Chapitre 4 : Nouvelle Aventure

Le temps chaud de Kanbal était enfin arrivé et en même temps que ce temps-là, Balsa avait officiellement été diplômée en tant que médecin après toutes ces années d'études. Yuka avait donc prit l'initiative de fêter sa graduation avec un dîner de famille, sur l'heure du midi, chez elle. De plus, Alika avait préparé une surprise pour sa cousine, afin de fêter le dur labeur de ses études acharnées.

Balsa arriva chez sa tante Yuka à dos de cheval et attacha sa monture à l'endroit prévu à cet effet. Elle adorait cet endroit et plusieurs souvenirs d'enfance refaisaient surface à toutes les fois, mais le plus fort souvenir résidait à la vue de l'arbre Yukka, qui encore à ce jour, donnait de beaux fruits rouges et sucrés. Il y avait une balançoire accrochée à la plus grosse et basse branche, qui amusait souvent les enfants des patients de sa tante. Son oncle avait aidé à l'installer pour quand elle et Alika étaient jeunes et son utilisation était désormais devenu un passe-temps quand les plus vieux, comme Balsa, ou Amaya, la petite-amie d'Alika, flânaient à la maison de guérison.

De plus, cet arbre possédait un étrange historique : quiconque dans la famille Yonsa l'escaladait finissait par se briser un membre ou tomber de là. Lorsque Jiguro était encore un enfant avant de devenir le plus puissants des guerriers à Kanbal, il avait passé beaucoup de temps sur le territoire Yonsa, à la maison de guérison. Il se surentrainait et s'était souvent blessé. Selon les dires de Yuka, pour l'impressionner, il avait grimpé l'arbre Yukka et en était tombé, s'égratignant les deux genoux. Il y avait de la saleté et des roches dans sa blessure. C'était douloureux, mais au moins ses jambes n'avaient pas été brisées. À son tour, des années plus tard, à l'âge de trois ans, Balsa était tombée du même arbre et elle s'était cassé le bras, qui avait guéri en trois semaines. Et enfin, la déesse du destin avait décidé qu'Alika, à l'âge de sept ans, suive la même tendance. Elle en était tombée à son tour, ayant mal calculé ses distances et la solidité de la branche. Comme résultat, elle s'était fracturée le poignet gauche.

Balsa entra à l'intérieur, par la porte qui donnait sur la maison privée de Yuka. Une délicieuse et alléchante odeur de viande volait dans l'air. Yuka était afférée à la cuisine alors qu'Alika terminait de mettre les couverts. Ses yeux pétillèrent à sa vue.

« Oneesama !

- Bonjour Alika ! Suis-je trop en avance ?

- Pas du tout !

- Amaya n'est pas avec toi ?

- Elle ne pouvait pas. Elle travaillait aujourd'hui, mais elle te passe le bonjour et te félicite pour ta graduation.

- Ah, merci c'est très gentil de sa part ! Dis-lui que je lui rends la pareille.

- Bien sûre ! »

Karuna arriva avec Jiguro. Les deux amis semblaient être dans une grande discussion. Jiguro portait un petit baril de lait de chèvre alors que Karuna apportait des bonbons. Balsa les reconnut aussitôt.

« Tu as acheté des marros ?! s'exclama sa fille.

- Bien sûr ! Aujourd'hui est un grand jour, tu as été officiellement graduée et reconnue comme médecin ! sourit Karuna.

- Je peux en prendre un avant le dîner ? osa-t-elle.

- Tu demandes encore la permission à oncle Karuna ?! s'étonna Alika.

- Observe bien, rit Balsa, qui clairement, s'amusait un peu trop.

- Oh ! »

Son père lui jeta un regard désapprobateur, mais celui de Yuka se posa sévèrement sur lui et Karuna – comme à son habitude – céda.

« Elle n'est plus ta petite fille, lui rappela gentiment Yuka alors que Balsa ouvrait le paquet et mit un bonbon dans sa bouche, triomphant, en donnant un à sa cousine. C'est une jeune femme capable de prendre ses décisions par elle-même.

- Je sais, mais le temps passe si vite, c'est comme si je venais de la prendre dans mes bras hier ! N'oublie pas de te brosser les dents, Balsa, tu vas faire des carries.

- Comme si j'allais oublier..., répondit Balsa en roulant les yeux. »

Alika et elle se regardèrent, légèrement gênées. Ils partagèrent un pot de laroo avec des lossos fait maison ainsi que du bacon de chèvre. Jiguro dû imposer une restriction à Alika, sinon elle aurait mangé tout le bacon rien que pour elle, étant une amatrice de viande.

« Alors, Balsa, as-tu pensé où tu voudrais exercer ta profession ? demanda Karuna. Peut-être pourrais-tu devenir le médecin personnel du prochain roi de Kanbal !

- Ça pourrait être une princesse aussi, une des futures épouses du roi de Kanbal, rétorqua Alika qui, décidemment, était plus à l'aise en présence de femmes que d'hommes.

- Alika, s'il te plait, l'avertit Jiguro.

- Bin quoi ? Entre femmes, on se comprend mieux.

- Tu es vraiment une femme "Yuri", soupira-t-il.

- Je n'ai pas encore choisi, avoua Balsa alors qu'elle aidait à débarrasser la table pour le dessert. Et puis, vous connaissez très bien la légende urbaine à propos des physiciens du roi, non ? »

Yuka éclata de rire. La légende urbaine Kanbalese disait que si un membre de la famille royale osait faire du chantage ou menacer un docteur, le malheur s'abattrait sur le pays, attirant la pauvreté et la misère. Kanbal serait alors au bord du gouffre comme c'était survenu cinquante ans plus tôt – dans la légende d'Haruka Yonsa – et serait condamné à disparaitre. Pour prévenir un tel désastre, une loi avait été imposée et protégeait les familles des docteurs. Et pour le commun des roturiers, lorsque des médecins osaient parler de cette possible tragédie, il était coutume de prendre une poignée d'herbes séchées et la jeter par-dessus son épaule afin de conjurer le "possible mauvais sort".

« Ce ne sont que des légendes urbaines, tenta Karuna.

- Il y a toujours un fond de vérité à l'intérieur d'elles, le reprit Yuka en lançant une poignée d'herbe derrière son épaule.

- Ne me dis pas que tu y crois aussi, Yuka ?! »

Sa sœur cadette afficha une expression complice avec Balsa avant d'apporter les jokoms, les marros ainsi qu'un petit gâteau et de la crème glacée à base de lait de chèvre. Trouvant que le moment était venu pour parler de sa surprise à Balsa, Alika regarda Jiguro qui lui fit signe.

« À ce propos, commença doucement Jiguro, Balsa, Alika a planifié quelque chose pour fêter ta graduation.

- Ah ? s'étonna Balsa. Qu'est-ce que c'est ? Un cadeau ?

- Plus ou moins, répondit Alika. J'en ai parlé avec Maman et Papa avant toutes choses. Ils sont d'accord et ils me font confiance.

- Dis-moi, alors. Peut-être qu'il faudra que je demande aussi la permission à mon Papa, moi aussi, dit Balsa en mettant l'emphase sur le mot "permission", tout en dévisageant Karuna.

- Hé bien, je voudrais faire un voyage au Nouvel Empire de Yogo ! annonça sa cousine. Juste toi et moi, sans adultes pour nous surveiller.

- Oh, ça a l'air vraiment amusant ! Mais pour combien de temps, dis-moi ?

- Un mois ! »

Balsa se retourna vers Karuna, qui décidemment, n'avait pas été mis au courant par sa propre famille.

« Personne ne me l'a dit ! s'étonna-t-il, faisant feint de bouder, tel un enfant.

- Mais oncle Karuna... c'était ma surprise pour Oneesama, fit Alika. Et Maman n'arrêtait pas de dire que tu en avais plein les bras au château. Elle n'allait pas se déplacer uniquement pour te déranger avec une si petite nouvelle... si ? »

N'attendant pas la réponse et ayant le ventre bien remplit, Balsa et Alika changèrent de pièce et allèrent au salon pour discuter du futur voyage. Alika se mit confortable sur le divan et soupira d'aise.

« Ça va vraiment être amusant !

- Tu as déjà été à Yogo, avec Jiguro lors de voyage, pas vrai ?

- Oui.

- Tu as des correspondants là-bas ?

- Pas vraiment... en fait, oui, un. Mais je ne le considère pas vraiment comme un ami. Plus comme une connaissance et je ne l'ai vu que deux fois.

- Deux fois ?

- Ouais, quand Papa arrête pour discuter et se faire soigner par une vieille dame.

- Ah ? C'est quoi le nom de ton correspondant ?

- Tanda. C'est un magic-weaver et un apothicaire. Il n'a pas suivi d'études en médecine comme toi, tout simplement parce qu'il n'en avait pas accès. Yogo n'est pas comme Kanbal à ce niveau. Donc, il a appris de lui-même tout en forgeant sa clientèle.

- Quel âge a-t-il ?

- Juste un an de plus que moi. »

Balsa afficha un regard remplit de sous-entendus. Alika se renfrogna.

« Tu as oublié que je suis en couple avec Amaya-Chan ? rétorqua-t-elle en croisant ses bras. Ça fait deux ans qu'on sort ensembles et on s'aime à la folie. Et il sait que je suis attirée par les femmes. Mais par contre, toi... toujours célibataire, en âge de te marier...

- Ne me dis pas que tu veux nous mettre ensembles, lui et moi !

- Tu as bien sous-entendus de quoi nous concernant moi et lui, répliqua Alika, une expression de victoire sur son visage.

- Je ne le connais pas et je suis bien célibataire.

- Tu m'en diras tant lorsque tu le rencontreras, je suis certaine que vous iriez bien ensembles. Vous êtes tous deux médecins. »

La conversation devenant un peu trop sentimentale, Balsa décida de changer de sujets, tout en restant dans le sujet primaire : leur voyage.

« En dehors de ce Tanda, est-ce qu'il y a d'autres choses à voir et à visiter ? demanda Balsa. Je ne suis allée à Yogo qu'une seule fois, en accompagnant mon père. Nous avons été à la capitale de Kosenkyo et j'ai pu acheter une nouvelle poupée pour ma collection, mais nous n'avons pas vraiment pu visiter l'endroit.

- Le paysage à Yogo est totalement différent de Kanbal. Non seulement, les hivers sont vraiment plus chaud qu'ici, et le printemps arrive un mois plus tôt que Kanbal, il y a aussi des prairies verdoyantes, des rizières abondantes, des forêts très danses. Immédiatement, tu ressens une énergie positive dans l'air quand tu y mets les pieds.

- Et qu'as-tu planifié de voir là-bas ?

- Au solstice d'été, ils fêtent une fête nationale. C'est pour souligner l'histoire officielle de la fondation du Nouvel Empire de Yogo, par le tout premier empereur : Torugal. Les gens font des feux de joies, il y a des festivités partout, de la musique. Je n'ai jamais vraiment pu assister à l'un de ces festivals, mais en choisissant ce mois pour le voyage, je me suis dise que ce serait l'occasion pour le vivre avec ma Oneesama préférée !

- Quand j'ai été à Yogo, je t'avoue que j'ai eu un peu de difficulté à m'habituer au goût des aliments là-bas.

- C'est sûr que lorsqu'on grandit dans une place où il n'y pratiquement que de la nourriture à base de produits laitiers provenant de chèvre, tel que le fromage, le beurre et le lait, c'est difficile de goûter à des aliments différents. Mais Papa et moi, lorsqu'on s'entrainait durement, étions tellement affamés que le goût de la nourriture n'avait pas le temps d'éveiller nos papilles, rit-elle. Par contre, je peux te dire que la nourriture de Tanda a bien meilleur goût, que celle à la capitale.

- Ah ? Pourquoi ?

- Je ne sais pas... peut-être parce qu'il possède des épices plus rare dans les montagnes, que les commerçant à la capitale, qui sait ? Ou que ça a été fraîchement cuisiné. »

Convaincue par l'enthousiasme de sa cousine, Balsa ne prit pas long pour se décider.


Dans les jours suivants la nouvelle, Alika aida Balsa à faire ses préparatifs. Alika n'était pas nerveuse, étant habituée de voyager par-ci, par-là avec Jiguro, depuis sa plus tendre enfance. Sauf que cette fois-ci, elle allait être seule avec Balsa, sans avoir constamment un adulte sur le dos pour les surveiller. Karuna était encore un vrai Papa-poule avec sa fille unique. Jiguro avait insisté sur le fait qu'elles n'avaient pas besoin de chevaux pour se rendre à Yogo, mais son meilleur ami était trop protecteur envers Balsa. Il ne voulait pas qu'elle et sa cousine se blessent au dos avec leurs bagages. C'était aussi un moyen de transport sur, rapide et efficace.

Elles étaient maintenant sur leur départ. Yuka était présente avec Amaya. Alika était déjà prête. Karuna tourna autour de la monture, vérifia les bagages de sa fille une troisième fois et s'assura que tout était bien sécurisé. Ça ne l'empêcha pas de faire encore l'énumération de « quoi faire » et « ne pas faire » pour la millième fois à Balsa.

« Restez sur les routes à découvert. Pas de raccourcis. Quand vous arriverez à Yogo, passez par l'entrée officielle des voyageurs. Pas de jeux d'argent. Pas de tourne-la-bouteille. Pas de boisson. Pas de drague. Pas de bagarre. Pas de sexe avant le mariage. Ne gaspille pas tout ton argent dans les pierres et les poupées. Souviens-toi de tes manières, nettoie tes vêtements aux deux jours, dis toujours merc—

- Ça suffit, mon frère, calme-toi ! ordonna Yuka. »

Amaya et Alika éclatèrent de rire, toujours collées une contre l'autre. Karuna était sur le point de demander où était passé Jiguro lorsque ce dernier se pointa.

« Que fais-tu avec une lance en surplus ? demanda Karuna en dévisageant son meilleur ami. Alika a oublié la sienne ?

- Non, non, répondit Alika. Je l'ai bel et bien avec moi, en tout temps.

- Ceci, répondit Jiguro tout simplement en se dirigeant vers Balsa. J'aimerai que tu en transportes également une avec toi, par mesure de sécurité.

- Mais enfin Jiguro, s'exclama Karuna. Il s'agit d'un voyage de détente, je ne pense pas qu'on les attaque en cours de route ! »

Karuna était déjà assez nerveux de laisser partir sa fille aînée, seule avec sa cousine. Alors imaginer que des bandits puissent les attaquer en cours de route, il était très proche de frôler la crise cardiaque. Alika prit la parole à son tour.

« Oncle Karuna. S'il te plaît, fais-nous confiance. Balsa a eu la basse des arts martiaux en présence de Papa et de moi. Elle aurait été une guerrière hors pair si elle n'avait pas suivi le chemin de la médecine. La lance est seulement une mesure de sécurité préventive. Je ne pense pas qu'elle ait à l'utiliser pendant notre séjour à Yogo.

- Je sais, mais...

- Ne t'en fais pas. Je ferai office de garde-du-corps rien que pour Oneesama ! »

Yuka posa une main rassurante sur l'épaule de son frère. Balsa prit la lance dans ses mains et l'enfila dans la pochette sur le cheval prévue à cet effet tout remerciant son oncle Jiguro pour la pensée. Karuna frotta ses mains nerveusement, déchiré entre l'idée de serrer Balsa dans ses bras et de la garder à la maison, à Kanbal. Le connaissant parfaitement, Balsa soupira et alla elle-même l'enlacer.

« Je t'aime, Papa, dit-elle avec son plus beau sourire. Je serai de retour avant même que tu ne dises le mot "chèvre". Tante Yuka, tu vas veiller sur Papa, pour ne pas qu'il s'inquiète à mon sujet, pas vrai ?

- Je le ferai, sois sans crainte, ma belle. Amuse-toi, avant toutes choses. Sois prudente, je te fais confiance. »

Balsa serra également Yuka et Jiguro. Elle jeta un œil à Alika et soupira : sa cousine était en train d'embrasser passionnément Amaya, en publique, sans aucune gêne. Elle avait pour habitude de dire qu'Alika voulait lécher les amygdales de sa copine. Balsa tira sur un brin d'herbe, s'approcha d'elles et s'amusa à chatouiller leurs oreilles. Immédiatement, elles se lâchèrent.

« Argh ! Oneesama !

- Il faut y aller, maintenant, sourit Balsa en voyant la moue dédaigneuse de sa cousine, qui se grattait encore l'oreille. Ou faut-il que je te répète l'histoire de la jeune femme et de l'araignée ? Quand les médecins ont versé de l'eau dans son oreille, car elle entendait un grattement—

- Non ! s'horrifia Amaya. Pas cette histoire ! »

Ils éclatèrent de rire et Alika donna un dernier câlin à sa copine avant de dire au revoir très rapidement à ses parents et se mettre en selle. Balsa l'imita et regarda une dernière fois son père.

« Tout ira bien, Papa, je te le promets. Nous serons extrêmement prudentes en cours de route.

- Je sais que je dois te faire plus confiance, je suis juste trop... protecteur envers ma seule et unique fille. Ne te prive pas de faire des voyages uniquement parce que ton "papounet" te couvre un peu trop.

- Je sais. Et ça n'arrivera pas.

- Alika, dit Yuka sur un ton avertisseur, surtout, ne te mets pas dans le trouble. Si tu oses mettre ta cousine en danger et dans le trouble, tu auras une grosse conséquence dès ton retour à Kanbal, dépasser le délai de vos vacances.

- Oui, Maman, je te le promets ! se terrifia la jeune adolescente aux yeux bleus. »

C'est ainsi qu'elles quittèrent leur famille pour voyager du territoire Yonsa, jusqu'à l'entrée officielle des voyageurs. En cours de route, Balsa s'était retournée quelques fois pour observer la silhouette de son père s'éloigner, peu à peu. Vraiment, il n'avait pas à s'inquiéter autant.