Gays of thrones

Chapitre 5

Les amantes de la Néra

La reine Cersei avait une vie de merde. Mariée de force, non aimée par son mari, maladroitement aimée par son frère, ignorant si elle était aimée de son fils, elle vivait dans un monde où régnaient la haine et la trahison. Ils l'avaient tous trahie un jour : son père en la vendant comme un cheval, pour un Bébert qui avait vite cessé de la monter elle s'était alors fait démonter par Jaime, lequel lui avait à son tour faussé compagnie en disparaissant à la guerre sans explication, ensuite son niais de cousin Orson… euh… Martyn… euh, non, Lancel, l'avait à son tour sautée, puis, une fois dépucelé par ses soins et sa pitié, l'avait quittée pour les septas. Non mais vraiment, elle avait une vie horrible.

Certes, elle avait toujours mangé à sa faim, et bu plus qu'à sa soif, elle n'avait pas été violée à l'âge de neuf ans dans un bordel sordide, ni ne s'était fait cramer par un dragon à l'âge de trois ans parce que son père l'avait obligée à garder les moutons, non, d'ailleurs, Cersei n'avait jamais vu un mouton de sa vie, elle n'en connaissait que la laine parce que c'était avec ça qu'on confectionnait ses robes, et elle avait toujours eu de beaux habits à sa taille. Et en plus, elle était jolie. Enfin, elle avait dû l'être, parce que l'aigreur, ça vous gâche la gueule.

Mais là, vraiment, on touchait le fond : Port-Réal était assiégée. Cersei s'était réfugiée avec ses dames et Ser Illyn, le bourreau muet avec une tête de tueur, dans le Donjon Rouge, et, surtout, beaucoup, beaucoup de vin pour passer le temps. Ainsi confinée dans cet espace à attendre une délivrance, soit la victoire, soit la mort, elle regardait les femmes qui l'entouraient.

En fait, elle en regardait une avec plus d'attention que les autres : la putain brune qui osait bavarder avec la petite Sansa. Cersei détestait l'idée qu'une autre femme adressât la parole à Sansa Stark, elle était à elle, c'était sa petite otage, sa petite colombe en cage, et vu que Joffrey n'en voulait pas, Cersei la gardait jalousement près d'elle. Sa passion qui l'avait prise dans les brumes du Nord (faut-il être désespéré pour tomber amoureux dans un endroit aussi brumeux !), et qui la consumait en secret sauf quand elle avait trop bu, la rendait tyrannique. Bon, d'accord, c'était sa nature profonde, mais jamais Cersei n'avait eu besoin à ce point d'avoir quelqu'un à elle, ni son frère, si ses enfants, qui de toute façon grandissaient trop vite comme des louveteaux, ne parvenaient à combler le vide qu'avait révélé la petite Sansa Stark à son insu. Cersei l'appelait sans cesse, il faut dire qu'elle avait étonnamment peu de suivantes, exigeait qu'elle mangeât avec elle, en famille, sous prétexte qu'elle allait épouser son fils et que de toute façon, il fallait rester entre têtes couronnées, ça maintenait l'ambiance, et l'espionnait à travers les feuillages des haies du jardin lorsqu'elle se promenait ou allait prier - pour ces secrets d'Etat, la reine n'aimait pas se fier à ses espionnes, il y a des choses pour lesquelles il faut oser retrousser ses manches, même si celles-ci sont incroyablement longues et larges et pas pratiques du tout.

Après deux ou trois verres de vin, un apéritif, la reine entonna son refrain : « Sansa, viens ici, petite salope… euh, petite colombe ! »

Sansa lui jeta un regard froid comme le vent du Nord, mais obéit. « Votre Majesté ? », demanda-t-elle en arrivant comme l'hiver, lentement mais sûrement.

Cersei, vautrée dans un fauteuil, une coupe d'alcool à la main, un véritable modèle pour les petites filles, la regarda de bas en haut. Cela prit quelques minutes, car Sansa était grande, bien roulée, et Cersei bien imbibée. Elle cherchait, dans les vapeurs de son esprit, quelque chose d'approprié à dire.

« Ta fleur rouge saigne-t-elle encore ? »

Non, vraiment, ne vous mettez jamais à boire.

Heureusement, Sansa ne comprit pas tout de suite : « Quelle fleur ? », avant de se reprendre : « Ah ! Euh… Oui, votre Majesté. »

« Parle plus fort, je ne t'entends pas ! »

« Oui, votre Majesté. », cria Sansa en rougissant.

Oh, qu'elle est jolie quand elle rougit, se dit Cersei. Et comme elle aimait la faire crier ! Sa fleur à elle émit de la rosée.

« Il faudrait que je m'en assure… », dit la reine en lorgnant le fond de sa coupe.

Sansa déglutit. Elle décida de jouer sa carte habituelle : celle de l'oie blanche.

« Mais, vous savez, votre Majesté, je ne comprends pas pourquoi vous appelez cela une fleur… »

Cersei la regarda, haussant un sourcil, on vous laisse deviner lequel.

« A ton avis, petite idiote… euh… petit canard… ah non, petite colombe ! »

« Elle n'a pas de tige… », expliqua Sansa, sentant confusément qu'elle s'aventurait sur un chemin dangereux.

C'est ça, songea Cersei, décris-la moi, ça m'intéresse !

« Il y en a une, dit-elle, mais tu n'as pas encore eu le plaisir de la découvrir ! »

Et mince ! songea Sansa, comprenant qu'elle était mal engagée.

« Et il y a aussi, ajouta la reine en fixant la robe de sa future bru au niveau du vertugadin, des pétales, un petit bourgeon bien discret, et même un nectar que d'aucuns se plaisent à goûter… »

« Le nectar rouge, votre Majesté ? », demanda Sansa.

Cersei jeta un œil à sa coupe : non, tout allait bien, elle était vide.

« Plutôt du blanc », dit-elle en tendant son verre à l'échanson.

« Alors pourquoi dit-on la fleur rouge ? », demanda Sansa, résolue à se rendre la plus niaise possible.

« Tu n'as jamais regardé quelle couleur elle avait ? », rétorqua Cersei, incrédule.

« Au vrai, je dirais que c'est plutôt violet… »

C'est toi qui va finir violée, songea Cersei, et pas par la soldatesque du vieux Stannis !

« Ou marron », ajouta Sansa, cherchant la couleur la plus moche possible. Elle fut tentée d'essayer vert caca d'oie à poix jaunes pour qu'on la croie infectée, mais elle ne savait pas mentir.

« Oui, pensa Cersei à voix haute, toutes les nuances de gris, vas-y, développe-moi ta palette ! »

« Enfin, dit Sansa, ça n'en a pas du tout l'odeur ! »

A cause désespérée…

Cela fit momentanément son petit effet : la reine resta interloquée. Puis, elle reprit l'avantage : « Non, c'est vrai. Cela a l'odeur du large quand on quitte Port-Réal… »

Sansa rougit de plus belle : était-ce l'imagination qui donnait ces idées à la reine, des souvenirs, ou sa propre odeur qui échappait à l'emprise de ses jupes ?

« … pour s'évader, loin, loin, loin de tous ces combats, tout ce sang… »

« Avec une fleur qui saigne ? ». Sansa se mit à réfléchir. Cela avait perdu son père mais tant pis !

« Ça suffit, dit soudain Cersei en posant sa coupe, viens t'évader avec moi, petit pigeon ! »

Elle se leva, empoigna la manche de Sansa (elle avait trop bu pour pouvoir attraper sa main), et la tira avec elle hors de la salle. Ser Illyn, qui avait reçu comme consigne de veiller sur elle (et de la tuer en cas de défaite) ne put la rappeler à l'ordre, vu qu'il avait la langue tranchée.

Alors qu'elle courrait à travers les couloirs vides du Donjon rouge, ses cheveux blonds rebondissant sur ses épaules et son dos, Cersei oublia le siège, ne songeant qu'à la manche de Sansa qu'elle entraînait avec elle. Un sentiment étrange la submergeait. Cela ressemblait à ce qu'elle avait éprouvé lors de ses noces avec Robert. Ou à la naissance de Joffrey. Comme un sentiment de triomphe. Une joie, le bonheur, peut-être ? Cersei n'y avait jamais vraiment cru le bonheur, c'est un peu comme les mammouths et les Géants, il faut le vivre pour y croire. Je dirais même plus que voir ne suffit pas : est-ce que Janos Slynt là-bas sur le Mur y croit, lui, au bonheur, aux mammouths et aux Géants, hein ? Mais on s'en fout de Janos Slynt, n'est-ce pas ? Cersei se surprit à sourire. Elle se sentait jeune, insouciante, heureuse.

Sansa s'étonnait de la solidité de ses manches. La reine tirait dessus comme une folle échevelée, et le tissu résistait. « Pas possible, songea-t-elle, même mes vêtements m'entravent dans ce palais ! »

Soudain, à l'entrée de la salle du trône, la reine s'arrêta. Sansa manqua de trébucher.

Sans qu'elle comprenne bien le pourquoi du comment, Cersei l'avait saisie par le bras (une course au frais dans les couloirs, ça dégrise) et plaquée contre l'un des portants de la porte. Elle réalisa que la reine essayait de défaire sa robe.

« Que la Mère m'ait en pitié, songea Sansa, voilà qu'elle va me torturer dénudée ! »

L'image de l'arbalète de Joffrey pointée sur elle, dans cette même pièce, lui revint en mémoire. Elle faillit en pleurer.

En fait de torture, Cersei glissa sa main sous ses vêtements et plaqua ses lèvres contre les siennes.

Sansa, interloquée, se laissa faire.

Les mains et les lèvres de Cersei étaient à la fois brutales, avides, et étonnamment douces (paraît-il qu'elle aime les lotions à la lavande… C'était ce qui se disait à Port-Réal, mais bon, tous des menteurs, Bonne Mère, à qui se fier ?). Sansa s'en trouvait agréablement surprise.

« Votre Majesté… », articula Sansa alors que la reine reprenait son souffle.

« Qu'y-a-t-il, petit pingouin ? »

« Je ne comprends pas… »

« Tu n'as pas à comprendre. Laisse-toi faire ! »

Ses griffes léonines se plantèrent dans la chair de sa proie. Sansa, pressentant vaguement qu'il se passait quelque chose d'anormal (et cela n'avait rien à voir avec les cris des soldats éviscérés sur le chemin de ronde qui retentissaient jusqu'à elles), lutta pour sauver ce qui lui restait d'honneur.

« Mais… si le roi nous voit ? »

« N'aie crainte, susurra Cersei à son oreille, je l'ai envoyé dans sa chambre, il dort à l'heure qu'il est ! »

Sansa songea que ce petit vicieux de Joffrey devait plutôt se branler tout seul devant sa hure en entendant les gens crever, et chassa cette vision de son esprit. Non qu'elle espérât encore préserver l'image du prince charmant aux cheveux d'or, ça faisait longtemps qu'elle en était revenue, mais imaginer Joffrey avait le don de la crisper. Donc bon, du balai !

Et maintenant qu'elle la regardait de très près, elle trouva que le fils ressemblait beaucoup à sa mère. Beaucoup trop.

Cersei aussi la fixait. Son haleine parfumée au raisin parvenait jusqu'aux lèvres de Sansa.

« Tu es si jolie, petit canari. », souffla la souveraine.

« Il paraît que je ressemble à ma mère… », dit Sansa.

« Tu as le teint rosé d'un petit saumon. », concéda Cersei.

Le teint ? Sansa se surprit à regretter de ne pas ressembler davantage au blason des Tully. Est-ce que Cersei aurait emballé un thon, franchement ?

Pourtant, les mains de la reine se faisaient douces, charmeuses. Sansa sentait le feu lui monter aux joues, et quelque chose vibrer en elle, quelque part dans ses entrailles. Dehors, les cris de douleur des soldats qui agonisaient déchiraient ses oreilles, c'était plus fort qu'une soirée en boîte de nuit, et dedans, les doigts de Cersei déchiraient son hymen, c'était plus fort qu'une étreinte après une soirée en boîte de nuit. Et son cœur n'arrêtait pas de battre.

« Je… je vais mourir ! », gémit Sansa au bord de l'évanouissement.

« En effet… », murmura Cersei en avisant la troupe de soldats sanguinaires qui déferlait soudain dans la salle du trône, leurs épées dressées, en poussant des cris affreux.

Mais Sansa Stark ne mourut pas cette nuit-là. Face à l'escadron hurleur qui fonçait sur elle tel un gerfaut, Cersei se retira promptement des cuisses douillettes de la jeune fille pour appeler Ser Ilyn Paine à la rescousse. Malheureusement Ser Ilyn était trop loin. Sansa resta donc sur sa faim et, reprenant ses esprits et ses habits, elle vit Lord Tywin Lannister, sur son fier destrier, clamant à la cantonade : « La bataille est terminée. Nous avons gagnée. ».