Bonjour tout le monde !

J'espère tout d'abord que vous allez tous et toutes bien malgré, euh, la vie qui nous entoure. Je suis super contente de revenir ici avec un tout nouveau chapitre. Et soyons claires d'entrée de jeu : c'est un putain de mastodonte. À la relecture, j'ai réalisé qu'il était vraiment, vraiment très long. Mais je ne pouvais pas le couper pour autant parce que, comme l'indique le titre, c'est un moment charnier de l'histoire. C'est le moment où tout ce beau monde plonge la tête la première dans le désastre, le vrai. (Je crois que j'aime un chouïa trop le drama.) Donc je ne me voyais pas couper en plein milieu et dire "allez, chapitre prochain, on reprend, youhou le désespoir". Rassurez-vous tout de même, qui dit "toucher le fond" dit qu'à partir de maintenant, ils ne vont faire que remonter. Je voulais les mettre face à l'adversité complète avant de leur permettre de s'en sortir (sadique mais humaine).

Pour les références au Voile, je me suis servie des entretiens qu'a donné J.K Rowling dans diverses plateformes. C'est d'ailleurs le bon moment pour dire que Disclaimer : rien ne m'appartient bien évidemment. Mais j'ai grand plaisir à jouer avec.

Si vous avez aimé ce chapitre, n'hésitez pas à vous faire connaître en lâchant un petit commentaire, ça fait vraiment beaucoup de bien. Tout le monde le dit sur ce site mais c'est vrai, voir une review s'afficher sur votre travail est très gratifiant, bien plus que le nombre de vues qui n'est pas forcément très pertinent. Alors lâchez vous :)

Réponse à Fleur d'Ange : Merci une fois n'est pas coutume pour ta review ! C'est tellement de bonheur de te lire à chaque chapitre, merci beaucoup beaucoup ! Pour ce qui est de Luna oui, j'avais hâte de la faire participer à l'affaire et j'adore l'idée de leur duo. Pour ce qui est de Harry, il est frustré de ne pas avoir de contrôle sur grand chose à ce moment-là et la perspective de remettre en cause le retour de son parrain le terrifie je pense. Concernant George et Sirius, justement, le titre du chapitre et le reste de l'histoire répondent à ton interrogation aha ;) Bonne lecture et j'espère qu'il te plaira !

Réponse à Coeur de rose du 28 : Merci beaucoup pour ta review, ça fait super plaisir de découvrir une nouvelle lectrice ! :D On est bien d'accord sur l'alliance Hermione / Ron, c'est un des couples qui ne m'a jamais enchanté. Même si ça me fait du matériel intéressant pour l'histoire héhé. Au plaisir de te lire et en espérant que la suite te plaise !

Sur ce, bonne lecture (bon courage aussi mine de rien) et à bientôt ! :)

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Chapitre VII : Toucher le fond

15 décembre 1997

Ça ne pouvait être qu'un cauchemar. Hermione observait le spectacle, muette d'horreur.

« Non, vraiment, c'est le rêve ici ! s'écriait Ron avec un regard mauvais, en désignant son bras estropié. Ça fait des semaines qu'on essuie des kilomètres et des kilomètres sans rien à manger et pas le moindre foutu indice sur les Horcruxes ! J'aurais pensé qu'on finirait par obtenir un résultat au bout de tout ce temps.

- Je croyais que tu savais dans quoi tu t'engageais, répliqua Harry avec froideur.

- Faut croire que je m'étais trompé, lança Ron avec hargne.

- Ron, l'interrompit Hermione mais d'une voix si basse que le martellement de la pluie gagnait sur elle.

Ça n'était pas en train d'arriver. Pas maintenant.

- Tu pensais qu'on aurait la belle vie : dormir dans des hôtels, trouver des Horcruxes tous les quatre jours, revenir au Terrier pour Noël ? demanda Harry d'un ton cinglant.

- On croyait que tu savais ce que tu faisais ! s'exclama le rouquin en s'approchant de lui.

- Ron ! s'écria Hermione cette fois-ci d'un ton plus fort.

Mais le garçon ne lui prêta pas la moindre attention. Dehors, la pluie se changeait en averse.

- Eh bien navré de t'avoir déçu : je t'ai dit exactement ce que Dumbledore m'avait transmis au sujet des Horcruxes.

- C'est-à-dire pas grand-chose ! reprit Ron.

- Ron, enlève le médaillon, reprit Hermione d'une voix aigüe. Enlève-le maintenant. Tu ne dirais pas des choses pareilles si tu ne l'avais pas porté trop longtemps. »

Ron continua de s'approcher de Harry qui ne reculait pas. Tous deux se regardaient avec une animosité évidente. Hermione comprit alors avec horreur que toutes ses tentatives de désescalader la violence s'avéreraient vaines. Quelque chose s'était brisé entre les deux jeunes hommes. Elle vit Ron exécuter un mouvement brusque et brandit sa baguette en un instant.

« Protego ! » s'écria la jeune brune tandis que le bouclier se déployait sur eux, Harry de son côté, Ron de l'autre.

Les deux garçons continuèrent de se jeter un regard féroce de chaque côté de la barrière. Ron fut le premier à se remettre en mouvement. Il enleva brusquement la chaine de son cou et jeta le médaillon dans un coin de la tente. Harry le regarda faire, sans broncher. Puis le rouquin se tourna vers Hermione.

« Qu'est-ce que tu fais ?

- Quoi ? répondit-elle, interloquée.

- Tu viens avec moi ou quoi ? »

Hermione resta silencieuse, ses traits se déformant petit à petit en stupeur horrifiée.

« Ron… murmura-t-elle

- C'est lui ou c'est moi, persista le garçon avec hargne.

- Je…

Qu'était-elle sensée dire ? Hermione sentit un froid violent s'étendre en elle.

- Je… Je reste. Ron, on s'est engagés à aider Harry, il faut…

- J'ai compris. C'est lui que tu choisis », la coupa le jeune homme en tournant vivement les talons et quittant la tente.

Hermione le regarda partir avec stupeur. Il lui fallut quelques secondes avant de comprendre ce qu'il se passait et de pouvoir se mettre à courir.

« Ron attends ! Ron, je t'en prie, ne pars pas ! » s'écria-t-elle alors qu'elle fonçait dans la clairière obscure.

La sorcière crut voir l'ombre de son ami sinuer entre les pins de la forêt et s'élança à sa poursuite. La pluie se déversait sur elle, trempant ses vêtements, réduisant son champ de vision mais elle continuait à courir. Hermione ne pouvait pas le perdre, pas maintenant. Il fallait à tout prix qu'il revienne. Mais la sorcière entendit alors distinctement le bruit sourd d'un transplanage et sut que c'était fini. Elle resta quelques secondes, immobile, tandis que la pluie continuait à battre sur ses épaules. Puis la jeune femme revint dans la tente. Harry la regarda, interdit.

« Il est… Il est parti » murmura-t-elle, ses épaules tremblant.

Puis la sorcière s'effondra sur l'un des fauteuils et éclata en sanglots. Elle pensa à toutes ces semaines passées en fugitifs, le froid, la faim, la peur qui les avait étreint tous les trois et se laissa submerger par le chagrin. Elle finit par s'endormir d'épuisement.

o O o

Le lendemain, lorsqu'elle ouvrit les yeux, Hermione mit quelques secondes à se souvenir de la veille. La sorcière leva la tête en direction du lit de Ron. Il était désert. Les couvertures de son lit avaient été déposées sur elle pendant qu'elle dormait. La sorcière aux cheveux bouclés se pelotonna contre elles et réprima un sanglot. Ron était parti, les laissant tous deux avec une tâche d'autant plus implacable sur leurs épaules. Hermione sentait le poids de son abandon peser sur ses épaules avec fatalité. Il ne restait plus qu'elle et Harry. Elle était consciente que malgré elle, une petite voix ne cessait de la prier d'abandonner à son tour. La tâche était trop ardue pour un duo de jeunes sorciers comme eux. À quoi pensait Dumbledore lorsqu'il les avait lancé sur la piste des Horcruxes ? À quoi s'était-il attendu ? Il était considéré par la communauté magique comme le plus grand sorcier de tous les temps, alors pourquoi était-il parvenu à un plan aussi absurde ?!

Mais Hermione savait pertinemment que si elle décidait d'abandonner, Harry trouverait toujours le moyen de continuer sa quête sans elle. Jamais il n'accepterait de baisser les bras et demander à quelqu'un d'autre de le faire : c'était, en un sens, sa destinée. Et elle ne supporterait pas de le laisser affronter seul Voldemort. Hermione n'avait d'autre choix que de l'accompagner et de l'aider au plus possible.

Ferme de sa résolution, la jeune femme se leva et commença à préparer une bouilloire d'eau chaude. Malgré tout ce qu'elle ressentait pour Ron, la sorcière sut qu'elle devait le laisser de côté. La traque reprenait et il leur faudrait des forces pour affronter ce qui les attendait maintenant tous deux.

o O o

Hermione parvint au domicile de Luna Lovegood en fin d'après-midi, le soleil dardant toujours ses chauds rayons devant la propriété étrange de la sorcière. C'était une petite maison avenante aux murs clairs, disposant d'un renfoncement sur le côté droit qui pouvait faire penser à une tourelle. La toiture était composée de tuiles multicolores de toutes les formes possibles et la souche de cheminée laissait échapper des nuages de vapeur dans l'atmosphère. Hermione sourit en découvrant la façade de la maison. Ginny n'avait pas menti lorsqu'elle lui avait évoqué l'endroit où vivait Luna : il était atypique comme sa propriétaire.

La sorcière aux cheveux bouclés s'approcha du perron et remarqua la présence de quelques prunes dirigeables encadrant la porte d'entrée. Elle fit tinter le carillon devant elle et aperçut la silhouette familière de son amie. Luna haussa les sourcils en découvrant Hermione mais un sourire naquit aussitôt sur son visage.

« Entre Hermione, je ne t'attendais pas si rapidement. Mes patacitrouilles ne sont pas tout à fait terminées, la salua-t-elle en indiquant le corridor qui serpentait jusqu'au salon.

La jeune femme fronça les sourcils.

- Nous n'avions pas rendez-vous Luna, comment tu savais que je serais là ? demanda-t-elle en pénétrant dans sa maison.

- Oh, des murmures entendus çà et là », répondit la blonde lunaire en fermant la porte derrière elle.

Hermione se dirigea vers la petite cuisine circulaire qui ronronnait doucement. La maison était plongée dans une chaleur rassurante et une flopée de petits bruits étonnants. Luna l'invita à s'installer en face d'elle tandis qu'elle reprenait la préparation de ses patacitrouilles. Hermione remarqua du coin de l'œil qu'à défaut de citrouilles, certaines étaient garnies d'autres éléments présentant un aspect particulier et peu ragoûtant. Elle ne fit toutefois aucun commentaire et remercia sa camarade lorsque celle-ci lui tendit une tasse de thé fumante. Une fois que Luna eut enfourné sa série de patacitrouilles surprises, Hermione prit la parole :

« Je suis venue chez toi Luna parce que j'aurais besoin d'un service.

- Aucun problème, assura la jeune femme avec enthousiasme.

- Il y en aura peut-être une fois que je t'aurais dit ce dont j'ai besoin, grimaça Hermione.

- C'est très peu probable, continua la belle blonde.

La brune prit une nouvelle gorgée de thé, sourcils froncés.

- Tu sembles sûre de toi, lui dit-elle non sans ressentir une certaine appréhension.

- Il n'y a aucune chance que je refuse.

- Pourquoi cela ?

- Parce que nous sommes amies, rétorqua Luna du ton de l'évidence.

Elle mit un temps et ajouta, les yeux dressés vers le haut, en grande réflexion.

- Ou en tout cas, je te considère comme mon amie. Nous avons vécu pas mal de choses ensemble. Des choses qui nous ont rapprochées. Du moins, c'est ce que je crois. Ça n'est peut-être pas réciproque. Et ça n'est pas grave.

- Luna, bien sûr que je te considère comme mon amie », s'empressa d'affirmer Hermione, posant sa main sur la sienne.

Il est vrai que les deux jeunes femmes n'avaient pas été proches durant les premières années à Poudlard et Hermione gardait encore une part de culpabilité concernant la façon dont elle avait d'abord perçu la sorcière mais dix années s'étaient écoulées, et elles avaient toutes deux eu l'occasion de faire évoluer leur relation. Luna accentua son sourire et posa à nouveau ses yeux sur sa camarade.

« Ça me fait très plaisir. Alors, de quoi as-tu besoin ? » la relança-t-elle en prenant à nouveau une gorgée.

Hermione mordilla sa lèvre inférieure. Lorsqu'elle s'était adressé à Harry puis Ginny, elle avait reçu tour à tour des « non » retentissants ainsi que de franches remontrances. Elle aurait aimé s'y prendre autrement, aborder les choses sous un angle différent afin de ne pas s'attirer une autre réponse négative de la part de son amie. Mais après quelques secondes de réflexion, la sorcière aux cheveux bouclés comprit qu'elle ne pouvait pas y aller par quatre chemins.

« J'aurais besoin que l'on s'infiltre dans le département des Mystères afin que l'on étudie l'arche et que tu m'indiques ce que tu vois » annonça-t-elle sans tergiverser.

Elle attendit, anxieuse, la réponse de son interlocutrice. Luna prit le temps de reposer sa tasse sur la table et hocha la tête.

« D'accord. Quand est-ce qu'on y va ? » demanda-t-elle poliment.

Hermione la contempla une seconde, interloquée.

« Où ? demanda-t-elle, sûre d'avoir mal expliqué la situation.

- Au département des Mystères. Quand est-ce qu'on y va ?

- Mais… Tu es partante ?

- Bien sûr, affirma la sorcière. Pourquoi pas ?

Ce fut à Hermione de ne pas trouver de répartie convenable. Elle se tortilla sur son siège et posa ses coudes sur la table.

- Tu es consciente que ni toi ni moi n'avons l'autorisation de pénétrer dans ce niveau ? Il va falloir faire preuve de discrétion et d'ingéniosité.

- Comme la dernière fois non ? répondit Luna en haussant les épaules.

- Oui… Oui. Comme la dernière fois, affirma Hermione à son tour, fixant la table avec un air interloqué.

- Quel est le moment le plus opportun ?

Hermione réfléchit longuement. Puis elle se pencha davantage vers sa camarade.

- Dans cinq jours, Kingsley est sensé faire une tournée d'inspection des différents services. Lorsqu'il sera en entretien avec certaines Langues-de-plomb, nous pourrons essayer de nous introduire dans leur département.

- Bonne idée. Nous devrions emprunter la cape d'invisibilité de Harry pour plus de sureté.

- C'est évident ! s'exclama Hermione, avant de reprendre, plus morose. Mais il se doutera forcément de quelque chose si c'est moi qui lui demande.

- Je peux m'en charger et lui dire que j'en ai besoin pour étudier au mieux le comportement des Trolls de Nadroj sans risquer la moindre égratignure.

- Ça pourrait marcher… Oui, ça se tient… »

Luna lui adressa un sourire radieux et conclut.

« Retrouvons-nous donc, en ce dernier jour du mois, pour nous introduire dans le département des Mystères et tenter de percer les mystères de l'Arche… Cela nous rappellera le bon vieux temps. »

Hermione ne put s'empêcher d'esquisser un sourire candide face à l'enthousiasme de la jeune femme mais aussi au souvenir de ces péripéties rocambolesques qu'entraînaient immanquablement chaque année passée au sein de Poudlard. Toutes deux profitèrent de ce moment paisible avant qu'Hermione ne fronce les sourcils. Quelque chose la préoccupait. Luna le remarqua aussitôt.

« Que se passe-t-il ? demanda cette dernière en se relevant pour sortir les patacitrouilles du four.

- Luna, pourquoi est-ce que tu m'aides ?

- Parce que nous sommes amies, je te l'ai dit.

- Non je… Pourquoi est-ce que tu veux m'aider à observer de nouveau l'Arche ? reformula Hermione en lui lançant un regard embarrassé.

Luna se rassied et plongea son regard dans celui de sa camarade.

- Si je ne t'aidais pas, est-ce que tu lâcherais l'affaire ?

Hermione prit tout de même un instant pour réfléchir mais hocha négativement la tête.

- Est-ce que tu ne finirais pas par te retrouver devant l'arche quoi qu'il arrive ?

- Si.

- Alors autant ne pas te laisser seule dans cette affaire, conclut Luna en haussant les épaules.

Elle contempla son amie un instant et rajouta.

- Je ne prétends pas connaître tes motivations, encore moins savoir si elles sont pertinentes ou non. Ce que je sais, c'est que tu ne peux obtenir certaines réponses qu'avec des personnes qui ont vu le Voile. C'est tout ce que je pourrais faire pour t'aider. »

Hermione écouta sa camarade avec une vive attention. Elle sentit son cœur se serrer et hocha vivement la tête pour remercier Luna. Cette dernière lui adressa un sourire confiant.

« Bon… Une patacitrouille pour conclure notre alliance ? » proposa-t-elle gaiement.

La sorcière aux cheveux bouclés mit son appréhension de côté et hocha la tête avec un sourire en coin.

o O o

Le jour diminuait sur le chemin de Traverse tandis que George fermait les rideaux de sa boutique d'un geste sec. Il poussa un long soupir puis jeta un coup d' œil aux alentours. Les derniers visiteurs de la journée sortaient tour à tour des boutiques et se dirigeaient joyeusement vers le Chaudron Baveur. George fut tenté de se mêler à la populace et ainsi s'enquiller quelques verres à la taverne. Mais la voix sinueuse dans sa tête lui proposa de rejoindre plutôt son appartement. Là, il n'aurait pas besoin de faire semblant d'aller bien, ni de limiter sa consommation par peur des regards extérieurs. Il gravit les escaliers menant à son appartement d'un pas lourd.

Une faible lumière régnait dans la pièce principale. Sirius était affalé dans l'un des fauteuils, le regard perdu. George fut surpris de le retrouver si tôt. Il posa sa veste dans un coin et le rejoignit. Sirius lui adressa un sourire poli, et se replongea de nouveau dans sa contemplation.

« Comment était la journée ? demanda-t-il toutefois au Weasley qui se servait un verre de la bouteille de scotch que Sirius avait laissée sur la table.

- Un peu calme par rapport à d'habitude mais je ne m'en plains pas, répondit George en haussant les épaules.

Les deux hommes terminèrent leur verre avant de se resservir.

- Qu'est-ce que tu as fait de ton côté ? demanda George en se calant davantage dans le canapé.

- Absolument rien, annonça le grand brun en prenant une large rasade.

- Rien ne t'a motivé ? »

Sirius posa son verre contre son genou, pensif.

Ces dernières semaines, dès l'aube, il était sorti de l'appartement et avait passé le plus clair de son temps à l'extérieur. L'animagus s'était promené sur les quais, avait fréquenté des avenues qu'il connaissait bien. Parfois, il s'était simplement assis dans un coin pour observer le monde alentour. Après avoir été enfermé si longtemps, il avait eu besoin de retrouver le monde extérieur et ce rituel lui avait été salutaire. Mais plus les jours avançaient, et plus son sentiment de mal-être s'était confirmé. Le monde avait changé. La paix avait été remportée et une nouvelle ère s'était installée. Une ère dans laquelle Sirius sentait qu'il n'avait pas sa place. Au fond de lui, le sorcier savait que l'horreur et la guerre stagnaient encore dans son cœur. Il n'appartenait pas à ce monde nouveau. Sa place était aux côtés de ses anciens camarades : Alastor, Frank et Alice, Dora, Lily, James et Rémus.

« Rien, murmura-t-il d'une voix semblable à un grognement.

- Je te comprends, compatit George prenant une nouvelle gorgée. Je sais pas pourquoi je continue à faire ça, soupira-t-il à la suite.

Sirius leva les yeux vers son camarade.

- Ouvrir la boutique, vendre nos articles, rester là-bas toute la journée… Ça me paraît tellement futile.

- C'est un ancrage, songea Sirius en passant une main sur ses lèvres. C'est ce qui te permet de te sentir proche de Fred.

George eut un rictus et termina son verre.

- Il doit me trouver ridicule de là où il est, lança-t-il avec cynisme.

- Ça m'étonnerait. Enfin… si, le connaissant, il te lancerait quelques quolibets, ajouta Sirius avec un sourire sans joie.

Les deux hommes se regardèrent d'un air entendu et levèrent leur verre à l'unisson.

- Mais au moins, tu veilles sur les braises et tu continues d'attiser le feu, reprit le sorcier aux cheveux bruns.

- Je me demande parfois si je le fais en sa mémoire ou si c'est juste un moyen pour moi de continuer à me punir », avoua George, laissant tomber sa tête sur le dossier du canapé.

Sirius le contempla pendant une minute mais décida de ne pas répondre. L'un comme l'autre ne pouvaient se voiler la face. Ils étaient malheureux et entretenaient à escient cette situation. Il fut un temps où ils auraient pu se servir de leur chagrin mutuel pour se relever tous deux. Dorénavant, c'était trop tard. La seule chose à laquelle ils veillaient George et lui, c'était à ne pas plonger seul. Ils se soutiendraient immanquablement lorsque le fond serait atteint.

« Et toi ? demanda le jumeau Weasley en tournant les yeux vers l'animagus.

- Moi ?

- Tu ne veux pas repartir de zéro ? Te lancer dans un nouveau projet, une activité… » reprit George d'une voix pâteuse.

Sirius avait eu le temps de réfléchir à cette question durant ses longues journées d'évasion. Les moyens ne manquaient pas à sa disposition pour se lancer. Il était encore jeune selon les normes du monde sorcier. Il disposait de bases solides, avait des connaissances dans beaucoup de domaines et des relations qui pouvaient l'aider. Mais cela sous-entendait de s'inscrire dans cette nouvelle vie qu'on lui avait octroyée.

Le sorcier haussa les épaules et esquissa un rictus douloureux.

« Et te laisser être le seul à te tourmenter sur un passé révolu ? Aucune chance » répondit-il à son camarade en dirigeant ses iris métallisées vers lui.

George lui rendit son regard. Puis il finit par hocher la tête, conscient que leur pacte était bel et bien scellé. Il remplit une nouvelle fois leur verre et laissa chanceler la bouteille vide sur les lattes du plancher. Une fois terminé, Sirius reposa son verre et laissa sa tête retrouver le rebord du fauteuil. L'ivresse lui faisant tourner la tête, il ferma les yeux et se laissa entraîner dans les ténèbres.

o O o

Hermione serra nerveusement son petit sac de breloques lorsqu'elle franchit la porte du Ministère de la Magie, Luna à ses côtés. Les jours avaient défilé trop rapidement à son goût et elles devaient maintenant mettre leur plan à exécution. Emprunter la cape d'invisibilité à Harry avait été un jeu d'enfant pour Luna. Le sorcier à la cicatrice courait dans tous les sens et tout semblait le préoccuper ces temps-ci, alors il avait répondu positivement à la demande de la jeune femme sans vraiment y réfléchir. Les deux femmes parvinrent dans le hall où la cacophonie ambiante était encore plus accentuée ce jour-là. Le Ministre de la Magie, Kingsley Shacklebolt organisait sa tournée d'inspection annuelle de tous les départements, ce qui expliquait l'effervescence des services. Une foule d'allers et venues rythmait le corridor du Ministère de la Magie.

Luna et Hermione se jetèrent un coup d'œil entendu et se dirigèrent promptement vers les ascenseurs menant aux différents départements. Lorsqu'elles furent à l'intérieur, Hermione fouilla dans son sac et en retira la cape de son meilleur ami. Elle s'enveloppa dedans avec sa complice et toutes deux franchirent le pas. La porte noire et lisse du neuvième étage s'ouvrit devant le duo. Elles pénétrèrent à l'intérieur et se retrouvèrent face aux douze portes familières. Celles-ci commencèrent à tourbillonner avant que l'une d'entre elles ne s'arrête et s'impose face à elles. Luna se tourna vers son amie.

« Tu comptes utiliser le même sortilège que la dernière fois ?

- Flambios. Et comment ! Ça nous permettra de savoir ce qu'on a déjà emprunté, répondit Hermione en hochant la tête.

- Et si des employés passent devant ? demanda à nouveau la petite blonde.

- On avisera », indiqua la sorcière après un temps de réflexion.

Elles n'eurent pas besoin d'aviser. Si le premier essai s'avéra les mener dans la salle du Temps, les quelques sorciers et sorcières présents sur place avaient le nez plongé dans leurs dossiers et ne remarquèrent même pas le mouvement de porte derrière eux. Au deuxième essai, Luna et Hermione surent tout de suite qu'elles étaient au bon endroit. Un froid vivifiant les saisit. La sorcière aux cheveux bouclés murmura un Hominum revelio, dissimulée sous la cape d'invisibilité. Sa baguette ne discerna aucune présence dans les environs. Les sorcières attendirent quelques minutes supplémentaires puis, devant l'absence de bruit, enlevèrent la cape les recouvrant toutes deux. Luna se saisit à son tour de sa baguette et lança un Lumos. Un faisceau lumineux vint éclairer le passage devant leurs pieds. Les deux femmes s'engagèrent petit à petit dans la pièce circulaire. À mesure qu'elles approchaient, le sang d'Hermione battait violemment contre ses tempes. Elle avait beau s'être préparée mentalement, rien ne pouvait diminuer l'impact de retrouver cette salle maudite. La sorcière se replongea dix années en arrière. Son esprit se revit aux prises avec les Mangemorts durant la Bataille. La sensation d'urgence et le vertige de la peur. Les cris résonnants de toutes parts Le sang qui ne faisait qu'un tour. Puis l'attaque de Dolohov, Harry qui s'élançait en direction de son parrain, et enfin le jet de lumière. Sirius qui se retournait vers elle, stupéfait… et commençait à tomber, tomber…

Hermione sortit violemment de son souvenir lorsqu'elle sentit la main de Luna sur son bras.

« On y est. » murmura-t-elle d'une voix douce, comme pour ne pas la brusquer.

La brune leva vivement les yeux. L'Arche s'étendait devant elles.

Le froid sembla s'accentuer. Hermione frissonna et frotta nerveusement ses bras pour les réchauffer.

L'édifice n'avait pas changé depuis toutes ces années. Il se dressait fièrement sur l'estrade en pierre surélevée et semblait toujours aussi ancien, fissuré et en ruine. Malgré son air vétuste, les sorcières sentaient toutefois une forte présence magique résonner autour d'elle. Luna s'avança la première vers elle.

« Attention, murmura Hermione dans sa direction.

- Ne t'en fais pas, je n'irais pas plus loin. » indiqua Luna sans se retourner.

La jeune femme resta à quelques pas du bâtiment et le fixa de ses grands yeux bleus.

« Tu le vois ? demanda la brune en observant à son tour l'Arche.

- Hmm ? prononça distraitement la jeune femme qui semblait hypnotisée par le spectacle.

- La sorte de… le Voile ?

- Oui.

Le cœur de Hermione battit un peu plus vite.

- C'est noir. Opaque…, reprit Luna, faisant danser son regard sur le haut de l'édifice. Et déchiré par endroits. Comme s'il était très, très usé.

Hermione observa plus attentivement la zone. Mais elle eut beau garder son regard ancré sur celle-ci, elle ne voyait toujours qu'une simple arche rongée par le temps.

- Je ne vois rien du tout, y répondit la sorcière qui sentit la frustration naître en elle.

- Ça n'est pas évident, expliqua sa camarade en se retournant. Je crois qu'il apparaît à ceux et celles qui croient à quelque chose après.

- Que veux-tu dire par là ?

- Le Voile apparaît peut-être aux gens qui croient à une vie après la mort. »

La sorcière aux boucles brunes resta muette. Luna se retourna vers la porte et continua son observation. Hermione quant à elle se mit à arpenter celle-ci à la recherche de runes anciennes à déchiffrer. Sa silhouette fit le tour de l'édifice, s'arrêtant sur chaque pilier. Ce manège dura un long moment. Le silence était complet. Après quelques minutes, Hermione se retrouva au niveau de sa camarade. Elle poussa un profond soupir.

« Il n'y a rien. Quelques marques çà et là mais je pense que ça tient davantage à l'usure du bâtiment qu'à des formules quelconques… » annonça la sorcière avec dépit.

Luna gardait son visage résolument tourné vers l'arche. Si Hermione ne voyait rien, elle percevait toutefois la même sensation que lorsqu'elle l'avait découverte dix années plus tôt en compagnie du groupe : une féroce envie de s'éloigner le plus possible de l'édifice sans un regard en arrière. Le malaise continuait de s'étendre en elle.

« Est-ce que tu vois autre chose ? demanda-t-elle toutefois.

- Rien d'autre… Juste les mouvements du Voile. Comme s'il était bercé par le vent, indiqua Luna, concentrée.

- Et tu entends quelque chose ? poursuivit la jeune femme

- Ça n'est pas clair mais j'entends, oui… Des sortes de murmures…

- Tu comprends ce qu'ils racontent ? demanda précipitamment Hermione.

- Non, c'est étouffé. Comme si tu souhaitais écouter une conversation mais de la pièce d'à côté », raisonna Luna en fronçant légèrement les sourcils.

Hermione coinça sa langue entre ses lèvres pour s'empêcher de hurler. Elle était face à cette arche qui comportait peut-être le secret du retour de Sirius et elle était incapable de la déchiffrer.

« Allons-nous-en d'ici. » indiqua-t-elle avec brusquerie.

Sa camarade aux grands yeux bleus hocha la tête, songeuse. Elle parvint à se défaire de l'attraction qu'exerçait sur elle l'arche et se retourna vers son amie. Hermione s'engageait déjà vers la porte de sortie. Luna la rattrapa en petites enjambées sautillantes.

« Tu sais, ça n'est peut-être pas fixé, lança-t-elle, voyant l'air contrarié sur le visage de son acolyte.

- Comment ça ? demanda Hermione, surprise.

- Le fait de ne pas pouvoir le voir… Peut-être qu'en ce moment, tu ne le vois pas mais que cela viendra.

- Et comment est-ce que ça pourrait changer ? objecta la sorcière.

- En changeant de perspective. » répondit Luna, haussant les épaules avec son éternel sourire rêveur.

Hermione la contempla, toujours interloquée. Mais elle fut vite rattrapée par des problématiques plus sommaires. Elle sortit en un instant la cape d'invisibilité et la revêtit sur leurs épaules avant de quitter la salle de la Mort. L'agitation s'était plutôt apaisée mais les deux sorcières restèrent toutefois sur leur garde. Lorsqu'elles furent certaines que personne n'avait remarqué leur passage, elles enlevèrent enfin la cape. Luna adressa un sourire encourageant à sa camarade.

« On s'en est plutôt bien sorties, lança-t-elle avec une pointe de fierté.

- C'est vrai, concéda Hermione en hochant la tête.

Son visage resta cependant fermé. Luna passa une main sur son épaule.

- Ça fait une piste de moins à traquer, indiqua-t-elle avec sagesse. Tu peux la laisser de côté pour le moment.

- Tu as raison, soupira la jeune femme.

- La réponse finira par te trouver Hermione, j'en suis sûre. »

La sorcière aux cheveux bouclés hocha vivement la tête et remercia sa camarade. Lorsque Luna disparut en transplanant, Hermione se dirigea aussitôt à son bureau. Miranda ne devait pas avoir remarqué son absence dans l'effervescence ambiante mais la sorcière préférait ne pas prendre de risques supplémentaires. Luna avait raison, elle lui avait dévoilé ce qu'elle pouvait de l'arche. Il fallait maintenant envisager une nouvelle piste. Et Hermione savait où allait la mener la prochaine étape.

o O o

Harry ne trouvait pas sa vie particulièrement facile en ce moment. Certes, le pire était très probablement derrière lui : Voldemort vaincu, la paix restaurée, la vie conjugale entamée, tout cela était les signes annonciateurs d' une vie heureuse à venir. Avec le retour de son parrain, le jeune homme avait pensé que l'univers lui envoyait un signal prometteur. Mais plus d'un mois après sa réapparition, Harry s'était rendu compte que l'affaire était loin d'être conclue. Le jeune sorcier avait d'abord été heureux de retrouver Sirius et de pouvoir échanger de nouveau de longs moments avec lui. Puis, son parrain s'était peu à peu renfermé sur lui-même, laissant la part d'ombre en lui prendre l'ascendant.

L'événement décisif avait été l'emménagement avec George. Harry avait encouragé son parrain à le faire en pensant qu'il pourrait peut-être s'ouvrir au Weasley d'une façon qu'il n'aurait pu le faire avec lui. Mais au final, Harry avait surtout constaté que ce changement l'avait graduellement éloigné de lui. Sirius répondait à demi-mots à ses courriers et se murait même dans un silence des plus complets lorsqu'il avait le malheur de lui proposer de rencontrer les nouveaux venus dans leur vie. Harry ne savait plus à présent ce qu'il pouvait faire pour tisser à nouveau du lien avec son parrain.

Ginny insista ainsi auprès de Sirius et de son frère pour qu'ils acceptent de venir dîner un soir en leur compagnie et celle de quelques amis. À force de hiboux et de persévérance, le couple finit par recevoir une réponse positive de leur part. Ginny indiqua tout de suite à Harry qu'elle n'inviterait pas ses parents. Il était déjà difficile de maintenir le lien avec les deux sorciers casaniers, elle ne voulait pas risquer de raviver les tensions avec une remarque bien sentie de la part de sa mère. Il fallait que ce diner envoie un message pacifique à Sirius et à George.

Harry et Ginny s'occupèrent de tout durant les jours suivants. Lorsqu'il fut question des invités, Ginny ne put empêcher Harry d'inviter Ron et Hermione. La jeune poursuiveuse était persuadée maintenant que l'humeur tourmentée de Sirius n'était que le résultat de ses dernières mésaventures avec Hermione. Le sorcier avait toujours eu une part d'obscurité en lui, Ginny le savait bien. Mais cette part le dévorait maintenant tout entier depuis sa rupture avec sa meilleure amie. Et elle était consciente que cette douleur ne s'effacerait pas si facilement.

Ginny n'avait jamais mis Harry dans la confidence. Hermione n'avait même pas eu besoin de le lui demander, cela tombait sous le sens pour elle. Quel bien cela aurait-il apporté de toute manière ? Malheureusement, dans ce cas précis, la grande rousse aurait bien aimé qu'Harry ait été au courant et puisse ainsi comprendre qu'il n'était peut-être pas avisé d'inviter Hermione et son frère à se joindre à eux. Elle continua de ne rien dire, en espérant de toutes ses forces que le diner se passerait bien.

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La date fatidique approcha. Harry mettait un terme aux derniers apéritifs tandis que la sonnette retentissait au 12 square Grimmaurd. Il enleva prestement son tablier et s'engagea dans le couloir. La porte de la demeure s'ouvrit sur Sirius et George. Oubliant le malaise de ces derniers jours, le sorcier à la cicatrice se jeta contre son parrain et l'étreignit fort. Sirius fut déstabilisé par la brutalité de son étreinte. Il mit un temps à y répondre. Alors que ses bras l'encerclaient, Harry remarqua que la silhouette de ce dernier semblait plus frêle et nerveuse. Il se redressa pour contempler son parrain.

« Comment vas-tu ? lui demanda-t-il en plongeant ses yeux verts dans les siens, anthracites.

- Je vais bien Harry », répondit Sirius avec un sourire qui n'atteignit toutefois pas son regard.

Le jeune homme tâcha de faire bonne figure pour les accueillir. George se présenta alors à lui.

« Content que vous soyez venus, indiqua Harry en faisant une accolade au Weasley.

- J'ai compris que ma sœurette débarquerait en force si on refusait cette fois-ci, se moqua George. Elle commence à ressembler à maman, fais attention à toi.

- J'ai entendu ! tempêta Ginny qui débarquait dans l'entrée, fusillant son aîné du regard.

- Et je t'aime aussi ma chère et tendre, embraya son frère en ébouriffant la chevelure de la benjamine.

- Installez-vous dans le salon, les autres ne vont pas tarder à arriver », indiqua Harry en les débarrassant de leurs affaires.

Sirius se raidit légèrement mais suivit ses compagnons et s'installa dans le canapé, George à sa droite. Ginny leur proposa un verre, les observant à la dérobée pendant qu'elle préparait leur boisson. George et Sirius affichaient une mine sombre et éreintée. Il y avait quelque chose aussi dans leur posture qui n'était pas là avant : une sorte d'abattement résigné. Son malaise augmenta en flèche. La sorcière aux cheveux roux déposa une tournée de verres et s'installa en face d'eux. Elle sirota une gorgée tandis que les deux hommes en faisaient de même. Harry s'assied avec sa compagne, son verre à la main.

« Alors, quelles sont les nouvelles ? demanda-t-il à ses deux invités, ne les quittant pas des yeux.

Sirius et George se jetèrent un regard puis ce dernier répondit.

- Le train-train quotidien. La boutique se porte plutôt bien en ce moment.

- J'imagine que les gamins se pressent pour acheter les dernières farces à la mode avant le retour des vacances, l'encouragea Ginny.

- Oui, on peut dire ça. Y a des jours avec, des jours sans. Et vous deux ?

- Bien, enchaîna Harry, distrait. J'ai enfin rattrapé les derniers dossiers amassés depuis mes journées de congé et nous allons probablement partir en mission avec Ron à la fin du mois.

- Dans quel coin ? demanda Sirius

- Sutherland. Des témoins auraient aperçu des manifestations clandestines d'anciens mangemorts et partisans de la guerre, affirma Harry en croisant les bras.

- Saloperies », gronda George.

Le groupe resta silencieux pendant un moment, l'air sombre. Si la guerre avait été remportée par leur côté, il n'empêchait toutefois pas certaines communautés de souhaiter le retour de Voldemort ainsi que la reprise du conflit.

« Parle-nous plutôt de toi, Gin, indiqua Harry en secouant la tête. Tu as des projets plus réjouissants.

La jeune femme esquissa un sourire en coin et prit la parole.

- L'équipe s'est qualifiée pour la Coupe de la Ligue, annonça-t-elle fièrement.

Sirius et George lui jetèrent un regard ébahi.

- Vraiment ? demanda son frère, quittant pour un temps son abattement.

- Vraiment, assura la poursuiveuse. Nos essais ont été plus que concluants et nous défendrons nos couleurs début septembre à Édinbourg.

- Ton équipe doit être tellement fière.

- Oui, cela faisait quelques années maintenant que les Harpies ne participaient qu'à la coupe d'Europe et soyons honnêtes, on ne s'illustrait pas particulièrement là-bas. Cette année, c'est une chance de se refaire ! affirma Ginny avec passion.

- C'est bien normal : ils ont un talent rare parmi leurs joueuses, déclara Harry avec un air fier.

- Vile flatteur va », le taquina sa compagne avec un sourire goguenard.

Le sorcier aux cheveux longs admira le couple qui se cherchait avec espièglerie. Leur vision insuffla un peu de tendresse dans l'océan de morosité dans lequel il se noyait. Sirius esquissa un sourire triste et leva son verre en direction de la jeune femme.

« Félicitations Ginny, je suis heureux pour vous, dit-il avec franchise.

Les autres levèrent leur verre à leur tour pour trinquer et Ginny lui répondit avec son plus beau sourire.

- Merci Sirius. Et toi alors, que fais-tu en ce moment ? »

L'animagus put échapper de peu à la question car une sonnerie stridente se fit de nouveau entendre parmi eux. Ginny se leva et repoussa Harry d'un geste tendre.

« Je m'en occupe » indiqua-t-elle alors qu'elle quittait le salon.

George jeta un coup d'œil à son colocataire. Il vit le visage de Sirius se tendre légèrement. Interloqué, il se retourna vers le couloir d'où provenaient les voix des nouveaux arrivés. Harry se leva pour accueillir Luna qui pénétrait dans le salon, avec son éternel regard rêveur. Elle esquissa un sourire discret en direction des trois hommes.

« Luna, ravie de te voir, lança Harry avec un sourire franc.

- Merci d'avoir pensé à moi, répondit-elle avec le franc-parler qui la caractérisait bien.

Son hôte ne sut que lui répondre mais ne se départit pas de son sourire.

- Installe-toi, je t'en prie, poursuivit-il en lui indiquant la place à côté de Sirius.

Ce dernier se leva et esquissa un sourire poli.

- Bonsoir Sirius. Heureuse de te revoir sur pied, le salua Luna en le fixant avec ses grands yeux bleus.

- Salut Luna. Moi aussi, lui répondit-il, conscient qu'il était à des kilomètres de la vérité.

- Et ça fait longtemps que vous ne vous êtes pas vus mais c'est… , commença Harry en désignant le voisin de son parrain.

- George. Ça me fait plaisir de te revoir », le coupa Luna en tendant la main au Weasley.

Ce dernier haussa les sourcils, surpris qu'elle se rappelle de lui. Il ne l'avait fréquenté qu'à quelques réunions de l'armée de Dumbledore avant que lui et son frère jumeau abandonnent leur année à Poudlard. Et durant la Bataille Finale, George n'avait guère eu l'occasion de penser à elle ni aux autres membres de l'équipe.

« Salut, acquiesça-t-il, répondant maladroitement à sa poignée de main.

- Tu es arrivée toute seule Luna ? relança Harry qui s'asseyait de nouveau.

- Oh non, Hermione et Ron étaient derrière moi, indiqua Luna, rêveusement.

Sirius sentit son cœur battre davantage la chamade. Il regretta aussitôt d'être venu. Et il regretta davantage le fait d'être encore trop sobre à son goût. Alors que Luna terminait sa phrase, le couple pénétrait à son tour dans le salon. Harry lança un sourire radieux aux arrivants.

« Salut vous deux, on n'attendait plus que vous ! s'exclama-t-il.

- Désolée pour le retard, Ronald n'arrivait pas à trouver une chemise potable pour l'occasion, s'excusa Hermione, non sans esquisser un petit sourire moqueur.

- Eh, tu ne vas pas me reprocher de vouloir bien m'habiller pour l'occasion. Ça n'est pas tous les soirs qu'on dine avec toute la compagnie », s'offusqua faussement Ron en offrant une étreinte amicale à son meilleur ami.

Alors qu'il faisait le tour des invités, Sirius consentit enfin à lever les yeux vers eux. Ron souriait avec bonhommie à toute l'assistance. Il portait en effet une chemise bien ajustée, vert clair, qui se mariait simplement avec son pantalon brun. L'animagus répondit à son accolade en hochant brièvement la tête. Ses yeux se posèrent alors sur Hermione.

La jeune femme portait une robe noire à manches courtes, brodées de dentelle. Un pendentif en argent reposait à la naissance de sa poitrine. Ses cheveux étaient relevés en un petit chignon et de lourdes boucles brunes reposaient de part et d'autre de ses épaules.

Sirius se demanda s'il finirait un jour à ne plus ressentir la moindre attirance pour elle. C'était peine perdue, ce soir encore. Lorsqu'elle s'approcha de lui, il perçut son malaise et ne la gratifia que d'un salut de tête formel. Le visage de la jeune femme tressaillit mais elle afficha aussitôt un sourire poli. Ron l'invita à s'asseoir en face du canapé où étaient posés Luna, George et Sirius. Hermione regarda tour à tour les invités et prit la parole, un peu embarrassée.

« J'espère que tout n'a pas déjà été évoqué avant notre arrivée.

- Non, ne t'en fais pas, la rassura Ginny avec bienveillance pendant qu'elle s'asseyait de nouveau aux côtés de Harry.

- Sirius, tu allais nous dire où tu en étais, le relança le jeune homme à la cicatrice, souhaitant encourager son parrain à participer aux échanges.

Sirius sentit l'attention des invités dirigée droit vers lui. Hermione le regardait, dans l'expectative. Il sentit la douloureuse morsure de l'humiliation cingler ses veines. Fixant ses mains crispées sur ses genoux, l'animagus prit la parole :

« J'ai repris mes marques à Londres. Je sors souvent… Je me balade, parfois je me pose pour réfléchir un peu à la suite… Rien de très passionnant en fin de compte », indiqua-t-il d'une voix rauque.

Il fit un suprême effort pour rester assis sur le canapé. Tout en lui, lui criait de s'enfuir à grandes enjambées et de se boucler à double tour dans son appartement. Avant que Harry ne puisse le relancer, George vint à sa rescousse et lança à voix haute :

« Qui a besoin d'un verre ? Je me charge de la tournée. J'ai appris à faire un cocktail du tonnerre avec un peu de cranberry et de gin. Sœurette, tu as ça chez toi ?

- Ça me paraît prometteur. Je vais essayer, acquiesça aussitôt Luna, observant avec intérêt le manège des deux hommes.

- Et ben, allez, je vous suis, renchérit Ron, intéressé.

- Euh, oui, je vais te montrer », indiqua Ginny, en se levant aussitôt.

Sirius ferma les yeux un instant, remerciant intérieurement son camarade d' avoir interrompu son humiliation publique. C'était exactement ce dont il avait besoin. Les discussions dévièrent sur un autre sujet et il put rester dans son coin, à l'abri. L'animagus ne fut pas conscient du regard inquiet porté par son filleul ainsi que par Hermione.

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Quelques minutes plus tard, George revenait avec un plateau de cocktails et s'occupait du service. La compagnie trinqua et Sirius put retrouver avec soulagement la dose de courage nécessaire pour continuer la soirée. Les discussions reprirent de plus belle et il laissa son esprit errer. De temps à autre, il sentait un regard inquiet porté sur lui mais l'alcool estompait petit à petit toute fébrilité. L'heure s'écoula avant que Ginny ne propose au groupe de passer dans la salle à manger pour profiter du repas.

Les invités s'installèrent tour à tour et firent passer les plats. Ginny remarqua que ni George ni Sirius ne touchaient beaucoup à leur assiette. D'ailleurs, George semblait dans le même état que Sirius. Son grand frère avait toujours été un grand dadais à la silhouette longiligne mais la jeune femme reconnaissait que ça allait au-delà du raisonnable. À ce stade, il était clair que George ne se nourrissait pas correctement et compensait avec autre chose de tout aussi néfaste pour sa santé. Intentionnellement, elle lui repassa les plats à quelques reprises jusqu'à ce qu'il lui adresse un regard interloqué.

Ginny ne fut pas la seule à remarquer le manège des deux sorciers. Hermione les observait depuis le départ et était consciente que l'un comme l'autre étaient sur la mauvaise pente. Sirius avait encore perdu du poids depuis la dernière fois. Et tous deux portaient le même regard : sombre et tourmenté, malgré les animations de la soirée. Ils ne participaient que brièvement aux conversations, et lorsqu'ils intervenaient, ce n'était qu'à mi-mots. La seule chose pour laquelle ils faisaient preuve d'une régularité à toute épreuve, c'était dans leur descente vertigineuse de verres de vin. La sorcière aux cheveux bouclés les avait vu descendre coup après coup une deuxième bouteille sans que personne ne leur dise quelque chose ni même ne semble le remarquer. Elle ne pouvait s'empêcher d'observer Sirius, muette d'effarement, ni de ressentir une boule d'angoisse se former solidement dans son estomac. La culpabilité continuait de la ronger encore et encore, comme une bête impossible à rassasier.

Le diner se poursuivit dans cette atmosphère étrange où chaque invité semblait épier son voisin et ronger son frein. Seuls Ron et Luna paraissaient échapper à ce manège. Le premier, plus occupé à profiter de la bonne compagnie avec laquelle il conversait qu'autre chose, la seconde par différence de tempérament. Luna percevait les choses, simplement pas au même niveau que les autres. Alors que les invités faisaient une pause avant l'arrivée du dessert, George invita Sirius à fumer une cigarette dans le jardin. Hermione suivit le mouvement des deux hommes, fébrile. Plus le diner avançait et plus une voix dans sa tête la sommait de parler à Sirius. Il fallait qu'elle intervienne. Qu'elle discute de tout cela avec lui. Ses mains se crispèrent sur sa serviette de table.

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« Comment tu te sens ? demanda George alors qu'ils s'adossaient tous deux contre le muret.

Sirius expira profondément la fumée de cigarette qui se perdit dans l'obscurité.

- Comme une merde, avoua-t-il d'une voix rauque.

George esquissa un rictus sans joie.

- Pas mieux, concéda ce dernier en tirant sur sa cigarette.

Les deux hommes contemplèrent la nuit profonde qui s'étalait devant eux. Sirius finit par reprendre la parole.

- Pourquoi c'est si difficile ? demanda-t-il à son camarade.

- Parce qu'on n'est plus du même monde…

L'animagus prit une nouvelle inspiration. Ses doigts tapotèrent le rebord du muret. George tourna la tête vers son camarade, l'air soudain sérieux. Quelques secondes passèrent avant qu'il ne reprenne la parole.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? lui demanda-t-il enfin.

L'aîné sentit à nouveau le poids des remords étreindre sa poitrine. Il continua de regarder au loin devant lui. Alors qu'il passait sa langue sur ses dents et prenait une inspiration, l'arrivée de son filleul le coupa dans son élan.

- J'ai servi le dessert si vous en voulez, indiqua-t-il à ses deux camarades, avec un sourire encourageant.

- Je ne sais pas si j'aurais la place, répondit George en s'excusant.

- Moi non plus, souffla son parrain en écrasant son mégot avant de le faire disparaître.

- Alors je vous en laisserai une part à ramener chez vous, persista le jeune homme, lançant un regard vers son mentor.

Sirius le remarqua et esquissa un sourire tendre dans lequel Harry y vit toute la tristesse du monde.

- Merci gamin », murmura Sirius en passant sa main sur le visage de ce dernier.

La détresse survint de nouveau dans le cœur du jeune homme. Il voulut interpeller son parrain mais Sirius était de retour dans le couloir de la maison. Harry serra et relâcha son poing puis ferma la porte derrière eux.

Sirius rejoignit la table, fixant résolument son regard sur la nappe. Ron était penché vers Hermione et lui murmurait à l'oreille. L'animagus se morigéna et termina son verre d'un seul trait. Les invités dégustèrent leur dessert dans une ambiance relativement sereine. L'intérêt de Luna était maintenant dirigé vers Hermione. La jeune femme semblait forte d'une nouvelle résolution et ses yeux avaient un elle-ne-savait-quoi de déterminé. La sorcière aux longs cheveux blonds eut immédiatement à l'esprit l'image d'une lionne et un sourire discret naquit sur ses lèvres fines.

Profitant de l'attention générale des invités pour le fond de leur assiette, Sirius décida de s'éclipser. Il murmura une excuse et se leva de table pour se rendre à l'étage. Hermione suivit son départ avec attention. Elle sentit son cœur tambouriner contre sa poitrine et se mit à compter. Puis, lorsqu'elle estima que l'attente avait été suffisante, la jeune femme se leva à son tour de table et s'engagea dans les escaliers d'un pas vif.

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L'animagus passa une main lasse sur son visage. Ses yeux se posèrent un instant sur le miroir. Il comprenait pourquoi les invités le regardaient avec tant d'appréhension : il avait une mine épouvantable. Même l'ivresse dans laquelle il était balloté depuis des heures ne pouvait effacer cela. Ses traits étaient tirés, ses yeux sombres, sa mine défaite. Sirius s'aperçut non sans horreur que son reflet actuel était un fidèle souvenir de ses années à Azkaban. Il baissa vivement les yeux pour ne plus se voir et sortit en trombe de la salle de bains. La soirée était en train de se conclure, il n'en avait plus pour longtemps. Le sorcier s'engagea dans les escaliers d'un pas lourd. Après cela, il serait libre de retourner se terrer dans son appartement et de se noyer plus encore dans l'alcool pour oublier cet événement désastreux.

Manifestement, c'était sans compter la présence d'une petite brune qui le regardait avec appréhension. Le corps de Sirius se raidit en s'apercevant qu'Hermione était sur son chemin. Il étouffa un juron. Rien ne lui serait épargné en fin de compte.

La jeune femme l'observait, fébrile. Elle voyait bien que son ancien amant était tout sauf disposé au dialogue. Pourtant, elle avait dû saisir l'occasion.

« Sirius, murmura-t-elle pour l'interpeller.

- Hermione. Je descendais, tu peux y aller, répondit-il d'une même voix rauque, en piètre tentative de faire diversion.

- Non, je… Je voudrais te parler. Tu veux bien m'accorder une minute ? demanda-t-elle d'une voix si douce, si prévenante, qu'il eut envie de tout envoyer valser.

Il avait réussi à tenir jusqu'à présent mais il ne pourrait pas subir sa pitié. Un sursaut de colère sourde rattrapa son esprit embrumé. L'animagus fronça le nez, semblant lutter contre lui-même, mais hocha la tête et lui indiqua la porte menant à la bibliothèque. Hermione perçut l'animosité dans sa posture mais resta déterminée. Elle s'engagea dans la pièce et Sirius ferma la porte derrière lui.

Tous deux se firent face, dans cette bibliothèque qui abritait maintenant des souvenirs aussi douloureux que révolus. Sirius s'adossa à la porte, paupières closes. Il ne voulait pas replonger dans ce passé-là, pas maintenant. Hermione croisa les bras contre elle et prit la parole.

« Qu'est-ce que l'on peut faire ? »

Le sorcier ouvrit brutalement les yeux pour les planter dans ceux de la jeune femme. Il resta interloqué pendant une seconde.

« Pardon ?

- Qu'est-ce que l'on peut faire pour t'aider ? répéta Hermione.

- Pour m'aider ? reprit à son tour Sirius, abasourdi par la question.

La sorcière prit un temps avant de déclarer.

- Tu ne vas pas bien, déclara-t-elle.

Le visage de Sirius conserva son incrédulité. Ses sourcils se haussèrent davantage tandis qu'il digérait cette information.

- C'est l'euphémisme de l'année, lâcha-t-il enfin brusquement.

Hermione sembla flancher devant la franchise inattendue de son interlocuteur. Sirius le remarqua. Il pouvait peut-être s'en sortir comme ça… Il suffisait de la jouer franc-jeu. Et il avait été bon, autrefois, à cela.

- Bien, maintenant que c'est établi, conclut-il avant de se retourner pour prendre la porte.

La jeune femme resta encore stupéfaite une seconde avant de se ressaisir.

- Sirius !

L'animagus consentit à se retourner pour la regarder.

- Dis-nous ce qu'on peut faire », insista la jeune femme en répondant à son regard.

Elle ne baissait pas les yeux. Une part de lui la maudissait d'être si déterminée. Il aurait préféré la voir hésitante et tremblante. Voir le remords s'étendre sur ses magnifiques prunelles marron. À la place, il n'y avait que franchise et résolution. Il n'y avait rien à faire ; elle avait définitivement tourné la page. C'était lui, l'abruti fini, qui se lamentait sur une relation entérinée depuis longtemps. L'humiliation lui brûlait les veines.

« Laisse-moi Hermione, répondit-il dans un souffle rauque, dos à elle. Ça n'en vaut pas la peine.

- Qu'est-ce que tu racontes, bien sûr que si ça en vaut la peine ! s'exclama la jeune femme, ahurie. Tout le monde s'inquiète pour toi.

Le sang battit violemment aux tempes de l'animagus. La colère finit par prendre le pas sur le reste.

- Non ! Bordel, ce n'est pas ce que je demande… Tu n'as pas le droit de t'inquiéter pour moi, s'exclama-t-il à son tour, se retournant vivement vers elle pour la confronter.

- Bien sûr que si ! On est amis Sirius, objecta Hermione en haussant la voix, ulcérée qu'il se permette de nier avec autant d'assurance.

- Ah ! s'exclama Sirius en éclatant d'un rire sans joie. Amis ? Hermione, on a arrêté ce jeu depuis longtemps.

La jeune femme sentit son cœur battre la chamade. Alors qu'elle s'apprêtait à répliquer, il leva la main et indiqua les rayonnages de la bibliothèque.

- Là ? Ça te rappelle quelque chose ? Est-ce que des amis s'envoient en l'air dans chaque recoin de la maison, et se cachent à tout prix des autres ?

- Sirius, je t'en prie, murmura Hermione.

- Non, dis-moi. Est-ce qu'on était ce genre d'amis ? poursuivit Sirius, dévoré par la colère et le dépit.

- Tu sais ce qu'il en était, je ne vais pas le nier.

- Est-ce que tu étais le genre d'amie qui me faisait une déclaration enflammée, lovée dans mes bras ? Qui me disait qu'elle m'aimait de toutes ses forces ?!

- Et c'était le cas ! s'écria la jeune femme, en proie au désarroi.

- Mais qui ne peut plus me voir en peinture dorénavant.

- Je veux te voir ! Je veux passer du temps avec toi ! Mais pas comme ça… Ça, indiqua-t-elle, le montrant du doigt, ça n'est pas toi.

- J'ai bien peur que ça soit justement tout ce qui reste de moi, déclara Sirius d'une voix sourde.

Hermione sentit le profond désespoir qui s'était imprégné du cœur du sorcier et eut envie d'éclater en sanglots. Mais elle tint bon.

- Je refuse de le croire, affirma-t-elle. Laisse-nous t'aider et je te promets que l'on surmontera ça tous ensemble. Laisse Harry t'aider, laisse Ginny en faire de même…

- Ça ne m'intéresse plus Hermione, finit par lâcher Sirius en relevant enfin les yeux vers elle.

La jeune femme eut du mal à encaisser le choc. Elle sentit son cœur cogner contre sa poitrine. Le regard de Sirius était résolu à son tour. À cet instant précis, Hermione aurait pu le gifler. Elle serra fermement le poing.

- Tu es un putain d'égoïste.

Ce fut au tour de Sirius de ressentir un coup en pleine poitrine. Hermione le regardait avec fougue.

- Tu me dis que tu veux jeter l'éponge et plonger. Sans te soucier un seul instant de Harry qui se ronge les sangs pour toi. En me mettant tout sur le dos et en refusant la moindre main tendue. Tu es devenu un putain d'égoïste Sirius Black, déclara la jeune femme d'une voix glaciale.

Sirius eut le souffle coupé. Derrière la brume d'ivresse qui engourdissait ses membres, la raison se rappela à lui.

Voyant qu'il ne répondait pas, Hermione secoua la tête et se dirigea vers la porte.

- C'est bon, j'en ai terminé.

Alors qu'elle s'apprêtait à partir, Sirius sembla sortir de sa torpeur et s'écria précipitamment.

- Hermione ! Hermione, je t'en prie ! Je t'ai…

La jeune femme se retourna d'un mouvement brusque, ses yeux transperçant le sorcier de fureur.

- NON ! s'époumona-t-elle de colère. Non, je t'interdis de me dire ça maintenant ! Tu n'as pas le droit !

Sirius sut tout de suite qu'il avait franchi la ligne. Il en eut la confirmation lorsqu'il contempla avec horreur les larmes pointer aux coins des yeux de la jeune femme. L'animagus bredouilla aussitôt.

- Hermione, je suis désolé, je »

Mais la sorcière claquait déjà la porte derrière elle, le laissant seul dans la bibliothèque.

Le grand brun conserva son regard fixé vers la sortie. Ses mains tremblaient. Il ne sut combien de secondes il resta dans cet état proche de la catatonie. Puis, un unique son franchit la barrière de ses lèvres. Une sorte de chuintement croisé à un rire guttural. Il porta sa main à sa gorge. C'était donc ça, ce sentiment résolu et définitif que l'on ressentait lorsqu'on touchait finalement le fond.

Son corps se remit en mouvement sans qu'il n'en ait réellement conscience. Sirius ouvrit la porte de la bibliothèque et franchit l'espace tel un somnambule. Il en sortit toutefois instantanément lorsqu'il vit que George l'attendait en haut des escaliers, le regard incrédule. Les deux hommes se contemplèrent un long instant, sans rien dire.

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« Merci encore pour cette soirée ! lança Ron à sa jeune sœur et à son meilleur ami tandis qu'il remettait sa veste.

- Avec plaisir, revenez quand vous voulez », assura Harry qui serrait Hermione dans ses bras.

La jeune femme hocha la tête, l'air ailleurs. La fin de soirée avait été étrange par bien des aspects. Sa meilleure amie s'était brutalement éteinte après le dessert et avait à peine décoché un mot durant le restant de la soirée. Sirius et George étaient restés quant à eux un long moment aux abonnés absents avant que Ginny ne les retrouve près de l'ancienne chambre du premier. Les deux hommes étaient finalement redescendus et s'étaient tenus à l'écart du groupe comme à leur arrivée.

Ron avait toutefois engagé son frère aîné à un moment dans le couloir afin de lui parler. Harry n'avait pas entendu toute la conversation mais à en juger par les éclats de voix et l'air frustré de son meilleur ami revenu parmi eux, la discussion n'avait mené nulle part. Ginny avait essayé à son tour de parler à George mais ce dernier l'avait envoyée promener avec brusquerie. La grande rousse fulmina jusqu'au départ des invités.

Même Luna semblait être un peu hors-sol… Et par cela, Harry entendait plus qu'à son habitude. Elle quitta la maison en même temps que le couple, n'oubliant pas de remercier Harry et Ginny et de saluer les deux hommes restés en retrait. George hocha vivement la tête en direction de sa sœur qui lui adressa un regard à la fois de détresse et d'exaspération. Lorsqu'il vit Sirius mettre sa veste, Harry le rejoignit en quelques pas.

« J'espère que tu as passé une bonne soirée, lança-t-il en direction de son parrain.

- Oui, ne t'en fais pas. lui assura Sirius, flanchant légèrement sous le poids de l'alcool et des remords.

- Si justement, lâcha Harry sans pouvoir se réfréner davantage.

Le sorcier plus âgé haussa un sourcil.

- Sirius, je m'en fais pour toi. On ne se voit plus beaucoup, tu ne réponds quasiment plus à mes courriers et quand je te propose de voir Teddy…, développa le jeune homme, désemparé.

- Je suis désolé, Harry, le coupa l'animagus en poussant un profond soupir.

- Je sais que rien n'est facile en ce moment mais on peut en discuter et si tu acceptais de

- Non… Je peux pas, répéta Sirius en plongeant son regard ténébreux dans celui de Harry. Je suis désolé. Je suis vraiment désolé. »

Son filleul le regarda, plus désemparé encore. Sirius serra brièvement sa main contre son épaule et se retourna vers la cheminée. Il disparut en une gerbe d'étincelles vertes. George se présenta à son tour au jeune homme à la cicatrice. Il lui serra la main et déclara :

« Ça n'est pas ta faute. Il n'y a rien à faire. »

Le cœur du sorcier battit un peu plus fort. George hocha la tête et passa à son tour par la cheminée pour rentrer chez lui. Harry contempla l'âtre pendant quelques secondes. Ginny s'approcha de lui et passa la main dans son dos. Le jeune homme se retourna pour regarder sa compagne. Son visage portait le même chagrin que le sien. Sans rien dire, il la prit dans ses bras et tous deux s'étreignirent férocement.

Une fois rentré à l'appartement, George soupira et dénoua sa cravate qu'il laissa pendre sur son épaule. Sirius était déjà installé dans le canapé. Il se laissa tomber dans un fauteuil et prit le verre que son camarade lui avait préparé. Tous deux restèrent silencieux pendant un long moment. Puis le plus jeune finit par se redresser et poser ses mains sur ses genoux. Son regard se dirigea vers son camarade.

« C'est Hermione alors ? »

L'animagus ferma les yeux pendant une seconde. Puis son regard vint à la rencontre de celui de George. Les deux hommes se contemplèrent pendant un long instant. Aucun mot de plus ne fut prononcé cette nuit-là.

o O o

Elle aurait dû abandonner.

Si la soirée de la veille lui avait appris ne serait-ce qu'une chose, c'était qu'il n'en valait pas la peine. Hermione fixait le plafond depuis longtemps maintenant. Ron était parti tôt le matin même pour aller au travail. Elle aurait dû en faire de même. Les yeux marron jetèrent un coup d'œil à l'horloge de la chambre. La sorcière n'était pas encore en retard mais cela ne saurait tarder si elle restait une minute de plus dans ce lit. Les mots de la veille la hantaient.

Hermione finit par rabattre d'un geste sec le drap qui la recouvrait. Elle se dirigea vers sa penderie et commença à s'habiller. Lorsqu'elle boutonna sa chemise, une pensée naquit dans son esprit et la tourmenta. Elle devrait vraiment abandonner. Une fois pour toutes. La jeune femme se regarda résolument dans la glace. Elle prit sa décision et transplana en un instant.

Les murs accueillants du foyer de Luna s'offrirent au regard d'Hermione. La maison semblait encore endormie. Elle songea à repartir dans la foulée mais quelque chose la fit cependant rester. Hermione jeta un coup d'œil au niveau de la cuisine et commença à préparer un thé. Si elle devait surprendre sa camarade au lever du lit, une bonne tasse fumante excuserait peut-être son entrée par effraction. La sorcière murmura un Assurdiato sur la bouilloire afin de diminuer le sifflement et attendit que l'eau soit à bonne température. Alors qu'elle versait de généreuses portions de confiture sur du pain, la porte de la chambre s'ouvrit et une Luna en robe de chambre apparut. La jeune femme se frotta les yeux et les dirigea aussitôt sur la nouvelle venue. Hermione fut presque satisfaite de voir un air franchement étonné se peindre sur les traits de la sorcière blonde. Luna s'assied à côté de sa visiteuse impromptue.

« Bonjour Hermione, la salua-t-elle dans un soupir endormi. Merci pour le petit-déjeuner. »

La sorcière aux boucles brunes esquissa un sourire d'excuse et lui tendit une tartine.

« Tu dois me trouver folle à lier, répondit cette dernière en secouant la tête.

- Pas du tout, j'adore le pain beurré au petit déjeuner, objecta Luna avec un sourire amusé. J'en déduis que cette nuit ne t'a pas réussi ?

- Ça a été le cas pour toi ? demanda Hermione, avec un sourire de dépit.

Luna but une longue gorgée de thé et laissa vagabonder son regard au plafond.

- Je suis rentrée un peu tendue mais j'ai vite remédié à cela.

- Tu me donneras ta recette, soupira Hermione.

La sorcière aux grands yeux bleus émit un rire discret mais ne commenta pas.

- J'apprécie beaucoup les petits-déjeuners servis au pied du lit avant de partir au travail… mais j'imagine que ça n'est pas ce qui est au programme, reprit-elle en se tournant vers Hermione.

- Luna… Est-ce que tu acceptes de m'aider encore une fois ?

- Tu n'as pas besoin de le demander mais je suis contente que tu le fasses, sourit la jeune femme.

- Le professeure McGonagall m'a proposée il y a de cela quelques semaines de venir étudier les ressources de la bibliothèque. Elle me laisserait même consulter les livres de la réserve. Mais j'aurais bien besoin d'une paire d'yeux supplémentaires, expliqua Hermione en sondant le regard de sa camarade.

- Et quel type d'ouvrages est-ce que tu souhaiterais consulter ? » réitéra Luna d'une voix tranquille.

La sorcière aux boucles brunes continua de fixer sa camarade. Luna observa le tourbillon d'émotions contradictoires s'afférant sur le visage de celle-ci. Hermione se mordit la lèvre inférieure et reprit la parole.

« C'est la dernière fois. Je m'arrête après ça », affirma-t-elle avec détermination.

Luna lui prit la main et continua de sourire.

« Laisse-moi m'habiller et on décolle »

Alors qu'Hermione répondait à son sourire, elle entendit du bruit provenir de la chambre. Interloquée, elle se tourna vers sa camarade qui ne semblait pas être perturbée le moins du monde. Lorsque Neville sortit de la chambre avec en tout et pour tout un bas de pyjama, le visage d'Hermione s'étira en longueur, ses yeux exorbités contemplant le nouvel arrivé. Ce dernier s'étira, sourit à Luna et aperçut enfin son amie.

« Hermione ! Ça fait un bail, la salua-t-il avec un franc sourire.

- Neville… Oui, ça alors, quelle surprise », balbutia la sorcière tandis que son regard se dirigeait résolument vers sa tasse de thé.

Le jeune homme sembla alors prendre conscience de la situation et une légère teinte rosée vint peindre ses pommettes.

« Je vais mettre un T-shirt » indiqua-t-il en retournant dans la chambre.

Hermione fusilla Luna du regard une fois celui-ci hors de portée mais cette dernière se contenta de garder un sourire tranquille. Le jeune sorcier fit de nouveau irruption, cette fois-ci complètement vêtu.

« Comment vas-tu ? demanda-t-il guilleret à Hermione tandis qu'il s'installait à côté de Luna.

- Bien, bien… , répondit la jeune femme, tentant de faire bonne figure. Le travail se passe bien et… La maison est bien installée… Tout va bien.

- Je suis contente de l'entendre. Il faudrait qu'on se fasse quelque chose un de ces quatre !

- C'est sûr, c'est sûr, confirma la brune en hochant la tête à la manière des petits accessoires laissés sur les planches arrière de voiture de Moldu.

- Hermione est venue me chercher pour aller à Poudlard. On a rendez-vous avec le professeure McGonagall, indiqua Luna en souriant paisiblement à son partenaire.

- Oh ! C'est dommage, si j'avais su que vous viendriez à l'école, je me serais arrangé pour manger avec vous.

- Une autre fois, répondit la blonde.

- Oui, je me rattraperai, s'excusa Hermione, retrouvant finalement sa constance.

- Ça me ferait plaisir de revoir la bande, sourit Neville. Bon, et bien je vais filer, rajouta-t-il en se levant de table.

Il fit une bise à Hermione et embrassa furtivement Luna, déclenchant de nouveau une réaction de stupeur chez la première.

- Passez une bonne journée mesdames, les salua Neville avec un geste de la main.

- Toi aussi, lui répondit Luna en se levant à son tour. J'en ai pour cinq minutes Hermione, et je suis à toi. »

Lorsque Luna retrouva Hermione dans le salon quelques minutes plus tard, celle-ci l'attendait devant la cheminée.

« McGonagall t'a donné accès à son réseau de cheminée ? demanda-t-elle en enfilant une veste légère.

- Elle a accepté pour l'occasion. Il est toujours impossible de nos jours de rejoindre Poudlard en transplanant », expliqua Hermione qui prenait une pleine poignée de poudre de Cheminette.

Les deux sorcières passèrent un pied puis l'autre dans l'âtre. Avant qu'Hermione ne prononce le mot de passe, elle se tourna vers sa camarade et chuchota :

« Donc toi et Neville ? »

Luna esquissa un sourire très amusé. Elles disparurent toutes deux en un vif faisceau lumineux et arrivèrent dans une large cheminée austère devant laquelle les attendait la silhouette familière de Minerva McGonagall.

« Mesdemoiselles, bon retour à Poudlard » les salua-t-elle d'un œil entendu.

Hermione et Luna répondirent avec un sourire radieux.

o O o

« Madame Pince a reçu mes indications quant à votre venue. Si vous avez la moindre question durant votre recherche, c'est à elle que vous devrez la poser »

La directrice s'engageait dans le couloir menant à la bibliothèque, les deux jeunes sorcières sur ses talons. Toutes trois s'étaient échangées les politesses d'usage ainsi que les dernières nouvelles sur le chemin. Marcher de nouveau dans les couloirs de Poudlard avait quelque chose de profondément étrange. Cela lui rappelait autant de souvenirs merveilleux que tragiques. Après la guerre, la reconstruction de l'école avait mis de longs mois à se réaliser. Les professeurs et les résidents de manière générale avaient été sur tous les fronts. Çà et là, les deux femmes reconnaissaient certaines marques de la bataille mais il fallait bien avouer que Poudlard resplendissait de nouveau. Et elles n'auraient vu personne de mieux qualifié pour reprendre le flambeau que Minerva McGonagall.

Cette dernière s'arrêta aux portes de la bibliothèque et se tourna vers ses anciennes élèves :

« C'est ici que je vous quitte. Je dois retrouver mes classes de seconde année.

- Merci infiniment professeure pour votre aide, déclara Hermione avec dévotion.

La directrice lui adressa un fin sourire.

- J'espère que vous trouverez les réponses que vous cherchez Miss Granger. Je ne doute pas que l'aide de votre camarade vous sera précieuse », ajouta-t-elle à l'attention de Luna qui hocha la tête, volontaire.

Les deux femmes regardèrent leur ancienne professeure repartir et ouvrir d'un seul geste les portes de la bibliothèque.

Poudlard avait beau avoir subi les ravages d'une guerre, il était bien un endroit qui semblait constamment renaître de ses cendres et c'était la bibliothèque. Madame Pince n'était peut-être pas la personne la plus agréable qui soit, mais il fallait lui reconnaître un sens du devoir et une fidélité à son métier à toute épreuve. Elle veillait sur ses livres comme un véritable sanctuaire. Hermione et Luna se dirigèrent vers les rayonnages bourrés à craquer et s'attelèrent chacune à une section.

« Qu'est-ce que l'on cherche précisément ? demanda Luna qui passait une main légère sur la tranche des ouvrages.

- Tout ce qui est en lien avec des maléfices ou des malédictions, indiqua Hermione qui calait déjà deux ouvrages contre son bras.

- Est-ce qu'on n'aurait pas plus de ressources dans la Réserve ?

- C'est la deuxième étape. »

Les sorcières trouvèrent quelques exemplaires traitant de malédictions non résolues et d'autres disparitions étranges et non élucidées à ce jour. Elles s'installèrent sur l'une des grandes tables de la pièce. Tandis que Luna faisait défiler son regard sur un premier chapitre, Hermione lui lança de petits coups d'œil fréquents. Elle finit par flancher.

« Depuis combien de temps est-ce que tu fréquentes Neville ? »

Luna sourit mais continua de se reporter à sa lecture.

« Ça n'est pas régulier mais je dirais depuis trois ou quatre ans maintenant. »

Hermione fut stupéfiée et battit des paupières.

« Tant que ça… Qu'est-ce qui, je veux dire, qu'est-ce qui t'a…

- Tu ne le trouves pas attirant ? demanda Luna en levant le nez vers elle.

- Si, bien sûr ! Ce n'est pas ce que je veux dire, s'empressa de s'expliquer la sorcière aux cheveux bouclés. Mais comment vous vous êtes rapprochés ?

- Durant une soirée. On est partis en même temps, je lui ai proposé de venir à la maison discuter botanique et puis voilà, raconta la sorcière avec un sourire.

Hermione continua de regarder sa camarade. Luna sentit qu'elle avait davantage de questions mais n'osait pas les poser, de peur d'être indiscrète.

- Ça n'est pas établi. On se voit quand on a envie de se voir et cet arrangement nous convient tous les deux, développa-t-elle.

- Je suis désolée, tu dois me prendre pour une gamine pudibonde, s'excusa Hermione.

- Non. Je comprends que tu te poses des questions, je n'en ai jamais parlé avant, répondit Luna sans se départir de son sourire. L'occasion ne s'est pas présentée.

- Je suis contente pour toi. Et pour lui.

- Moi aussi », acquiesça la jeune femme.

Toutes deux se regardèrent, satisfaites. Luna tourna une nouvelle page et se reporta à sa lecture. Hermione en fit de même avant que ne lui revienne le souvenir de leur conversation du matin même.

« Quand tu disais que tu avais remédié à la tension de la soirée ? lança-t-elle soudainement.

- Neville est vraiment doué au lit. » répondit Luna d'un ton égal.

Les joues d'Hermione s'empourprèrent et elle revint vite à sa lecture, manquant la mine espiègle de son amie. Les sorcières dévorèrent le contenu des ouvrages sélectionnés mais aucun ne leur fut d'une grande aide. Elles décidèrent d'un commun accord de se rendre dans la Réserve.

Comme leur avait indiqué McGonagall, les portes n'avaient pas été verrouillées et elles purent donc avoir accès aux livres interdits. Hermione grimaça à plusieurs reprises en découvrant le contenu de certains ouvrages. Luna était continue dans sa lecture mais de temps à autre, ses yeux bleus prenaient la couleur d'une mer tempétueuse. La journée s'écoula dans le plus profond silence. Lorsque les bougies s'allumèrent dans la pièce, Hermione sursauta et vérifia l'heure.

« Tu as trouvé quelque chose ? demanda-t-elle à sa camarade, la voix pleine de dépit.

- Rien de concluant, finit par répondre Luna qui refermait le dernier ouvrage de la pile d'un geste sec. Je suis désolée Hermione… »

Cette dernière hocha la tête, lui faisant comprendre qu'elle n'y était pour rien. Ses nombreuses lectures n'avaient rien donné non plus, à son grand désarroi. La jeune femme ne ressentait plus qu'une fatigue infernale et des élancements dans le bas de son dos à force de rester penchée sur ses livres. En silence, elles remirent chaque exemplaire à leur place et remercièrent Madame Pince qui était restée dans le hall de la bibliothèque pour trier les derniers arrivages. L'air frais balaya les cheveux des deux sorcières tandis qu'elles restaient devant la maison de Luna.

« Je suis désolée que ça n'ait rien rendu, souligna celle-ci en regardant sa camarade.

- Tu n'y peux rien Luna, répondit Hermione en haussant les épaules. Tu m'as été d'une aide précieuse : je n'aurais pas pu consulter tous ces livres sans toi.

- Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? » lui demanda la jeune femme.

Hermione réfléchit longuement puis prit sa décision.

« Rien. J'avais dit que j'arrêtais après ça, c'est ce que je vais faire. »

Elle ne sut si sa camarade décelait son mensonge ou non. Dans tous les cas, elle sembla en faire abstraction et la brune la remercia intérieurement pour cela.

« Bonne soirée Luna. Tâche de bien dormir malgré ces horribles lectures que je nous ai imposées, grimaça-t-elle d'excuse.

- Ne t'en fais pas, elles sont déjà oubliées », assura la petite blonde.

Hermione quitta son amie sur le pas de sa porte et s'engouffra dans les ruelles sombres de la capitale, le visage résolu. Elle ne devait plus mêler Luna à cela ; la jeune femme avait déjà fait preuve de beaucoup de patience. Dorénavant, elle devait la laisser tranquille et continuer seule son chemin. Il ne fallait pas qu'elle la fasse plonger à son tour dans cette obsession.

o O o

Les jours se succédèrent étonnamment vite pour Sirius et George après la soirée marquante de Grimmaurd. La faute incombait sûrement à leur mode de vie qui ne cessait de se détériorer. Les deux hommes ne quittaient pratiquement plus l'appartement. George n'avait pas ouvert sa boutique depuis des jours maintenant. Il ne s'était pas embêté à laisser un message à l'attention de ses clients, ni chercher un remplaçant ponctuel, rien de tout cela. Le lendemain de la soirée de tous les désastres, alors qu'il insérait sa clé dans la serrure de la boutique, le jeune homme avait fixé longuement la devanture avant de faire demi-tour et de remonter dans son appartement pour y rester cloitré.

Sirius quant à lui n'était pas sorti depuis l'incident. La partie encore rationnelle de son esprit, celle qui n'était pas noyée dans le whisky pur feu, était consciente qu'il avait une fois de plus tout détruit sur son passage. Sa conduite avait été impardonnable, qui plus est avec Hermione. Si la situation n'avait pas déjà semblée désespérée alors, le sorcier s'était assuré que leur relation ne puisse jamais plus renaître de ses cendres après un tel comportement. Plus il se repassait les souvenirs en boucle et plus il avait envie d'hurler. Comment aurait-il pu attendre qu'elle revienne vers lui après sa tentative pitoyable de la retenir. Lui proférer son amour dans un moment pareil ? Même selon ses standards, c'était méprisable.

L'animagus veillait ainsi à éteindre une bonne fois pour toute la partie encore rationnelle de son esprit. L'alcool était un allié auquel il pouvait amplement se fier. Alors qu'il était allongé dans le canapé, les paupières à moitié ouvertes, George pénétra dans le salon à son tour et vint se jeter dans le fauteuil près de lui. Sirius lui décocha un coup d'œil.

« Tu vas sortir ? demanda-t-il à son camarade.

- Nope, répondit mollement George, insistant sur la dernière consonne. J'ai décidé de prendre un congé renouvelable à envie… ajouta-t-il en ricanant.

L'animagus hocha la tête. Il était le moins bien placé à ce jour pour faire des remontrances à son camarade. Malgré la chappe de plomb qui pesait sur ses pensées, il ne put toutefois s'empêcher de relancer.

- Est-ce que tu retourneras dans la boutique ?

George grimaça. De son point de vue, Sirius avait la fâcheuse tendance à poser les bonnes questions aux moments inopportuns. Il était venu le retrouver dans le salon pour ne pas être seul à se noyer dans le whisky, pas pour entamer un débat de fond. Il consentit toutefois à répondre.

- J'en sais rien… Je sais même pas si ma place est là-bas…

Il se redressa pour regarder son colocataire. Ses lèvres s'ourlèrent en un sourire triste.

- Tu sais… C'est Fred qui a toujours été le beau parleur. Ça me tue de le dire mais c'est vrai. C'est lui qui savait y faire avec tout ce beau monde, à jouer le vendeur et donner envie aux gens de revenir. Il avait un don pour ça… Moi, j'étais plus à l'aise avec les chiffres, l'organisation, le côté technique.

Sirius se releva à son tour pour écouter le Weasley. C'était une des premières fois que ce dernier évoquait autant son frère jumeau.

- Tous les deux, on fonctionnait à merveille. Une vraie réussite, quand on a lancé la boutique… Maintenant qu'il est parti, j'ai l'impression de la faire sombrer petit à petit… Ginny a raison : je ne fais aucun effort pour la maintenir à flots. J'adresse à peine la parole aux clients, je reste dans mon coin et je ne me souviens même plus de la dernière fois où j'ai réfléchi sérieusement à une nouvelle création, continua George en secouant la tête.

- Je suis désolé, murmura Sirius dans un souffle.

- Je n'ai plus la flamme. J'attends que les jours se passent et c'est tout… Je voudrais juste revenir en arrière. Je voudrais que les choses soient inversées. Que Fred soit encore vivant et que je sois parti… Je suis inutile sans lui », lâcha George à travers un sanglot rauque.

Sirius se redressa complètement pour passer une main dans le dos du Weasley, qui cachait maintenant son visage dans ses bras croisés. Il aurait aimé trouver les mots qui réconforteraient le jeune homme. Mais il n'en avait aucun à l'esprit. Tout ce qu'il pensait, c'était qu'il ressentait la même chose. Sirius aurait donné n'importe quoi en ce moment pour être resté perdu à travers le Voile. Il aurait peut-être été enfin réuni avec ses Maraudeurs plutôt qu'à rester ici comme un paria. Que n'aurait-il fait pour que les rôles soient échangés et que James soit revenu d'entre les morts ? Harry avait besoin d'une figure paternelle solide, pas d'un parrain irresponsable qui n'était plus bon à rien.

Les deux hommes restèrent ainsi un long moment, s'apitoyant sur le sort cruel réservé à ceux qui ont perdu les êtres chers et qui n'ont d'autre choix que de continuer leur chemin.

o O o

Les ruelles londoniennes bourdonnaient de cette activité typique des dernières journées d'été, amorçant inéluctablement la rentrée. Hermione le sentait dans l'air : les jeunes sorciers et sorcières parcouraient de manière empressée les établissements du Chemin de Traverse. Le brouhaha ambiant ne la fit toutefois pas perdre de vue son objectif. D'un pas décidé, elle pénétra dans la bâtisse familière.

L'intérieur de la boutique n'avait pratiquement pas changé depuis sa restauration. Elle était toujours aussi sombre et austère. Hermione fit quelques pas avant d'arriver vers le comptoir et jeta un regard vers le long couloir étroit où étaient disposées de hautes étagères sombres dans lesquelles s'empilaient des milliers de boites. La sorcière toussota pour annoncer sa venue. Du bruit lui parvint au fond du couloir et elle vit approcher un grand sorcier longiligne, aux cheveux en bataille, avec de grands yeux pâles.

« Bonjour, est-ce que Mr Ollivander est disponible ? demanda Hermione au nouvel arrivé.

- Mon père ne travaille plus ici, c'est moi qui ai repris la boutique, indiqua le jeune sorcier en entreposant quelques baguettes dans l'un des rayonnages encore disponible.

- Oh, je l'ignorais, s'exclama la brune, dans l'embarras.

Hermione avait beaucoup misé sur sa venue ici, et compté sur Ollivander pour lui apporter des réponses essentielles à ses recherches. Il disposait en effet d'une mémoire particulièrement pointue sur son domaine. Le gérant lui jeta un nouveau coup d'œil, cherchant à mettre un nom sur ce visage familier.

- Est-ce que je peux vous aider alors ? la relança-t-il.

- Je… J'aurais besoin de renseignements concernant une certaine baguette, finit par déclarer Hermione.

- D'accord. Puis-je la voir ? demanda le jeune homme en s'installant cette fois-ci face à elle.

- Je ne l'ai pas en ma possession.

Les sourcils du jeune homme se froncèrent légèrement.

- J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous être d'une grande aide, de fait.

- Mais elle appartenait à quelqu'un de très important et j'avais espéré que vous auriez à votre disposition des registres qui permettraient de la retrouver, ajouta précipitamment la jeune femme. Je travaille pour le Ministère.

Elle se garda bien d'indiquer que son département n'avait rien à voir avec ses recherches actuelles. Le fils Ollivander pencha la tête de côté et réfléchit.

- C'est possible. J'aurais besoin du nom de son propriétaire.

Hermione prit une inspiration, et retint son envie de se toucher l'avant-bras.

- Bellatrix Lestrange.

Le sorcier fronça les sourcils en entendant le nom de la Mangemort mais il s'abaissa vers le comptoir pour en retirer un vieux grimoire usé par le temps. Ses longs doigts firent défiler les pages avec attention. Hermione le regarda faire, le cœur battant. De longues minutes s'écoulèrent avant que le jeune homme ne referme l'ouvrage.

- Je suis désolé, je n'ai pas d'informations sur cette baguette. Elle est toujours répertoriée comme disparue.

- Serait-il possible qu'elle se trouve dans d'autres boutiques ? Ou même dans d'autres registres ?

- Je ne peux pas vous aider sur ces questions. Tout ce que je sais, c'est que le Ministère a fait un recensement des baguettes confisquées aux partisans de Vous-Savez-Qui lors de la guerre et que certaines sont consignées dans leur service. Mais beaucoup ont été revendues sur des marchés noirs ou ont tout simplement disparues. »

Hermione hocha la tête, consciente qu'elle n'avait pas avancé d'un iota dans sa recherche. Elle remercia le sorcier et sortit prestement de la boutique, le sang lui battant les tempes. Une fois encore, les réponses lui échappaient et elle ne se retrouvait sans rien ! La jeune femme était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne se rendit pas compte qu'on l'appelait.

« Herm ! »

La brune leva enfin les yeux lorsqu'elle sentit une main se poser sur son épaule. Ron la contemplait avec stupeur.

« Qu'est-ce que tu fais là ? »

Hermione battit vivement des paupières et balbutia :

« Ron… Qu'est-ce… Et toi ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je suis en opération avec les nouveaux Aurors, je me charge de leur formation, je t'en avais parlé, répondit-il, sans cesser de la dévisager.

- Ah… Oui, bon sang, ça m'était sorti de la tête, s'excusa Hermione en soupirant.

Elle voulut récupérer son bras mais Ron ne sembla pas s'en rendre compte.

- Je croyais que tu travaillais aujourd'hui ? la relança-t-il.

- Oui… Oui, c'est le cas, avança la jeune femme, qui sentait le rouge lui monter aux joues.

- Aux dernières nouvelles, tu t'occupais de tes dossiers dans ton bureau, pointa Ron.

- Oui. Oui, oui, j'y retournai justement, expliqua Hermione.

La jeune femme fit un nouveau mouvement pour s'extraire de l'étreinte de son compagnon. Ron la laissa faire cette fois-ci mais continua de la regarder. Ses traits prirent une expression inquiète.

- Hermione… Qu'est-ce qu'il se passe ?

Le cœur de la jeune femme battait à tout rompre. Elle avait l'impression de redevenir une enfant qui se faisait gronder pour être partie à l'école buissonnière.

- C'est rien, je suis juste partie faire un tour. Rien de grave, se défendit-elle du mieux qu'elle put.

- Non, ça n'est pas rien, s'exclama Ron, inquiet. Ça fait des semaines qu'il se trame quelque chose et tu ne me dis rien ! »

La jeune femme sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Elle détestait l'expression qu'elle voyait se peindre sur le visage de son compagnon, surtout parce qu'elle en était responsable. Mais comment lui expliquer ? Alors qu'elle jetait des coups d'œil apeurés, le sorcier se rapprocha d'elle et posa une main sur sa taille.

« Il faut que tu me parles… J'ai besoin de comprendre ce qui ne va pas. » murmura-t-il.

Hermione prit une longue inspiration puis hocha la tête. Des sanglots pointèrent dans sa gorge mais elle les étouffa tant bien que mal.

« On en parle ce soir ? » lui demanda le sorcier.

Elle hocha une fois de plus la tête. Ron lui adressa un sourire triste puis lui fit signe qu'il devait y aller. Hermione regarda son partenaire s'engager dans la ruelle bondée et disparaître quelques instants plus tard. Elle ferma les yeux et poussa un profond soupir.

o O o

Le soir venu, Hermione attendit Ron dans le salon, les mains fermement posées sur ses genoux. Il arriva par le réseau de cheminées et esquissa un petit sourire lorsqu'il la vit. Déposant un baiser maladroit sur ses lèvres, le jeune homme s'installa à ses côtés dans le canapé. La sorcière regarda son compagnon durant de longues secondes avant de prendre la parole. Lorsqu'elle eut confirmation qu'il ne la couperait pas, elle commença son récit. Hermione lui raconta le choc qu'elle avait ressenti lorsqu'elle avait retrouvé Sirius en chair et en os. Elle évoqua les questions qui la tourmentaient depuis et le manque de réponses apportées par Sirius lui-même, mais aussi Ginny et Harry. Elle raconta enfin les nombreuses démarches qu'elle avait lancées afin d'obtenir les tant attendues réponses pouvant expliquer le retour de l'animagus. Ron respecta sa parole et ne la coupa à aucun moment. Son visage prit cependant des teintes diverses à mesure que sa compagne défilait le fil de son argumentation. Lorsqu'Hermione conclut son récit, elle attendit, fiévreusement, une réaction de sa part.

Ron se cala davantage dans le canapé et posa sa main sur le genou de la jeune femme. Hermione ne se rappelait pas l'avoir déjà vu porter un regard aussi intense. Elle déglutit.

« Herm… Est-ce que Sirius t'a déjà causé du tort ? , demanda le sorcier avec un ton prudent.

Les yeux de la sorcière s'écarquillèrent.

- Non… Non, jamais, murmura-t-elle, ébahie. Elle mit volontairement de côté les derniers entretiens qu'elle avait eu avec lui. Sirius était loin, très loin de l'homme qu'elle avait connu en ce moment.

- Est-ce qu'il a eu un comportement déplacé ou néfaste envers toi ? continua Ron.

- Non, réitéra Hermione dans un souffle. Leur passif lui revint en tête avec la force d'un coup de bélier mais elle devait rester de marbre. Il le fallait.

- Où est-ce que tu veux en venir ? le relança-t-elle, ne souhaitant plus être le centre de l'attention.

Ron passa une main embarrassée dans ses cheveux courts.

- De là où je suis, j'ai l'impression que tu essayes à tout prix de trouver une justification à sa disparition, comme si tu souhaitais qu'il reparte de nouveau, expliqua-t-il posément.

- Absolument pas ! s'exclama alors Hermione. Je veux comprendre, c'est tout !

- Mais comprendre quoi ? C'est un quasi-miracle Herm. Il est le premier et le seul à être sorti de ce foutu voile. Il n'y a pas eu de précédents, pas d'études en amont, rien du tout. C'est un mystère à lui tout seul.

- Mais…

- Ça ne m'inquiétait pas au départ que tu sois la seule à ne pas te satisfaire de cette réponse. Je te connais depuis qu'on est gosses, je savais que ton tempérament te pousserait à chercher les réponses. Et honnêtement, je pensais que s'il y avait bien une personne capable de les trouver, ce serait toi, reprit Ron avec un regard dévot.

Hermione ne put s'empêcher d'esquisser un sourire triste. Son compagnon continua de caresser lentement son genou. Puis son regard se fit plus sombre.

- Mais maintenant, je m'inquiète. Ça fait des semaines que tu es là-dessus et c'est comme si tu te faisais dévorer par cette affaire. Tu manques régulièrement le boulot, tu passes tout ton temps libre à chercher frénétiquement de nouvelles pistes, tu ne profites quasiment plus de tes proches…

- Ce n'est pas vrai, je… Oui, je me suis laissé entraîner par ces recherches mais je vois encore Ginny, et Luna et… je te vois, toi, objecta Hermione, moins sûre d'elle qu'elle ne voulait bien le laisser paraître.

- Ça fait combien de temps que nous n'avons pas fait quelque chose rien que tous les deux ? Passer un moment intime ? demanda Ron avec franchise.

La jeune femme voulut objecter de nouveau mais plus elle y réfléchissait et moins elle était apte à donner une réponse.

- Je sais que ce n'est pas ce à quoi tu t'attendais. Je comprends ta déception devant le manque d'informations, souligna Ron doucement. Mais à ce stade, il n'y a plus grand-chose que tu puisses faire. Plus tu t'obstineras à chercher, et moins sa présence te paraîtra comme aller de soi. Et plus on risquera de s'éloigner.

Hermione le fixa bouche bée. Ron passa son autre main sur celle de sa compagne, joignant ses doigts aux siens.

- Je ne veux pas te perdre Hermione, murmura le sorcier.

- Moi non plus », lui répondit celle-ci en sentant un poids familier peser sur son cœur.

Ron l'amena à elle en une forte étreinte. La jeune femme se laissa bercer par les caresses de son compagnon. Ron avait raison : il était temps qu'elle lâche l'affaire. Les premières recherches avaient été stimulantes intellectuellement pour elle mais il lui fallait bien reconnaître que cela avait évolué au fil des semaines en une obsession totale et néfaste. Si la jeune femme ne voulait pas sacrifier sa vie professionnelle et intime, il était temps pour elle d'accepter les choses. Sirius Black était bel et bien de retour et voué à rester parmi eux. Cela mettait à mal les barrières qu'elle avait érigées autour de son cœur après sa disparition mais les faits étaient les faits. Elle devait maintenant apprendre à vivre avec… Hermione sentit l'angoisse lui tenailler les entrailles. Était-elle capable de reprendre sa vie actuelle maintenant que Sirius était de nouveau dans l'équation ? Ses bras se resserrèrent davantage autour du cou de Ron.

o O o

Ginny arpentait de long en large le salon de la maison. Lorsqu'Harry rentra, elle se précipita vers lui, manquant de le faire tomber.

« Que me vaut un accueil pareil ?! » s'exclama-t-il dans un éclat de rire alors qu'il tentait de les maintenir tous deux debout.

Son sourire vint toutefois s'estomper lorsqu'il plongea son regard dans celui de sa compagne. Il avait eu quelques occasions de voir ce visage angoissé chez Ginny et Harry n'aurait aimé les revivre pour rien au monde. Il plaça ses bras protecteurs autour d'elle.

« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda-t-il, alerte.

Le visage de la grande rousse se plissa de nouveau d'inquiétude et d'embarras. Sans dire un mot, elle lui prit la main et l'emmena rapidement dans la salle de bain. Harry la suivit, interdit. Ginny ouvrit la porte brutalement et se saisit d'un objet étrange qu'elle lui tendit. Le jeune homme l'observa avec curiosité. C'était une orbe ovale, plus petit qu'un œuf d'autruche. La pierre scintillait d'une couleur bleu pâle. Harry contempla l'orbe pendant quelques secondes, sans rien dire. Puis son regard se dirigea de nouveau vers sa compagne qui le regardait toujours avec appréhension.

« Tu l'as trouvé où ? »

Les yeux de la grande rousse s'écarquillèrent.

« Quoi ? balbutia-t-elle.

- Je ne reconnais pas ce type d'œuf… C'est Luna qui t'en a donné un ? Ou tu l'as trouvé dans le jardin ? »

Harry sut immédiatement qu'il était à mille lieux de la vérité lorsqu'il vit le visage de sa compagne se décomposer davantage. Ginny fit un pas en arrière et soupira.

« Tu ne sais pas ce que c'est… murmura-t-elle, et Harry comprit que ce n'était pas réellement une question.

- Non, je n'en ai jamais vu avant, s'excusa-t-il, faisant tourner l'objet dans sa main. Il diffusait une chaleur apaisante.

- En un sens, je suis rassurée…

- Qu'est-ce que c'est alors ? s'exclama finalement le jeune homme devant le dépit affiché de sa compagne.

- C'est une pierre lunaire. On l'utilise pour surveiller et contrôler nos cycles, expliqua Ginny.

- D'accord, répondit prudemment Harry. Et qu'est-ce qu'elle indique ici ?

Ginny releva les yeux vers lui, pleine d'appréhension.

- Je suis enceinte. »

Des secondes passèrent durant lesquelles les deux sorciers continuèrent de se regarder, sans ajouter un mot. Harry finit par sortir de son engourdissement le premier et sut qu'il devait trouver les mots adéquats pour rassurer sa compagne. Ginny attendait toujours, fébrile. Le jeune homme pesa le pour et le contre et finit par trouver la formule nécessaire pour lui montrer qu'il maîtrisait parfaitement la situation.

« Oh. »