paul se contracta et le poing de son autre main se serra si fort qu'il sentit ses phalanges craquer.

- Il vous a frappé, et ?

Rachel le regarda en fronçant les sourcils avant de comprendre son allusion.

- Non...il m'a juste giflé et je me suis sauvée.

Légèrement rassuré par cet aveu, l'inspecteur fit glisser son doigt sur l'arrête de la mâchoire de Rachel pour qu'elle tourne la tête. La rougeur s'étendait sur l'ensemble de sa joue et sa pommette, sa lèvre était très œdématiée et une petite croute de sang séché s'était formée sur la commissure.

- Il ne vous a pas raté...venez avec moi.

L'inspecteur se décala pour la faire passer devant lui et délicatement il glissa une main dans son dos. Rachel sentit sa colonne vertébrale la brûler mais sur le moment, elle n'aurait changer de place pour rien au monde car l'assurance de Paul, sa présence et son regard la rassurait. Ils prirent ensembles l'ascenseur sans un mot jusqu'au 6e étage où après avoir salué l'équipe de nuit de la Crim' ils entrèrent dans le débarras à côté du bureau de Charlie. Paul alluma la lumière et Rachel aperçut une table, une chaise, des cartons en tout genre et un bric-à-brac non utilisé, le tout agrémenté d'une forte odeur de poussière et de renfermé. Rachel s'avança prudemment jusqu'à la table alors que le jeune homme s'emparait d'une grande boîte rouge.

Doucement il se rapprocha, il se regardèrent intensément alors que la jeune femme prenait appui derrière elle sur la table. Paul la domina légèrement sans la quitter des yeux.

- Que c'est-il passé ?

Il l'entendit respirer profondément.

- Disons qu'on n'a pas les mêmes principes. Je voulais croire que ça collerait mais j'avais tord, c'est comme ça. Au moins maintenant je sais à quoi m'en tenir. Heureusement j'ai évité la sortie à l'opéra.

L'inspecteur haussa les sourcils en s'emparant d'une compresse sur laquelle il vaporisa un produit bleu.

- L'opéra ?

- C'était son idée mais ce n'est pas le genre de soirée que j'apprécie.

- Et qu'est-ce que vous aimez ?

- J'aurais plutôt opté pour le prochain match des Knicks.

Paul arrêta ses gestes et releva les yeux vers elle.

- Vous êtes fan de basket ?

Elle esquissa un large sourire qui lui coupa le souffle.

- Oui, ça vous étonne ?

- Je vous pensais trop cultivé pour aimer le sport.

- Préjugés !

- Comme si vous n'en aviez pas sur moi.

Ils rigolèrent un instant avant que Paul ne fasse un signe à la jeune femme.

- Levez la tête.

Il déposa doucement la compresse sur sa lèvre et Rachel sursauta.

- Désolé.

- C'est rien.

Délicatement il essuya les traces de sang, il pouvait sentir son souffle sur le dos de sa main, il voyait qu'elle tremblait, ses yeux étaient encore humides de larmes et cette blessure qui était peut-être superficielle, il la trouvait bien trop importante pour un si joli visage. Comment avait-il osé lui faire du mal ? A l'instant même où il l'avait aperçu dans le hall, il avait su que Richard Sturgies le payerait.

- Vous ne m'avez pas répondu tout à l'heure.

- A quel sujet ?

- Insomnies ?

Ils se regardèrent longuement puis Paul soupira.

- Disons que cet immeuble fait partie de l'échappatoire. J'ai passé une grande partie de mon enfance ici. Ma mère travaillait comme secrétaire au rdc et souvent...je me glisser dans un coin et je regardais les gars bosser. C'étaient mes meilleurs amis, ils m'ont tous beaucoup appris.

- Vous vous sentez redevable ?

- Peut-être, j'en sais rien mais quand je ne trouve pas le sommeil c'est là que j'échoue. Il n'y qu'ici que je me sens bien et que je trouve certaines réponses même si parfois le boulot est très ingrat.

- Quelles sont les questions ?

Paul fronça les sourcils, agacé. Rachel se mordit l'intérieur de la joue, c'était la première fois qu'elle obtenait des confidences de sa part et elle était sur le point de tout gâcher, idiote ! Elle l'observa prendre une pochette plastique dans la trousse de secours et la presser entre ses mains.

- Vous ne pouvez pas vous en empêcher n'est-ce pas ?

- De quoi ?

- De jouer à la psy.

- Vous savez quand j'essaye de vous posez des questions sur vous ou votre vie, ce n'est pas forcément pour vous analyser.

- Quel intérêt alors ?

Elle s'arrêta de respirer un instant, cherchant le meilleur moyen d'aborder les choses mais le terrain était si glissant, qu'elle avait peur de faire une erreur.

- Pour apprendre à vous connaître.

- Pourquoi faire ?

- Parce qu'on travaille ensemble, parce que je ne recherche rien d'autre qu'une entente cordiale et...je ne sais pas, votre amitié.

C'était totalement stupide, une montée de chaleur gênante colora ses joues et elle baissa la tête sur ses mains, son cœur tressauta dans sa poitrine et elle n'osa plus faire le moindre geste.

- Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus sur moi ou sur ma vie pour que je vous sois amical.

Elle releva les yeux vers lui et un moment de flottement s'immisça entre eux. Doucement Paul en profita pour poser la poche de gel rafraîchissant sur sa joue endolorie.

- Est-ce que vous voulez porter plainte ?

Rachel soupira légèrement en secouant la tête.

- Non.

- Vous allez le revoir ?

- Non aucun risque.

- Il sait où vous habitez ?

- Je ne pense pas que Richard tentera quoi que ce soit, il a eu l'air surpris lui-même par son geste.

- Les hommes violents ont tous le même discours et la même attitude Rachel. Vous avez une porte qui ferme bien ?

La jeune femme rigola légèrement devant ses inquiétudes.

- Déformation professionnelle ?

Il esquissa un sourire en coin.

- J'ai une double porte ça devrait aller...Vous êtes rassuré inspecteur ?

Il la regarda attentivement, sentant son cœur s'emballer une fois de plus. Ce simple titre qu'elle prononçait la rendait tellement attirante. La jeune femme fronça les sourcils.

- Quoi ?

- Rien.

Il secoua la tête en commençant à ranger la boîte de secours.

- Vous voulez quelque chose pour la douleur ?

- Non ça ira, merci pour tout.

- De rien...je vais vous faire raccompagner.

- Non ce n'est pas la peine, je vais aller dans mon bureau une heure ou deux pour travailler sur mes cours, ensuite je prendrais un taxi.

- Vous devriez rentrer vous reposer.

- Je suis une grande fille Paul, je n'ai pas besoin d'un chaperon.

Il lui fit face, désignant sa blessure avec un regard sévère.

- Oui ça se voit.

- C'était un accident.

Il se rapprocha d'elle, furieux qu'elle trouve des circonstances atténuantes à la situation.

- Promettez-moi un truc, ne laissez plus jamais un homme lever la main sur vous, c'est clair ?

Rachel écarquilla les yeux, effrayée par son soudain accès de colère. Elle se sentait comme une petite fille prise en faute.

- Je ne me suis pas délibérément mise en danger.

- Vous savez ce que ma mère disait : que si un homme est incapable de respecter une femme, il ne respectera jamais personne, à commencer par lui-même. Quand il pose la main sur elle, elle ne doit être dirigée que par la douceur et le respect...vous devriez vous rentrez ça dans le crâne Rachel.

Il claqua la boîte de secours dans un tiroir et souffla fortement pour tenter d'évacuer la tension qui l'habitait. Abasourdis par ses paroles, la jeune femme ouvrit la bouche sans pouvoir émettre le moindre son, il lui fallut plusieurs secondes pour retrouver ses idées.

- Je ne comprends pas...comment vous pouvez débiter un discours pareil tout en étant aussi désinvolte dans votre vie personnelle.

Paul rigola légèrement.

- Le fait de multiplier les rencards d'un soir, ne veut pas dire que je n'ai pas de respect pour elles. Je n'ai jamais levé la main sur une femme, je ne leur impose rien...j'ai peut-être fait un constat assez trash la dernière fois, ma mère n'aurait pas approuvé ça c'est sûr mais au final je ne fais rien de mal.

- Vous vous interdisez de vivre une histoire d'amour parce que ça vous fait peur, c'est ça la vérité. Vous êtes effrayé par un sentiment qui vous est totalement inconnu, ça vous angoisse de savoir que vous pourriez être à l'un d'elle, qu'elle puisse prendre soin de vous, qu'elle puisse apaiser vos craintes, vous attendre le soir pour chasser ce qui vous hantent et corriger ce manque vous assaille en permanence, atténuer votre indifférence. Ca vous fiche la trouille Paul !

Il serra les dents avant de murmurer.

- Eres tu quien me asusta (c'est toi qui me fait peur)

Une douleur poignante frappa les côtes de Rachel, comme une angoisse sourde face à cet échange confus.

- Vous avez peur d'être vulnérable.

Ils se défiaient du regard, intensément, il y avait comme une aura électrique autour d'eux, un combat muet de leurs sentiments, de leur raison et cette impulsivité qui voulait tout balayer.

- Ce n'est pas comme ça qu'il faut le voir. Ce n'est pas une faiblesse, une histoire vécue avec discernement et intelligence peut rendre une personne plus forte.

- Vous étiez amoureuse de Richard ?

- Il ne s'agit pas de moi.

- On n'est pas en séance.

La réplique claqua fermement et Rachel soupira.

- Richard et moi c'était...comme une approche en suspension, une découverte aléatoire où les erreurs de jugement sont fréquentes. J'ai essayé de me convaincre que ça en valait la peine mais on était trop différent.

- Vous avez ressenti quoi pour lui ?

- Comment ça ?

- Un frisson ? Une pulsation ?

Elle se remémora leur dernier entretien et un tremblement intense la parcourus.

- Pas vraiment non.

- Mais vous avez persisté, pourquoi ?

- Je ne sais pas, parce que je voulais la preuve que c'était quelqu'un de bien.

Il désigna sa joue en haussant le ton.

- Sacré résultat.

- J'ai eu tord et je l'assume.

- Bien et maintenant ? Est-ce que vous accorderez aussi vite votre confiance au prochain looser qui viendra frapper à votre porte et qui vous promettra monts et merveilles ?

- J'ai fait une connerie, ça arrive à tous le monde, je serais plus prudente à l'avenir c'est tout.

- Bien sûr que non ! Vous ne vous protègerez pas ! Vous ignorez à quel point les mecs comme Richard sont dangereux, la première gifle est le premier palier de l'escalade vers des violences quotidiennes qui ne se termine qu'à la morgue Rachel.

Il était en colère contre elle qui semblait tellement candide, contre lui parce que ses sentiments lui échappaient, contre Richard pour avoir osé la marquer, contre toutes ces femmes qui se disaient prudentes et qui voulaient fuir mais qui finalement revenaient automatiquement en arrière parce qu'elles étaient trop seules et sans personne autour pour les aider. L'amour n'est au final qu'une surenchère pour cacher que la plupart des gens sont tarés, menteurs et trompeurs.

- Pas besoin d'être psy pour savoir que la seule raison qui vous a poussé à sortir avec ce type, c'est pour éviter d'être seule et pour vous persuader que vous pouvez vivre une belle histoire. Vous vous fichez des conséquences parce que vous avez peur de ne plus ressentir ce semblant de sentiment qui régit la vie de n'importe quelle femme. Seulement vous valez mieux que ça.

Elle ne devait pas laisser cette conversation se poursuivre, la limite du côté professionnelle était dépassée depuis trop longtemps et ça devenait dangereux.

- Ce n'est pas à vous d'en juger.

Il la regarda attentivement, comprenant que les choses ne devaient pas aller plus loin.

- Dans ce cas ne passez plus la porte du commissariat en plein milieu de la nuit, en étant à moitié défigurée parce que vous avez cru bon d'accorder votre confiance à un abruti.

Regrettait-il de l'avoir aidé ce soir ? Eprouvait-il de la colère ou de la pitié à son égard ? Perdue face à son attitude, la psychologue hocha la tête.

- Je ne voulais pas vous faire perdre votre temps, je suis désolée.

Elle se détourna de lui et commença à s'éloigner, la gorge nouée et les larmes aux bords des yeux.

- Rachel...

Paul l'attrapa par le bras pour l'arrêter, il tourna la tête et vrilla son regard au sien. Le souffle de la jeune femme se coupa et involontairement une larme roula sur sa joue. Elle avait tellement honte.

- Je suis désolé, je ne voulais pas être aussi dur.

- Vous avez raison, c'est ma faute.

- Non...votre altruisme n'est pas un défaut.

Il leva doucement la main et essuya la trace humide sur sa joue. Sans s'en rendre compte il se rapprocha d'elle, il pouvait sentir son grain de peau sous ses doigt, le tremblement de son corps.

- Vous avez froid ?

- Non.

Elle leva les yeux vers lui et Paul serra les dents avant de regarder ses lèvres. Sa blessure ne saignait plus.

- Vous avez mal ?

La jeune femme secoua la tête négativement puis elle avala péniblement sa salive, si elle laissait les choses se poursuivre, perdrait-elle son intégrité professionnelle ? Et de son côté pouvait-il se permettre de franchir une limite qu'il s'était juré de ne jamais franchir sur son lieu de travail. Instinctivement il posa son front sur le sien avant de murmurer.

- Me estas asustendo. (tu me fais peur)

Elle respirait difficilement en sentant le pouce de Paul caresser délicatement sa joue endolorie. Il regarda ses lèvres, en se demandant si un baiser pouvait effacer cette triste marque de violence.

- Qué quieres de mi, Paul ? (qu'est-ce que tu attends de moi Paul ?)

- No sé. (j'en sais rien)

Leur contact très intense fut coupé par la sonnerie du téléphone de l'inspecteur. Celui-ci ferma les yeux avant de décrocher en grognant.

- Cardoza ?...oui...quoi ? quand ça ?...oui d'accord j'arrive...non c'est pas la peine...parce qu'elle est dans la maison.

Il raccrocha sèchement et serra les dents avant de parler. Rachel souffla discrètement pour reprendre une certaine contenance.

- Que ce passe-t-il ?

- Helena Hayes a fait une tentative de suicide."

...

La jeune fille de dix-sept ans se trouvait perdue au milieu d'un lit blanc entouré de moniteur, deux pansements assez épais compressaient ses poignets. Sa mère attendait dans le couloir pendant que la police procédait à un interrogatoire. Helena fuyait le regard des gens qui se trouvait autour d'elle, son mascara avait coulé et elle triturait sans arrêt ses ongles.

"- Il faut que tu nous racontes ce qu'il c'est passé.

La voix de Paul était douce, il ne voulait pas la brusquer, il fallait qu'elle se sente en confiance afin de leur donner des indications sur le déroulement des derniers évènements. Helena essuya une larme et entama son récit d'une voix chevrotante.

- Ted n'arrêtait pas de me regarder, il disait que j'étais belle. Il essayait toujours de se retrouver dans la même pièce que moi quand maman n'y était pas.

- Est-ce qu'il t'a touché ?

- Oui, au début c'était par accident, il me frôlait et puis un jour il a posé sa main sur ma cuisse et une autre fois il m'a coincé entre le mur et lui et il m'a touché les seins.

Rachel fronça les sourcils en voyant Paul serrer les mâchoires.

- J'en avais marre de cette situation, je pensais que Mr Schilling pourrait m'aider alors je suis allée le voir mais quand je suis montée, je l'ai trouvé comme ça.

- Comment comme ça ?

- Mort...il était mort.

La jeune fille laissa échapper un très fort sanglot en se cachant le visage. Rachel fit une petite moue en s'approchant.

- Helena, tu te souviens de la position qu'il avait ?

- Je crois qu'il était couché."

Une heure plus tard, l'équipe ressortie de l'hôpital, Charlie avait été tiré de son sommeil au beau milieu de la nuit, au même titre que Joe, Evan et Letty. Il n'était plus question pour eux de rentrer avant d'avoir tiré cette histoire au clair. Il proposa donc à son unité de rejoindre le central pour en discuter et réinterroger Theodore Clayton dès que le jour serait levé. Tous le monde se dirigea vers les voitures respectives mais avant de monter dans la sienne, le capitaine Price s'approcha de la psychologue. Il fronça les sourcils et lui caressa la joue, toujours rouge et gonflée.

"- Va falloir te prendre en main fillette.

- Ne vous inquiétez pas ça va.

- T'as le choix, les cours de self défense ou je t'inscris au stand de tir.

Rachel rigola légèrement en baissant la tête. Derrière elle, Paul esquissa un sourire.

- Une bombe au poivre devrait suffire...je sais me débrouiller Charlie, ne vous en faites pas pour moi.

La jeune femme monta dans la voiture sans apercevoir Paul et son supérieur échanger un regard lourd de sous entendus. L'inspecteur s'approcha de son chef.

- Tu me laisses une heure ?

- Maintenant ?

- Tu vas m'empêcher d'y aller ?

- Non...mais si tu préfères je peux y aller à ta place.

Paul esquissa un sourire en coin.

- T'inquiètes pas, je ne le secouerais pas trop fort.

- C'est pas à ça que je pensais.

- A quoi alors ?

Charlie le regarda attentivement.

- T'es devenu aveugle ou quoi ?

Le jeune homme serra les dents et baissa la tête. En face de lui, le capitaine sentit un bouffée de compassion lui serrer la poitrine.

- Je te laisse une heure mais il faudra bien qu'on en parle.

- Elle fait partie de la maison c'est tout, ça serait le même deal pour Letty.

Charlie ouvrit la portière de sa voiture en rigolant.

- Letty est 3e Dan de karaté, c'est pas le bon exemple...mais vas-y continues d'essayer de te convaincre."

...

La nuit était déjà bien avancée et New York ressemblait à un îlot illuminé au milieu du monde. Paul se gara devant un immeuble très chic et montra sa plaque au portier qui le laissa entrer sans poser de questions. Il se dirigea vers les ascenseurs et se hissa jusqu'au 130e étage. Arrivé devant la porte qu'il cherchait, il respira profondément pour évacuer de son esprit et de son cœur, les images et les sentiments qui pouvaient le distraire. Il frappa plusieurs fois jusqu'à ce que le propriétaire ne lui ouvre.

Richard Sturgies fut surpris par son visiteur, encore ensommeillé, il parla d'une voix pâteuse.

"- Qui êtes-vous ?

Paul lui montra sa plaque.

- Inspecteur Cardoza, brigade criminelle.

L'industriel écarquilla les yeux.

- Que ce passe-t-il ?

- Il faudrait que je vous parle c'est très important.

Richard soupira et laissa entrer son visiteur impromptu. Une fois la porte fermée, ils se dirigèrent vers le séjour.

- Déranger les gens en plein milieu de la nuit n'est pas vraiment approprié, sachez que dès le levé du jour je me ferais un plaisir de contacter...

Avant même que le compagnon de Rachel ne s'en rende compte et avant même qu'il ait pu terminer sa phrase, Paul l'attrapa par le bras et le retourna face contre la table de la salle à manger en lui tordant l'épaule. Richard poussa un hurlement strident alors que l'inspecteur se penchait à son oreille.

- Tu lèves encore une seule fois la main sur elle et je te bute...c'est clair ?

- Mais vous êtes complètement malade, lâchez moi tout de suite.

- Je suis complètement cinglé, c'est ce que tous le monde dit...Mais en attendant je suis très sérieux, je veux t'entendre me dire que tu as bien intégré les informations : tu ne l'approches plus, tu ne la touches plus, tu ne t'avise même plus de la regarder ou d'essayer de lui parler. Si j'apprends que tu as tenté d'entrer en contact avec elle, je te jure que je te donnerais de quoi te plaindre, pigé ?

Paul resserra sa prise autour du bras de Richard qui poussa un nouvel hurlement.

- J'entends rien !

- Oui j'ai compris.

Le jeune inspecteur relâcha son étreinte et le compagnon de Rachel se releva en se massant la nuque.

- Votre carrière est...

- BOUCLES-LA CRETIN !

Il se rapprocha de Richard, si près que son nez pouvait pratiquement toucher le sien.

- Tu veux le numéro du grand patron ?...Vas-y ! Mais laisses-moi te dire un truc, en ce qui concerne le piston, celui que j'ai dans la poche est plus important que tout ton carnet d'adresse. Un mot et je coule ton entreprise.

Il lui murmura un nom au creux de l'oreille et se recula pour voir la peur panique dans les yeux du riche industriel.

- Tout ça pour Rachel ? Est-ce qu'elle est si importante que ça à vos yeux ?

- C'est une amie à laquelle je tiens beaucoup.

Richard émit un petit rictus.

- Vous vous déplacez au beau milieu de la nuit pour me donner une leçon uniquement parce que j'ai giflé une amie, un petit manque de respect et vous jouez au chevalier servant. Pourquoi ? Pour essayer de vous la faire ? Allez-y, je pense que...

Il ne vit pas arriver le coup de poing. Un coup franc, dur et précis qui lui éclata le nez directement. Richard tomba au sol en hurlant avant que Paul ne l'attrape par les cheveux.

- Je te bute si jamais tu croise à nouveau son chemin...j'espère que tu m'as bien compris."

L'inspecteur l'enjamba et repartit en claquant la porte sans un mot de plus.

...

When she smiled at me (quand elle m'a souri)

She took my breath away (elle m'a coupé le souffle)

...

How do i say hello ? (comment puis-je dire bonjour ?)

I just wanna talk to you (je veux juste te parler)

How do i say you're beautiful (comment puis-je dire que tu es belle ?)

When i can't take my eyes of you (quand je ne peux pas te quitter du regard)

I Don't wanna say the wrong thing (je ne veux pas te dire quelque chose de faux)

I want just the right words to impress you (je veux juste utiliser les bons mots pour t'impressionner)

Mujer bonita, how do i say, how do i say ? (jolie femme, comment puis-je te dire, comment puis-je te dire ?)

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Que pensez-vous de ce chapitre ?

Passez un bon dimanche, prenez soin de vous, à très vite ^^