Disclaimer : Les personnes trans sont tous·tes merveilleux·euses et plus courageux·ses que Godric lui-même. Celleux qui œuvrent contre leurs droits méritent qu'on leur crache au visage.

Attention : Rated M et relation M/M. Thématique du suicide, de la dépression et de l'addiction. Vous lisez en connaissance de cause.


Des mercis et des bisous à Luluberlue972, Tiph l'Andouille, Cha, NyannaCh, FoxCha24 , Miss MPREG,Sun Dae V et MmeDeLux pour leur review. Vous avez été le véritable soleil de mon été ! Keur:keur:keur sur vous !


RàR :

Cha : Hey ! Merci beaucoup pour ta review et bienvenue par ici ! Ravie d'avoir été à l'origine d'un petit binge reading xD Tes compliments m'ont également beaucoup touchée. J'ai une grande tendresse pour Reggie et cette dernière n'a fait que grandir avec l'écriture de cette histoire ! Je te laisse avec la suite ! Bonne lecture !


Bonjour à toutes et à tous !

Et oui, c'est (enfin) la rentrée par ici ! L'été est passé à mille à l'heure, j'ai bien profité du soleil et des gens que j'aime, j'ai beaucoup marché et un peu écrit.

Le retour à la normale a été un peu plus abrupte que prévu et je sens que l'année va être aussi chargée que la précédente xD

A part ça, je vois la fin des dernières corrections que je devais apporter ici et là du côté de Gravity (qui termine vraiment cette histoire). J'ai bon espoir de retrouver mon ado terrible avant la fin du mois, en espérant qu'elle ne m'en veille pas trop de l'avoir un peu abandonnée ^^''

Sinon, un nouveau chapitre par ici. Alors, je l'aime beaucoup, et je suis assez fière de ce que j'ai réussi à écrire, mais celles et ceux qui me suivent depuis un moment savent que c'est souvent le signe qu'il faut sortir les mouchoirs. Vous voilà prévenu·e·s !

Bonne lecture !


Une fois n'est pas coutume, un grand merci à Sun Dae V pour la relecture et ses retours enthousiastes ! Je vais donc redire une fois de plus : sa fic La Course au Chien Sauvage est un must-read si vous aimez Sirius Black !


Black Sunset

Spin-Off : Gravity

Chapitre 13


Gravity : A mutual physical force of nature that causes two bodies to attract each other.


Winter 1993

Noël excepté, la librairie était rarement bondée. C'était une des raisons pour laquelle il adorait y travailler, d'ailleurs. La certitude de n'être importuné que par une trentaine de personnes les mauvais jours était quelque chose de très rassurant. Cela ne signifiait pas qu'il s'ennuyait. Il y avait les rayons à ranger – parce que, parfois les clients n'étaient pas fichus de reposer un livre à l'endroit où ils l'avaient pris –, les commandes à organiser ou un livre rare à débusquer.

Dans le pire des cas, il trouvait le temps de lire – parfois même s'installait-il au fond de la boutique, sur le vieux fauteuil en cuir vert près de la cheminée qui lui rappelait un peu la salle commune des Serpentards –. Il n'irait pas jusqu'à dire que ces journées-là étaient ses préférées, mais on faisait difficilement mieux que d'être payé pour faire quelque chose qu'on considérait comme un loisir.

Ceci étant dit, aujourd'hui ne s'annonçait pas comme une bonne journée.

Samedi ou pas, les clients se succédaient les uns après les autres comme si quelqu'un avait annoncé à la radio que lire était la dernière tendance à la mode. Il y avait plusieurs personnes dans chaque allée. Des enfants jouaient – criaient – dans la boutique et si quelqu'un d'autre lui demandait un exemplaire de Moi, le Magicien de ce crétin de Gilderoy Lockhart, un maléfice allait lui échapper.

Quand le téléphone sonna, il envisagea très sérieusement de l'ignorer.

Une femme croisa son regard à ce moment-là et lui donna l'impression de fondre sur lui tel un rapace qui aurait aperçu un lapin depuis le ciel. Entre son âge – une petite quarantaine – et son genre, il pouvait presque deviner ce qu'elle voulait.

Le téléphone se transforma donc en une parfaite excuse pour l'esquiver.

- Librairie Les mots magiques, j'écoute.

- Nigel ? C'est Bilal.

Il se figea.

Autour de lui, les autres sons s'estompèrent, comme s'il venait de se lancer un têtenbulle. En quatre ans, il pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où Bilal s'était permis de l'appeler, lui, à la librairie.

Ça n'avait jamais précédé une bonne nouvelle.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-il aussitôt.

Le bref silence à l'autre bout du fil lui donna mille occasions d'imaginer le pire. Merlin en soit remercié, Raphaël n'était pas un Auror, il ne risquait pas sa vie tous les jours. Il était un Médicomage à l'hôpital des Anges.

Parfois – parfois – la magie et la douleur se transformaient en un cocktail dangereux – explosif, même –. Raphaël avait déjà été blessé.

Apparemment, ça faisait partie du charme des Urgences.

- Euh, je ne sais pas trop, à vrai dire. Tu pourrais venir ?

Bilal était quelqu'un de nature enjouée. Son ton sérieux lui donna l'impression que son sang venait de se glacer dans ses veines. La main qui tenait le combiné devint moite.

- Je serai là dans cinq minutes.

Bilal eut un soupir soulagé.

- Je t'attends à l'accueil.

- Entendu.

Il raccrocha aussitôt, envoyant au diable les formules de politesse. La cliente à laquelle il avait espéré échapper se pencha au-dessus du comptoir.

- Monsieur, je cherche le livre…

- I don't care, la coupa-t-il sèchement.

Elle eut un mouvement de recul, sans doute plus décontenancée par son ton mordant que par ce qu'il venait de dire.

D'une façon ou d'une autre, Raphaël avait besoin de lui. Il se fichait bien de ce qu'elle cherchait comme il se fichait de toutes ces personnes entassées comme des sardines dans la boutique. Il attrapait sa cape quand Eugène le saisit par le bras.

- Où crois-tu aller comme ça, Nigel ?

- Aux Anges. Raphaël a besoin de moi.

Eugène écarquilla les yeux, puis le dévisagea, sa main toujours verrouillée sur son bras.

- Ton Soigneur est un grand garçon, je suis sûr que ça peut attendre le temps que tous ces braves gens soient servis.

Il y avait comme l'ombre d'une menace dans sa voix. Son expression fermée semblait le mettre au défi de le contredire.

Il se dégagea sèchement.

- I don't care about these idiots.

La porte était juste derrière lui et quelqu'un la poussa à ce moment précis, facilitant sa fuite. Il transplana dès qu'il fut dans la rue.

Si on lui avait demandé combien de personnes il avait croisé entre la zone de transplanage des Anges et le hall d'accueil, il aurait été incapable de répondre. La seule chose à laquelle il était capable de réfléchir était au moyen le plus rapide pour rejoindre Bilal et de faire taire du mieux qu'il pouvait la petite voix au fond de son crâne qui inventait des scénarios catastrophe.

S'il avait pu, il aurait même couru.

Bilal s'avança dans sa direction dès que leurs regards se croisèrent.

- Il a été blessé ?

Bilal le menait en direction de l'aile des Urgences, ce qu'il n'aimait pas.

- Je ne crois pas.

- Tu ne crois pas ?!

Bilal passa une main dans ses cheveux noirs.

- Il s'est enfermé dans une salle d'examen depuis plus d'une heure et il ne répond plus.

- Et personne n'a été fichu de forcer son sortilège de verrouillage ?

- Crois-le ou pas, mais personne n'est capable de rester devant la porte plus d'une minute sans se sentir mal. C'est comme s'il s'était enfermé avec un Détraqueur ou quelque chose du genre.

Il se stoppa net au milieu du couloir. Bilal l'imita avec deux pas de retard.

- Je te jure que c'est vrai !

Oh, il n'en doutait pas une seconde. Il était assez bien placé pour savoir que les projections d'un empathe pouvaient avoir cet effet-là sur quelqu'un, surtout quand on ne s'y attendait pas. Ce qui était inédit, c'était qu'il fallait être en général à côté de Raphaël, voire même le toucher, pour en ressentir la pleine puissance.

Quelque chose de grave avait dû se produire pour que Raphaël perde à ce point le contrôle sur son empathie.

- Que s'est-il passé, exactement ?

L'expression de Bilal s'affaissa. Son regard noir, d'habitude pétillant de malice, devint presque mat.

- On a perdu un patient un peu plus tôt.

Il pencha la tête sur le côté. C'était loin d'être la première fois qu'une telle chose arrivait. La magie ne pouvait pas sauver tout le monde. Parfois, quelqu'un était touché par un maléfice rare et dévastateur, une expérimentation en potion tournait mal ou il était juste trop tard pour éviter le pire.

Raphaël en souffrait plus que ses collègues puisque, dans ce genre de situations, il devait gérer les émotions des autres – le personnel des urgences, la famille de son patient – en plus des siennes. Ces jours-là, il lui fallait l'équivalent d'un marathon, d'une longue séance de méditation et, plus surprenant, sa présence, pour qu'il retrouve sa sérénité – et un contrôle total sur son empathie –.

Ce n'était pas normal.

- Et ?

Bilal grimaça.

- Je n'ai pas tellement le droit de t'en dire plus, Nigel, désolé.

La colère chassa l'inquiétude. Il fit un pas vers Bilal.

L'espace d'une folle seconde, il se vit sortir sa baguette magique et lui arracher les réponses à ses questions – Bellatrix lui avait appris de nombreux maléfices qui lui permettraient d'arriver à ses fins – mais sa conscience fit voler en éclat sa fantaisie funeste, lui laissant un goût immonde dans la bouche.

- Je ne peux pas aider Raphaël si je ne sais pas ce qu'il s'est passé, dit-il plutôt.

Il y avait l'écho d'une supplique dans sa voix, ce dont il avait horreur, mais il se serait volontiers mis à genoux si cela avait la moindre chance de faire céder Bilal.

Il vit le Soigneur capituler à la façon dont il détourna le regard.

- Un gamin de quinze ans a fait une overdose de drogue. On a tout essayé pour le récupérer mais il était trop tard. Il a fait un arrêt cardiaque. Raphaël a essayé de le réanimer pendant plus d'une demi-heure. On a dû s'y mettre à deux pour qu'il arrête.

Ses entrailles se glacèrent à nouveau.

Ça expliquait beaucoup de choses.

Il prit une profonde inspiration.

- Je vois. En avant.

La salle d'examen où s'était retranché Raphaël était situé au bout du couloir. Une autre de ses collègues – dont il ignorait le prénom – semblait monter la garde.

- Qui c'est ? demanda-t-elle à Bilal.

- Le copain de Raphaël.

C'était peut-être juste dans sa tête, mais il avait déjà l'impression de sentir l'empathie de Raphaël là où il était. Si c'était vraiment le cas, il doutait un peu de pouvoir être dans la même pièce que lui sans avoir l'impression de devenir fou.

- Il me faudrait du Philtre de Paix. Le plus concentré que vous auriez. Et de la potion de Sommeil sans Rêve.

La jeune femme – elle ne devait pas avoir vingt-cinq ans, il ne serait pas surpris qu'elle soit la dernière Apprentie du service – secoua la tête.

- On a pas le droit de donner des potions comme ça à n'importe qui.

Il lui adressa un regard sombre, ouvrit la bouche.

Bilal l'interrompit d'un geste.

- Ce n'est pas n'importe qui, Estelle, et je m'occuperai de la paperasse plus tard. Va nous chercher ça, s'il te plaît.

Estelle hésita une seconde de plus avant de s'éloigner, ses talons claquant sur la pierre du couloir.

Il fit un premier pas vers la porte, son esprit dirigé vers le Mur qui était censé protéger son esprit et qui ne serait qu'une barrière faite de paille face à l'empathie de Raphaël.

Il avait eu tout le temps de lire les rares ouvrages écrits sur le sujet. Pour tout ce qu'il avait réussi à découvrir, il n'existait pas vraiment de moyen de se protéger d'une projection.

Bilal attrapa son bras avec douceur.

- Tu sais ce qu'il a, pas vrai ?

- Oui. Je vais le ramener chez nous et je doute qu'il revienne travailler avant plusieurs jours. D'où peut-on transplaner dans cet hôpital ?

- Si Raphaël a toujours son badge sur lui, tu devrais pouvoir transplaner depuis la salle d'examen. Dans le doute, prends le mien. Je préviendrai la cheffe de service.

Le petit rectangle en plastique – orné d'une photo de Bilal et du symbole des Anges – semblait un peu banal mais il sentit la magie qui le saturait quand il toucha sa peau.

Il pouvait reprocher ce qu'il voulait aux français, mais certains d'entre eux étaient de très bons sorciers.

Estelle revint à ce moment-là, deux bouteilles dans les mains qu'elle lui donna à regret.

- Pas plus de trois gorgées toutes les quatre heures pour le Philtre de Paix et deux gorgées maximum pour la potion de Sommeil sans Rêves.

Bilal se pencha vers lui.

- Raphaël pèse au moins quatre-vingts kilos et il est en excellente santé. Tu peux être un peu plus généreux sur les dosages.

Il hocha la tête. C'était aussi bien, parce qu'il était convaincu qu'il lui faudrait au moins ça pour réussir à ramener Raphaël chez eux.

- Merci. Je te tiendrai au courant, Bilal.

Il prit une dernière inspiration, enferma toutes ses émotions – son inquiétude, surtout – dans un coin de son cœur, puis rejoignit la porte.

Au bout de deux pas, il comprit qu'il n'avait pas imaginé l'effet de l'empathie de Raphaël. Ses poils étaient en train de se hérisser partout sur son corps. Il pouvait sentir la température se refroidir à mesure qu'il se rapprochait de la porte.

Il comprenait un peu plus pourquoi Bilal avait mentionné les Détraqueurs.

D'ici à ce qu'il ait rejoint le battant de bois, le désespoir qui saturait l'air s'était infiltré dans ses poumons – dans son cœur, dans chacune de ses cellules –. L'avant de son crâne semblait vouloir exploser et son cœur battait à grands coups dans sa poitrine, comme s'il peinait à recevoir de l'oxygène.

Puisque le monde se mit à tanguer un peu autour de lui, ce n'était peut-être pas qu'une impression.

Il serra les dents – il en avait vu d'autres – puis frappa.

- Raphaël ? C'est moi. Je vais entrer.

Seul le silence lui répondit.

Faire de la magie tout en luttant pour ne pas se faire complètement absorber par la projection de Raphaël n'était pas évident. Il dut s'y reprendre à quatre reprises pour venir à bout du sortilège de verrouillage de Raphaël.

A l'intérieur, il faisait sombre et tous les meubles semblaient avoir été jetés contre le mur à sa gauche. Son cœur se serra quand il trouva Raphaël prostré dans le coin le plus éloigné de la porte.

Les mains agrippées à ses cheveux comme s'il essayait de les arracher à pleines poignées, il se balançait d'avant en arrière en gémissant.

Le froid de sa projection était encore plus intense.

La sensation de son désespoir aussi. Sans vraie surprise, des larmes commencèrent à rouler le long de ses joues.

Des souvenirs commençaient à se réveiller dans sa mémoire. Quand il cligna des yeux, il fut presque sûr de voir les rives du lac.

Les visages décharnés des Inféris.

Son moignon devint douloureux.

Il referma soigneusement la porte derrière lui.

Ignorant la pression de plus en plus douloureuse sur son esprit, son cerveau, son cœur, son corps, il rejoignit Raphaël puis s'agenouilla devant lui.

- Raphaël ?

Sans vraie surprise non plus, il ne réagit pas.

Il se demanda s'il ne serait pas plus sage de le Stupéfixier là, maintenant. Le rendre inconscient semblait être la meilleure chose à faire.

Ça ne changerait pas rien à la raison qui l'avait mis dans cet état, mais cela lui donnerait assez de temps pour le faire transplaner chez eux.

Sauf que, vu le temps qu'il lui avait fallu pour réussir son Alohomora, ce n'était peut-être pas très prudent.

Faute de mieux, il enveloppa ses mains avec les siennes. La pression de sa projection devint dévastatrice. Son cerveau était compressé dans sa boîte crânienne. Il entendit les cris de douleur de son frère – et de toutes ces personnes à qui il avait dû lancer le Doloris –.

- Raphaël, look at me, dit-il, sa voix suppliante, chaque mot plus difficile à articuler que le précédent.

Il eut l'impression qu'une éternité s'écoula avant qu'il n'accepte de relever son visage vers lui : il était livide, ses yeux étaient injectés de sang, des larmes coulaient sans discontinuer sur ses joues.

Il ne le reconnut pas tout de suite.

- Regulus.

Son nom n'avait jamais autant sonné comme une supplique.

Il hocha la tête et fit de son mieux pour forcer un sourire rassurant sur ses lèvres, même s'il devait plus ressembler à une grimace douloureuse qu'à autre chose.

- I'm taking you home. But you need to drink this before we leave.

Il lui tendit la bouteille de Filtre de Paix. Raphaël secoua la tête.

- For me, darling ? Please.

Pour toute réponse, un sanglot passa les lèvres de Raphaël.

- Je n'ai pas pu le sauver.

- I know. You tried. Drink this.

Il lui fallut plaider, encore et encore, comme avec un enfant qui avait décidé de ne pas manger, avant qu'il ne réussisse à lui faire avaler plusieurs gorgées – combien ? – du Filtre de Paix. La potion devait vraiment être efficace car le regard de Raphaël devint absent presque aussitôt. Il relâcha sa prise sur ses cheveux, puis bascula contre lui. Il le serra dans ses bras autant pour lui que pour Raphaël, une main caressant son cuir chevelu humide avec douceur, son visage enfoui dans son cou pour reprendre le dessus sur ses propres émotions.

Il pouvait sentir les larmes de Raphaël mouiller le col de sa chemise.

Peu à peu, la pression sur son cerveau diminua – lui donnant l'impression de voir enfin nettement –. Ses souvenirs retombèrent dans les limbes où il les avait bannis, la chaleur revint dans son corps.

Il se sentait vidé de toutes ses forces. Une fine pellicule de sueur recouvrait son corps, son cœur se débattait encore dans sa poitrine, son moignon pulsait douloureusement dans sa prothèse et il avait l'impression que ses cicatrices étaient autant de lignes de feu sur sa peau.

Merlin, Viviane, Morgane et Circé !

Il n'aurait jamais cru que l'empathie de Raphaël pouvait devenir aussi destructrice.

Puisqu'il n'en avait ressenti qu'une partie – plus conséquente que les autres fois, mais une partie seulement –, il ne pouvait sans doute qu'imaginer ce qu'avait pu traverser Raphaël pendant toute l'heure où il s'était retrouvé seul dans cette pièce.

Il attendit d'avoir épuisé ses propres larmes pour se redresser.

Le badge de Raphaël étant toujours accroché à son uniforme, il laissa celui de Bilal sur le sol, puis glissa les deux bouteilles de potion dans les poches de sa cape.

- Accroche-toi, dit-il, même si Raphaël n'était plus en état de l'entendre.

Pour la première fois depuis qu'il avait passé son permis de Transplanage, il n'arriva pas à l'endroit précis qu'il avait visé. Ils manquèrent même de se retrouver coincés dans le mur entre leur chambre et le couloir.

Il fut donc soulagé de pouvoir utiliser la magie pour transporter Raphaël dans leur lit. Il batailla pour lui ôter sa blouse blanche avant de se résigner à user de sortilèges pour le reste de ses vêtements. Raphaël se recroquevilla sous les couvertures en position fœtale.

Il dansa d'un pied sur l'autre à côté du lit, incapable de lâcher Raphaël des yeux et peinant à imaginer ce qu'il devait faire, maintenant qu'ils étaient là, tous les deux.

Ce genre de situation, c'était précisément ce qui le laissait penser que Raphaël avait fait un bien étrange choix en décidant de l'aimer, lui, depuis toutes ces années.

Après tout, l'histoire avait montré qu'il était particulièrement incompétent quand il s'agissait de prendre soin de lui-même, excellant plutôt quand il s'agissait d'ignorer ses propres émotions.

Devait-il appeler les parents de Raphaël ? Louis ? Lucie ? Existait-il une autre potion que le Filtre de Paix en mesure de l'aider ? Devait-il le laisser seul ?

Raphaël répondit à cette dernière question quand il marmonna quelque chose qui ressemblait beaucoup à son prénom, une main tendue vers son côté du lit.

Un bref sourire étira ses lèvres.

- J'arrive, souffla-t-il.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour se déshabiller à son tour, une poignée de plus pour ôter sa prothèse, puis il se glissa entre les draps.

De toute évidence, il avait eu tort quand il avait cru que le Filtre de Paix avait eu raison de son petit-ami. Raphaël ouvrit les yeux quand il caressa doucement son visage, puis il passa un bras autour de sa taille, enfouissant son visage dans sa poitrine.

Il prit une profonde inspiration, son souffle chaud et humide sur sa peau.

- Merci.

Il resserra son bras autour de ses épaules, embrassa le dessus de son crâne.

- Essaye de dormir un peu.

Raphaël hocha vaguement la tête. Ses paupières devinrent lourdes, mais son corps resta tendu pendant un long moment, avant qu'il ne se fasse vraiment happer par le sommeil. Il veilla sur lui, dessinant des constellations avec les taches de rousseur sur son visage, caressant la peau fine de sa nuque puisque cela semblait toujours l'apaiser. Il essaya de ne pas laisser ses propres émotions s'emballer dans le silence de leur appartement, parce qu'il pouvait toujours sentir l'empathie de Raphaël par moment – ce qui lui confirma qu'il n'était pas profondément endormi – et qu'il valait mieux qu'il ne se nourrisse pas de son inquiétude ou de sa peur.

Non, il ne devait sentir que son amour pour lui.

Il dut s'endormir à son tour car, quand il revint à lui dans un sursaut, il faisait nuit dehors, Raphaël était agrippé à lui comme si sa vie en dépendait et son empathie faisait des siennes.

Cette fois, il n'y avait pas que le désespoir. Il reconnut de la colère, de la culpabilité et autre chose qu'il ne sut nommer.

C'était sombre et dévorant à la fois.

Il n'aurait su dire pourquoi, mais il n'aimait pas ça.

- Comment te sens-tu ? chuchota-t-il.

- Comme si quelqu'un essayait de creuser dans mon cerveau avec une petite cuillère, grogna-t-il.

Sa voix était plus grave que d'habitude, plus rauque aussi. Malgré la pénombre – il ne faisait jamais nuit dans la ville lumière –, il pouvait voir les cernes qui s'étaient épanouies sous ses yeux.

Il était peut-être le seul à avoir vraiment dormi.

- Bilal m'a donné du Filtre de Paix et de la potion de Sommeil Sans Rêve.

- Ça ne changera rien.

L'émotion qu'il ne savait pas nommer prit le dessus sur les autres pendant quelques secondes.

- Tu es pourtant plus cohérent que tout à l'heure. Et tu as l'air exténué.

Il grommela quelque chose d'inintelligible dans son épaule, ce qui lui rappela Alexis, les fois où il avait été malade – et donc à l'article de la mort –.

Il attendit quelques minutes de plus, sans véritable espoir. Depuis qu'il le connaissait, Raphaël n'avait été malade qu'une fois et, comme tout Médicomage qui se respectait, il avait été un horrible patient, prétendant être rétabli alors que même lui avait su dire qu'il avait de la fièvre et que la seule chose raisonnable qu'il pouvait faire était de rester au lit.

- Tu veux en parler ? demanda-t-il quand le silence s'éternisa.

C'était, après tout, la question qu'il ne manquait jamais de lui poser au cœur des nuits où ses démons – ses regrets, ses peurs – revenaient le hanter, comme s'il ne désespérait pas de lui arracher une confidence malgré les années.

La façon dont sa mâchoire se verrouilla fut une réponse comme une autre. Il reconnut sans mal la culpabilité.

Elle et lui étaient de vieux amis.

- Je suis presque sûr que tu n'as rien mangé de la journée. Tu veux que j'aille te chercher quelque chose ?

- Ai-je mal entendu ou Regulus Black est-il en train de me proposer de cuisiner ?

La moquerie, même dite avec un ton affable, lui laissa penser que, peut-être, les choses allaient s'arranger plus vite que prévu.

- N'exagère pas non plus. Ni toi, ni moi, ne voulons terminer la journée avec une intoxication alimentaire.

Les coins de sa bouche frémirent, ce qui était une victoire comme une autre.

Son optimisme fut de courte durée. L'émotion sombre se manifesta à nouveau, bien plus intense. Raphaël se crispa, ses dents serrées, son bras autour de lui l'empêchant presque de respirer. Sans prévenir, il se redressa et attrapa la potion de Sommeil sans Rêves dont il avala quatre gorgées. Il eut tout juste le temps de récupérer la bouteille qu'il basculait contre les oreillers, sa respiration profonde, mais un pli entre ses sourcils et une expression dure sur le visage.

Il attendit qu'il ait l'air un peu plus paisible pour se lever, juste le temps de passer aux toilettes, de prendre une douche et de se préparer une tasse de thé.

Puisque, lui aussi, n'avait rien avalé depuis le petit-déjeuner et qu'il avait le pressentiment que la nuit ne serait pas facile, il se força à manger un sandwich.

Il ne pouvait pas se permettre de tomber malade à son tour.

Son thé commençait à être à bonne température quand le téléphone sonna. Il redouta qu'il s'agisse d'Eugène – pour le virer, sans doute – aussi fut-il soulagé de reconnaître la voix de Bilal.

- Comment va-t-il ?

Son regard fusa vers le couloir. Il avait laissé la porte de la chambre ouverte, même s'il doutait que Raphaël se réveille avant le lendemain matin après la dose de potion qu'il venait d'avaler.

- Un peu mieux. Il dort.

- Tant mieux. J'ai prévenu notre cheffe. Elle n'était pas ravie, mais elle comprend.

L'approbation de la cheffe du service des Urgences était le dernier de ses soucis. Il se fichait même qu'Eugène le mette à la porte après la façon dont il était parti un peu plus tôt.

Raphaël était plus important.

- Tu as retrouvé ton badge ?

- Ouais. Et j'ai rangé la salle d'examen...

Il y eut un moment de silence.

- Je travaille avec Raphaël depuis sept ans, Nigel. Je ne l'ai jamais vu réagir de cette façon. Il était stressé ces derniers temps ou quelque chose du genre ?

Si Bilal ignorait que Raphaël était un empathe, qu'il était un ancien toxicomane et qu'il avait bien failli mourir d'une overdose à dix-huit ans, ce n'était pas sa place de le lui dire aujourd'hui.

Des années à mentir lui permirent toutefois de trouver une explication plausible.

- Alexis a aussi quinze ans. Je pense qu'il ne faut pas chercher plus loin.

- Ouais, tu as sans doute raison. On ne voit pas tous les jours un gamin de cet âge-là mourir, même aux Urgences. Ça a secoué tout le service…

Il n'avait rien à dire à ça, parce que même s'il avait connu la guerre et qu'il avait vu son lot d'horreurs – dont certaines signées de sa propre baguette magique –, la mort d'un adolescent de quinze ans était une réalité qui ne devrait pas exister.

Ce n'était pas dans l'ordre des choses.

- Bon, j'appelais juste pour avoir des nouvelles. Passe-lui le bonjour de ma part et dis-lui que personne ne veut voir sa sale tête aux Urgences tant qu'il ne se sera pas complètement remis.

- Crois-moi, je ferais en sorte qu'il se montre raisonnable.

Bilal eut un bref éclat de rire, un peu forcé.

- Et encore merci de m'avoir prévenu, Bilal.

- Honnêtement, je crois que personne d'autre que toi aurait réussi à rentrer dans cette pièce alors… Allez, je vais pas t'embêter plus longtemps. Bonne soirée.

- A la prochaine.

Finalement, il emporta sa tasse de thé dans la chambre. Il la termina tout en lisant un peu – même si le cœur n'y était pas vraiment –, sans pouvoir retenir de fréquents coups d'œil vers Raphaël. Il n'avait pas envie de dormir quand il éteignit la lumière, ce qui n'empêcha pas les respirations régulières à sa droite de le bercer tout pareil.

Ils y verraient sans doute tous les deux plus clair après une bonne nuit de sommeil.

Ce fut l'absence de cette même respiration régulière qui le réveilla au milieu de la nuit. La place à sa droite était suffisamment froide pour lui apprendre que Raphaël ne venait pas de disparaître dans la salle de bain. Il se redressa lentement, l'oreille tendue, fouillant la pièce des yeux à la recherche d'un premier indice. Ce ne fut qu'en se levant, après avoir ajusté sa prothèse en quelques gestes, qu'il remarqua la lame de parquet défaite au pied du lit.

Il faisait sombre, mais ce qui y avait été caché n'y était de toute évidence plus.

Il resta quelques secondes immobile, son cerveau lui donnant l'impression de tourner à plein régime tandis que son mauvais pressentiment était en train de devenir une certitude.

Stupide, stupide, stupid.

Il attrapa sa baguette, jeta un sortilège de coussinage sur le pied de sa prothèse pour en étouffer le bruit mat quand il marchait, puis il quitta la chambre, priant en silence les esprits de Merlin, Viviane, Morgane, Circé et Adèle pour que Raphaël n'ait pas disparu dans les rues de Paris.

La lumière au bout du couloir et la silhouette familière installée à la table le rassurèrent aussitôt. Il prit le temps d'analyser la situation avant de pousser la porte, même s'il savait que Raphaël pouvait le sentir malgré ses efforts pour être discret.

De ce qu'il pouvait voir, une petite boîte en métal était ouverte sur la table. Raphaël avait entouré son bras gauche d'un ruban rouge et l'aiguille argentée d'une seringue frôlait sa peau – ses veines –.

Il avait passé assez de mois dans un hôpital moldu – et lu assez de livres sur l'addiction aux drogues – pour que le tableau lui confirme qu'il avait eu raison de craindre le pire.

Le démon de l'addiction est patient et insidieux. Il est toujours là, attaché à l'ombre de ses victimes, prêt à frapper à la moindre occasion. Même si cette occasion se présente des années plus tard.

Ils en étaient donc là.

Il prit une profonde inspiration, juste pour rassembler tout le sang-froid qu'il possédait, celui-là même qui lui avait évité de prendre un Avada pendant la guerre, puis poussa la porte.

- Fous-moi la paix, Regulus.

Raphaël ne jeta même pas un regard dans sa direction, mais il pouvait sentir sa haine arriver jusqu'à lui en vagues brûlantes, sans qu'il ne parvienne à décider si cette émotion était dirigée contre lui ou si Raphaël se détestait déjà par avance pour l'incommensurable connerie qu'il était sur le point de faire.

Il continua à s'approcher, ignorant la projection comme il avait pu ignorer les autres un peu plus tôt. Il avait appris depuis longtemps à faire la part des choses entre ses propres émotions et celles que Raphaël pouvait invoquer dans son cœur. L'exercice n'était pas tellement éloigné d'une bataille avec l'esprit d'un Legimens.

- Je vois que tu as gardé des souvenirs de ton adolescence.

La seringue était en verre et en métal, ce qui ne se faisait déjà plus quand il avait fait son séjour prolongé chez les moldus.

Raphaël serra les dents, sans pour autant relever les yeux vers lui.

- C'est presque touchant que tu fasses ça à la moldue quand on sait tous les deux qu'il existe un sortilège qui rend les choses bien moins fastidieuses.

Son cœur s'emballa quand l'aiguille perça la peau de Raphaël.

- Je m'en voudrais de t'imposer le spectacle, dans ce cas. Va-t'en.

Il ricana, de cette façon mauvaise et un peu fausse qui avait ponctué d'innombrables discussions avec ses condisciples de Serpentard. Ce même rire qu'il avait volé à son père quand il avait tout fait pour être le parfait petit héritier que ses parents voulaient qu'il soit.

Il tira la chaise en face de Raphaël et s'installa, ses mains croisées sur la table, ses yeux fixés sur lui.

- Je ne crois pas, non. Après tout, j'ai longtemps excellé dans l'art de prendre de mauvaises décisions pour les regretter pendant des années après. Si je peux me permettre, ma présence ajoute un petit côté dramatique qui n'est pas sans me déplaire.

Sa réponse eut au moins le mérite d'inciter Raphaël à relever les yeux vers lui, même si ce fut pour lui jeter un regard sombre.

Malgré la potion de Sommeil Sans Rêves, les cernes sous ses yeux étaient devenues violettes, presque noires.

Il resta impassible : Raphaël allait devoir faire mieux pour l'impressionner. Il avait grandi dans le monde Sang-Pur et, comme il l'avait si bien découvert l'année dernière, sa cousine était Bellatrix Lestrange.

- Juste pour que je sache, qui dois-je appeler si les choses tournent mal ? Les secours moldus ou les sorciers ?

A la façon dont Raphaël sursauta, il eut l'impression que ses mots venaient de le toucher en plein cœur. Du coin de l'œil, il vit l'aiguille s'éloigner à nouveau de sa peau.

Il ne put retenir un sourire satisfait quand la main droite de Raphaël fut traversée par un bref tremblement.

- Tout bien réfléchi, vu ce qui s'est passé, il vaut mieux que je m'en tienne aux moldus, non ?

Raphaël blêmit un peu, cette fois. Sa pomme d'Adam tressauta le long de sa gorge.

- C'est bas ça, Regulus, même pour toi, répliqua-t-il, sa voix bien plus grave.

Rauque, presque.

Il haussa un sourcil.

Oh, s'il pensait que c'était un coup bas, il n'était pas prêt pour la suite. Parce qu'il était Regulus Arcturus Black. Il avait passé sept années à Serpentard. Et si une enfance Sang-Pure lui avait bien appris quelque chose, c'était à trouver les mots pour faire le maximum de dégâts.

Il pourrait sortir sa baguette et le Stupéfixier pour l'empêcher de faire ce qu'il voulait faire, ou même utiliser un simple Accio, mais il se sentait suffisamment en contrôle pour tenter d'amener Raphaël à renoncer de lui-même.

L'homme qui lui faisait face était le plus obstiné qu'il avait jamais rencontré. Si quelqu'un pouvait résister au chant de l'héroïne, c'était lui.

Il le lâcha du regard pendant quelques secondes pour détailler la petite fiole sur la table. Elle était à moitié vide et le bras de Raphaël n'avait pas de nouvelles marques.

‐ Ce n'est pas vraiment à toi, n'est-ce pas ?

Raphaël détourna le regard, ce qui était un aveu comme un autre.

La culpabilité revint saturer l'air entre eux.

- A quel moment l'as-tu récupérée ? Avant ou après sa mort ?

Raphaël se mit à trembler pour de bon, cette fois. Il n'avait pas besoin de voir son visage pour savoir que ses yeux étaient en train de se remplir de larmes.

Une projection plus confuse que celles qui l'avaient précédée lui vola une partie de l'air dans ses poumons, à la façon d'un prodigieux coup de poing.

Si Raphaël pensait que son empathie allait suffire à le faire taire, il se trompait lourdement.

- Tu me diras, c'est peut-être mieux ainsi… Ce produit est hors de prix et il aurait sans doute préféré que quelqu'un l'utilise. Qui plus est, je suppose que ses parents n'avaient pas besoin de voir ça.

- Ta gueule !

Il fit la moue, même si sa gorge se serra. Il connaissait assez Raphaël pour savoir qu'il était en train de l'acculer, parce qu'il n'utilisait pas ce genre d'expression en règle générale et encore moins pour s'adresser à des personnes qu'il aimait.

Il s'était promis de ne jamais lui faire du mal, des années de cela, et c'était précisément ce qu'il était en train de faire à chaque mot supplémentaire.

Seulement, Raphaël était en train de faire une incommensurable connerie alors...

Il attendit qu'il le regarde droit dans les yeux pour asséner le coup de grâce.

‐ Bilal m'a dit qu'il avait quinze ans. Tu penses qu'Alexis le connaît ?

Il eut l'impression que son cœur se brisait quand une première larme roula sur la joue de son petit-ami mais, juste après, Raphaël déposa la seringue dans sa main tendue, ce qui lui confirma qu'il avait touché juste.

Il se leva aussitôt, attrapa la petite fiole au passage et vida tout dans l'évier pour être sûr que Raphaël ne pourrait pas remettre la main dessus.

Il se chargerait de la seringue plus tard.

Derrière lui, Raphaël avait enfoui son visage dans ses mains et il eut l'impression d'avoir retrouvé l'homme prostré des Anges. Si cela avait été possible, il aurait pris la douleur qui semblait l'écraser pour l'en libérer, mais il savait aussi que, parfois, la douleur avait du bon.

Cela signifiait que rien de pire n'était advenu.

Avec un soupir, il fit glisser ses mains sur ses épaules puis les serra gentiment. Sans surprise, il était à nouveau tendu comme un arc. Il embrassa ses cheveux – inspira son odeur pour se rassurer un peu –.

Un frisson secoua Raphaël.

- Ça va s'arranger, darling, souffla-t-il en pensant chaque mot.

Et en espérant que Raphaël le sente.

A la façon dont il renifla, il sut qu'il pleurait.

Puisqu'il s'agissait d'un excellent moyen de réguler ses émotions, c'était bon signe.

Il laissa ses mains glisser sur ses bras, arracha le ruban en caoutchouc au passage, puis il se tourna vers la cuisine.

Il mit de l'eau à bouillir, sortit la théière – la nuit était loin d'être terminée – puis son thé noir préféré.

- Je vais avoir besoin de quelque chose de bien plus fort, grogna Raphaël.

Sa voix était tremblante, humide.

Il secoua la tête. Raphaël n'aimait pas le thé en règle générale, ce n'était pas le moment pour essayer de le faire changer d'avis.

Il sortit un verre puis la bouteille de Whisky Pur Feu que Louis lui avait offerte à Noël.

Il les déposa près de Raphaël.

- Je sais.

En quatre ans, il avait eu tout le temps de remarquer comment Raphaël gérait les aléas de son empathie, quand la course, le yoga et sa présence ne suffisaient plus.

Il y avait l'alcool fort, le tabac et les sucreries.

Il les déposa un à un sur la table sans un mot.

Et parce que Raphaël n'avait rien avalé depuis ce matin, il lui prépara aussi un sandwich avec ce qu'il trouva dans le garde-manger pendant que son thé terminait d'infuser.

Raphaël l'attrapa par la taille quand il posa l'assiette devant lui pour enfouir son visage dans sa poitrine.

Il entoura ses épaules d'un bras et caressa sa nuque de son autre main. Il pouvait sentir les larmes rouler sur sa peau, avant qu'elles ne se perdent dans le tissu de sa robe de chambre, et les sanglots silencieux qui continuaient de secouer Raphaël. Il se sentait peut-être plus impuissant que d'habitude, parce qu'il était incapable de trouver les mots pour l'apaiser comme Raphaël savait si bien le faire quand leurs rôles étaient inversés.

Il savait juste être là, ce qui était tout ce qui comptait, au fond, mais il aurait aimé faire plus. Garder ses émotions pour lui, trouver un moyen pour mener une partie de la bataille contre l'addiction à sa place, remonter le temps et l'empêcher de se rendre aux Anges…

Des vagues d'émotions troubles ne tardèrent pas à le traverser, tantôt glaciales, tantôt brûlantes, plus ou moins puissantes. Si elles n'avaient rien à voir avec la tempête de la veille, elles réveillèrent la même douleur à l'avant de son crâne. Il réussit malgré tout à se concentrer sur ses émotions à lui – sur la plus importante – parce que s'il avait bien appris quelque chose, c'était que Raphaël avait parfois l'impression de se noyer et qu'il parvenait à jouer le rôle d'une bouée de sauvetage, même s'il ignorait comment, ni pourquoi.

Il attendit donc une accalmie.

Raphaël finit par desserrer sa prise autour de sa taille. Il fit glisser sa main de sa nuque à sa mâchoire pour, doucement, l'obliger à basculer son visage vers lui. Sa gorge se serra un peu quand Raphaël refusa d'ouvrir les yeux, sans qu'il ne se laisse impressionner pour autant.

Après tout, leurs places avaient été plus souvent échangées que ce qu'il accepterait jamais de reconnaître. Il savait les petits stratagèmes que Raphaël utilisait pour le faire sortir du mutisme que son enfance avait gravé au plus profond de lui.

Le maître mot semblait être la patience.

Il effaça délicatement les sillons laissés par les larmes sur ses joues de la manche de sa robe de chambre, puis enveloppa son visage de ses mains, ses pouces caressant ses joues et la légère barbe blonde qui avait repoussé.

C'était sans doute la conjoncture de l'heure tardive, des derniers évènements et de la lumière peu flatteuse de la cuisine, mais Raphaël avait vieilli en l'espace d'une journée. Ses traits étaient tirés sur son visage, les cernes plus marquées encore sous ses yeux gonflés, et son teint blafard.

Ses taches de rousseur avaient presque toutes disparues.

Les muscles sous ses doigts se détendirent peu à peu. Raphaël déglutit bruyamment une dernière fois avant de rouvrir les yeux.

Il n'avait jamais vu son regard aussi vide et terne – les paillettes d'or invisibles –. Il resta silencieux jusqu'à ce qu'il accepte de croiser le sien.

Cette fois, l'émotion qui le traversa était très clairement la peur.

Il aurait pu lui faire remarquer qu'il était ridicule, parce que c'était ce qu'il ne manquait pas de lui dire quand il sentait sa propre culpabilité – ses regrets, ses remords –, et que c'était le cas, mais il choisit de s'abstenir.

- OK ? demanda-t-il plutôt dans un murmure.

Ses lèvres tremblèrent. Il secoua la tête, juste un léger mouvement de gauche à droite qui, à lui seul, libéra quelques larmes supplémentaires.

Comme si ses yeux étaient le bord d'un vase trop plein.

Il se pencha pour les effacer d'un baiser, puis embrassa brièvement ses lèvres.

Il ne releva pas non plus le bref gémissement douloureux ou la vague d'émotions à nouveau trop emmêlées pour qu'il puisse les nommer.

Finalement, Raphaël le libéra, ce qu'il prit pour une invitation à rejoindre sa place en face de lui, attrapant son thé au passage.

Le silence était encore trop lourd pour qu'il espère lui arracher des confidences, aussi se contenta-t-il de l'observer.

A mesure que le niveau d'alcool dans la bouteille de Whisky diminua, et que l'air de l'appartement devint saturé de tabac, Raphaël lui donna l'impression de se renfermer de plus en plus. Il semblait décidé à ne plus relever les yeux vers lui.

Il regretta presque de ne pas être un bon Legimens, ou même un empathe, pour avoir une idée de ce qui se tramait sous son crâne, au moins un peu. Le pli de plus en plus marqué entre ses sourcils et son expression sombre ne lui disaient rien qui vaille.

Faute de mieux, il attrapa la bouteille de Whisky à son tour et s'en versa un fond dans sa tasse.

Une seule gorgée lui suffit pour savoir que Louis ne s'était pas moqué de son frère.

Raphaël termina son verre en deux longues gorgées. Il passa une main dans ses cheveux pour la énième fois.

Il ne pouvait pas voir à travers la table, mais il aurait mis sa baguette à brûler que sa jambe était agitée du même tic nerveux que d'habitude.

Par réflexe, il serra son moignon de sa main gauche pour soulager des spasmes invisibles.

Le silence était en train de devenir oppressant. Il se racla la gorge.

- Que se passe-t-il dans ce genre de situation ?

Tous les livres qu'il avait pu lire ces dernières années – dans le secret de son ancien appartement ou à la librairie – étaient assez unanimes sur le fait que ça, ce soir, n'était ni inattendu, ni annonciateur d'une nouvelle descente dans les abîmes de l'addiction.

Après tout, Raphaël ne s'était rien injecté, ce qui était une bonne chose.

Pour le reste, c'était la première fois qu'il était véritablement confronté aux problèmes de drogues de Raphaël – la première fois qu'il le voyait en manque –. Ni lui, ni Lucie, ni personne dans sa famille n'avait jamais évoqué le protocole à respecter.

Il savait qu'il pouvait toujours utiliser la magie pour l'immobiliser, mais il préférerait éviter d'en arriver là.

Raphaël raffermit sa prise sur son verre, son expression s'assombrit encore – si cela était possible –. Il plissa légèrement les yeux quand il se fendit d'un sourire dur.

- Et bien comme tu ne vas pas man-quer de me quitter dans les se-semaines à venir, je serais en centre de désin… désintox avant l'été. Ç-ça devrait régler le problème.

L'alcool avait émoussé sa diction, donnant l'impression qu'il avait un cheveu sur la langue. Il ignorait s'il devait aussi blâmer l'alcool pour la bêtise qu'il venait de dire, mais il était certain de ne l'avoir jamais vu aussi saoul.

Il ne commenta pas les nouvelles larmes qui s'échappèrent de ses yeux. Il préféra croiser les bras sur sa poitrine et hausser les sourcils.

Il avait beau savoir qu'il n'avait pas du tout l'intention de quitter Raphaël à cause de ce qu'il venait de se passer – Merlin, il l'aimait en connaissance de cause, lui aussi –, il ne put s'empêcher de se sentir un peu blessé.

- Vraiment ?

Raphaël fixait le fond de son verre avec hargne.

- C'est ce qu'il se passe à ch-chaque fois. Ils s'imagi-nent que toute cette mer-de est de l'histoire ancienne, comme si les ex-addicts ex-existent vraiment. Ils ne sa-savent pas, ne com-comprennent pas, ce que c'est. Alors ils part-ent.

Raphaël n'avait jamais laissé entendre qu'il avait failli retomber dans la drogue entre la naissance d'Alexis et aujourd'hui ou que cela avait mis fin à ses précédentes relations. Il n'eut pas le temps de décider ce qu'il allait faire de cette confidence que Raphaël laissait échapper un rire horrible – grinçant, froid, métallique – qui fit redoubler ses larmes.

Un frisson fit dresser les poils sur ses bras et à la base de sa nuque.

Il aurait eu du mal à dire si la peur qui nouait ses entrailles était la sienne ou celle de Raphaël. L'autre émotion, plus sombre, plus dévorante – insatiable – lui donna la nausée.

- J'aurais dû me faire cette in-injection. Au moins p-pour que ça en ait va-lu la p-peine…

Il passa ses deux mains sur son visage et prit une profonde inspiration au passage. Il était si tard qu'il pouvait entendre la vie reprendre dehors. La journée avait été éprouvante, la nuit plus encore. Il devait toutefois garder son sang-froid au risque de voir Raphaël disparaître dans les rues de Paris pour trouver quelqu'un qui pourrait lui fournir une nouvelle dose d'héroïne, ce qu'il ne manquerait pas de regretter.

Il se pencha pour attraper sa main mais Raphaël se déroba, puis se recroquevilla encore plus sur sa chaise, agrippé à son verre comme si sa vie en dépendait.

- Raphaël, regarde-moi, dit-il finalement, sa voix étranglée.

Raphaël secoua la tête, tenta de se lever mais manqua plutôt de tomber de sa chaise.

Il se leva, s'agenouilla près de lui, ignorant la douleur dans son moignon. Une main sur sa cuisse pour garder son équilibre, il tenta de croiser son regard.

Raphaël serra les paupières en réponse.

- Raphaël, regarde-moi, s'il te plaît, souffla-t-il avec toute la tendresse qu'il était capable de mettre dans sa voix.

Raphaël finit par capituler, non sans qu'un frisson – l'ombre d'un sanglot ? – ne le secoue. Son regard brun une nouvelle fois noyé par les larmes.

- Je t'aime, dit-il simplement. Tu ne vas pas me faire changer d'avis là-dessus. Je reste, d'accord ?

Raphaël secoua la tête. Déglutit.

- Tu dis ça ce s-soir. Ça fini-ra quand même par te faire p-peur.

Il haussa les sourcils.

La peur ?

Vraiment ?

Il serra sa cuisse avec force, juste pour être sûr d'avoir son attention.

- Raphaël, j'ai regardé ma cousine écorcher vif un moldu quand j'avais dix-sept ans, sans qu'elle ne me lâche une seule seconde des yeux. Elle n'a pas eu besoin de mots pour que je comprenne qu'elle n'hésiterait pas une seconde à me faire subir la même chose si je faisais un seul faux pas. Il va te falloir faire bien pire.

Raphaël plissa les yeux et pencha la tête sur le côté. Il s'attendit à être traversé par une énième vague d'émotions mais, à la place, Raphaël grimaça douloureusement.

Pendant une seconde, il se demanda s'il n'allait pas vomir.

Raphaël ne trouva rien d'autre de stupide à lui répondre.

Il caressa sa joue, retraça ses cernes du bout de son pouce.

- On devrait aller se coucher, souffla-t-il. On reparlera de tout ça plus tard.

Si Raphaël était en état de parler après tout l'alcool qu'il avait ingurgité cette nuit.

- Tu devrais manger quelque chose, ajouta-t-il en se relevant. Tu n'as rien avalé de la journée. Tu risques de vomir de la bile demain matin.

Raphaël s'abandonna un peu contre sa main, ce qu'il décida de compter comme une victoire.

- Tu as l'air é-étran...ge-ment bien rensei-gné, marmonna-t-il, ses paupières un peu lourdes, son corps oscillant vers lui, comme s'il avait atteint les limites de sa résistance.

Il l'embrassa, juste une pleine pression de ses lèvres contre les siennes, parce qu'il en avait besoin et qu'il savait que Raphaël en avait encore plus besoin que lui.

- Je te l'ai dit, je suis l'expert des mauvaises décisions. J'ai essayé une fois ou deux de noyer mes problèmes dans l'alcool, ça ne m'a pas beaucoup réussi.

Il y avait eu l'arrestation de son frère – qui avait bien failli le convaincre de se jeter dans la Seine – puis celle de Bellatrix – qui lui avait prouvé que la vie avait encore quelques bonnes surprises en réserve pour lui –. Les deux fois, il avait été malade comme un chien le lendemain, son mal de tête ravageur, incapable de quitter son lit. Il avait rarement réitéré l'expérience depuis.

Tant bien que mal, il réussit à convaincre Raphaël d'avaler son sandwich et de boire un verre d'eau. Il le laissa s'appuyer contre lui jusqu'à leur chambre.

Raphaël s'écroula dans le lit avec un grognement.

Il doutait vraiment qu'il se souvienne de grand-chose plus tard, mais il veilla quand même à faire disparaître toute trace de l'incident dans la cuisine – de la seringue en verre à la bouteille d'alcool en passant par l'odeur de cigarette –.

Raphaël se lova contre lui quand il le rejoignit. Il eut juste le temps de défaire sa prothèse avant qu'il ne passe un bras en travers de son ventre et qu'il n'enfouisse son visage au niveau de sa taille.

Il réarrangea ses cheveux châtains en bataille du bout des doigts, ce qui lui tira un soupir satisfait.

- Ne me vomis pas dessus demain matin, marmonna-t-il avant d'éteindre la lumière d'un claquement de doigts.

Si Raphaël bascula rapidement dans une sorte de torpeur qui, à défaut d'être un sommeil réparateur, lui permettrait au moins d'avoir les idées un peu plus claires à son réveil, il garda les yeux ouverts.

Vigilant.

...

La journée était bien avancée quand Raphaël revint à lui. Il eut un grognement digne d'un dragon, puis utilisa non moins de deux oreillers en plus des draps pour se protéger de la lumière diffusée par la lampe de chevet.

- Des regrets, darling ? se moqua-t-il.

Un nouveau grognement s'échappa difficilement de son cocon ouaté.

- Ne crie pas.

Le Whisky Pur Feu n'avait sans doute jamais aussi bien porté son nom.

- Tu ne veux donc pas savoir que j'ai été acheter une potion anti-gueule de bois ?

Il n'avait quitté l'appartement qu'une petite demi-heure, verrouillant soigneusement la porte derrière lui après avoir caché la baguette magique de Raphaël par sécurité, et il n'avait pas été serein une seule seconde.

Raphaël extirpa sa main des couvertures et la tendit dans sa direction. Il porta ses doigts à ses lèvres avant de placer la fiole dans sa paume.

Il sembla réussir à l'avaler tout en restant allongé. Peu à peu, sa forteresse de fortune s'allégea, jusqu'à ce que Raphaël vienne se blottir contre lui. Si ses yeux étaient encore soulignés par des cernes et ses traits tirés, il semblait plus apaisé que lorsqu'ils s'étaient couchés. Pour tout ce qu'il pouvait dire, son empathie semblait sous contrôle.

L'espace de quelques minutes, il eut l'impression qu'il s'agissait d'un dimanche normal et que la nuit dernière n'avait été qu'un cauchemar un peu trop saisissant. Ce n'était pas la première fois que Raphaël était encore au lit aussi tard – il était parfois de garde le samedi soir – et, en général, il lisait en attendant son réveil.

- Quelle heure est-il ?

- Presque treize heures.

Raphaël passa une main lasse sur son visage et grogna à nouveau. Le bruit se réverbéra dans sa propre poitrine. Il crut qu'il allait se rendormir – ce qui ne serait pas une mauvaise chose – puis il le vit froncer les sourcils, ce qui précéda un sursaut et une vague de panique qui lui coupa le souffle. Raphaël se redressa avec urgence puis inclina son avant-bras gauche vers la lumière, ses yeux plissés tandis qu'il détaillait sa peau à la recherche d'une nouvelle marque.

Il enveloppa ses cicatrices avec sa paume, exactement comme il l'avait fait, le soir où il lui avait avoué son passif avec la drogue et l'existence d'Alexis, puis il lui offrit un sourire rassurant. La pomme d'Adam de Raphaël tressauta le long de sa gorge. Un soupir de soulagement passa ses lèvres tremblantes avant qu'il ne le laisse l'attirer contre lui à nouveau.

- Je me doutais que tu ne te souviendrais pas de grand-chose, dit-il.

Il devait même avouer qu'il était étonné que Raphaël ne se soit pas précipité vers les toilettes à la seconde où il avait ouvert les yeux.

- Les mélanges sont rarement purs, avoua-t-il après un long silence. Ça ne serait pas la première fois que j'hallucine quelque chose qui m'arrange.

- De quoi te souviens-tu, dans ce cas ?

Raphaël se tendit. Son expression devint amère. Sa culpabilité, sa colère, sa honte mêlées aumanque – puisque ça ne pouvait être que cela – lui tirèrent une grimace.

Raphaël s'extirpa difficilement des couvertures, puis resta assis au bord du lit. La tension dans ses épaules était évidente.

Il crut sincèrement que cela resterait sa seule réponse.

- Tu m'as empêché de me faire cette injection, dit-il finalement, après avoir ébouriffé ses cheveux. Et j'ai beaucoup bu.

Il leva les yeux au ciel.

- Je t'ai convaincu de renoncer à te faire cette injection, précisa-t-il. On sait tous les deux que je n'ai pas le pouvoir de t'empêcher de faire quoi ce soit quand tu en as décidé le contraire.

Ils ne seraient pas là où ils en étaient si c'était le cas.

- Peu importe, répliqua-t-il sèchement.

Il le connaissait assez pour savoir que ce n'était pas la peine d'insister. Raphaël n'essayait jamais de lui arracher des confessions quand il se réveillait après un cauchemar, il pouvait au moins lui rendre la pareille.

- D'accord.

Raphaël lui jeta un drôle de regard par-dessus son épaule avant de se lever. Quelques secondes plus tard, il entendit le bruit de la douche, ce qui le convainquit de rejoindre le salon.

Faute de savoir quoi faire de plus, il se prépara une énième tasse de thé et lança un café pour faire bonne mesure.

Les bras croisés sur sa poitrine, il contempla la table sans vraiment la voir. En revenant de l'apothicaire, il avait failli appeler Lucie – il avait même commencé à composer son numéro – avant de se raviser, puis les parents de Raphaël, puis Louis, puis Lucie à nouveau. Les heures qu'il avait passées éveillé sur le petit matin lui avaient laissé tout le temps de regretter de n'avoir jamais évoqué cette possibilité avec quiconque. Il aurait pu mettre au point un plan. Savoir quoi faire. Quoi dire, aussi. Même s'ils avaient évité le pire cette nuit, ils ne pouvaient pas non plus continuer comme si rien ne s'était passé.

Comme s'il s'agissait d'un dimanche de janvier comme tous les autres.

Bientôt, des pas dans le couloir annoncèrent l'arrivée de Raphaël. Il prit une profonde inspiration, une gorgée de thé, et il fit de son mieux pour cacher son inquiétude derrière son amour pour lui ce qui, en général, marchait assez bien.

Raphaël avait une allure un peu plus humaine. Il avait enfilé de vrais vêtements – un jean délavé et un pull noir –, il s'était rasé, et ses cheveux humides gouttaient encore. Il lui donna l'impression de l'ignorer au profit du téléphone.

Son assurance dans la façon de composer le numéro le laissa penser qu'il appelait ses parents, ou son frère, ou peut-être Lucie.

- Nico ? C'est Raphaël Delacour.

Il fronça les sourcils. Il ne se souvenait pas d'avoir déjà entendu ce nom. Raphaël passa une main dans ses cheveux, puis jeta un coup d'œil dans sa direction, avant de se détourner vers les fenêtres.

- Non, non pas vraiment.

Sa voix sonnait comme celle d'un petit garçon.

- Non, je… Ce n'est pas passé loin.

A la façon dont sa voix se brisa, il voulut traverser la pièce et le prendre dans ses bras. A la place, il prit une autre gorgée de thé.

- Quinze heures ? Je serai là. Merci, Nico.

Raphaël éloigna le téléphone avant de le plaquer à nouveau sur son oreille. Ce que lui dit son interlocuteur lui fit tourner la tête vers lui. L'ombre d'un sourire sembla jouer sur ses lèvres.

- Non, je ne suis pas seul. Ça va aller.

Il haussa un sourcil à ça, puis approuva d'un hochement de tête.

- A tout à l'heure.

Raphaël raccrocha puis le rejoignit dans la cuisine pour se servir une tasse de café. Il s'appuya contre l'évier à sa droite.

- Nico est mon parrain des Narcotiques Anonymes.

Il hocha la tête. Le nom de l'association était revenu à plusieurs reprises dans les livres qu'il avait lu. Son cœur lui donna l'impression de pouvoir battre un peu plus facilement dans sa poitrine.

C'était une excellente chose que Raphaël l'ait appelé.

- Il y a une réunion dans le cinquième à quinze heures. Il va me rejoindre là-bas.

- D'accord.

Il tourna la tête vers lui.

Le détailla.

Hésita.

- Veux-tu que je t'accompagne ?

Il voulait l'accompagner et pas parce qu'il ne lui faisait pas confiance pour s'y rendre ou parce qu'il avait peur qu'il fasse un détour par une ruelle sombre pour acheter une autre dose.

Ça finira quand même par te faire peur.

Il n'avait pas peur.

Il voulait juste qu'il sache qu'il était là pour lui, comme Raphaël avait été toujours là pour lui, encore et encore. Qu'il restait.

Raphaël tourna la tête vers lui à son tour sans vraiment réussir à croiser son regard.

- Tu n'es pas obligé...

Il secoua la tête.

- Veux-tu que je t'accompagne ? répéta-t-il.

Raphaël finit par hocher la tête.

- Alors je t'accompagne. On a un peu plus d'une heure devant nous et je suppose que mon Médicomage insisterait pour que je mange quelque chose.

Cette fois, le sourire de Raphaël était sincère, même s'il disparut aussitôt.

- Depuis quand l'écoutes-tu ? se moqua-t-il.

Il fit mine de réfléchir.

- Depuis le début, souffla-t-il finalement.

Raphaël ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt. Ses yeux devinrent brillants, ses lèvres hésitèrent entre une grimace et un sourire.

Il l'embrassa doucement sur la joue.

L'étendue de ses talents culinaires se limitant à savoir commander ou, très exceptionnellement, réchauffer des restes, il revint à Raphaël la lourde tâche de leur préparer quelque chose – une omelette – ce qui eut le mérite de lui occuper l'esprit.

Ils transplanèrent ensuite pour le cinquième arrondissement. Raphaël avait choisi une petite ruelle qu'il connaissait non loin du lieu de rendez-vous. Ils marchèrent en silence et, pour une fois, main dans la main, sans se cacher derrière une illusion. Il doutait de toute façon que Raphaël soit en mesure de maintenir un tel sortilège, il avait autant besoin que lui de ce lien physique et, Merlin en soit témoin, il n'hésiterait pas à user de la magie si quelqu'un se permettait la moindre insulte.

Un homme fumait devant un bâtiment dont la façade aurait eu besoin d'un bon ravalement. Il se décolla du mur quand il les repéra et vint à leur rencontre.

Il remarqua aussitôt qu'il portait une prothèse à la façon dont son bras droit restait rigide sous son manteau.

Avec ses cheveux poivre et sel, son teint basané et les rides aux coins de ses yeux, il était plus âgé que Raphaël – sans doute plus âgé que Louis –. Il jeta le filtre de sa cigarette dans le caniveau juste avant de les rejoindre.

Il attrapa aussitôt la nuque de Raphaël avec force. Il faisait une tête de moins que lui, mais il était large d'épaule et athlétique.

- Tu as très bien fait de m'appeler, mon gars.

Raphaël eut une grimace douloureuse.

- La première règle, hein ? marmonna-t-il.

Nico hocha la tête, serra sa nuque, puis le libéra.

- Tu me présentes ? demanda-t-il en le désignant du menton.

- Nigel, mon conjoint.

Le regard de Nico s'arrêta sur leurs mains jointes. Il découvrit ses lèvres, prêt à mordre s'il se permettait une réflexion déplacée.

Qui ne vint jamais.

- C'est bien d'être venu, Nigel. On a besoin de soutien dans ce genre de situation.

Ils reprirent leur chemin vers la salle.

- Bien entendu, je resterai dehors. Je ne voudrais pas que ma présence dérange qui que ce soit.

Nico sortit une nouvelle cigarette de l'intérieur de sa veste.

- On va pas te laisser te geler les couilles pendant une heure dans le froid. Tu te mettras au fond de la pièce. La règle, c'est que si t'es pas un Narco, tu te tais.

La pièce en question était au sous-sol. Avec son unique petite fenêtre et son air humide, elle semblait plus adaptée à stocker du vin qu'à accueillir des réunions, quelle que soit la nature de ces dernières.

Une dizaine d'hommes de tout âge et trois femmes étaient rassemblés devant une table où trônaient une bouilloire et une cafetière à côté de quelques gâteaux secs, en attendant de s'installer sur les chaises pliantes disposées en cercle.

Il laissa Raphaël et Nico les rejoindre après avoir serré une dernière fois les doigts emmêlés aux siens. Il trouva sans mal une autre chaise, qu'il installa près de la porte, le plus loin possible de la lumière, juste pour se faire oublier.

Les conversations étaient feutrées, les regards souvent vissés sur le sol, les épaules voûtées. Aucune de ces personnes ne semblait ravie d'être là. Les tasses de café étaient des excuses pour cacher des mains agitées de tics nerveux. Raphaël avait allumé une cigarette – ce qui ne le surprenait absolument pas – et il resta près de son parrain jusqu'à ce que Nico annonce le début de la réunion.

Tous et toutes, sans la moindre exception, abandonnèrent gâteau, cigarette ou tasse pour se prendre par la main et former une ronde.

- Mon Dieu, commença Nico, donne-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d'en connaître la différence.

Nico laissa quelques secondes de silence à la fin de sa déclaration – de sa prière – puis il invita tout le monde à prendre place.

Les yeux fixés sur ses mains, il fit de son mieux pour n'écouter que d'une oreille les différentes prises de paroles qui se succédèrent, sachant pertinemment qu'à leur place, il se serait déjà senti mortifié à l'idée de parler devant tous ces gens et encore plus si un spectateur était assis au fond de la pièce.

Le prix d'une addiction semblait plus ou moins élevé selon les personnes. Certains s'étaient séparés de leur conjoint, d'autres n'avaient plus le droit de voir leurs enfants. Garder un emploi était compliqué. Garder un toit parfois impossible. La majorité était abstinente depuis moins d'un an – quelques jours pour une femme, qui termina sa prise de parole en larmes –. Nico faisait figure de vétéran, avec ses vingt-trois ans sans autre drogue que la cigarette.

- Je m'appelle Raphaël et je suis un narco.

Il releva la tête juste à temps pour le voir ébouriffer ses cheveux.

C'était la première fois qu'il l'entendait reconnaître son passé de cette façon à voix haute.

- Ça fait quinze ans et dix mois que je n'ai pas pris d'héroïne.

Sa jambe droite se mit à tressauter. Il sembla déglutir difficilement.

- La nuit dernière, j'ai bien failli tout foutre en l'air et replonger.

Il renifla sèchement. Les autres restèrent silencieux. Nico serra son épaule avec douceur, comme pour l'encourager.

- Je suis médecin. Je travaille aux urgences. Hier matin, on nous a emmené un gamin qui convulsait. On a vite compris qu'il faisait une overdose. Je… On… a pas réussi à le sauver.

Il n'avait pas besoin d'empathie pour reconnaître la culpabilité dans sa voix. Raphaël avait du mal à accepter que, tout brillant Médicomage soit-il, il ne pouvait pas sauver tout le monde. Parfois, la magie était trop vicieuse et, parfois, il était trop tard. Quand une telle chose se produisait, il passait des heures à lui expliquer ce qu'il aurait dû faire à la place de ce qu'il avait fait, fumant des cigarettes jusqu'à se rendre malade. Il lui fallait plusieurs jours – et sans doute l'avis plus objectifs de ses collègues sur ses hypothèses – pour qu'il aille de l'avant.

- A son arrivée, sa mère nous a donné la fiole du produit qu'elle avait trouvé à côté de lui et, vraiment, je l'ai mise dans ma poche par réflexe. Je n'y ai pas repensé avant que je me réveille cette nuit. Ça faisait très longtemps que je n'avais pas eu envie d'un fixe de cette façon-là.

Il eut une moue dure. Raphaël oubliait de préciser que cela faisait sans doute aussi longtemps qu'il n'avait pas perdu à ce point le contrôle sur son empathie. Résister au manque quand on avait que ça à gérer était déjà un sacerdoce, le faire quand on avait le pouvoir de ressentir les émotions de tout le monde en était une toute autre.

Obstiné ou pas.

- Comment tu as fait pour ne pas le prendre, dans ce cas ? demanda un des hommes – un gamin, vraiment, qui ne devait pas avoir plus de vingt ans –.

- Mon ami m'en a empêché.

Il fallait sans doute être sourd pour ne pas entendre le petit qui était caché dans sa façon de dire ami.

S'il se fiait aux quelques regards qui glissèrent vers lui, certains n'étaient pas dupes.

Il les ignora, son attention focalisée sur Raphaël et sa façon de fixer le sol avec acharnement.

- La dernière personne qui a essayé de s'interposer entre moi et mon fixe a bien failli y laisser un œil, railla une des trois femmes.

Elle avait un accent étrange, celui qu'il avait appris à associer avec le nord de la France et qui était peut-être le seul qui le mettait encore en difficulté.

Raphaël resta silencieux un long moment. Dans l'étrange cercle, personne ne semblait pressé de prendre la parole, sans doute parce que la grande majorité avait déjà vidé son sac, peut-être parce qu'ils sentaient que Raphaël n'avait pas terminé ou, plus simplement peut-être que Nico savait mener ce genre de réunion d'une main de maître.

- Il ne m'a pas empêché physiquement de me shooter, reprit-il finalement, sa voix rauque. Il m'a rappelé pourquoi je ne pouvais pas le faire.

Raphaël releva brièvement la tête vers lui. Il lui sembla que ses yeux étaient brillants, mais c'était sans doute la lumière. Il releva légèrement le menton, puis il articula silencieusement la seule chose qu'il était capable de penser là, tout de suite.

I love you.

Raphaël serra les paupières à ça et il n'y eut pas d'illusion pour cacher la larme qui lui échappa.

Nico serra à nouveau son épaule.

- Les plus anciens ont sûrement déjà entendu ce conseil, mais ça peut être une bonne chose d'avoir sur soi une liste des raisons pour lesquelles vous avez décidé de devenir abstinent. On sait tous que ce n'est pas un bout de papier qui changera grand-chose quand le manque nous aveugle, mais ça remet les idées en place pour les fois où on est encore lucide.

Quelques têtes approuvèrent vigoureusement.

- Et si c'est quelqu'un d'autre qui vous lit cette foutue liste quand vous n'êtes plus en mesure de le faire, alors tant mieux pour vous.

La grimace de Raphaël semblait vouloir le contredire, ce qui était un peu hypocrite de la part d'une personne qui devait lui avoir dit au moins mille fois depuis qu'il le connaissait qu'il n'y avait rien de honteux à demander de l'aide, que notre capacité à prendre soin des autres était ce qui nous distinguait des autres espèces.

Peut-être même ce qui était à l'origine des sociétés humaines.

La réunion ne dura pas longtemps après ça. Ils récitèrent une nouvelle prière, puis Raphaël discuta encore un peu avec Nico tout en fumant trois cigarettes d'affilée.

Il imita les autres quand ils commencèrent à ranger les chaises.

Raphaël serra une dernière fois la main de son parrain, solennel, avant de le rejoindre. Il nota avec soulagement qu'il passa un bras autour de ses épaules dès qu'ils passèrent la porte. Il enlaça sa taille en réponse, sa prise juste un peu plus possessive que d'habitude. D'aussi près, l'odeur du tabac était entêtante.

Il eut une idée.

- J'aimerais nous faire transplaner quelque part, dit-il, quand Raphaël sortit sa baguette à l'approche de la ruelle où ils étaient arrivés. A moins que tu ne préfères rentrer.

Raphaël n'hésita que quelques secondes.

- Où ?

- C'est une surprise.

Raphaël s'arrêta pour le dévisager, les yeux légèrement plissés.

Et juste parce qu'il le pouvait, il se cacha derrière son amour pour lui – encore – et moula ses traits dans le masque aristocratique des Black

Contre toute attente, l'expression de Raphaël vacilla. Ses yeux devinrent à nouveau brillants tandis que ses lèvres se mettaient à trembler, puis il enveloppa son visage de ses deux mains.

Il l'embrassa avec une douceur qui lui rappela leur deuxième rendez-vous, à la différence qu'il n'avait plus l'impression que son cœur se désagrégeait dans sa poitrine, mais plutôt qu'il devenait indestructible.

Une première vague chaude le fit légèrement vaciller. Il enveloppa les poignets de Raphaël avec douceur le temps du baiser, bien décidé à le laisser mener.

Raphaël délaissa ses lèvres pour sa joue, l'angle de sa mâchoire, sa gorge, puis enfouit son visage contre son cou. Il embrassa sa tempe en réponse.

- Je t'aime tellement, Regulus.

- Moi aussi, je t'aime.

Un frisson salua sa réponse. Il attendit qu'il le libère, le bruit de la vie parisienne comme lointaine au bout de la ruelle.

- Je peux nous faire transplaner ? demanda-t-il, quand il se redressa.

Raphaël eut un sourire, le premier vraiment sincère depuis la veille.

- Surprends-moi, mon amour.

Il leva les yeux au ciel puis agita sa baguette.

L'air iodé remplaça aussitôt celui pollué de Paris ; le bruit des vagues, la rumeur de la ville.

Ils se trouvaient devant un muret en pierres sèches qui séparait un jardin des dunes de sable. Pour qui savaient regarder, les plantes qui avaient envahi le terrain appartenaient au monde magique. Un peu plus loin, dissimulée par des arbres, la maison avait appartenu à un intellectuel sorcier, décédé le lendemain de Noël. Eugène avait eu vent de l'histoire et l'avait envoyé faire un tour dans sa bibliothèque pour dénicher les trésors qu'elle renfermait avant quelqu'un d'autre.

Il devait reconnaître que son patron avait bien fait, car il avait trouvé une sacrée collection de manuscrits ayant appartenu à des Mages Noirs plus ou moins anonymes et quelques premières éditions prisées.

Une chance pour la librairie que l'homme n'avait pas de famille proche et que son assistant était trop abattu par sa mort pour négocier l'offre qu'il lui avait faite.

Ça avait été comme un cadeau d'anniversaire en avance.

Raphaël détailla les environs avec curiosité.

- Où sommes-nous ?

- Sur la côte d'Émeraude, en Bretagne.

Raphaël haussa un sourcil.

- L'excellente affaire d'il y a deux semaines ?

- Exactement, dit-il en lui prenant la main. Suis-moi.

Un chemin serpentait entre les dunes en direction du bruit des vagues. Peu à peu, la végétation se réduisit à des brins d'herbe coriaces tandis que l'horizon se résumait à une étendue grise à perte de vue.

Puisque le temps était dégagé, les côtes des îles britanniques se laissaient deviner.

Ils s'appuyèrent contre une barrière en bois que le sel avait blanchi et regardèrent les rouleaux s'échouer sur le sable, inlassables, tandis que le vent leur fouettait le visage.

Raphaël était si proche qu'il sentait ses cotes se soulever quand il prit une profonde inspiration, qui tenait presque du soupir. Il libéra ses doigts pour enlacer sa taille à nouveau. Sa tête bascula contre l'épaule de Raphaël quand il entoura ses épaules en retour.

Un jour d'hiver comme celui-ci, le soleil était déjà bas. Le ciel commençait à prendre des tons rosés qui s'accordaient parfaitement à la couleur de l'eau.

- C'est vraiment beau, ici, souffla Raphaël.

- C'est exactement ce que je me suis dit quand je suis venu.

Depuis qu'il avait de nouveau une baguette magique, voyager à l'autre bout de la France ne lui faisait plus peur. Il était toutefois assez rare que son travail l'envoie dans des coins aussi reculés, et plus rare encore qu'il se retrouve à une centaine de mètres de la mer.

Il avait passé une heure à regarder les vagues avant de rentrer à Paris.

- L'été de mes six ans, notre tante Druella nous a emmené avec Sirius sur l'île Mal di Ventre, au large de la Sardaigne. On y a passé trois semaines avec nos cousines. Notre mère était à Londres, on mangeait des glaces tous les jours et on passait l'après-midi à la plage. Sirius et Andy n'arrêtaient pas de lancer des algues sur Bellatrix, ce qui était très amusant à regarder.

Bellatrix avait fini par ne plus venir à la plage avec eux, préférant s'enfermer dans sa chambre, ce qui avait rendu ces vacances encore plus mémorables.

La vue des vagues resterait pour toujours associée à cet été, l'un des premiers dont il se souvenait, le seul qui avait eu le goût de l'enfance.

- C'est rare de t'entendre parler en bien de ta famille.

A mesure que les années passaient, il avait de plus en plus de mal à considérer tous ces gens comme sa famille, surtout quand il observait les Delacour. Parfois, il se demandait même pourquoi Sirius continuait à tenir une place si spéciale à ses yeux quand, vraiment, il était loin d'avoir été un grand frère idéal.

Sans compter que s'il n'était pas mort, il ne devait pas en être loin.

- A en croire Eugène, je ne démérite pas à ton sujet.

Son patron lui avait fait savoir à plusieurs reprises qu'il évoquait Raphaël à tout bout de champ et, qu'à l'écouter, son Soigneur n'avait pas de défaut.

Raphaël se crispa un peu.

- Pour quelqu'un qui se vante d'être très intelligent au moins une fois par jour, tu manques parfois cruellement de discernement.

Il leva les yeux au ciel.

- Tu peux parler.

Tu finiras par avoir peur.

Raphaël fit claquer la langue contre son palais, puis croisa ses bras sur sa poitrine, ce qui l'obligea à s'écarter un peu.

- Ça faisait longtemps.

Il haussa un sourcil face à son regard accusateur.

- J'ai cru que tu avais oublié.

- Que tu as tué et torturé pendant la guerre ? Que tu étais un Mangemort ? Non, tu me l'as assez répété pour que le message se grave durablement.

Il hocha la tête.

- Parfait. Je suppose donc que tu me crois quand je te dis que ce qui s'est passé cette nuit ne change rien ?

Raphaël ouvrit la bouche pour répliquer. Il eut un sourire mauvais pour l'inciter à bien choisir ses mots, même si l'air gonflait difficilement ses poumons à cause de sa gorge serrée ou que son cœur battait trop vite dans sa poitrine.

Il avait grandi dans une famille où les sentiments étaient dangereux et où les non-dits étaient nécessaires pour sauver les apparences. Parler – communiquer – restait difficile – douloureux, humiliant presquemais il savait que perdre Raphaël serait mille fois pire alors il faisait l'effort.

De dire. De demander. D'exiger, même, parfois.

Raphaël le dévisagea, les dents serrées.

- C'est différent, grogna-t-il finalement. Ce que tu as fait, c'est du passé. Tu ne le referas jamais. Je serais toujours un narco. Toujours, Regulus.

Le rire froid qui passa ses lèvres aurait pu conjurer le fantôme de son père et rendre sa mère fière. Raphaël serra les poings en réponse.

- Du passé, hein ? Tu ne t'es jamais demandé ce qu'il se passerait si quelqu'un découvrait que je suis toujours vivant ?

Raphaël sortit son paquet de cigarette, ce qu'il décida de voir comme un bon signe.

- Ma mère te l'a dit, Regulus. Tu n'aurais même pas été envoyé à Azkaban à l'époque, sans parler du baiser du Détraqueur. Ça fait presque quinze ans maintenant, même s'ils te retrouvent, je doute que tu termines à Azkaban.

Parfois, il avait l'impression que Raphaël – et une partie des Delacour – était incapable d'imaginer que Simone Bonaccord puisse se tromper.

- Oui, ce n'est pas comme si j'étais le cousin de Bellatrix Lestrange ou le frère de Sirius Black.

Ce n'était pas comme si Sirius avait été envoyé à Azkaban sans même un simulacre de procès.

Raphaël baissa les yeux. Sa cigarette diminua d'un tiers en une seule bouffée.

Il tourna la tête vers la mer. La marée était en train de monter. Les vagues semblaient plus puissantes qu'à leur arrivée.

Il savait où Raphaël voulait en venir. Les statistiques n'étaient pas tendres avec les narcotiques, repentis ou non. Seuls les plus chanceux – ceux qui avaient des ressources et une famille soudée autour d'eux – parvenaient vraiment à s'extirper de l'addiction. Le risque de rechute existait toujours mais, avec de l'aide, il pouvait être maîtrisé. A tout point de vue, Raphaël faisait partie de ces personnes-là. Il avait réussi l'exploit de rester abstinent depuis son unique overdose.

Les autres – et ils étaient nombreux – mourraient souvent jeunes ou passaient leur vie à alterner entre des phases de consommation et de sobriété, plus ou moins longues, plus ou moins destructrices.

Tu finiras par avoir peur.

D'eux deux, c'était Raphaël qui finirait par avoir peur.

La mer n'évoquait pas seulement cet été sicilien. Dans la grotte, l'eau du lac avait été salée. La dernière chose dont il se souvenait, c'était du goût du sel dans sa bouche, la douleur qui déchirait sa peau et les visages décharnés derrière le rideau rouge de son propre sang.

Après toutes ces années, il n'avait toujours pas réussi à avouer à Raphaël le pourquoi ou le comment de ses cicatrices. Il devait avoir deviné certains détails – parce que des cauchemars continuaient à revenir le hanter et que son empathie était une redoutable informatrice – mais il ne savait pas.

Et, après la nuit dernière, ce n'était certainement pas le moment.

Raphaël pressa ses paumes contre ses yeux, puis ébouriffa ses cheveux de sa main libre.

- Je suppose que tu as tout un tas de scénarios, n'est-ce pas ?

Sa rencontre inopinée avec Narcissa et sa famille, lors de la fête en l'honneur de Simone, avait été une occasion comme une autre d'imaginer le pire, ce pour quoi il excellait.

Il hocha la tête.

- Je t'écoute.

Ce fut à son tour de croiser les bras sur sa poitrine.

- Tu crois vraiment que c'est le bon moment pour ça ?

- Si j'ai bien appris une chose, c'est de ne jamais laisser passer l'occasion d'en apprendre plus quand tu es d'humeur à te confier un peu.

Il était bien obligé de reconnaître qu'il n'avait jamais rien exigé de ce point de vue-là, alors qu'il aurait pu.

Il se noya dans la mer quelques vagues de plus.

- Puisque mon frère a été déshérité à seize ans, je suis le seul à pouvoir devenir le Patriarche de la famille Black, ce qui va de pair avec la gestion du patrimoine et un siège au Magenmagot. Maintenant, je te laisse imaginer quel serait l'accueil qui me serait réservé si l'annonce de ma résurrection était suivie par celle du nom de mon conjoint.

Raphaël termina sa deuxième cigarette en silence.

- Je suppose que les autres familles ne se contenteront pas de quelques lettres d'insultes.

- Non. Il paraît que le dernier à avoir eu une liaison avec un homme s'est fait assassiner.

La vague d'émotions qui le traversa était faite de colère, de dégoût et de terreur.

Tu finiras par avoir peur.

Raphaël se racla la gorge.

- Plus j'en apprends sur la Grande-Bretagne, moins j'ai envie d'y mettre les pieds.

Les côtes des îles britanniques commençaient à disparaître à l'horizon. Le monde magique français était loin d'être parfait, mais il était juste un peu plus tolérant que la société Sang-Pur où il avait grandi.

- Pour ton information, que ce soit Azkaban ou les Sacred Twenty-Eight, je suis assez sûr que ma mère réussirait à te protéger.

Il en doutait, mais Raphaël avait trop vu sa mère se sortir de situations délicates avec brio pour le croire, et il sous-estimait aussi ce dont étaient capables les familles sorcières quand elles estimaient que leurs valeurs étaient attaquées.

De toute façon, il ne craignait pas vraiment ces deux scénarios-là.

- Toute influente soit-elle, je doute qu'elle puisse faire grand-chose contre Voldemort.

Il serra les paupières quand il réalisa ce qu'il venait de dire.

Stupide, stupide, stupid.

Les battements affolés de son cœur dans ses oreilles engloutirent le bruit des vagues. Des brides de souvenirs – les Inféris, la grotte, le médaillon, Kreattur – s'échappèrent des abîmes où il les avait bannis. Il eut l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds tandis que son moignon se mettait à pulser.

Sans la barrière dans son dos, il serait sans doute tombé à genoux.

Une main froide se referma sur sa nuque, puis Raphaël l'attira contre lui. Il n'eut pas le temps de reprendre son souffle que sa panique était engloutie par le manque qui rongeait Raphaël depuis la veille. Sa boîte crânienne devint comme trop étroite pour son cerveau, des éclairs de couleurs se succédèrent sous ses paupières et il crut sincèrement qu'il allait s'évanouir.

Raphaël dut reprendre le contrôle sur son empathie car la sensation oppressante disparut soudainement. L'air qui gonfla ses poumons lui arracha une sorte de râle.

Raphaël se mit à trembler.

- Désolé, grinça-t-il.

Il resserra sa prise autour de sa taille, ses pensées encore trop embrouillées pour qu'il puisse former une phrase cohérente.

C'était loin d'être la première fois que Raphaël perdait le contrôle. Il lui répondait toujours que ce n'était pas grave – c'était un bien faible prix à payer –, qu'il l'avait peut-être un peu provoqué – il aimait y voir le signe que Raphaël s'abandonnait dans ses bras – ou qu'il appréciait de savoir ce qu'il ressentait à son tour.

Il lui fallut pourtant plusieurs longues minutes pour réaliser que c'était sa propre panique qui avait provoqué ce débordement de son don. Son aveu inopportun n'était vraiment pas sa meilleure idée de la journée. Il serra les paupières, se blottit un peu plus contre Raphaël et pria en silence pour qu'il ne relève pas sa dernière phrase.

Bien sûr, il ne fut pas exaucé.

Raphaël enveloppa son visage, ses mains glacées sur sa peau brûlante. Il déglutit avant d'ouvrir les yeux.

Il lut sa question dans les plis sérieux entre ses deux sourcils.

- Je vais avoir besoin que tu m'expliques pourquoi Voldemort voudrait s'en prendre à toi depuis le royaume des morts.

Il sauta sur l'issue de secours qu'il lui offrait.

- Rien ne dit qu'il soit vraiment mort.

Bien qu'il doutât encore qu'il soit vraiment vivant, ce qu'il avait trouvé dans la grotte le jour de son accident ne laissait aucun doute. Voldemort avait créé un Horcruxe. Il ne pensait pas qu'il se soit arrêté là dans sa quête pour l'immortalité.

- Je crois que ça reste tout de même la version officielle.

- Comme moi, tu veux dire ?

Raphaël plissa les yeux, puis sembla en perdre le contrôle sur sa mâchoire.

- Tu le penses vraiment ?!

- Je suis assez certain qu'on a jamais retrouvé son corps.

Ce qui n'était pas comment fonctionnait l'Avada Kedavra. Bien sûr, un enfant de quinze mois n'aurait pas dû être en mesure de survivre à ce sortilège pour commencer, ce qui prouvait bien qu'il n'avait pas tous les éléments qui lui permettraient de comprendre ce qui s'était passé cette nuit d'Halloween. Toutefois, la magie avait des règles. L'Avada était l'un des trois sortilèges Impardonnables. Il s'attaquait à l'essence même d'un être vivant, pas à son enveloppe physique.

Raphaël passa une main à travers ses cheveux puis secoua la tête.

- D'accord. Admettons que, d'une façon ou d'une autre, ce dégénéré soit en mesure de revenir d'entre les morts. Pourquoi s'en prendrait-il à toi ?

Il prit une profonde inspiration. Ce n'était sans doute pas le meilleur moment mais il en avait déjà trop dit.

- Je…

Sa voix se brisa malgré lui. Serrer les paupières fut une mauvaise idée car ses souvenirs en profitèrent pour s'emballer. Raphaël attrapa son menton avec douceur.

- Regarde-moi, mon amour.

Les yeux de Raphaël étaient plus brillants que d'habitude.

- Tu n'es pas obligé, souffla-t-il.

Il hocha la tête. Il savait. Adèle en soit remerciée, Raphaël n'avait jamais – jamais – essayé de lui arracher une confession à ce sujet. Cela ne l'empêchait sans doute pas d'avoir une théorie ou deux sur la façon dont il avait obtenu toutes ses cicatrices, et il lui proposait toujours de se confier quand les Inféris l'attiraient vers le fond du lac, encore et encore, dans ses cauchemars, mais la décision lui revenait.

Plusieurs fois, il avait essayé de rassembler tout son courage pour lui en parler mais si le Choixpeau avait laissé entendre qu'il serait plus à sa place à Serdaigle qu'à Serpentard, il n'avait jamais mentionné Gryffondor.

Il se racla la gorge

- Avant de disparaître, je lui ai volé quelque chose, souffla-t-il.

Raphaël écarquilla les yeux, puis hocha la tête, presque timidement. Il retraça les cicatrices sur son visage du bout des doigts avant de croiser son regard à nouveau.

- Et il t'a vu ou… ?

Il secoua la tête.

- Non… je… J'ai laissé un mot ?

Raphaël fronça les sourcils, puis eut comme un mouvement de recul.

- Tu as quoi ?!

Il serra à nouveau les paupières, les joues brûlantes.

De tous les scénarios possibles qu'il avait joué dans sa tête ces dernières années pour ce moment, il n'avait jamais pensé que Raphaël éclaterait de rire, moqueur, non plus qu'une projection le pousserait à l'imiter.

Il n'avait pas non plus pensé qu'il se sentirait un peu plus léger aussi vite.

- Même le plus stupide des voleurs sait qu'on ne laisse pas de mot derrière soi ! Encore moins signé.

Il fit de son mieux pour conjurer un regard accusateur mais Raphaël rit à nouveau. Il se pencha jusqu'à ce que leurs fronts se touchent.

- J'ai raison, n'est-ce pas ?

- Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler.

- Bien sûr, murmura-t-il contre ses lèvres, juste avant de l'embrasser.

Quand il se redressa, il avait cette expression dont il n'avait su faire, des années de cela. Comme s'il avait mal quelque part quand il le regardait.

- Tu es ridicule, souffla-t-il, juste assez fort pour couvrir le bruit des vagues.

Il grimaça.

- J'avais dix-huit ans.

Le coin de ses lèvres retomba. Son expression devint sérieuse.

Son cœur se mit à battre plus vite. Raphaël ne serait pas surpris par ce qu'il allait dire mais il ne l'avait jamais reconnu à voix haute non plus.

Je suis un narco.

- Et j'étais censé mourir.

Une larme roula sur sa joue. Raphaël l'effaça d'un baiser. Il en profita pour se blottir contre lui le temps de reprendre le dessus sur ses émotions, essayant de calquer sa respiration sur la main que Raphaël faisait glisser dans son dos.

Il se souvenait parfaitement du moment où il avait écrit le mot, juste avant de le glisser dans le faux médaillon que Kreattur lui avait permis de Métamorphoser à partir d'un vieux collier de famille. S'il fermait les yeux, il pouvait revoir sa chambre Square Grimmauld, le bureau sous la fenêtre, sa plume d'un joli bleu nuit. Il avait utilisé la Légimencie pour découvrir ce qui l'attendait à travers les souvenirs de Kreattur. Il avait vu le lac, les Inféris, la potion qu'il lui faudrait boire. Il n'avait pas eu l'ombre d'un doute qu'il ne serait pas aussi chanceux que son Elfe.

Et cela lui avait paru juste. Il volerait l'Horcruxe, Kreattur parviendrait à le détruire et si cela ne rendrait pas la vie aux personnes qu'il avait tué, au moins ferait-il en sorte qu'un jour, Voldemort puisse être détruit.

Qui plus est, une fois mort, il ne pourrait plus faire de mal à personne.

Il n'y aurait plus de mariage.

Plus de rôle à jouer.

Plus de mensonges.

- Je serai éternellement reconnaissant que tu aies survécu.

- Moi aussi.

Avec le recul, il était même reconnaissant d'avoir perdu une partie de sa jambe.

- Donc, si je résume bien, à la minute où quelqu'un découvrira que tu es vivant – ce qui me paraît peu probable après toutes ces années –, je dois m'attendre à te voir disparaître à Azkaban, recevoir des menaces de mort et il n'est pas exclu que Lord Voldemort termine sur le pas de notre porte.

La moquerie dans sa voix l'incita à relever la tête pour le dévisager.

- Tu as conscience que chaque hypothèse a l'air moins probable que la précédente, pas vrai ?

Il haussa un sourcil.

- Cela me paraît toutefois plus probable que la possibilité que tu puisses un jour retomber dans l'héroïne.

Son visage se ferma.

- C'est très différent.

- On verra bien lequel de nous deux aura raison.

Raphaël serra les dents. Il l'embrassa malgré tout, puis saisit son menton comme il le faisait si souvent.

- Je connais ton cœur, darling. Laisse-moi te prouver que tu as tort, juste cette fois.

Raphaël ouvrit la bouche.

La referma.

Son regard devint brillant, puis il déglutit difficilement.

- Tu triches, souffla-t-il.

Il eut un sourire en coin.

- Et bien, tu n'as qu'à t'en prendre qu'à toi-même.

Cette fois, Raphaël répondit à son baiser. Ils restèrent sur la plage jusqu'à ce que la nuit tombe parfaitement et qu'il devienne difficile de différencier le ciel de la mer.

Il voyait peut-être ce qu'il l'arrangeait, mais il eut quand même l'impression que Raphaël semblait moins à vif.

Serein.

Presque.

Quelque part au fond de son cœur, il commença à se demander s'il n'avait pas survécu aux Inféris précisément pour être à ses côtés, aujourd'hui. Comme si sa bonne étoile avait tout prévu, depuis le début.

- Je t'aime, dit-il.

Raphaël eut ce sourire tendre qu'il préférait entre tous.

- Je sais.


Allez, avouez que ça faisait quand même longtemps qu'il n'y avait pas eu des larmes dignes de ce nom ! (ma muse a un petit côté sadique qu'elle n'essaye même plus de cacher).


Comme d'habitude, je suis curieuse d'avoir votre avis sur :

-Raphaël, mon pauvre, pauvre, petit chat qui m'a clairement brisé le cœur(à l'écriture et à la relecture).

- Regulus, qui passe en mode surprotecteur dès que son chéri faibli (et qui pourrait affronter un dragon à mains nues pour lui).

- Le retour des démons de Raphaël (stay tuned, c'était le round 1).

- Les confidences surprises de Regulus (le sens du timing, c'est inné chez les Black)

Je crois que j'ai presque rien oublié !


Je vais essayer de retrouver ma régularité habituelle (les ancien·nes savent). Je ne vais toutefois pas faire de promesses (ça ne me réussit pas). Dans tous les cas, je vous conseille de me suivre (c'est l'occasion de vous créer un compte, c'est une vraie expérience – presque un voyage dans le temps ! ).

La prochaine mise à jour sera du côté de Supernova. Je suis sûre que mon ado terrible vous manque un peu xD

A bientôt !

Orlane.


On n'oublie pas de laisser une review avant de fermer la page ! Sans déconner, ça prend deux minutes !

Mis en ligne le 17/09/2022