— Harry ! Harry j'ai un gros problème ! s'écria Ron en entrant en trombe dans le dortoir des Gryffondor, que son ami n'avait pas quitté de la journée, séchant les cours sans aucun remord.
— Je suis au courant, Ron, grommela le brun, la tête enfouie dans son oreiller.
Ron s'assit sur le lit du garçon, agité.
— Non tu ne comprends pas ! Je ressens des choses... c'est trop bizarre ! Je suis amoureux d'Hermione normalement... qu'est-ce qui s'est passé... et elle aussi elle est bizarre ! Elle a passé la journée à étudier avec Nott !
Harry se releva, les yeux bouffis par la fatigue.
— McGonagall nous a dopés au philtre d'amour. Je crois que la personne que nous aimons est le premier Serpentard dont on a croisé le regard, expliqua-t-il, la moue affligée.
Ron ouvrit la bouche, surpris, puis la referma, avant de se laisser tomber lourdement contre le matelas.
— Pourquoi faut-il que j'aie lancé un foutu regard noir à ce foutu serpent... geignit-il.
Harry éclata de rire en voyant l'expression de son ami, puis cessa soudain tout amusement en se rappelant de qui il avait hérité.
— C'est qui, pour toi ? marmonna Ron d'une petite voix.
Le survivant soupira.
— Malfoy.
— Quoi ? s'écria Ron en se relavant, les yeux exorbités.
Soudain, des pas se firent entendre et Hermione apparut à leurs côtés, un sourire niais collé au visage.
— Les garçons je n'ai jamais été aussi heureuse... je ne regrette de ne pas lui avoir laissé une chance plus tôt, Théodore est un merveilleux garçon !
— Si tu penses vraiment qu'il est fait pour toi tant mieux mais j'espère que tu le penseras encore dans un mois...
Hermione regarda son ami, surprise.
— Qu'est-ce que tu entends par là, Harry ?
Ledit Harry ferma les yeux un instant, dépassé.
— On est sous philtre d'amour. C'est ça, le fameux plan pour nous lier aux Serpentard.
Hermione lâcha une exclamation outrée, se levant furieusement.
— Mais c'est à l'opposé de la déontologie des pratiques pareilles... c'est inacceptable, jamais Dumbledore n'aurait laissé faire une chose pareille !
— Tu crois ? intervint Ron avec ironie.
— Peut-être, mais il n'est plus là pour le dire, rappela Harry, un goût amer sur la langue. De toute façon, comme j'ai pu le constater, nous sommes encore capables de nous contrôler si nous gardons nos distances, même si ce poids dans ma poitrine qui me hurle d'aller câliner Malfoy... avoua-t-il avec une grimace mi-dégoûtée, mi-honteuse.
— C'est Malfoy dont tu es tombé amoureux ? s'étonna Hermione, subjuguée.
Harry hocha la tête en silence.
— Ça s'annonce plutôt amusant, en fait... dit la jeune femme, un sourire fourbe calqué sur le visage.
— Parle pour toi, il te plaît et c'est réciproque, avec Nott... marmonna le roux.
— Sois pas jaloux, Ronninnounet, je suis sûre que tu trouveras ton bonheur auprès de Blaise, plaisanta-t-elle en un nouvel éclat de rire.
Ron la poussa du lit, provoquant une plainte de la jeune femme, et les deux commencèrent à se chamailler. Consultant l'heure, Harry remarqua que le dîner approchait, et il songea à l'idée de jeuner, pour cette fois, n'ayant aucune envie de faire un acte qu'il regretterait.
Seulement, une fois le moment fatidique arrivé, Hermione traîna les deux garçons jusqu'à la grande salle, et ils y découvrirent avec surprise un spectacle qu'ils n'auraient jamais cru voir.
Devant les yeux ébahis de tous les membres de Poudlard, Parvati Patil roulait la pelle du siècle à Daphné Greengrass. Quelques insultes fusaient, mais elles semblaient n'y accorder aucune importance, ce qui accentua le sourire d'Hermione. Cette journée devenait de plus en plus intéressante.
Ne souhaitant pas être là pour réfréner les pulsions de ses camarades, et bien destinée à être aux premières loges du spectacle, Hermione se détourna pour s'asseoir, à la surprise de tout le monde, à la table des Serpentard.
Elle prit place à côté de Théodore, qui lui sourit timidement. Harry fut malgré lui attendri par ce spectacle, qui lui permet un court instant d'oublier la boule qui lui tordait l'estomac. Ron grimaça mais ne fit aucun commentaire, pas vraiment jaloux, étant donné que la potion avait eu pour effet d'effacer une bonne partie de ses sentiments pour Hermione, bien malgré lui.
Les deux garçons s'installèrent finalement à leurs places, Ron encore crispé par la teneur de ses sentiments, et Harry tentant de garder un contrôle permanent de lui-même.
À la table des Serpentard, beaucoup s'interrogeaient.
— Mais qu'est-ce qui leur prend, depuis ce matin ? Déjà, Londubat et sa déclaration mielleuse à Pansy, ensuite Théodore qui commence à traîner avec la sang-de-bourbe, et maintenant Daphné partage sa salive avec une fille... et Gryffondor en plus ! Tu penses que ça a un lien avec l'annonce de McGonagall, Dray ? demanda Blaise, le menton entre les doigts, pensif.
Draco lança un regard neutre à la table des Gryffondor, et croisa immédiatement les orbes émeraudes de son rival, dans lesquelles des tonnes d'émotions semblaient se battre les unes contre les autres.
— Je pense qu'on a là une bonne chance d'écraser leur fierté pour de bon... murmura Draco en continuant d'observer Harry, qui ne le lâchait pas des yeux.
Blaise ricana, et le blond sentit comme deux pôles s'affronter en lui, l'un souhaitant plus que tout humilier ces satanés Gryffondor qui s'étaient toujours pris pour Merlin sait quoi, l'autre bien plus nuancé, motivé par un sentiment sur lequel il était incapable de mettre le doigt. Seulement, par principe, il devrait étouffer cette part étrange de lui, qui ne pourrait lui causer que du tort.
— Granger ? fit la voix de Théodore alors que la jeune femme mangeait en silence à ses côtés, un fin sourire sur les lèvres.
— Oui, Théo ?
Ce surnom fit rougir le pauvre garçon, qui en perdit le sens de ses pensées, avant de brusquement se rappeler ce qu'il comptait lui demander.
— Pourquoi as-tu si rapidement changé d'avis, vis à vis de moi ? demanda-t-il, mal à l'aise.
Hermione hésita, mais se retrouve incapable de mentir. D'un ton bas, elle lui murmura :
— Tu te rappelles, la punition de McGonagall ? Elle a mis du philtre d'amour dans les verres de tous les Gryffondor...
Théodore fronça les sourcils.
— Donc tu n'es pas vraiment... tu sais...
— Amoureuse de toi ? Je me sens bien à tes côtés, ne laissons pas cette stupide potion réduire nos chances à néant !
— Un philtre d'amour ? s'écria Pansy, ayant écouté d'une oreille attentive la conversation entre les deux.
Immédiatement, l'attention de tous les Serpentard fut reportée sur ces quelques mots, et de nombreux sourires sournois naquirent sur leurs lèvres, même ceux n'étant pas concernés — en effet seuls les dernière année avaient été visés.
Blaise se leva suite à ces mots, la mine enchantée. Il se dirigea en direction de la table des Gryffondor, et Draco le suivit des yeux, serrant la mâchoire. Il ne savait pas s'il appréciait réellement la façon dont tournaient les choses, prenant un virage soudain trop brusque pour qu'il puisse se protéger de l'impact à temps. Il serait frappé de plein fouet, et pour la première fois, ça se ferait sans airbags.
— Alors, Weasley, c'est pour ça que tu n'as fait que me regarder, en cours de potion ? Tu me dégoûtes, mais j'exulte malgré tout de te voir si pitoyable, cracha Blaise, mine satisfaite.
Ron tenta de répliquer comme il l'aurait fait d'ordinaire, se servant de la colère qui serait montée en lui telle une flèche prête à planter le cœur du premier qui viendrait l'importuner, seulement il se retrouva incapable de répondre quoi que ce soit, les mots semblaient coincés dans sa gorge, sans qu'il ne puisse empêcher sa cage thoracique de se soulever davantage de seconde en seconde sous le regard hautain de son ennemi. Le roux se haïssait de se montrer si faible face à une stupide potion.
— Fous le camp, Zabini, lui intima Harry d'une voix glaciale, les yeux plus sombres que la nuit.
Ledit Zabini se tourna vers le survivant, ne se départissant pas de son sourire ravi.
— Heureux de t'entendre, Potter, ça faisait longtemps. T'étais où, à propos, aujourd'hui ? Trop occupé à répandre ta dignité en flots sur ton oreiller pour oser nous faire face ? Ça fait moins le malin, pas vrai, Potty ? Lorsque je découvrirai face à qui tu as succombé, je te ferai la misère, sois-en certain, siffla-t-il avant de se détourner, fier d'avoir su clouer le bec d'Harry.
Voyant cette scène, Hermione se leva pour rejoindre ses deux meilleurs amis, ne manquant pas de donner un coup d'épaule à Blaise au passage, qui le lui rendit bien. La guerre était déclarée, et les Gryffondor étaient en position de faiblesse.
— Les gars... je suis mal, intervint la voix de Seamus quand le calme eût repris place au sein de la table des rouge et or.
— Qui est-ce ? demanda la voix fluette de Luna, assise auprès de Neville en un signe de réconfort, ce dernier ne cessant de se morfondre suite au violent rejet de la Serpentard, le matin même.
— Crabbe... marmonna Seamus en se prenant la tête entre les mains, et Ginny ne put contenir un éclat de rire sous la vue de la mine déconfite du garçon.
— Tu devrais faire preuve de compassion, Ginny... gémit Ron, encore mort de honte suite à son incapacité à se défendre face à Blaise.
— Pardon mais c'est hilarant !
— On peut vaincre ça, affirma Harry d'une voix forte.
Les regards de ses amis se tournèrent un à un dans sa direction, et le jeune homme s'expliqua.
— La dose administrée est certes, assez puissante pour nous faire faire des actes inconsidérés — Harry désigna du doigt Neville, qui grimaça — mais j'ai déjà vu d'autres personnes sous philtre d'amour avant, et croyez-moi, elles étaient en possession de bien moins de moyens que nous. Même si vous sentez à l'instant même un besoin irrémédiable de vous fondre contre la peau de l'autre, de le surplomber de baisers fiévreux, de le faire gémir sous vos caresses... rêvessa-t-il un peu. Enfin, même si vous ressentez tout cela, vous pourrez vous battre ! Nous avons survécu à la guerre, vous pensez vraiment qu'une stupide potion aura raison de nous ?
Des hochements de tête plus ou moins vigoureux lui répondirent, puis la voix d'Hermione intervint.
— Moi... je n'ai pas vraiment envie de combattre. Et si ce n'était pas arrivé sans raison ?
— Parce que d'après toi, Zabini serait mon âme soeur, et Malfoy celle d'Harry ? dit Ron avec sarcasme.
— Pourquoi pas ?
— Le philtre te fait divaguer, ma pauvre ! conclu le Weasley avant de quitter la table, sans doute pour ne pas perdre le contrôle.
Seulement, Blaise ne s'était pas résolu à le laisser s'en sortir si facilement, il le suivit discrètement avant de le coincer à l'angle d'un couloir.
— Eh, Weasley, attends-moi... murmura-t-il d'un ton doucereux.
Ron leva les yeux au ciel, puis lui lança un coup d'œil suspicieux, son rival ne possédait pas son air d'habitude si méprisant.
— Écoute... c'est bête mais je voulais vraiment m'excuser. Un Serpentard ne le fait jamais, pourtant, avoua-t-il en détournant le regard, semblant agacé de lui-même, mais je tenais à le faire. Tu sais... je dois juste tenir mon rôle, me faire ma place, être respecté des autres. C'est comme ça que je dois agir. Mais parfois, j'aimerais juste écouter mes envies, dit-il en saisissant la main de Ron, le regard sincère.
Le roux sentit son âme s'embraser d'une brise fulgurante, tandis que ce contact l'emplissait d'une chaleur irradiante.
Blaise se pencha en sa direction, et Ron se jeta contre les lèvres du métis, incapable de se contenir.
Cependant, le Serpentard le repoussa rapidement, le faisant tomber au sol, et s'essuya la bouche, dégoûté.
Il lança un sourire fier à Ron, puis se tourna à quelques mètres pour adresser un signe au nouveau responsable photographie de Poudlard, s'avérant être un Serpentard de sixième année.
Réalisant ce qui venait de se produire, Ron se releva vivement, les yeux flamboyants de colère.
— Sale serpent, espèce de taré, comment ai-je pu croire une seule seconde que tu puisses avoir une moindre once d'humanité ? cracha-t-il avant de s'éloigner à grands pas, sentant déjà les larmes lui piquer les yeux.
Il le lui ferait payer. Il lui ferait ressentir la douleur qui lui lacérait le cœur en cet instant même, c'était une promesse.
Rapidement, des tonnes d'exemplaires de la photo prirent place au centre des quatre tables des maisons, alors même que les élèves n'avaient pas terminé leurs dîner. De nombreux rires se firent entendre, et McGonagall fronça les sourcils, sentant la culpabilité l'emplir. Elle savait que ce serait risqué, mais espérait sincèrement que cela créerait des liens.
Alors que la vieille femme songeait à faire cesser cette supercherie, son regard tomba sur Théodore serrant Hermione contre lui, celle-ci ayant la tête appuyée contre son torse. À quelques mètres de là, Draco observait Harry d'un air pensif.
Il avait parfaitement compris que le Gryffondor était tombé sous son charme, pourtant il ne ressentait étonnamment aucune envie d'utiliser ce fait pour lui nuire. Il savait pourtant que ce moment viendrait à un moment ou à un autre, lorsque Blaise l'apprendrait, par exemple, mais il préférait ne pas y songer.
Le blond se leva de table, prêt à rejoindre son dortoir. Tandis qu'il s'apprêtait à murmurer le mot de passe, il entendit des pas s'arrêter à quelques mètres derrière lui, et il soupira silencieusement. Inconscient de Gryffondor !
— Malfoy ? fit la voix hésitante d'Harry dans son dos.
— Non, Potter, non. Tu veux mourir, ou quoi ? Tu ne sais pas ce que les Serpentard pourraient montrer contre toi s'ils apprenaient que...
— Que je suis amoureux de toi ? compléta Harry, presque innocemment.
Cette vision fit ressentir à Draco quelque chose qui lui donna un coup au cœur. Cette constatation l'agaça, et il répondit au garçon plus durement que prévu.
— Tu n'es pas amoureux de moi, pauvre idiot ! Ces sentiments sont superficiels, tu n'es même pas attiré par les garçons.
Harry s'approcha, visiblement déterminé. Draco lui lança un coup d'œil préventif, le défiant de réduire encore davantage la distance qui les séparait.
— Ils sont peut-être superficiels, mais tu ne sais pas ce que je donnerais, là, maintenant, pour toucher rien qu'une toute petite parcelle de ta peau... murmura-t-il en continuant de s'approcher, jusqu'à ce que Draco soit complètement collé au mur, figé.
Il était incapable de se détourner, lui non plus semblait ne plus savoir se contrôler. Malheureusement pour lui, Merlin savait que cette situation n'était due à aucune potion que ce soit, les stupides émotions qui le traversaient n'étaient que trop vraies, face au désir purement primaire et incontrôlé de son rival.
— Pourrais-tu...
La voix d'Harry s'éteignît lorsque ses doigts rentrèrent en contact avec la peau laiteuse de Draco. Cela sonna comme un signal d'alerte dans la tête de ce dernier, et il repoussa vivement le bras d'Harry, dont il aperçut une once de peine traverser son regard.
— Va dormir, Potter, tu n'es plus toi-même, affirma Draco en reprenant peu à peu contenance, le cœur battant plus vite que la normale.
— Bonne nuit, Draco.
Harry se détourna, non sans adresser un sourire sincère à son ennemi, qui ne le lui rendit pas. Dans quoi s'était-il encore fourré ? C'est cette pensée qui l'empêcha de trouver le sommeil, de manquant pas de le torturer chaque fois que ses paupières se fermaient.
