Ce texte est un OS écrit lors de la participation à l'ASPIC (Ateliers Scripturaux Promouvant l'Imagination et la Créativité) organisé par le serveur Discord Potterfictions. Vous pouvez nous rejoindre via le lien présent dans mon profil
Mes personnages et/ou ships tirés au sort sont : Albus Potter/Scorpius Malefoy et Luna Lovegood
Contrainte de texte 1 : Hurt/ Comfort
Contrainte de texte 2 : Texte engagé
Mots imposés : Bouteille / Cadeau / Mer / Superstition / Touristes / Village
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Bonjour à toustes !
Me revoilà avec un OS. Il a été écrit dans le cadre de notre ASPIC, mais il est avant tout un texte particulier. Pourquoi ? Eh bien parce que pour la première fois de ma vie, je n'ai pas écris un texte pour moi, mais pour quelqu'un d'autre. Ce texte est donc dédié à HavirnyrceVince, qui est l'un des bêtas qui corrigent Guérir du passé, mais il est aussi un ami. Et quand on écrit, quoi de mieux qu'une histoire comme cadeau d'anniversaire n'est-ce pas ?
Si certain·e·s d'entre vous lisent Frères de cœur, le scorbus de Vince, ne vous étonnez pas d'y voir des clins d'œil, c'est évidemment fait exprès. Si vous ne le lisez pas encore, filez donc le lire !
J'espère que cette histoire vous plaira.
Bonne lecture !
« Se sentir à sa place »
Une nouvelle année scolaire est sur le point de débuter à Poudlard. Son directeur, Neville Londubat, a réuni les directrices des maisons pour faire un dernier point avant l'arrivée des élèves le lendemain. Luna Lovegood, mariée à Neville, est directrice de Serdaigle et professeure de Botanique Jane Court est directrice de Poufsouffle et professeure de Métamorphose Gemma Farley est professeure de Défense Contre les Forces du Mal et directrice de Serpentard Katie Bell est professeure de Potions et directrice de Gryffondor.
L'équipe est jeune et s'entend bien. Ils sont attentifs à tout ce qu'eux-mêmes ont pu subir lors de leur propre scolarité : harcèlement, moqueries, bagarres et autres comportements courants dans une école. Il n'est pas question de laisser se reproduire certaines choses. Depuis son arrivée à la direction, Neville est particulièrement attentif aux débordements concernant la sexualité ou le genre des adolescents, surtout depuis un incident alors qu'il n'était encore que professeur de Botanique. D'après lui, Minerva et les directeurs de maisons n'ont pas agi assez sévèrement envers les harceleurs et cela s'est fini par la tentative de suicide d'une jeune fille lesbienne. Il y en a eu d'autres, moins dramatiques, mais tout de même significatifs. Quand la vieille dame a laissé sa place, il s'est promis qu'il ne laisserait pas les choses déborder ainsi : son devoir est de protéger les élèves. Et l'évolution du monde a permis aux jeunes de s'ouvrir aux autres, ils osent de plus en plus faire leur coming-out. Chose presque impensable à une époque où les normes sang-purs étaient de mise. Neville se sent par ailleurs personnellement concerné par le sujet à cause de son filleul.
Ainsi, cette matinée est riche en échanges et les directrices de maisons se promettent une nouvelle fois de garder un œil ouvert pour détecter les élèves en souffrance. L'une de leurs forces est de choisir des préfets et préfètes qui seront des alliés sur ces sujets. Par ailleurs, elles insistent toujours auprès des élèves sur l'importance de se confier sur ses difficultés et de rapporter les incidents, les injures, les bagarres et le harcèlement. Et jusqu'à maintenant la situation reste correcte, bien que l'homophobie, la transphobie et les autres discriminations n'aient pas disparu de la circulation comme par magie.
Les directrices de maisons y veillent et Luna particulièrement. Elle sait ce que c'est que de se sentir différente des autres au milieu de normes qui ne lui conviennent pas. Elle n'a compris que très tard qu'elle ne rentrait pas dans les cases cishétéronormatives. Il lui semble alors inconcevable de laisser des jeunes subir et souffrir comme elle. Elle éduque le plus possible, mais elle est également intraitable avec les harceleurs. La honte doit changer de camp.
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Le soleil se lève sur l'Écosse, éclairant de ses rayons matinaux une pelouse recouverte de gel. Le château et ses habitants s'éveillent en ce jour de rentrée scolaire, encore un peu déphasés par les vacances de Noël qui viennent de s'achever. Il est temps de reprendre le rythme imposé par les cours, les devoirs et les entraînements de Quidditch.
Albus ouvre les yeux dans un dortoir sombre, illuminé par les dernières braises de la cheminée. Il éteint son réveil sorcier d'un geste endormi et s'assied au bord de son lit. Son regard se porte ensuite vers celui juste en face du sien. Les rideaux sont encore tirés, même s'il devine que son occupant est déjà éveillé. Son meilleur ami a besoin de temps pour émerger. Il ignore les deux autres lits de la chambre, déjà vides. Pierce et Nathaniel se préparent toujours avant même qu'Albus soit éveillé. Pour éviter de se croiser et se parler.
Cela n'a pas toujours été ainsi. Les premières années, les quatre garçons du dortoir s'entendaient bien, même si l'amitié d'Albus et Scorpius a été unique dès le début. Celle-ci a pris de l'ampleur avec le temps et les deux autres garçons se sont progressivement sentis exclus, à tort. Albus sait qu'ils se sentaient surtout particulièrement mal à l'aise à cause des liens fusionnels qui le lient à Scorpius. Tant de proximité entre deux jeunes garçons leur semblait malsaine. Ils sont restés cordiaux et amicaux, sans pour autant se lier autant qu'ils auraient pu. Ce semblant d'amitié a explosé en cinquième année, quand Albus a fait son coming-out gay. Écœurés, Pierce et Nathaniel ont préféré mettre une vraie distance, repoussant du même coup Scorpius qui n'avait rien demandé à personne. Simplement parce que leur relation particulière n'a pas changé après qu'Albus ait parlé de ses préférences. Et cela fait deux ans que ça dure.
Un nouveau coup d'œil au réveil apprend à Albus qu'il est temps de se mettre en mouvement. Il se lève, s'étire comme un chat après sa sieste, fait craquer involontairement une ou deux vertèbres puis se dirige vers le lit de Scorpius. Comme chaque matin, le jeune homme gratte à la tenture fermée et appelle son ami. Après quelques instants, un grognement lui parvient et une main se faufile entre deux pans de tissu vert pour les écarter. Albus se glisse alors dans l'ouverture pour lui dire bonjour. Il s'assit au bord du lit et Scorpius se redresse pour l'enlacer. Ce rituel est immuable depuis la première ou la deuxième semaine à Poudlard des deux jeunes Serpentard. Albus n'a jamais eu trop de mal à se mettre en route le matin, contrairement à Scorpius. Après plusieurs retards, et autant de jours où le petit blond s'est fait houspiller par ses camarades de dortoir pour être à l'heure, Albus a décidé de venir le réveiller. Et cela est devenu une habitude indispensable à leur bien-être.
Scorpius garde son ami contre lui un long moment. C'est son moment préféré de la journée depuis longtemps maintenant. L'idée a toujours été de le réveiller, mais Scorpius a un jour initié un bref câlin et Albus ne l'a jamais repoussé, n'a jamais demandé à arrêter. Et il a même l'impression qu'il en a besoin lui aussi. C'est devenu un rituel, presque une nécessité. Une façon de se donner du courage et de l'énergie pour les heures à venir. Les journées sont parfois compliquées depuis deux ans. Il y a la pression des examens, le stress sur ses performances comme poursuiveur, le silence désagréable de ses camarades de dortoir et l'homophobie latente de l'école. Sur ce dernier point, Scorpius n'avait jamais remarqué à quel point le monde tente de se montrer tolérant sans l'être réellement. Jusqu'à ce qu'Albus sorte avec un autre garçon sans se cacher. C'est là qu'il a pris conscience des petites piques discrètes, des regards dégoûtés. Son meilleur ami n'est certainement pas le seul queer de Poudlard, mais Scorpius n'est pas ami avec les autres et n'a jamais fait particulièrement attention à eux. Il a insisté auprès d'Albus pour que ce dernier aille en parler à son parrain Neville – directeur de Poudlard depuis quelques années – mais il a fermement refusé. Albus a pris le parti d'ignorer les ignorants et a demandé à Scorpius d'en faire de même. Mais celui-ci peine à rester stoïque, les réflexions de leurs condisciples l'atteignent parce qu'il sait que cela blesse Albus.
Alors, ce matin, Scorpius prolonge un peu l'étreinte qui s'est allongée avec les années et les besoins du garçon. Cela fait quelques mois qu'il a besoin de tenir Albus plus longtemps contre lui. Il a fini par comprendre ce que ça veut dire, mais craint de lui en parler. Leur amitié est tellement précieuse qu'il craint de tout faire voler en éclat.
La journée de reprise se passe normalement, entre les cours, les rendus des devoirs, les regards inamicaux et les repas. Les deux garçons se racontent leurs vacances et les cadeaux qu'ils ont reçus dès qu'ils ont un moment de libre. Albus a passé tout son temps en famille. Son immense famille qu'il aime par-dessus tout. C'était bruyant et joyeux, comme toujours quand il est chez les Weasley. Scorpius a suivi son père en France où sa grand-mère Narcissa habite depuis la fin de sa peine d'assignation à domicile suite à la Deuxième Guerre des sorciers. Elle a une petite maison au bord de la mer, dans un minuscule village qu'il déteste. Chaque fois qu'ils vont là-bas, il n'y a strictement rien à faire et dès qu'il ouvre la bouche il passe pour un stupide touriste. Il a horreur de ça, mais il n'a pas le choix que de suivre son père. La seule chose qu'il retient de cet endroit c'est qu'il a appris à parler le français. C'est la dernière année, il se l'est promis. Dans quinze jours, il sera majeur et il pourra refuser de s'enterrer plusieurs semaines par an dans cet endroit misérable. Scorpius adore son père qui l'aime tout autant, il le sait, mais il n'a jamais réussi à s'attacher à sa grand-mère qu'il trouve terriblement froide et guindée. Il préfère largement ses grands-parents maternels, plus chaleureux et moins attachés aux vieux principes sang-purs rétrogrades.
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Deux semaines après la rentrée de janvier, l'hiver a définitivement pris place. Le gel persiste toute la journée et il s'est mis à neiger. Pour le plus grand bonheur des élèves qui en profitent pour faire des bonhommes et des batailles.
Un week-end à Pré-au-Lard est prévu ce jour-là et Albus a hâte de s'y rendre. Il a un cadeau à acheter, pour l'anniversaire de Scorpius. Il ne sait pas encore ce qu'il va lui prendre, mais il sait qu'il doit trouver quelque chose de particulier : demain, son meilleur ami aura dix-huit ans et le rejoindra du côté des élèves majeurs de septième année – la majorité des sorciers étant passé à dix-huit ans depuis quelques années pour mieux se fondre parmi les moldus*. Cela ne change que peu de choses tant qu'ils sont à Poudlard, mais il pourra apprendre à transplaner ! Albus a passé son permis juste avant les vacances de Noël puisque son anniversaire est en novembre. Une deuxième session est prévue à l'école avant les vacances de Pâques. Connaissant Scorpius, Albus est certain qu'il y parviendra sans mal et du premier coup. Son ami est du genre premier de la classe, studieux et sérieux, sans être le meilleur élève de son année, il se défend bien.
Albus s'habille chaudement et passe une cape d'hiver épaisse doublée de laine de mouton. Il adore ce vêtement que sa tante Hermione lui a offert l'an passé. Il enroule autour de son cou une écharpe aux couleurs de Serpentard, enfonce un bonnet sur sa tignasse en désordre et enfile ses gants.
Il se hâte vers le Hall et se fait sauter brutalement dessus à peine arrivé devant le grand escalier qui monte dans les étages. Il proteste vivement et repousse l'intruse en riant malgré tout. Une tornade aux cheveux roux lui sourit à pleines dents, fière d'elle-même.
— Tu abuses, Rose, tu aurais pu me faire mal !
— Tu parles… s'esclaffe sa cousine. Arrête de faire ta chochotte, tu n'as rien senti !
Albus ricane. Sa cousine est la seule personne qu'il autorise à lui dire ce genre de chose. C'est aussi la seule qui se permet de le faire, parce que l'annonce de l'homosexualité d'Albus n'a pas changé ses habitudes. Elle le taquine depuis qu'elle a appris à parler. Mais c'est bien l'unique individu qui le fait rire avec ce genre de chose. Il est habitué depuis deux ans aux remarques homophobes de ses « camarades » et cela ne le fait pas rire du tout. Il les ignore, mais ça reste douloureux. Heureusement, cela reste à la marge et la plupart des gens se comporte normalement ou ne lui parle pas. Et il est bien entouré : sa sœur, ses cousins et cousines sont là pour lui. Son parrain est directeur de Poudlard et il est également proche de Luna à qui il peut se confier en cas de besoin. Ses parents et ses grands-parents ont fait preuve de soutien et de compréhension, malgré un petit temps d'adaptation, et cela a aidé Albus.
Les deux jeunes sortent tranquillement du château en discutant, au milieu de tous les élèves qui veulent aller à Pré-au-Lard. L'ambiance est joyeuse, les rires retentissent dans l'air glacé. Quand ils arrivent dans la rue principale du village, Rose le tire immédiatement vers Honeydukes pour se remplir les poches de sucreries. Albus la suit avec plaisir, c'est l'occasion de refaire ses réserves de chocogrenouilles qui se vident aussi vite qu'elles se regarnissent alors qu'il y touche à peine. La faute à Scorpius qui vient fouiller dans ses tiroirs dès qu'il a le dos tourné. Et même quand il ne l'a pas d'ailleurs.
Après ça, Albus et Rose flânent un peu, ils hésitent sur la prochaine boutique à visiter. Finalement ils se retrouvent à Derviche & Bang. Le magasin a beaucoup changé depuis l'époque de leurs parents et il y a maintenant des rayons pour tout un tas de choses qui ne sont pas vraiment des objets magiques classiques. Albus observe les étagères et réfléchit à ce qu'il peut offrir à Scorpius – en plus de l'orgie de bonbons.
— Au fait, Al'… Ça va mieux ?
— Ça va un peu mieux. Je vais m'en remettre, tu sais, c'est rien qu'un bête chagrin d'amour.
Rose entoure les épaules de son cousin d'un bras et se colle un peu à lui pour lui montrer son soutien. Albus sourit de cette étreinte, Rose est une amie formidable pour lui. Elle a subi sa morosité pendant toutes les vacances de Noël, à cause de cet imbécile de Jackson qui a rompu dans le train du retour à Londres. Elle a fait son possible pour lui changer les idées et il lui en est reconnaissant.
Après trente minutes à fureter dans la boutique, Albus revient pour la troisième fois devant les vitrines qui contiennent des bijoux. Non seulement il n'a rien trouvé de concluant, mais en plus ces vitrines ne cessent de l'attirer. C'est tout de même idiot, il ne va pas offrir un bijou à son meilleur ami quand même ! Et pourtant, rien de bien ne lui fait envie. Albus craint la portée du geste : si Scorpius le prenait mal ? S'il interprétait ça comme une déclaration d'amour ou quelque chose du genre ? Non pas que cela dérange Albus. En réalité, ça ne lui poserait pas tant de soucis : Scorpius est son meilleur ami, son confident, la personne qu'il aime le plus dans ce monde après ses parents, son frère et sa sœur… S'il avait su que Scorpius pouvait être intéressé, il aurait envisagé sans aucune difficulté une relation amoureuse avec lui. Il aurait flirté avec lui, il l'aurait séduit. Mais voilà, Albus le sait : son meilleur ami n'a pas du tout l'air concerné par les relations amoureuses. Ni avec les filles ni avec les garçons, il ne cesse de répéter qu'il attend de trouver une personne qui fera battre son cœur. Sauf que cela n'est jamais arrivé jusque là.
Albus soupire, rien d'autre ne lui plaît, alors il suit son intuition et il demande au vendeur de lui mettre de côté un bracelet en cuir de dragon de couleur noire dont le fermoir est décoratif et représente un lien noué harmonieusement. Albus se dit que ça représente bien leur amitié. Puis il se met en quête de sa cousine, perdue au rayon maquillage magique.
Il retrouve Rose penchée sur les bouteilles de vernis qui réfléchit à haute voix. Il lève les yeux au ciel et la rejoint.
— Il serait temps de te décider, Rose ! Ça fait des plombes que tu es là.
— Hum, j'hésite encore. Je prendrais bien ce rouge-là, j'en ai presque plus depuis qu'on l'a utilisé à Noël. Ou bien une nouvelle couleur, ce violet est plutôt sympa, tu ne trouves pas ?
— Ouais, il est pas mal… Mais je pense que le bleu, là, t'irait mieux.
Albus attrape le flacon et le place à côté de sa cousine pour vérifier son impression. Ce bleu fait ressortir sa chevelure rousse, ça rend très bien. Celle-ci lui enlève des mains et son visage prend une expression concentrée. Avant de sourire franchement.
— Oui, le bleu est mieux. Mais je prends le violet quand même… répond-elle avec un air malicieux. Pour toi !
— Rose… C'était marrant de se maquiller dans ta chambre, mais je ne peux pas faire ça ici ! Imagine ce qu'on va me balancer à la tronche si je me balade dans les couloirs avec les ongles violets…
— Ça t'a plu pourtant, non ? Et en plus ça te va super bien. On s'en fiche de ce que pensent les autres ! Si tu aimes te maquiller, maquille-toi et envoie-les chier !
Albus hésite, tout en se remémorant les franches rigolades occasionnées par leurs séances de maquillage et de vernis pendant les vacances. Albus était triste à cause de sa rupture et Scorpius n'était pas présent pour le consoler, alors Rose avait pris sa place. Les cousins avaient passé les deux semaines ensemble, la majorité du temps enfermés dans l'une de leurs chambres du Terrier. Ils avaient lu, regardé des émissions ridicules sur la télévision que Rose avait extorquée à Molly et Arthur pour Noël, s'étaient racontés leurs secrets et s'étaient maquillés. C'était venu d'une impulsion d'Albus qui avait mis sa cousine au défi de le faire après l'avoir regardée s'apprêter. Il avait été surpris du sérieux avec lequel elle l'avait fait et surtout du résultat. Les premières fois avaient été plutôt ratées, jusqu'à ce qu'ils trouvent quel vernis lui allait le mieux et qu'ils réalisent que le fard à paupières vert ne marchait définitivement pas avec ses yeux de la même couleur. Finalement, Albus s'était trouvé beau avec ses paupières soulignées par un fin trait d'eye-liner et un fard rose très pâle. Mais ça, c'était dans la sécurité de leurs chambres d'adolescents, pas au milieu d'une école dont une partie des élèves lui reproche déjà de s'afficher ouvertement avec d'autres garçons.
Rose ne lui laisse pas l'occasion de refuser : elle prend les trois flacons de vernis – rouge, violet et bleu – récupère le mascara qui brille dans le noir, l'eye-liner qu'elle avait mis de côté et se rend à la caisse. Une fois sortis de la boutique, elle fourre le vernis violet et l'eye-liner dans la poche de son cousin. Elle refuse de laisser quelques réactionnaires empêcher Albus de faire ce dont il a envie. Maintenant tout est dans son camp à lui, il décidera ce qu'il voudra.
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Il est dix heures du matin en ce dimanche de février et Poudlard est au ralenti. Il fait un temps exécrable et personne n'a envie de sortir. Les élèves restent au chaud dans leurs salles communes, les plus studieux terminent leurs devoirs dans la Grande Salle – lieu de réunion des différentes maisons depuis des années maintenant – ou la bibliothèque.
Scorpius s'approche du lit où Albus est assis, les yeux dans le vague. Il s'installe avec précaution au bout du lit et tapote le genou de son meilleur ami.
— Qu'est-ce qui se passe, Al' ? Cela fait quelques semaines que je te trouve dans la lune…
— Rien… Je réfléchissais…
— À quoi exactement ?
Albus se tourne enfin vers Scorpius et ce dernier voit bien que quelque chose le tracasse. Ses sourcils froncés et son regard triste ne trompent pas. Il n'aime pas le voir malheureux, cela lui serre douloureusement le cœur.
— Rose m'a donné quelque chose l'autre fois. Quelque chose que je voudrais utiliser, mais j'ai peur de la réaction des gens. J'ai… j'ai même peur de la tienne, Scorp'…
Le regard d'Albus se voile de larmes contenues et Scorpius se doute de l'effort que ça a dû lui demander de lui avouer cela. Il se demande ce que Rose a bien pu lui offrir pour que ça le bouleverse à ce point. Il n'imagine pas de situation qui impliquerait de rejeter Albus. Il est trop important pour lui. Et même bien plus qu'Albus ne le croit.
— Je ne sais pas ce dont il s'agit, mais il n'y a pas de raison que je réagisse mal. Tu es mon meilleur ami, Albus, je… je tiens à toi et tu peux tout me dire.
Albus soupire et plonge son regard dans celui de Scorpius. Le cœur de ce dernier accélère un peu sous l'émotion de cet échange. Il se trouve pourtant ridicule, à se sentir aussi ému par un simple regard de son meilleur ami. Il lui sourit, pour le mettre en confiance. Soudain, Albus se lève et se rend jusqu'à sa malle dans laquelle il fouille un long moment. Il revient avec une main dans le dos, cachant quelque chose. Il se rassoit, plus proche de Scorpius qu'il ne l'était au départ, et ouvre son poing.
Scorpius découvre avec étonnement un flacon violet et un petit tube noir. Il n'a pas de sœur, mais il sait ce que c'est. Les filles de Serpentard se vernissent souvent les ongles en groupe dans la salle commune et se remaquillent parfois les unes les autres entre deux cours dans les couloirs. Mais pourquoi diable Rose a-t-elle donné ça à Albus ?
— Tu ne comprends pas, hein ? s'inquiète Albus d'une voix tremblante.
— Euh non, je l'avoue… Qu'est-ce que tu veux faire de ça ?
— C'est ça mon problème, Scorpius, je voudrais l'utiliser. Sauf que je peux pas.
Scorpius en reste interdit. L'utiliser ? Sur lui ? Il force son visage à rester neutre, il ne veut pas blesser Albus par une réaction inappropriée. Le mieux est encore de lui demander.
— L'utiliser sur toi ? Tu… tu as déjà fait ça ?
Albus le regarde et grimace un peu. Et puis il lui raconte ce qu'il a fait avec Rose pendant les vacances de Noël et leurs emplettes à Pré-au-Lard la veille de l'anniversaire de Scorpius. Ce dernier passe distraitement ses doigts sur le bracelet qu'Albus lui a offert à cette occasion, il ne le quitte que pour se doucher. Scorpius est surpris, mais surtout il comprend la crainte de son meilleur ami. Cela lui semble assez bizarre qu'il veuille se maquiller, il n'a pas l'habitude de ce genre de choses, il ne connaît aucun garçon qui fait ça. Pourtant, il veut soutenir Albus, après tout il a bien le droit de faire ce qu'il veut et ce n'est qu'une question de conventions, il en a conscience.
— Tu veux essayer ? propose-t-il alors sur une impulsion, curieux tout de même de voir ça.
— Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée, tu sais…
— Nous sommes seuls, Pierce et Nathaniel ne se montreront pas avant ce soir, tu le sais bien. Tu ne risques rien ici. Allez Al', montre-moi.
Le visage inquiet d'Albus se transforme alors et un sourire éblouissant l'éclaire. Il se jette sur Scorpius et l'enlace quelques secondes. Le cœur de Scorpius cogne fort dans sa cage thoracique et il sent ses joues chauffer légèrement. Pourvu qu'il ne se mette pas à rougir pour un bête câlin ! Mais Albus ne semble pas avoir remarqué quoi que ce soit et se rend aux sanitaires attenants au dortoir. Scorpius le suit et le regarde se placer devant l'un des miroirs, le petit tube serré dans sa main droite. Il l'observe en silence depuis l'entrée de la pièce pendant qu'Albus trouve enfin le courage de déboucher le tube et de l'appliquer sur ses yeux. Son visage est drôle, il grimace et tire un peu la langue, comme quand il réfléchit pendant une interrogation écrite. Scorpius sourit et se retient de rire, pour ne pas le déranger dans cette difficile entreprise. Il le trouve particulièrement adorable.
Quand Albus a terminé et se tourne vers Scorpius, il a un regard inquiet. Encore. Mais il n'y a pas de raison qu'il le soit : Scorpius ne trouve pas que ce soit si étrange que ça finalement. Ça manque un peu de précision, mais c'est tout.
— C'est pas très joli, s'excuse Albus, Rose le met mieux que moi… Mais tu en penses quoi ?
— C'est toujours toi, mais avec du noir autour des yeux. Ça rend pas si mal. J'aimerais bien voir ce que ça donne quand elle te maquille du coup.
Scorpius est sérieux, il ne trouve pas qu'Albus soit si différent avec ou sans ce maquillage. C'est toujours la même personne : le merveilleux garçon qui lui a offert son amitié dès le premier jour, sans hésitation, malgré son nom, malgré leurs noms. Non seulement tout le monde connaît les Malefoy – et le méprise – mais Scorpius sait aussi que son père ne s'est jamais entendu avec celui d'Albus. Et il n'est pas le seul à le savoir. Albus n'a jamais fait mine d'y prêter attention et leur relation est devenue fusionnelle. Par ailleurs, grâce à cela, leurs pères ont bien été obligés de se parler et ont maintenant une relation cordiale. Scorpius doute qu'ils deviennent vraiment amis un jour, mais tout peut arriver.
— On va la chercher alors ? propose alors Scorpius.
— Je vais pas descendre dans la salle commune comme ça ! s'affole Albus.
Il tente alors de se nettoyer le visage avec de l'eau et le résultat est désastreux : ça ne part pas, ça s'étale partout et il se retrouve avec des yeux entourés de noir, le faisant ressembler à un mignon panda. Scorpius ne peut réprimer son rire cette fois et Albus l'envoie chercher Rose d'un ton boudeur avant de s'enfermer dans la salle de bain.
Scorpius se met en quête de Rose Granger-Weasley. Il lui faut longtemps pour la trouver : elle est à la bibliothèque pour finir son devoir de métamorphose. Il la prend à part et lui explique à voix basse la situation. Cela la fait rire et elle accepte de le suivre, de toute façon elle a presque terminé.
Les rires résonnent tout le reste de la matinée dans le dortoir des garçons de la septième année de Serpentard. Rose apprend à Albus les sortilèges pour retirer facilement l'eye-liner sans produit nettoyant spécifique et elle le remaquille. Elle ajoute même le fard rose qu'ils avaient déjà testé à Noël et lui fait les ongles. Albus rougit, encore un peu gêné de faire ça devant Scorpius, mais ce dernier ne montre pas le moindre inconfort. Au contraire, il trouve Albus courageux. Et il ne peut que convenir que ce maquillage lui va bien, c'est indéniable.
Quand l'heure du déjeuner arrive, Scorpius et Rose encouragent Albus à se rendre dans la Grande Salle sans se démaquiller, mais c'est au-dessus de ses forces. Il est déjà épuisé d'avoir osé en parler à Scorpius et de lui avoir montré. Mais il se sent mieux d'avoir pu s'ouvrir à son meilleur ami.
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Les semaines passent et les choses ne changent pas beaucoup pour Albus. Il est submergé de travail pour préparer les ASPICs et cela l'arrange un peu : il ne pense pas tellement à ces histoires de maquillage. Cela le met parfois dans des états terribles où il se déteste d'être encore plus différent qu'il ne le pensait. Pourtant il est devenu doué et il s'enferme de temps à autre avec Rose et Scorpius dans une salle de classe vide ou leur dortoir pour essayer de nouvelles choses. Quand il arrive à passer au-delà de l'idée reçue qu'il ne devrait pas faire ça. Rose lui prête ses affaires avec un évident plaisir et Scorpius est d'un soutien à toute épreuve. Et un excellent juge du bon goût. Rien d'étonnant : étant donné son amour pour les fringues, Albus aurait pu deviner qu'il saurait dire au premier coup d'œil si telle teinte de fard, de vernis ou de rouge à lèvres ne marche pas sur lui. Cependant, en dehors de ces fugaces moments, Albus garde son secret bien à l'abri : personne ne doit savoir, cela finirait mal, il en est certain.
Quand les vacances de Pâques arrivent, le château se vide de la majorité de ses occupants, mais Albus et Lily sont forcés de rester. Ginny est en plein championnat de Quidditch, Harry est en France pour former en urgence un fabricant de baguettes suite au décès de son maître et même leur grand frère, James, ne peut revenir des États-Unis où il fait ses études. De ce fait, Scorpius reste aussi : il ne voit jamais Albus pendant les vacances habituellement, c'est une occasion en or. Leurs familles ont peut-être enterré la baguette de guerre, mais elles n'ont pas encore accepté que l'un passe ses vacances chez l'autre. De toute façon, après la fin de cette année scolaire, leurs parents ne pourront plus rien leur interdire : les deux garçons comptent bien prendre une colocation pour leurs études. Rose, elle, rentre avec Hugo chez ses parents.
Après les premiers jours durant lesquels les deux amis avancent sur leurs devoirs de vacances pour s'en débarrasser au plus vite, ils ont un peu le temps de flâner. Le temps est clément pour un mois d'avril et ils sortent beaucoup. Ce matin-là, Scorpius a pris son balai pour s'entraîner un peu et Albus le regarde depuis la plage au bord du Lac Noir. Il est seul, il profite de l'occasion, malgré les émotions contradictoires que cela provoque en lui : l'euphorie de faire ce qu'il aime et l'angoisse d'être anormal. Il sort sa trousse, enchante un miroir pour qu'il flotte à bonne hauteur et se maquille légèrement. Juste un trait d'eye-liner, du fard rose pâle et du vernis violet, son préféré. Puis il retourne à sa contemplation : Scorpius fait des voltes au-dessus de l'eau et s'amuse à l'effleurer. Albus sent que leur relation change, elle prend un tournant différent depuis qu'il s'est confié à son meilleur ami. Ses sentiments pour lui s'amplifient, il en a conscience et il ne sait pas quoi en faire. Il a l'impression que le regard de Scorpius sur lui s'est modifié et que cela a tout déclenché. Albus le trouve beau, il l'a toujours trouvé beau. D'ailleurs, Scorpius n'est pas étranger à sa prise de conscience concernant sa sexualité. Mais cela va au-delà de ça maintenant : Albus tombe lentement amoureux, il le sait.
Un bruit de pas attire l'oreille d'Albus qui se retourne brusquement pour voir qui c'est. Puis il retourne la tête de l'autre côté pour se cacher. Luna s'approche d'une allure tranquille et s'assied à ses côtés.
— Bonjour Albus, comment vas-tu ?
— Bonjour Luna, ça va… réponds Albus d'une voix peu assurée.
En dehors des cours, Albus a le droit de l'appeler par son prénom : il la connaît bien, c'est la femme de son parrain et la marraine de sa sœur. Albus prend garde à ne surtout pas tourner le visage vers elle. Il enfouit ses mains dans les manches de son sweat-shirt pour camoufler le vernis violet. Il tremble presque de peur qu'elle le voit ainsi. Comble de malchance, sa baguette est rangée dans son sac, et il ne sait pas se démaquiller sans.
Les minutes passent sans que personne ne parle. Albus n'ose pas lever les yeux vers Luna et il ne sait pas comment se dépêtrer de cette situation. Il sent ses mains devenir moites dans ses manches et son cœur battre trop vite.
— Il a du talent ton ami Scorpius, je l'avais déjà remarqué lors des matchs, dit soudain Luna d'une voix douce. Je ne devrais pas en parler, mais des recruteurs viendront assister au dernier match de l'année. Ils ont entendu dire qu'il y avait quelques joueurs et joueuses avec un certain talent… Scorpius a ses chances, je pense. Je compte sur ta discrétion bien sûr, personne ne doit le savoir.
Albus est un peu sonné par l'information. Scorpius lui parle si souvent de son amour du Quidditch que cette opportunité est une formidable chance ! Il ne lui dira rien pour ne pas le stresser, surtout si cela doit rester confidentiel. Mais il est si heureux pour son ami d'un coup que cela lui réchauffe le cœur. Et lui fait oublier un instant ce qu'il tente de cacher : il tourne le visage vers sa professeure pour lui répondre.
— Je… Oui, d'accord. C'est une bonne nouvelle ! Je pense que ça plairait à Scorp' d'être pro.
Il se rend compte après coup de sa bêtise. Il rougit brutalement et tourne de nouveau la tête sans rien dire et croise les doigts pour qu'elle parte le plus vite possible. Il compte les secondes dans sa tête et le temps s'étend horriblement.
— Si tu as besoin d'aide pour tes devoirs de vacances, n'hésite pas à venir me voir, d'accord ?
— Oui… lâche Albus d'une voix étranglée.
— Tu peux aussi venir si tu as besoin de parler. Quel que soit le sujet.
Albus comprend qu'elle lui tend une perche. Il refuse de la saisir, il ne se sent pas capable de faire ça. Il se met à prier Merlin, Morgane et tous les Fondateurs pour qu'elle s'en aille et qu'elle oublie ce qu'elle a forcément vu. Il se sent si mal, il veut juste qu'elle le laisse seul.
Enfin elle se lève. Elle reste immobile un instant avant de faire demi-tour.
— Ça te va bien ces couleurs, Albus. Bonne journée.
Et elle part, laissant Albus complètement sonné.
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Après les vacances, le marathon jusqu'aux ASPICs démarre. Les élèves sont ensevelis sous le travail et le stress. Albus ne s'est pas remaquillé depuis qu'il a été surpris par Luna, pourtant l'envie le démange régulièrement. Scorpius lui propose de faire le guet, mais cela ne suffit plus pour lui, il craint trop qu'on le voie. Entre ses révisions, ses sentiments pour Scorpius et ses tourments à propos des normes de genres, Albus est submergé et à fleur de peau.
Un dimanche après-midi du mois de mai, le bruit constant de la salle commune finit par excéder Albus qui se met à hurler sur un groupe de deuxième année qui joue un peu bruyamment à la bataille explosive. La pièce entière s'arrête et le scrute. Ses camarades de cinquième et septième années comprennent mieux que les autres le stress ambiant et la pression des examens, pourtant un tel débordement n'est pas bien perçu. La préfète de Serpentard lui demande de quitter la pièce pour aller se calmer et elle enjoint au groupe bruyant d'aller jouer dans leur dortoir pour ne pas déranger les autres.
Albus quitte la salle commune, la rage menaçant de déborder. Les poings serrés, il grommelle devant le mur pour demander à sortir et s'enfuit à grandes enjambées. Il court presque dans les escaliers qui remontent vers le grand hall, fait claquer les portes des couloirs et se rue jusqu'au parc. Il s'élance dès qu'il a passé la grande porte et s'enfuit littéralement jusqu'au lac, sous les trombes d'une averse.
Il s'arrête au bord de l'eau, essoufflé, les mains posées sur ses cuisses pour reprendre sa respiration. La colère a diminué pendant qu'il filait sur l'herbe mouillée. Il se sent triste maintenant, sa vie est difficile et il déteste ça. Il déteste surtout ce monde encore embourbé dans des carcans, dans des normes ridicules à propos du genre et de la sexualité. Il se redresse au bout d'un moment et inspire à pleins poumons l'air vivifiant de l'Écosse. Il est trempé jusqu'aux os, mais il n'a pas froid. Au contraire, l'eau qui ruisselle sur son visage lui fait du bien et il peut pleurer sans qu'on le voie. Pourtant, il n'y a aucun témoin à la douleur d'Albus : le parc de Poudlard est vide à cause de la pluie.
Albus reste longtemps à regarder les gouttes tomber sur la surface du lac, à écouter le son apaisant que cela fait. Ploc ploc ploc… Quand il se décide finalement à retourner au château, une silhouette émerge du rideau de pluie et se poste à ses côtés. Couvert par une cape sur laquelle glisse l'eau qui tombe du ciel, Scorpius l'a rejoint. Ses yeux clairs sont inquiets.
— Comment ça va, Al' ?
Albus hausse les épaules, il n'a pas envie de répondre à ça. Scorpius pose la main sur son épaule et serre un peu. Albus sait qu'il s'inquiète, il le voit, il connaît trop bien son meilleur ami.
— Al'…
— Je… j'en ai marre, Scorp' ! C'est trop dur tout ça ! J'ai envie de tout laisser tomber et de partir tout seul à l'autre bout du monde…
— Tout seul ?
— Probablement oui… soupire Albus. Je ne sais pas…
Albus sait que ses sentiments pour Scorpius font partie du problème. Tant qu'il est avec lui, les choses n'en seront que plus compliquées. Et pourtant, l'idée de ne plus voir son ami pendant des mois lui tord le ventre. C'est impensable. Et puis les ASPICs sont dans un mois, il ne peut pas tout laisser tomber comme ça. Il imagine la déception de ses parents en apprenant sa défection. Et quel mauvais exemple pour Lily !
— Albus, dis-moi ce qui ne va pas.
— Non, j'ai pas envie ! Je sais déjà ce que tu vas me répondre et j'ai pas envie d'entendre encore et toujours la même chose ! s'agace Albus en dégageant son épaule de la main de son ami.
Un simple coup d'œil suffit au cadet Potter pour savoir qu'il lui a fait de la peine. Le visage de Scorpius s'est refermé et ses yeux se brouillent presque. Et Albus ne supporte pas de le voir ainsi, il n'a jamais pu.
— Désolé, Scorpius, je ne voulais pas dire ça, je me suis laissé emporter.
— C'est pas grave, répond Scorpius d'une petite voix triste.
Albus sait qu'il le dit uniquement pour l'empêcher de culpabiliser et ses sentiments pour lui n'en sont que plus forts. Il ne peut plus garder ça pour lui, cela le ronge littéralement.
— J'ai un secret à te dire Scorp'… Promets-moi de ne pas te fâcher…
Scorpius hoche la tête et promet. La pluie tombe toujours sur les deux garçons : l'un déjà aussi mouillé qu'il est possible de l'être et l'autre protégé par sa cape. Il fait sombre, les rayons du soleil passent avec peine à travers l'épaisse couche de nuages noirs, et pourtant Albus voit parfaitement l'air intrigué de Scorpius. Il l'observe un instant : ses yeux bleus qui tirent sur le gris, comme un ciel voilé, ses pommettes hautes, son nez pointu, ses joues couvertes d'une courte barbe éparse de jeune homme. Albus aime son visage, il a envie de le toucher et de l'embrasser. Sans le quitter du regard, Albus se lance, il saute dans l'inconnu.
— Je t'aime, Scorpius…
— Euh… Bah moi aussi, Al', tu le sais…
— Non, tu n'as pas compris… Je suis amoureux de toi.
Voilà, la bombabouse est lâchée. Albus n'ose même pas cligner des paupières, de peur de rater la réaction de Scorpius. Mais il n'y a pas la moindre réaction négative sur le visage de son ami. Ni étonnement, ni peur, ni dégoût. Au contraire, un léger sourire en coin se dessine sur ses lèvres fines.
Puis Scorpius se rapproche d'Albus en franchissant le petit mètre qui les sépare. Ses mains jaillissent de ses manches et lui encadrent avec douceur le visage, ses pouces posés sur ses pommettes, le reste de ses doigts couvrant son cou et une partie de la nuque. Albus a la sensation que les mains de Scorpius sont brûlantes et il réalise qu'il a froid. Cela fait longtemps maintenant qu'il est sous la pluie et il n'a pas eu l'idée de se lancer le moindre sort de confort.
Le cœur d'Albus menace de sortir de sa cage thoracique tant il bat fort. Ses yeux scrutent le visage de Scorpius, maintenant à quelques centimètres du sien. Il le voit s'approcher encore, comme au ralenti, et poser ses lèvres sur les siennes. Il lui faut deux ou trois secondes pour s'apercevoir que Scorpius l'embrasse vraiment ! Son meilleur ami, le garçon dont il a fini par tomber amoureux, est en train de l'embrasser ! Ses bras se referment alors avec force autour de lui et il s'agrippe à sa cape trempée tandis qu'il répond au baiser. Les lèvres de Scorpius sont d'une incroyable douceur et Albus se sent presque défaillir de bonheur.
Le baiser s'intensifie rapidement et Albus glisse la langue dans la bouche de Scorpius qui l'accueille sans aucune hésitation. La température semble avoir augmenté de quelques degrés malgré la pluie qui les mouille tous les deux maintenant. Albus se cramponne à Scorpius comme si sa vie en dépendait et les mains de ce dernier ont quitté son visage pour attraper les cheveux d'Albus.
Quand ils se séparent, les deux garçons sont essoufflés par cet incroyable baiser et passablement excités. Les paupières d'Albus se rouvrent en même temps que celles de Scorpius et leurs regards se croisent. Albus ne peut se détourner, il se sent happé par ce qu'il voit dans ses iris. Scorpius confirme alors ce qu'il a déjà compris.
— Moi aussi, je suis amoureux de toi, Albus. Ça fait des mois que je cherche comment t'en parler…
Albus éclate de rire en réalisant qu'il n'avait aucune raison d'avoir peur de ses sentiments pour Scorpius. Ils sont vraiment nuls pour parler des choses importantes parfois ! Scorpius lui sourit en retour. Les deux garçons sont toujours accrochés l'un à l'autre, comme s'ils en avaient besoin pour réaliser ce qui vient d'arriver. Ils sont presque surpris de l'évolution des choses, pourtant d'autres personnes auraient pu prédire que c'était inévitable. Rose la première, ne cesse de répéter à qui veut l'entendre – mais surtout à Lily – qu'ils seraient parfaits ensemble. Les adultes de leur entourage également s'en doutent depuis longtemps, surtout ceux qui les voient au quotidien à Poudlard : Neville et Luna en particulier.
Finalement, la pluie les pousse à se mettre à l'abri et ils reviennent au château la main dans la main. Ni l'un ni l'autre ne compte garder cette relation secrète, ils sont déjà si proches que ça ne change pas grand-chose.
Quand Albus s'endort ce soir-là, l'une de ses sources d'inquiétude a disparu et c'est un soulagement. Il n'est pas assez naïf pour croire que les autres sujets seront faciles à vivre, mais il espère tout de même.
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Le mois de juin apporte le soleil et une relative chaleur au cœur de l'Écosse. Mais surtout la dernière ligne droite avant les examens. Il ne reste qu'une semaine aux élèves de cinquième et septième années. Le stress est ambiant et la seule préoccupation de tous les esprits est : réviser. Il est tel que certains ont acheté des gris-gris et porte-bonheurs pour s'assurer de réussir leurs ASPICs. Scorpius pense que c'est de la superstition, mais il préfère ne pas en faire la remarque aux concernés, de peur de provoquer une réaction disproportionnée. Tout est prétexte à s'énerver ces derniers temps.
Ainsi, le fait qu'Albus et Scorpius sortent ensemble est presque passé inaperçu, ils étaient déjà tout le temps collés l'un à l'autre bien avant. Leurs compagnons de dortoir continuent de les ignorer comme ils le font depuis deux ans, même si Albus n'a pas pu manquer les regards étranges qu'ils leur lancent de temps à autre. Il s'en fiche pas mal puisque Scorpius lui a assuré que les remarques des autres lui sont égales. Il a l'habitude d'être pointé du doigt, ignoré ou mal regardé depuis sa naissance de toute façon, rien que parce qu'il s'appelle Malefoy.
Le dernier week-end avant les ASPICs démarre enfin et les septième année profitent du vendredi soir pour se détendre un peu. L'ambiance dans les salles communes est électrique et nombreux sont ceux qui ont déserté l'intérieur. Les plus âgés bénéficient d'un couvre-feu plus tardif le vendredi et samedi soir et le parc est loin d'être vide.
Albus et Scorpius se sont isolés sous un arbre, à l'écart des autres. Ils sont allongés sur la cape de Scorpius et s'embrassent, leurs mains se faufilant sous leurs vêtements. Scorpius se redresse soudainement, puis se rassoit, les joues rouges et le souffle court. Il sait très bien que s'il ne s'arrête pas, Albus ne le fera pas or il n'a pas la moindre intention de jouir en public parce qu'Albus se sera trop frotté contre lui.
— Je… je crois que j'ai besoin d'une occupation pour me distraire, marmonne Albus qui se rassoit à son tour, les joues tout aussi rouges que celles de Scorpius.
Scorpius rit et lui ébouriffe les cheveux. Albus grimace un peu, il est partagé entre la gêne du geste et l'excitation que la main de Scorpius provoque toujours quand il le touche.
— T'as pas autre chose en stock ? Je crois que ça me fait bander encore plus, là…
— Tiens, essaie ça, alors, propose alors Scorpius en sortant de son sac la trousse de maquillage d'Albus.
Albus refuse immédiatement en repoussant l'objet, mais Scorpius insiste. La concentration nécessaire à cette activité supprimera toute envie coquine, Scorpius le sait parfaitement.
— Allez, personne ne nous voit ici et ça fait longtemps…
— Non, les mecs se maquillent pas, Scorp', c'était une erreur.
— Arrête avec ça ! On s'en moque des normes imposées par des coincés du cul hétéros ! Si tu aimes te maquiller, fais-le.
Albus baisse la tête vers ses pieds, le rouge de ses joues est encore là, mais la honte a remplacé l'excitation. Il ne sait plus ce qu'il doit faire, ce qu'il peut faire. Scorpius lui relève lentement le visage, ses doigts frais sur sa joue échauffée lui font du bien. Il se blottit un peu contre sa main et le regarde. Il se sent chanceux que son amour pour lui soit partagé, que ce garçon là, parmi tous les autres, l'aime également. Il ne peut rêver mieux que d'être avec son meilleur ami, celui qui l'aide à être lui-même depuis qu'ils se sont rencontrés. Celui qui l'a soutenu contre tous ceux qui l'ont insulté après son coming-out, qui l'a accepté tel qu'il est sans se poser de questions. Peut-être qu'il a raison, finalement ? Peut-être qu'il peut se maquiller ?
Il n'a plus du tout envie de Scorpius maintenant. Enfin, si, il a plus ou moins toujours envie, mais l'activité qu'il lui propose a détourné son attention de ce genre de choses. Ils pourront toujours se retrouver dans son lit ce soir de toute façon. Albus tend alors la main et attrape fermement la trousse. Scorpius lui cède avec un immense sourire qui lui crée des papillons de bonheur au creux du ventre. Il secoue la tête en se traitant lui-même d'idiot, être amoureux le rend vraiment fleur bleue.
Avec fébrilité, Albus ouvre la trousse et sort ce qu'il préfère. Il tend un miroir à Scorpius qui lui tient à la bonne hauteur et il s'observe quelques instants. Il prend une grande inspiration, tente d'apaiser la peur qui lui noue les entrailles et de se persuader qu'il a le droit de se maquiller.
Malgré les semaines sans y avoir touché, les gestes reviennent vite. Le plaisir associé aussi et Albus se sent bientôt parfaitement détendu. Ses yeux entourés de noir et surmontés de rose, ses lèvres légèrement brillantes et ses ongles violets lui plaisent. Albus se sent bien comme ça. Le regard de Scorpius ne l'a pas quitté tout du long et Albus y voit son amour. Ainsi qu'une certaine excitation, il s'en rend compte. C'est la première fois qu'il se maquille depuis qu'ils sont ensemble et Albus n'avait jamais réalisé avant que ça pouvait plaire réellement à Scorpius. Ce dernier ne tarde pas à le lui montrer : à peine Albus a-t-il rangé les produits que son amoureux se penche vers lui pour lui ravir ses lèvres.
— Hé ! Tu vas retirer tout mon gloss, le repousse Albus en riant.
— Tes lèvres sont encore plus appétissantes avec, c'est irrésistible !
Albus le repousse encore une fois avec douceur, le rire ne le quittant pas. Scorpius est fier de lui : Albus s'amuse et a oublié ses inquiétudes l'espace d'un instant. Son but est atteint.
Le temps passe vite et le couvre-feu arrive bien plus rapidement que les jeunes ne le voudraient. Pourtant, ils ne veulent pas être punis et rejoignent donc le flot des élèves qui rentrent au château. Albus a complètement oublié qu'il est maquillé : Scorpius et lui ont discuté longtemps après qu'il ait rangé sa trousse et cela lui est sorti de la tête. Les réactions ne tardent pas : le Hall résonne bientôt d'une rumeur désagréable et les premières insultes fusent.
— Alors, Potter, être une tapette te suffit pas, tu joues les travelos maintenant ?
— Tu te prends pour une fille, Potter ?
— On devrait t'interner à Sainte-Mangouste, Albus, avec les autres malades de ton espèce !
— Dégueulasse…
Les personnes à s'interposer sont minoritaires, mais Scorpius envoie balader tous ceux qui se moquent d'Albus avec un ton polaire. Albus a les joues en feu, il se maudit d'avoir oublié de se démaquiller. Sa réputation, déjà malmenée, vient de voler en éclat, il passe pour un pervers, un malade mental aux yeux des autres. Comme s'il avait besoin de ça. Il sort sa baguette dans l'idée d'effacer toute trace, mais Scorpius le retient.
— Ne les laisse pas gagner, Al'. Tu es beau comme ça, on s'en fiche de ce que pensent ces trous du cul !
— Scorpius, je peux pas supporter ça, gémit Albus, qui se sent malade de l'attention portée sur lui.
Il n'a jamais trop prêté l'oreille aux insultes et remarques sur sa sexualité, il a décidé rapidement que le soutien de ses proches était suffisant. Mais ça, ça, c'est différent. C'est tellement différent qu'il a peur que presque personne ne puisse le comprendre.
Il se hâte de traverser le Hall, passe devant la Grande Salle encore ouverte, Scorpius à ses côtés, poursuivis par les remarques désagréables et les coups d'œil curieux ou écœurés. Il a du mal à avancer, ses condisciples regroupés autour de lui le dérangent.
— Qu'est-ce qui se passe ici ? résonne une voix forte depuis la Grande Salle.
Tout le monde se tourne et Luna Lovegood apparaît, dans une robe de sorcière bariolée. Elle répète sa question et la moitié des élèves se hâte de partir, sentant venir une réprimande salée de la part de la professeure de Botanique.
— Tout le monde se moque d'Albus, Professeure, répond Scorpius, la tête haute. Et il a aussi été insulté.
Il n'a pas le moindre scrupule à balancer ces enflures, d'après lui ils méritent d'être punis.
Luna jette un œil circulaire dans le vaste espace du Hall et réalise que plusieurs groupes se pressent dans le grand escalier ou vers les cachots. Elle impose alors à tout le monde de s'arrêter, un Sonorus faisant porter sa voix jusqu'aux plus éloignés. Certains l'ignorent et s'enfuient, mais la plupart cessent tout mouvement avant de se tourner vers la directrice de Serdaigle.
Luna regarde alors Albus qui a les joues écarlates de honte, les yeux brillants de larmes, sa baguette à la main. La deuxième est fermement enlacée à celle de Scorpius qui menace tout le monde de son regard bleu-gris. Albus est maquillé comme la fois où elle l'a surpris au bord du lac et elle comprend immédiatement l'attroupement et les accusations que Scorpius a portées contre leurs camarades.
— Très bien. Pour rappel, toutes les discriminations sont interdites sous peine de lourdes sanctions et je suis persuadée qu'aucun de vous ne souhaite recevoir un blâme qui sera inscrit dans les dossiers scolaires que vous devrez fournir avec vos résultats d'ASPICs ?
Luna veut avant tout leur faire peur, même si elle est à deux doigts de tous leur coller un blâme pour l'exemple. Et leur faire comprendre l'intérêt de ne pas discriminer ainsi leurs condisciples.
— Par ailleurs, Albus est un être humain ressentant les émotions, tout comme vous. Que vous le trouviez différent ne vous autorise pas à le faire souffrir volontairement. Vous avez été cruels et insultants, tout autant que les sang-purs pouvaient l'être à une époque en traitant les nés-moldus de sang-de-bourbes ! Vous avez été aussi intolérants qu'eux !
Luna frissonne de dégoût d'avoir prononcé ces mots honnis, mais elle veut marquer les esprits. Et ça marche : la plupart des jeunes la fixent avec des yeux ronds et un air horrifié. Cette insulte n'a pas totalement disparu du vocabulaire, évidemment, mais depuis la Deuxième Guerre contre Voldemort, les choses ont progressivement changé et les principes sang-purs n'ont plus le monopole dans le monde sorcier. De fait, ces mots sont devenus rares dans les bouches des gens et chez les jeunes il n'y a quasiment plus de discrimination sur le statut de sang. Ils sont visiblement choqués.
— Si jamais j'entends encore une fois quelqu'un faire une remarque quelconque à Albus, ou à quelqu'un d'autre, sur sa sexualité, son genre, son apparence ou quoi que ce soit, il ou elle sera très sévèrement puni ! Et je compte sur Albus et sur les autres victimes pour venir m'en parler directement.
Quelques regards fuient Luna et cette dernière se demande s'il s'agit de bourreaux ou de victimes. Elle espère que sa mise en garde suffira pour cette fin d'année et se promet de faire un discours marquant à la prochaine rentrée, il faut qu'elle en parle avec Neville et les autres directrices de maisons. Elle disperse ensuite les élèves et retient Albus et Scorpius.
— Ça va, Albus ?
— Ça va… Merci Luna, chuchote Albus d'une voix tremblotante.
— Ne laisse pas les autres t'atteindre, Albus. Tu es parfait tel que tu es. Sois-en fier.
Albus hoche la tête, pas convaincu pour autant, mais un peu rasséréné tout de même. Il jette un regard circulaire : tout le monde est parti. Il en profite alors pour enlacer Luna, chose qu'il ne se permettrait jamais devant quiconque qui n'est pas Scorpius. Sa professeure lui tapote le dos gentiment puis l'envoie se coucher.
De retour au dortoir, Pierce et Nathaniel sont déjà là et regardent bizarrement Albus et Scorpius. Scorpius pousse immédiatement son ami vers la salle d'eau, mais une petite voix les interrompt :
— Euh… Albus…
Le jeune homme se tourne vers Nathaniel, étonné. C'est à peine s'il lui a parlé dix fois depuis deux ans.
— Je… J'étais là tout à l'heure. Dans le Hall.
— Et alors ? Tu veux en rajouter une couche ? réplique Scorpius avec hargne, prenant immédiatement la défense d'Albus.
— Non… Non… Je suis désolé de ce qui s'est passé. J'ai… J'ai essayé d'arrêter certains mecs, mais personne ne m'a écouté.
— Ah c'est nouveau ça ! Tu n'as plus peur de parler au pédé que je suis maintenant ? s'énerve Albus qui sent sa combativité reprendre des forces.
— Je n'ai jamais eu peur. C'est juste que… ça me met mal à l'aise… N'empêche, je trouve que les autres ont exagéré. Je ne comprends pas pourquoi tu fais ce genre de truc, mais on ne devrait pas t'insulter comme ça.
— OK… Merci, je suppose…
Nathaniel retourne à ses occupations et Pierce reste silencieux, mais Scorpius a l'impression qu'il est d'accord avec ce qui s'est dit. Il a un regard doux et un air peiné, il semble compatir avec ce qu'a vécu Albus. Tant mieux, peut-être que les relations dans le dortoir vont s'améliorer… À quelques semaines de la fin de Poudlard, il serait temps !
Albus reprend son chemin vers la salle de bain et Scorpius le suit. Il verrouille la porte et demande à Albus de s'asseoir sur le banc. Ce dernier agit sans trop réfléchir, il est vidé de toute énergie après ce qui s'est passé. Scorpius prend une petite serviette de coton doux et l'imbibe de produit démaquillant trouvé dans le placard d'Albus. Il s'installe face à son amoureux et frotte doucement son visage pour ôter toute trace de couleur. Il s'apprête à retirer le vernis d'un coup de baguette quand Albus l'arrête.
— Maintenant que les autres sont au courant… J'ai envie de le laisser. De toute façon, la rumeur aura fait le tour de l'école d'ici demain…
Scorpius sourit doucement à Albus, il est si fier de lui. Il sait à quel point Albus est tiraillé par les normes et à quel point il est difficile d'en sortir la tête haute. L'expérience dans le Hall a été terrible, mais Scorpius pense que cela a aidé Albus à s'accepter un peu plus. Surtout grâce au soutien de Luna, et il a l'impression de l'aimer encore plus pour ça. Il ne se fait pas d'illusions, le monde sorcier n'est pas encore prêt pour ça, pourtant les gens qui vivent en dehors de la norme existent, ils ont toujours existé. Albus sera confronté à des obstacles, c'est certain, mais Scorpius sera là pour les surmonter avec lui, pour combattre l'obscurantisme, de la même façon que la génération de leurs parents a combattu la suprématie sang-pur. Contrairement à son père au même âge, Scorpius sait qu'il est du bon côté cette fois. Celui de ceux qui feront changer les choses pour que le monde devienne meilleur.
Les douches sont vite expédiées et les deux garçons rejoignent leurs lits. Albus s'entraîne distraitement à faire voleter des objets en un ballet aérien au-dessus de sa tête et Scorpius reprend son roman en cours. La fatigue les rattrape rapidement, tout le dortoir est bientôt silencieux et plongé dans le noir. Cependant Albus n'arrive pas à trouver le sommeil, malgré son épuisement et le stress qui court encore dans ses veines. Au bout d'une heure à tourner sans cesse, il rejoint discrètement le lit de Scorpius et se glisse à ses côtés sous les draps. Scorpius s'éveille à moitié quand Albus se blottit contre lui. Ils se serrent l'un contre l'autre, heureux d'être ensemble et Albus s'endort en quelques minutes.
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Les ASPICs sont terminés et le Poudlard Express a ramené les élèves chez eux depuis une semaine. Scorpius a prévu une petite surprise pour Albus. Il n'est que dix heures quand il sonne à la porte de la maison Potter, mais il fait déjà chaud en ce dernier samedi du mois de juin. Il s'est habillé sobrement pour passer inaperçu dans le quartier moldu : débardeur noir, jean gris et baskets aux pieds. Sa silhouette mince est légèrement allongée par cette tenue et il sait que la couleur de ses vêtements fait ressortir sa peau pâle, ses cheveux blonds et ses yeux clairs.
Harry Potter ouvre la porte, visiblement surpris de trouver Scorpius Malefoy à sa porte. C'est la première fois qu'il vient ici, mais Albus lui avait donné l'adresse depuis longtemps.
— Scorpius ? Que fais-tu ici ? Je pensais qu'Albus devait te retrouver la semaine prochaine pour vos vacances…
— Bonjour Monsieur Potter. Je voudrais emmener Albus à la Pride de Londres. Il n'est pas au courant.
— Bonjour Scorpius, pardonne mon impolitesse. Bon… alors, entre. Je vais t'amener à sa chambre.
Scorpius suit docilement le père d'Albus le long des couloirs et dans l'escalier. La maison est assez grande et moderne, ce qui ne l'étonne pas particulièrement. Le couloir qui dessert les chambres est large et éclairé par un puits de lumière qui provient d'une fenêtre dans le toit. Les noms des enfants Potter sont inscrits sur les portes : Lily, James, Albus. La chambre de son petit-ami est tout au fond et son nom est écrit en vert. Vert comme Serpentard et comme ses yeux. Cela fait sourire Scorpius.
Son propre père est bien trop traditionnel – même si c'est sans commune mesure avec son éducation – pour accepter que sa chambre porte son nom en lettres colorées. Et pourtant il a à peine sourcillé quand Scorpius lui a appris qu'il sortait désormais avec Albus. Le jeune homme se doute que ça ne sera pas aussi facile avec sa grand-mère.
— Albus ? appelle Harry tout en frappant sur le battant de bois. Il y a quelqu'un pour toi ici !
La porte s'ouvre et il faut quelques instants à Albus pour voir Scorpius, qui attend juste derrière Harry. Son visage s'illumine aussitôt d'un sourire et il s'avance vers lui. Il amorce un mouvement pour le prendre dans ses bras, puis hésite. Scorpius décide alors de l'aider à prendre la décision et lui fait signe de venir contre lui. Le câlin est bref, socialement acceptable, surtout devant le père d'Albus, mais le jeune Malefoy en a le cœur qui bat. Ils ne se sont pas vus depuis une semaine : une éternité pour eux puisqu'ils ne se sont pas quittés depuis le retour des vacances de Noël six mois plus tôt. Scorpius n'ose pas l'embrasser, il ne sait pas ce qu'Albus a dit à sa famille à leur propos.
Harry les laisse et Albus l'invite à entrer dans sa chambre. Scorpius pose son sac à dos près de la porte et fait le tour de la pièce avec curiosité. Celle-ci est spacieuse et lumineuse grâce à une porte-fenêtre donnant sur un petit balcon qui semble faire le tour de la moitié de la maison. Un lit simple est placé dans le coin, dont les draps aux motifs enfantins sont défaits, une petite table de nuit encombrée le jouxte un bureau recouvert de livres, parchemins et choses indéterminées se trouve face à la porte, juste à côté de la fenêtre en face du lit, une grande armoire aux portes ouvertes déborde de vêtements roulés en boule ou accrochés à des cintres. Un immense tapis moelleux recouvre le milieu de la pièce et un tas de coussins et de poufs semblent y avoir été jetés au hasard.
Les murs sont recouverts de photos et Scorpius prend le temps de les regarder une à une : la famille d'Albus y a une grande place, ses parents, son frère et sa sœur, tous les Weasley et Rose en particulier, mais aussi son parrain Neville et sa femme Luna. Sur chaque photo où il est présent, Albus sourit ou rit, quel que soit son âge. Albus a toujours été un enfant heureux et insouciant, jusqu'à son coming-out où Scorpius l'a vu changer. Il est toujours heureux, mais a réalisé que la vie n'est pas aussi facile qu'il le pensait. Et les choses sont devenues bien plus dures cette dernière année.
Au-dessus du lit d'Albus, sont placées des photos de lui et Scorpius, depuis leur première rencontre dans le train au dernier jour d'école. Il y en a des dizaines. Scorpius n'a jamais vu ces clichés qu'Albus prend depuis toujours avec son appareil moldu. Ils sont immobiles, mais si beaux et si authentiques que Scorpius a le cœur qui se serre en constatant la place qu'il prend dans la vie de son petit-ami depuis le tout début.
C'est une chambre qui ressemble à Albus : pleine de vie et de désordre, pleine de moments heureux et de joie. Scorpius se sent privilégié de pouvoir enfin venir ici. Il se tourne vers Albus, qui a attendu patiemment qu'il ait fini de découvrir son univers, et cette fois n'hésite pas avant de le rejoindre pour l'embrasser.
Les mains plaquées autour de son visage, Scorpius pose ses lèvres sur celles d'Albus et se sent pousser des ailes. Il est si bon de sentir son petit ami contre lui, de respirer son odeur, de sentir ses mains dans son dos et de goûter sa bouche. Albus lui répond avec enthousiasme et le pousse jusqu'à son lit où il le fait basculer. Scorpius se retrouve brutalement allongé sur le dos et Albus le regarde comme s'il allait le dévorer. Ce dernier s'avance à quatre pattes au-dessus de lui et l'embrasse de nouveau en passant ses mains sous son débardeur. Scorpius se sent durcir et il a terriblement envie de le laisser faire, mais repousse Albus à contrecœur.
— J'ai envie de toi Scorp'… implore Albus en se collant un peu plus contre lui.
— Albus, soit raisonnable, ton père est en bas et je suis sûr que ta sœur est à côté. Et tu as laissé ta porte ouverte…
Albus se redresse d'un coup, un air grognon sur le visage et va fermer la porte. Puis il attrape sa baguette dans le fouillis du bureau et lance plusieurs sorts informulés. Il rejoint Scorpius sur son lit avec un sourire satisfait.
— Là, personne ne peut ni nous entendre ni nous surprendre !
— Al'…
— Vite fait, ça fait trop longtemps que je t'ai pas touché, supplie Albus en s'asseyant sur Scorpius qui s'est redressé sur ses coudes.
Albus sait être convaincant et ondule du bassin sur Scorpius qui n'a plus aucun argument pour le repousser, d'autant qu'il en meure d'envie lui aussi.
— OK, vite fait alors. Je me suis pas préparé avant de venir, moi !
— T'inquiète pas, je toucherai pas ton petit cul.
Scorpius éclate de rire et attrape Albus pour le tirer vers lui et le chatouiller, avant de l'embrasser. Ce dernier se laisse faire de bonne grâce, répond au baiser puis se relève. Il retire le pantalon et le boxer de Scorpius en quelques gestes et fait de même. Il fouille dans le tiroir de la table de nuit, en sort du lubrifiant qu'il étale sans attendre sur lui avant de faire de même sur Scorpius. Ce dernier étouffe un petit cri lorsque la main d'Albus le masturbe doucement.
— Te retiens pas, on peut pas nous entendre, le taquine-t-il.
— J'espère bien !
Albus sourit et s'installe à califourchon sur lui, exactement où il faut pour coincer le pénis de Scorpius entre son ventre et les fesses d'Albus. Puis il se penche pour picorer ses lèvres de minuscules baisers qui ont tendance à rendre Scorpius fou de frustration. Le mouvement d'Albus pour atteindre sa bouche fait bouger son bassin et le jeune blond comprend immédiatement ce que son petit ami essaie de faire. La sensation de pression sur lui est délicieuse, parfaitement dosée et ça glisse tout seul tant Albus a été généreux avec le lubrifiant. Sa phrase préférée pendant le sexe étant : « mieux vaut trop que pas assez ».
Scorpius sourit entre deux petits baisers, Albus est toujours excessif avec ces choses-là et ça finit souvent en franche rigolade. Ceci dit, au-delà du fait que rire est un excellent moyen de se détendre, Scorpius préfère qu'Albus soit prévenant. À leur première fois avec pénétration, Albus en a mis tellement qu'ils avaient du mal à se tenir l'un à l'autre tant ça glissait, mais Scorpius n'a pas eu mal non plus. Le fou rire qui en avait découlé reste encore en mémoire de Scorpius et amplifie son sourire.
Les mouvements du bassin d'Albus achèvent de faire bander Scorpius qui commence à avoir du mal à retenir ses gémissements. Et ses petits baisers qui se poursuivent ne font que le frustrer, il a envie de sentir la langue d'Albus sur la sienne, pas ces ersatz de bisous. Albus le sait et le fait exprès, il en a conscience. Alors Scorpius saisit son petit-ami en agrippant ses cheveux et relève un peu la tête pour plaquer sa bouche contre la sienne et prendre la direction des choses. Albus ne résiste pas et Scorpius le sent sourire contre ses lèvres. Il caresse ses lèvres de sa langue avant d'en franchir la barrière.
Albus accélère ses mouvements et le bruit humide de leurs corps l'un contre l'autre se mêle aux gémissements que Scorpius ne retient plus. Après tout la chambre est insonorisée, pourquoi s'en empêcher ? Le plaisir grimpe et Scorpius a chaud. Il finit par relâcher la bouche d'Albus et enfoncer sa tête dans le matelas, les yeux fermés sous les sensations. L'une de ses mains descend sur le torse d'Albus encore habillé de son t-shirt blanc, sans s'y attarder, pour rejoindre ce qu'il cherche. Il pousse gentiment la main d'Albus qui se masturbe et le remplace. Ce dernier souffle bruyamment quand la main de Scorpius s'enroule autour de lui. Et Scorpius se calque alors sur le rythme imposé par le bassin d'Albus.
La température grimpe de plusieurs degrés dans cette chambre d'adolescent et Scorpius a l'impression de s'embraser. Faire l'amour avec Albus est toujours une merveilleuse sensation, un bonheur à l'état pur et une explosion de sentiments. La montée du plaisir est rapidement atteinte, ils ne veulent pas prendre leur temps aujourd'hui, inutile de pousser leur chance, et l'apogée les laisse totalement pantelant. Albus s'allonge entièrement sur Scorpius, se moquant d'étaler un peu plus leurs semences sur leurs hauts. Ce dernier entoure son amoureux de ses bras et le serre aussi fort qu'il peut, passant amoureusement ses mains dans son dos.
Après un long câlin, Albus se redresse et part à la recherche de sa baguette pour les nettoyer, puis les deux garçons se rhabillent. Ils ont un sourire distrait sur les lèvres, encore baignés dans les hormones.
— Au fait, pourquoi t'es là ? demande Albus en annulant les sorts jetés sur sa porte.
— Hé ben il est temps de demander ! À croire que je ne te suis utile que pour baiser hein ! rétorque Scorpius en faisant mine de s'offusquer.
Les deux jeunes hommes se regardent et pouffent de rire. C'est bon de se retrouver, même si ça ne fait qu'une semaine qu'ils sont séparés. Scorpius va alors chercher son sac à dos resté près de la porte et l'ouvre. Il en sort un drapeau aux couleurs arc-en-ciel et une petite boîte noire, plate et rectangulaire.
— Aujourd'hui se déroule la Pride de Londres des moldus. Et on y va, explique Scorpius.
— Qu… Quoi ?
— Ne me dis pas que tu ne sais pas ce que c'est !
— Mais si, si, bien sûr que je connais, Scorp' ! Juste… pourquoi ? Et qu'est-ce que t'as dit à ton père pour justifier ton absence ?
— Mon père est au courant pour la Pride. Et pour nous deux aussi.
— Et il a accepté sans rien dire ? s'étonne Albus qui n'imaginait pas Drago Malefoy aussi progressiste.
— Il était étonné, mais il ne m'a fait aucune remarque désagréable. J'étais un peu surpris, j'avoue…
Albus a du mal à se remettre de la nouvelle, il s'imaginait que Scorpius serait forcé de cacher leur relation à sa famille. Et pourtant il a eu le courage d'en parler immédiatement sans savoir qu'elles en seraient les conséquences. Albus sent son cœur battre de bonheur devant cette preuve d'amour.
— Tu m'as toujours pas dit pourquoi tu veux qu'on y aille…
— Parce que notre monde est arriéré et que tu as… Non, nous avons besoin d'être avec des gens comme nous. Même si c'est qu'une seule journée par an.
— Oh, Scorp'…
Albus est intimement touché par l'idée de son petit-ami. C'est si attentionné de sa part et il sait qu'il a raison : leur monde est difficile pour les personnes LGBT+. Puisqu'il existe un soutien ailleurs, à eux d'aller le chercher.
Scorpius déploie le drapeau sur le lit d'Albus puis il ouvre la petite boîte qu'il a apportée. N'ayant pas de maquillage comme son amoureux, il s'est débrouillé comme il pouvait et a acheté une palette de maquillage pour enfant dans une boutique moldue avant de venir.
— Où est-ce qu'on peut trouver un miroir ici ? demande-t-il à un Albus médusé.
— Euh, dans la salle de bain, là dans le couloir…
— Prends ton maquillage et montre-moi où c'est.
Hébété, Albus guide Scorpius jusqu'à la salle de bain et ferme la porte derrière eux. Scorpius se place face au miroir et avec des gestes assurés il utilise le petit pinceau de la boite pour tracer trois bandes de couleurs sur ses deux joues : rose, jaune et bleu.
— Tu… tu m'as jamais dit que tu étais pan…
— Je ne le savais pas. J'ai fait des recherches sur internet dans un endroit moldu après être rentré à la maison et j'ai découvert tous ces trucs que les moldus ont trouvés pour se définir, explique Scorpius. C'est comme ça que j'ai eu l'idée de la Pride.
— Et tu vas y aller avec ça sur le visage ?
— Oui ! C'est ce que je suis et je suis fier de l'être. Je suis fier d'être avec toi et je veux le montrer au monde. Enfin au monde moldu déjà pour commencer… Et toi aussi tu vas montrer au monde qui tu es, Albus.
Albus hésite, ses mains sont moites et son cœur bat un peu vite : il a peur que sa famille le voit tel qu'il est vraiment. Les moldus de la Pride, il n'en a rien à faire, il ne les connaît pas, mais sa famille, c'est différent. Il n'a jamais parlé du maquillage à Lily ou à sa mère et il lui semble impensable que son père le voit maquillé. Heureusement que James est encore aux États-Unis…
— Fais-le, Al', ça te libérera, j'en suis sûr. Je serai avec toi, tu ne risques rien.
— Mais… Et si… ils me rejettent ?
— N'importe quoi ! Tes parents t'aiment et t'aimeront toujours. Ils ne vont jamais te rejeter pour un truc comme ça, voyons.
Albus regarde Scorpius qui a l'air si déterminé, si fier. Il a du mal à reconnaître le garçon timide qu'il a rencontré. Pourtant c'est vrai que Scorpius s'est affirmé avec les années et surtout ces derniers mois, il a soutenu Albus envers et contre tout, publiquement. Jusque là il a eu raison et Albus lui fait confiance.
Albus ouvre sa trousse et prend tout son temps pour se maquiller et se mettre du vernis. C'est relativement sobre, c'est ce qu'il aime. C'est ainsi qu'il se sent bien et se trouve beau. Scorpius le trouve beau lui aussi, parce qu'il rayonne de bonheur à cet instant. Mais il a encore quelque chose pour lui. Il sort un tube de sa poche et lui tend. Albus enlève le capuchon et tourne la petite bague : un bâton de rouge à lèvres rose pâle à paillettes violettes apparaît.
— C'est pour toi, ça t'ira très bien.
— Scorpius, non… Je vais pas mettre des paillettes !
— Et pourquoi pas ? On va à la Pride des moldus, Albus, pas au Ministère de la Magie ! Tu aimes ou tu n'aimes pas ?
Albus rougit un peu et sait qu'il doit combattre son sentiment d'illégitimité. Il a l'impression de n'avoir fait que ça de toute l'année, c'est épuisant.
— J'aime bien…
Un sourire rayonnant et victorieux se dessine sur le visage de Scorpius et éblouit Albus. Il est tellement amoureux de ce garçon ! Il se tourne vers le miroir et couvre ses lèvres avec ce rose pailleté. Il tourne sa tête de gauche à droite pour regarder le résultat, ça brille sous la lumière, c'est joli.
Scorpius tente de l'embrasser alors qu'Albus se tourne vers lui pour lui montrer. Albus se recule en riant.
— Tu vas en avoir partout, arrêtes !
— C'est l'idée…
Albus rit de plus belle et ressort le tube pour en mettre sur Scorpius qui se laisse faire de bonne grâce. Après tout, aujourd'hui ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent et peu importe si ça ne plaît pas.
— Tu es parfait maintenant, Al'… Allez, on va t'habiller !
Scorpius ramène Albus jusqu'à sa chambre. L'habillage se fait sans difficulté : Scorpius impose un t-shirt vert pour aller avec les yeux d'Albus et un short noir en jean. Puis il noue le drapeau en cape sur ses épaules. Albus est fébrile, un peu excité par ce qui se prépare. La crainte de décevoir son père est presque dépassée par l'envie d'être avec ses adelphes maintenant. Il se sent fort parce que Scorpius est avec lui et qu'il l'aime.
Quand les deux garçons descendent l'escalier, Scorpius prend la main d'Albus et entrelace leurs doigts. Il lui communique son courage du mieux qu'il peut.
Du bruit provient du salon : Harry et Lily semblent jouer à un jeu plutôt énergique. Scorpius passe devant son petit-ami en entrant dans la pièce dans laquelle le père et la sœur d'Albus sont en effet en pleine activité : ils dansent devant un écran lumineux qui diffuse de la musique. Scorpius se souvient d'avoir appris ce que c'est en cours d'Étude des Moldus, ça a l'air drôle, il faudra qu'il demande à Albus de lui montrer.
— Monsieur Potter ? On y va…
— D'accord, répond Harry en se tournant brièvement vers Scorpius et Albus, avant de se figer.
— Bonne journée, alors ! enchaîne Scorpius, ignorant l'air abasourdi du père d'Albus.
— Attendez ! Vous… euh… enfin vous y allez comme ça ?
— Oui, affirme le jeune homme, serrant la main d'Albus qui s'est rapproché de lui.
— Ah bon… Euh… D'accord. Alors… Bonne journée, balbutie Harry avant de se reprendre. Amusez-vous bien et faites attention à vous. À bientôt, Scorpius ! Et tu passeras le bonjour à ton père.
Albus expire dans le couloir ce qu'il avait retenu sans s'en rendre compte. Finalement ça s'est bien passé. Son cœur bat encore un peu vite, mais il se sent rassuré que son père n'ait rien dit. Il savait au fond de lui que ça ne risquait pas vraiment de provoquer de réaction violente, mais il avait peur de décevoir son père, peur qu'il ne soit pas le fils que son père aurait voulu. Mais Harry n'a pas montré de déception ou de dégoût, il a simplement été surpris d'après ce qu'Albus a perçu. Scorpius serre sa main et sourit à Albus. Il savait que ça se passerait bien !
— On va transplaner depuis le jardin, ça sera plus discret. J'ai pas envie que les voisins me voient comme ça… l'informe Albus en le tirant vers l'autre côté de la maison.
Scorpius le suit le long d'un couloir dont les murs sont ornés de photos de famille et de l'équipe de Quidditch des Harpies de Holyhead dont la mère d'Albus est entraîneuse. Scorpius sait qu'elle a été l'une de leurs poursuiveuses pendant des années. Il y a aussi des photos de paysages et des souvenirs de vacances, ou encore des vieux dessins d'enfants. Ils traversent ensuite une grande cuisine vivement éclairée par une large baie vitrée et la passe pour sortir dans le jardin. Il fait beau et chaud, quelques fins nuages blancs vaporeux flottent dans le ciel presque immaculé.
— Alors, on va où ? demande Albus.
— Le départ est proche de Hyde Park, mais je pense qu'il est préférable de transplaner par les cheminées du Ministère et ressortir par l'accès visiteur pour y aller en métro, il y aura beaucoup de moldus partout, on risque de nous surprendre.
— D'accord, rendez-vous au Ministère alors.
Un crac retentit et Scorpius disparait. Albus lève sa baguette au moment où la voix de Lily l'appelle :
— Albus !
La sœur d'Albus déboule dans le jardin en courant. Elle se place face à lui et le regarde avec de grands yeux tristes. Puis elle l'enlace brusquement et le serre contre elle. Albus est plutôt grand, mais du haut de ses seize ans, Lily se défend bien et n'a pas du tout l'air d'une jeune fille fragile et menue.
— Je suis si fière de toi, mon grand frère adoré. Si fière… lui chuchote-t-elle à l'oreille avant de se reculer.
— Merci Lily, répond Albus d'une voix légèrement étranglée par l'émotion.
Il se retient de pleurer, même s'il sait que le maquillage est résistant. Sa sœur lui sourit et ça lui réchauffe le cœur. Il transplane en la regardant. Quand il arrive dans le hall du Ministère, il retrouve Scorpius qui commençait à s'inquiéter. Il lui raconte brièvement l'arrivée inopinée de Lily, puis ils rangent leurs baguettes au fond du sac à dos de Scorpius et se mettent en route. Le hall est presque vide le samedi matin, ça arrange bien Albus.
Une fois dans la rue, les garçons se dirigent vers la station de métro la plus proche et pour rejoindre les environs de Hyde Park. Dans le métro, Albus a la déplaisante sensation qu'on le regarde, qu'on les regarde. Il ignore tant bien que mal cette impression en discutant avec Scorpius et plus les stations passent, plus ils se rapprochent de leur objectif, plus la rame se remplit de personnes qui semblent avoir la même destination. Il y a vraiment toutes sortes de gens et il remarque bien vite qu'il n'est pas le seul à être maquillé. Ces inconnus lui sourient et cela fait chaud au cœur d'Albus.
Il est l'heure de déjeuner quand ils sortent du métro. Scorpius achète pour eux des hot-dogs dégoulinants de sauce et des frites qui leur mettent du gras plein les doigts. Ils mangent dans les environs du départ de la Pride, entourés de gens hauts en couleur, de rire et de joie.
Quand l'heure approche, Albus et Scorpius se mêlent à la foule et rejoignent le flot monstrueux des personnes qui attendent que ça démarre. Il y a de la musique, des cris et des slogans, des rires, des gens qui s'étreignent en se retrouvant, des gens qui s'embrassent. Albus découvre avec stupeur qu'il est loin d'être seul à être différent, finalement. Son cœur se gonfle de bonheur alors qu'il se sent enfin à sa place, avec son amoureux, au milieu de ses adelphes. La vie sera peut-être difficile, mais il sait qu'il ne sera pas seul et cela lui suffit pour accepter d'être qui il veut être.
* Choix volontaire de ma part d'avoir passé la majorité des sorciers et sorcières à 18 ans.
Encore une fois : bon anniversaire Vince ;)
