Gays of thrones
Chapitre 2
Khal Drogo et Viserys
Visery Targaryen était né pour être maître de l'univers. Il l'avait toujours su : il avait vu le jour dans le Donjon Rouge, avait fait ses premiers pas sous le regard vide des crânes de dragons que ses ancêtres collectionnaient depuis des siècles, avait rêvé de supplanter son frère avant que d'autres s'en chargent à sa place, avait vécu tout cela dans le but ultime de s'asseoir un jour sur le trône de fer.
Mais, comme pour la plupart des personnages de cette saga, la vie avait été cruelle avec lui : on avait tué son père, son frère, on lui avait pris son trône, on avait enterré les crânes des dragons, et il avait dû fuir, traverser le détroit dans un bateau, parce qu'il n'y avait plus de dragons pour le porter, preuve s'il en est que les Targaryen avait beaucoup décliné depuis Aegon. Au lieu d'y voir un signe, de tourner la page et de passer à autre chose, Viserys avait attendu son heure. Mais son heure n'était jamais venue. Les années passaient, et Viserys attendait. Il ne savait plus rien faire d'autre.
Le résultat de cette passivité s'imposait de lui-même : il vivait dans un taudis. Fini, le palais joyeux d'Illyrio Mopatis à Pentos, désormais il errait dans le bourbier de Vaes Dothrak, entre les chèvres et le crottin de cheval. Et dire qu'il avait vendu sa sœur pour ça !
« Ce n'est pas possible ! » songeait-il. « Mon plan était pourtant parfait : je donne Dany à Khal Drogo, et il me donne son armée… C'était un deal honnête ! Qu'est-ce qui cloche là-dedans ? Hum… ça doit être cette petite gourde de frangine ! Elle n'a pas été foutue d'expliquer correctement à son sous-dev' de mari qu'il doit aller vers l'Ouest. Après tout ce que j'ai fait pour elle ! L'ingrate ! Je vais aller en toucher deux mots à Khal Drogo, on va discuter d'homme à homme, ce sera bien plus efficace ! »
Fort de cette sage résolution, Viserys entra sans s'annoncer dans la tente de son beau-frère. Khal Drogo était en train de fourbir ses armes, afin de mieux admirer le reflet de sa longue tresse lorsqu'il s'apprêterait à éviscérer un ennemi. Il était seul.
« Tiens, voilà le beauf' ! » déclara-t-il sans lever les yeux sur Viserys.
Ce dernier, qui ne comprenait pas le dothraki, bien qu'il fût citoyen du monde, ayant sa patrie à Westeros tout en ayant une langue maternelle inconnue là-bas, alla droit au fait : « Khal Drogo, faut qu'on parle ! »
« Ouais ben je t'écoute… », marmonna le maître de la steppe, qui pour sa part comprenait très bien la langue commune.
« Tu dois reconquérir mon trône ! »
…
…
Khal Drogo prit sur lui de ne pas exploser de rire. Il leva le nez vers Viserys : « Et pourquoi je ferais ça, ducon ? », demanda-t-il.
Viserys, qui n'avait évidemment pas compris la question, ni même perçu qu'il y en avait une, car le dothraki est une langue complexe, gutturale, avec plein d'intonations subtiles, et surtout parce que Viserys n'était pas franchement un gars intelligent, insista : « Ce trône me revient de droit depuis que j'ai cinq ans. Je t'ai donné ma sœur, et toi, que me donnes-tu en échange ? Rien ! Je n'ai droit à rien ! Ce n'est pas juste ! », conclut-il en tapant impérieusement du pied sur le sol en terre battue.
Donner ? Même en dothraki, Khal Drogo ne connaissait pas ce mot.
« Khal Drogo ne donne pas. Il prend. », dit-il.
Quand Khal Drogo donne, c'est toujours à une fin utilitaire : une jument pour sa femme, sinon elle ne peut pas suivre, un cheval pour un guerrier qui le sert, une ville à piller pour ses hommes, sinon ils l'abandonnent. Il ne fait pas de don, il fait du management.
« Tu veux ton fauteuil ? », demanda-t-il à Viserys, « tu n'as qu'à aller le chercher. Mes hommes qui voudront te suivre te suivront. On vit dans un monde libre ! », dit celui qui avait asservit des milliers d'êtres humains.
Viserys ne comprenait toujours pas, et il était à court d'arguments.
« J'exige que tu me donnes mon trône ! », cria-t-il.
Cette fois, il avait dépassé les bornes : personne ne haussait le ton devant Khal Drogo. Et Daenerys n'était pas là pour calmer le sang bouillant de son époux.
Khal Drogo était un gars simple : pour calmer un outrecuidant, il ne connaissait que deux méthodes. Si c'était un homme, il l'éventrait, lui arrachait la langue et les entrailles, et faisait parfois gicler ses yeux dans la foulée. Si c'était une femme, il la violait et elle lui donnait un fils (car il était tellement puissant qu'il les faisait toutes ovuler).
Mais là, il se heurtait à un problème philosophique : à quel genre appartenait Viserys ? Normalement, il aurait dû être un homme. Mais comment pouvait-on être un homme quand on n'avait jamais tué personne ? S'il n'avait été son beau-frère, ç'aurait fait belle lurette qu'on l'aurait castré et réduit en esclavage, comme le bœuf face au taureau. D'ailleurs Khal Drogo songeait que c'était quand même la honte pour lui d'avoir un parent aussi couille molle, mais il ne pouvait pas le reprocher à sa femme – la pauvre n'avait rien demandé.
Par conséquent, s'il ne pouvait regarder Viserys comme un homme, il devait le regarder comme une femme. Tout bien pesé, c'était la meilleure option : franchement, il faut être un sacré lâche pour arracher les tripes d'un puceau désarmé, et Khal Drogo avait une réputation à honorer : une grande tresse implique de grandes responsabilités.
Il décida de faire d'une pierre deux coups et d'en profiter pour vérifier le tranchant de ses armes. Se levant, il fait quelques pas vers Viserys en agitant son cimeterre. Celui-ci crut qu'il allait le frapper, et commença à transpirer. Khal Drogo s'en aperçut : « Tu as chaud, mon biquet ? », lui lança-t-il.
Et vlan !
La lame s'abattit sur Viserys, qui en un instant se retrouva dénudé, les habits en loques à ses pieds. Dans sa fougue, Khal Drogo l'avait légèrement égratigné sur la cuisse.
« Aoutch ! », dit Viserys.
« Mon Dieu, mais quelle chochotte ! », songea Khal Drogo. C'était définitif : des deux derniers Targaryen, il avait épousé le plus couillu.
Khal Drogo passa derrière Viserys. Nonobstant la taille plus haute et les épaules plus larges, avec son petit cul potelé et ses cheveux platine, il lui rappelait foutrement sa sœur. Il jeta son arme à terre et défit ses braies.
Viserys commençait à trouver la situation louche. La paume de Khal Drogo s'abattit virilement sur sa nuque et l'obligea à se ployer.
« Mais… qu'est-ce que tu fais ? », dit-il.
Décidément Viserys mettait beaucoup, beaucoup de temps à comprendre les situations les plus évidentes. Ce n'était quand même pas comme s'il n'avait jamais vu des Dothraki en rut. Mais au lieu de se sauver, même à poil et à quatre pattes, Viserys attendait des explications. Eh non, ce n'était même pas le choc qui le paralysait, c'était cette habitude qu'il avait d'attendre que les choses viennent à lui.
Et ça, Khal Drogo l'avait très bien perçu. Khal Drogo était un mâle alpha, une bête, il jaugeait au flair les autres mâles de son entourage. Avant même qu'il rencontre Viserys, il avait su à quel genre d'andouille il avait affaire : un crétin qui attend sa couronne, comme on attend le bus qu'on vient de louper. Sauf que la couronne, contrairement aux bus, il n'y en a qu'une.
Khal Drogo n'avait pas de couronne. Juste une ceinture en or qui scintillait autour de sa taille. Il n'avait pas besoin de fauteuil (surtout en métal… non mais vraiment, quelle idée ! Un siège froid et rouillé ! Même dans une brocante, personne n'en voudrait !), ni de couronne, un cheval, une arme et de la viande séchée sous la selle suffisaient à son bonheur et son honneur. On vous l'a dit, c'est un gars simple.
Viserys, lui, attendait. Il fut pour le moins étonné de recevoir, non pas des explications, mais un coup dans le derrière. Il fut projeté en avant, mais les mains de Khal Drogo le retenaient par les hanches, et il se prit, à moult reprises, une branlée qui lui tira des larmes des yeux. Il faut dire que les plaques dorées de la ceinture de Khal Drogo le fessaient méchamment. Viserys détestait ce ceinturon, définitivement. Impossible de dire ce qui lui était le plus douloureux : le dépucelage, la ceinture, ou la leçon de vie adulte qu'il se prenait. Dans tous les cas, ça faisait mal au même endroit.
En l'entendant gémir et renifler, Khal Drogo se dit qu'il ne s'était pas trompé : c'était bien une fillette.
