Chapitre 3 : Le Prince de Sang-Mêlé

Le lendemain matin, Hermione s'habilla de bonne heure pour cette première journée de cours qu'elle était impatiente de commencer. Rapidement, elle se regarda dans la glace pour ajuster ses cheveux ondulés qu'elle avait relevés au dessus de sa nuque. Elle remarqua qu'elle avait quelque peu changé depuis l'année dernière. En effet, ses joues se sont creusées, soulignant ses pommettes, et ses yeux noisette sont aujourd'hui plus pétillants que jamais. Même sa silhouette s'était affinée au cours de l'été, ce qu'elle n'avait pas manqué de remarquer à la manière dont Ron la regardait bien souvent.

Lorsqu'elle quitta le dortoir, Lavande et Parvati étaient en train de se réveiller. Elle descendit dans la salle commune où elle fut rejointe par Harry et Ron. À l'écart des autres, Harry lui expliqua sa périlleuse aventure de la veille.

-Il essayait de faire le malin pour impressionner Parkinson, tu ne crois pas ? intervint aussitôt Ron, avant qu'Hermione ait eu le temps de dire quoi que ce soit.

-Bah, répondit-elle, l'air incertain, je ne sais pas… Ça ressemble bien à Malefoy de se prétendre plus important qu'il ne l'est… mais ce serait quand même un gros mensonge…

-Exactement, approuva Harry, mais il ne put développer ses arguments car trop de monde s'efforçait de les écouter, sans compter ceux qui le dévisageaient en chuchotant.

-C'est très mal élevé, lança sèchement Ron à l'adresse d'un élève de première année particulièrement minuscule, alors qu'ils prenaient la file pour sortir par le trou du portrait.

Le garçon, qui avait murmuré à l'un de ses amis quelque chose au sujet d'Harry en se cachant derrière sa main, devint écarlate et tomba du trou sous le coup de l'émotion. Ron ricana.

-Ça me plaît beaucoup d'être en sixième année. En plus, on va avoir du temps libre. Des heures entières pendant lesquelles on pourra rester là à se détendre.

-On aura besoin de ce temps-là pour étudier, Ron ! dit Hermione tandis qu'ils avançaient dans le couloir.

-Oui, mais pas aujourd'hui, répliqua-t-il. Aujourd'hui, on va vraiment se la couler douce.

-Attends un peu, toi ! s'écria Hermione en tendant le bras pour arrêter un élève de quatrième année qui l'avait poussée, un disque vert vif à la main. Les Frisbee à dents de serpent sont interdits, donne-moi ça, ordonna-t-elle d'un ton sévère.

L'air mécontent, le garçon lui tendit le Frisbee qu'on entendait gronder, se pencha pour passer sous le bras d'Hermione et courut rattraper ses amis. Ron attendit qu'il soit hors de vue pour arracher le Frisbee des mains d'Hermione.

-Parfait, j'ai toujours eu envie d'en avoir un.

Les protestations d'Hermione furent couvertes par un gloussement sonore. Lavande Brown avait apparemment trouvé désopilante la remarque de Ron. Elle les dépassa en riant et jeta par-dessus son épaule un coup d'œil à Ron qui eut l'air très content de lui.

Hermione se rappela de sa conversation avec celle-ci la veille, se demandant s'il y avait quelque chose entre elle et Ron… elle commençait à saisir le sens de sa question lorsqu'ils arrivèrent dans la Grande Salle, dont le plafond était d'un bleu serein, parsemé de légers nuages effilés. Les trois amis se servirent leur petit déjeuner qui était composé de porridge et d'œufs au lard, quand Harry et Ron racontèrent à Hermione une conversation quelque peu embarrassante qu'ils avaient eue avec Hagrid, la veille au soir. Apparemment, ce dernier était persuadé qu'ils allaient revoir ses élèves préférés à son cours de soin et créature magique. Quelque peu gênée, Hermione s'exclama d'un air affolé

-Il ne peut quand même pas penser que nous allons continuer les cours de soins aux créatures magiques ! On n'a jamais manifesté… comment dire… d'enthousiasme…

-Et puis, ça suffit comme ça, non ? ajouta Ron en avalant un œuf entier. Nous étions les seuls dans la classe à faire vraiment des efforts par simple amitié pour Hagrid. Et lui, il a pensé que nous aimions cette stupide matière. Tu crois que quelqu'un va la prendre en option pour ses ASPIC ?

Ni Harry, ni Hermione ne répondirent, c'était inutile. Ils savaient pertinemment qu'aucun élève de leur année ne continuerait les cours de soins aux créatures magiques. Lorsque Hagrid quitta la table des professeurs dix minutes plus tard, ils évitèrent son regard et répondirent sans conviction au signe de main enjoué qu'il leur adressa.

Après avoir terminé leur petit déjeuner, ils restèrent à leur place en attendant que le professeur McGonagall quitte à son tour la table des enseignants. Cette année, la distribution des emplois du temps se révéla plus compliquée que d'habitude car le professeur McGonagall devait d'abord s'assurer que chacun avait obtenu des notes suffisantes aux BUSE pour pouvoir continuer les matières choisies au niveau des ASPIC. Hermione fut tout de suite autorisée à poursuivre l'étude des sortilèges, de la défense contre les forces du Mal, de la métamorphose, de la botanique, de l'arithmancie, des runes anciennes et des potions et fila aussitôt à un cours de runes de la première période.

Elle sortit de la Grande Salle en direction de la salle de classe, lorsqu'elle se rappela qu'elle n'avait pas avec elle son dictionnaire de traduction de runes anciennes. Se dépêchant pour ne pas arriver en retard, elle accéléra son allure et passa par le couloir du septième étage pour rejoindre la tour de Gryffondor. Elle arriva à la hauteur de la tapisserie représentant Barnabas le Follet en train d'essayer d'apprendre la danse classique à des trolls quand soudain, elle percuta quelque chose de dur. Tombant sous le poids du choc, elle jura quelques mots indistincts avant de s'apercevoir qu'elle venait de se cogner à… Malefoy.

-Tu ne sais pas regarder devant toi Granger ! Dit-il d'un ton désagréable.

Pour une raison qui échappa à Hermione, il semblait embarrassé d'avoir été dérangé à ce moment précis. Elle fut encore plus surprise quand il lui tendit la main pour l'aider à se relever. Le couloir était désert, est-ce pour cette raison qu'il agissait ainsi ? Car il n'y avait aucun autre Serpentard pour la rabaisser et la traiter de Sang-de-Bourbe ?

-Heu merci… répondit-elle, encore sous le choc de cette initiative qui lui ressemblait si peu. Désolée j'étais perdue dans mes pensées…

-Y'a pas de quoi… essaie de faire attention la prochaine fois, je ne serais pas toujours de bonne humeur… Et il lui tourna le dos, prenant la direction opposée.

Elle continua de le regarder marcher le long du couloir et elle vit, à l'angle du mur, qu'il lui jeta un dernier coup d'œil furtif, avant de détourner aussitôt le regard.

Elle était intriguée par ce comportement inhabituel chez le Serpentard. Cela ne ressemblait pas à Malefoy de se montrer aimable avec elle… si ce n'est cette fois-là, en première année. Elle fut surprise de repenser à ce souvenir après toutes ses années, mais elle avait été tellement touchée par le réconfort du garçon. Jamais elle n'avait oublié. Jamais elle n'en avait parlé. Elle avait jugé qu'il était inutile d'expliquer à Harry et Ron ce moment intime avec Malefoy. Après tout, il avait passé les cinq dernières années à l'insulter et la maltraiter. Alors qu'elle était plongée dans ses vieux souvenirs qui resurgissaient, Hermione se rappela quelques secondes plus tard qu'elle était venue chercher son dictionnaire. Dix minutes après, elle arriva à bout de souffle à son cours d'étude des runes anciennes.

Bien que ce cours soit le premier, elle trouva les traductions du professeur Babbling extrêmement complexes. De plus, son attention était retenue sur l'étrange comportement de Malefoy dans le couloir. Que faisait-il là bas alors qu'il était censé être en cours ou en fourche dans son dortoir… et pourquoi avoir agit de cette manière avec elle ? Peut-être devrait-elle en parler à Harry et Ron ? Mais quelque chose au fond d'elle voulait garder cet événement que pour elle seule…comme en première année. En plus, Harry allait à nouveau parler de sa théorie à propos de Malefoy-devenu-mangemort, ce dont elle doutait de plus en plus.

La sonnerie retentit, annonçant la fin du cours. Elle se dépêcha de reprendre ses livres pour rejoindre son prochain cours, celui de Défense contre les forces du mal. Elle attendit devant la salle de cours lorsqu'Harry et Ron apparurent enfin.

-On a plein de devoirs en runes, dit-elle d'un ton anxieux. Une dissertation de quarante centimètres de long, deux versions et il faut encore que je lise tout ça d'ici mercredi !

-Pas drôle, marmonna Ron en bâillant.

-Attends un peu, lança-t-elle avec aigreur, je te parie que Rogue va nous surcharger de travail.

La porte s'ouvrit à ce moment-là et Rogue sortit dans le couloir, son visage cireux toujours encadré par deux rideaux de cheveux noirs et graisseux. Le silence tomba aussitôt sur la file d'élèves qui attendaient.

-Allez-y, dit-il.

En entrant dans la salle, les trois amis regardèrent autour d'eux. Rogue avait déjà imposé sa personnalité à la pièce. Elle était plus sombre qu'à l'ordinaire, à cause des rideaux qui masquaient les fenêtres, et éclairée par des chandelles. De nouvelles images étaient accrochées aux murs : la plupart montraient des gens qui souffraient, exhibant d'horribles blessures ou des parties du corps étrangement déformées. Personne ne dit mot tandis qu'ils s'installaient en regardant ces monstrueuses représentations.

-Je ne vous ai pas demandé de sortir vos livres, fit remarquer Rogue qui referma la porte et vint se placer derrière son bureau, face à la classe.

Hermione laissa aussitôt retomber son exemplaire d'Affronter L'ennemi sans visage dans son sac qu'elle rangea sous sa chaise.

-J'ai certaines choses à vous dire qui exigent une pleine et entière attention.

Ses yeux noirs se promenèrent sur les élèves tournés vers lui, s'arrêtant une fraction de seconde de plus sur Harry.

-Je crois que, jusqu'à présent, vous avez eu cinq professeurs différents pour assurer ce cours. Bien entendu, ces professeurs ont tous eu leurs propres méthodes et leurs sujets de prédilection. Étant donné la confusion qui en a résulté, je suis surpris que beaucoup d'entre vous aient réussi à décrocher une BUSE dans cette matière. Je serais encore plus surpris si vous parveniez tous à travailler suffisamment pour suivre le programme de l'ASPIC, qui sera beaucoup plus avancé.

Rogue quitta son bureau et entreprit de faire le tour de la salle, parlant maintenant d'une voix plus basse. Les élèves durent tendre le cou pour ne pas le perdre de vue.

« Les forces du Mal, poursuivit Rogue, sont nombreuses, diverses, toujours changeantes et éternelles. Les combattre, c'est comme combattre un monstre aux multiples têtes. Chaque fois qu'on en tranche une, une autre repousse, plus cruelle encore et plus rusée qu'avant. Vous devez affronter ce qui est instable, mouvant, indestructible. Vos défenses, continua Rogue, d'une voix un peu plus sonore, doivent par conséquent être aussi flexibles et inventives que les forces qu'il vous faut vaincre. Ces images (il en montra quelques-unes en passant devant) donnent une assez bonne idée de ce qui arrive lorsqu'on subit un sortilège Doloris, par exemple (il désigna d'un geste une sorcière qui hurlait de douleur), ou le baiser d'un Détraqueur (un sorcier recroquevillé, le regard vide, effondré contre un mur) ou l'agression d'un Inferius (une masse sanglante gisant sur le sol) ».

-Est-ce qu'on a vu un Inferius, récemment ? demanda Parvati Patil d'une petite voix aiguë. On est sûr qu'il s'en sert ?

-Le Seigneur des Ténèbres a eu recours à des Inferi dans le passé, répondit Rogue, vous seriez donc bien inspirés de supposer qu'il peut à nouveau en faire usage. À présent…

Il passa de l'autre côté de la salle pour revenir à son bureau et les élèves le suivirent des yeux, sa robe sombre virevoltant derrière lui.

-…. j'imagine que vous êtes de complets novices en matière de sortilèges informulés. Quel est l'avantage d'un sortilège informulé ?

La main d'Hermione jaillit aussitôt. Rogue prit son temps, regardant tous les autres pour être sûr qu'il n'avait pas le choix. D'un ton sec, il dit alors :

-Très bien… Miss Granger ?

-Votre adversaire ne sait pas quel genre de magie vous allez utiliser, répondit Hermione, ce qui vous donne une fraction de seconde d'avance sur lui.

-Une réponse copiée presque mot pour mot dans Le Livre des sorts et enchantements, niveau 6, remarqua Rogue d'un air dédaigneux

Hermione ne manqua pas de remarquer le ricanement de Malefoy face au commentaire de Rogue. Ainsi, le Serpentard reprenait les bonnes vieilles habitudes. Elle bouillonnait de rage et n'écouta qu'à moitié ce que Rogue expliquait à propose des sortilèges informulés.

-… Tous les sorciers n'en sont pas capables, bien sûr. C'est une question de concentration et de force mentale dont certains (son regard malveillant s'attarda à nouveau sur Harry) manquent singulièrement. Vous allez maintenant vous répartir en équipes de deux. L'un des deux partenaires essayera d'ensorceler l'autre sans parler et l'autre tentera de repousser le maléfice en restant tout aussi muet. Allez-y.

Hermione fit équipe, comme bien souvent, avec Neville. Un nombre raisonnable de tricheries s'ensuivirent. Beaucoup d'élèves murmuraient simplement l'incantation au lieu de la lancer à voix haute. Ce n'est qu'à sa troisième tentative qu'Hermione réussit à repousser le maléfice de Jambencoton qu'avait marmonné Neville sans ouvrir la bouche. Rogue passa à côté d'eux, impassible à l'exploit réalisé par la Gryffondor. Il fit le tour de la classe, observant les différents groupes d'élèves. Il s'arrêta devant Harry et Ron pour observer leurs efforts.

Ron, qui devait ensorceler Harry, avait le teint violet et serrait étroitement les lèvres pour résister à la tentation de chuchoter l'incantation. Harry avait levé sa baguette et attendait, tous ses sens en éveil, de repousser un maléfice qui paraissait ne jamais devoir venir.

-Lamentable, Weasley, commenta Rogue au bout d'un moment. Tenez, je vais vous montrer…

Il pointa si vite sa baguette sur Harry que celui-ci réagit instinctivement. Oubliant toute idée de sortilège informulé, il s'écria :

-Protego!

Son Charme du Bouclier fut si puissant que Rogue perdit l'équilibre et tomba sur une table. Toute la classe se tourna vers lui et le regarda se redresser, l'air mécontent.

-Vous souvenez-vous que j'avais parlé de sortilèges informulés, Potter ?

-Oui, répondit Harry avec raideur.

-Oui, monsieur.

-Il n'est pas nécessaire de m'appeler « monsieur », professeur.

Hermione ainsi que plusieurs élèves de la classe sursautèrent à la remarque d'Harry.

Mais derrière Rogue, Ron, Dean et Seamus eurent un sourire approbateur.

-Retenue, samedi soir, dans mon bureau, dit Rogue. Je ne tolère d'impertinences de personne, Potter… pas même lorsqu'elles viennent de l'Élu.

-C'était magnifique, Harry ! s'exclama Ron en pouffant de rire lorsqu'ils eurent quitté la classe un peu plus tard pour aller en récréation.

-Tu n'aurais vraiment pas dû dire ça, déclara Hermione en regardant Ron les sourcils froncés. Qu'est-ce qui t'a pris ?

-Il a essayé de me jeter un maléfice au cas où tu ne l'aurais pas remarqué ! fulmina Harry. J'ai suffisamment subi ce genre de choses pendant les leçons d'occlumancie ! Pourquoi ne prendrait-il pas un autre cobaye pour changer ? On se demande à quoi joue Dumbledore en lui confiant les cours de défense ! Vous l'avez entendu parler des forces du Mal ? Il les adore ! Tous ces trucs qu'il a racontés sur ce qui est instable, indestructible…

-Eh bien moi, dit Hermione, j'ai pensé qu'il parlait un peu comme toi.

-Comme moi ?

-Oui, quand tu nous expliquais ce qu'on ressent face à Voldemort. Tu nous disais qu'il ne suffit pas de se souvenir de quelques sortilèges, qu'il n'y a plus que le cerveau et les tripes qui comptent, n'était-ce pas ce que Rogue disait aussi ? Que tout est dans le courage et la rapidité d'esprit ?

Harry ne répondit pas à remarque, et fut bientôt appelé par un élève du nom de Jack Sloper, qui était l'un des batteurs de l'équipe de Quidditch de l'année dernière. Celui-ci se dirigea vers Harry, un rouleau de parchemin à la main.

-Pour toi, dit Sloper, hors d'haleine. Écoute, j'ai appris que tu étais le nouveau capitaine. Quand est-ce que tu fais passer les essais ?

-Je ne sais pas encore, répondit Harry. Je te préviendrai.

-D'accord, j'espérais que ce serait pendant le week-end…

Mais Harry ne l'écoutait pas. Laissant Sloper au milieu d'une phrase, il s'éloigna en hâte, accompagné de Ron et d'Hermione, et déroula le message.

Cher Harry,

Je voudrais que nous commencions nos leçons particulières samedi prochain. Aie la gentillesse de venir à mon bureau à huit heures du soir. J'espère que tu es content de ton premier jour d'école.

Bien à toi.

Albus Dumbledore

P.S. J'aime beaucoup les Suçacides.

-Il aime les Suçacides ? s'étonna Ron qui avait lu le message par-dessus l'épaule d'Harry et paraissait soudain perplexe.

-C'est le mot de passe pour la gargouille, à l'entrée de son bureau, répondit Harry à voix basse. Rogue ne va pas être content… Je ne pourrai pas faire sa retenue !

Les trois amis passèrent toute la récréation à imaginer sur ce que pourrait être la nature des séances avec le directeur. Ron penchait pour des maléfices et des mauvais sorts spectaculaires d'un genre que les Mangemorts eux-mêmes ignoreraient. Hermione objecta que de telles pratiques étaient illégales et croyait plutôt que Dumbledore voulait apprendre à Harry des sortilèges défensifs de haut niveau.

Après la récréation, elle laissa ses deux amis pour partir à son cours d'Arithmancie donné par le professeur Vector. Elle marcha le long du couloir en direction de la salle de cours, tout en feuilletant son ouvrage de Numérologie et grammaire, quand elle entendit un bruit de pas derrière elle. En temps habituel, ce couloir est rarement emprunté car il amène tout droit à la salle de classe du professeur. Elle se retourna, cherchant l'origine de ce bruit de pas, mais le couloir était désert, hormis quelques armures mal astiquées qui servaient de décoration. Perplexe, elle continua son chemin en direction de la salle de classe.

Le cours donné fut l'un des plus passionnants auquel elle n'avait jamais assisté. La matière de cette année promettait d'être enrichissante, voire même captivante. Hermione buvait les paroles du professeur Vector lorsque la cloche sonna pour annoncer la fin du cours. Elle alla rejoindre ses amis qui l'attendaient dans la salle commune tout en travaillant sur le devoir donné par Rogue. Il était si complexe qu'ils n'avaient toujours pas terminé ce travail pendant leur heure de fourche.

-Vous n'avez toujours pas fini ce devoir ? s'exclama-t-elle alors que Ron n'avait seulement écrit que le titre et son nom sur le parchemin.

Elle se décida à motiver ses amis pour terminer le travail dans les temps. À peine eurent-ils fini que la cloche résonna à nouveau, annonçant leur double cours de potion. Tous trois se dirigèrent vers les cachots, cette salle de cours si familière qui avait longtemps appartenu à l'ancien maître des potions.

À leur arrivée dans le couloir, ils virent qu'une douzaine d'élèves seulement avaient été admis en classe d'ASPIC. Crabbe et Goyle avaient bien évidemment raté leurs BUSE mais quatre Serpentard avaient réussi à obtenir la note requise, y compris Malefoy. Il y avait aussi quatre Serdaigle et un Poufsouffle, Ernie Macmillan.

-Harry, dit Ernie d'un ton solennel en lui tendant la main, je n'ai pas eu l'occasion de te saluer ce matin, en classe de défense contre les forces du Mal. J'ai trouvé le cours intéressant mais le charme du Bouclier, bien sûr, c'était un peu du réchauffé pour nous, les vieux briscards de l'A.D… Comment ca va, Ron ? Et toi, Hermione ?

À peine avaient-ils eu le temps de répondre « très bien » que la porte du cachot s'ouvrit et l'énorme ventre de Slughorn le précéda dans le couloir. Tandis qu'ils entraient dans la salle en file indienne, sa grosse moustache de morse se retroussa sur un sourire rayonnant et il accueillit Harry et un élève de Serpentard du nom de Zabini avec un enthousiasme tout particulier.

Contrairement à l'habitude, le cachot était déjà rempli de vapeurs et d'odeurs bizarres. Harry, Ron et Hermione reniflèrent d'un air intéressé en passant devant de grands chaudrons bouillonnants. Les quatre Serpentard s'assirent à une même table, imités par les quatre Serdaigle. Harry, Ron et Hermione n'avaient plus qu'à partager une troisième table avec Ernie. Ils choisirent celle qui se trouvait tout près d'un chaudron dans lequel une substance d'une couleur dorée dégageait une odeur familière à Hermione. Elle lui rappelait une odeur de prairie à la rosée du matin, une odeur qu'elle avait humée il n'y a pas si longtemps de ça… Elle jeta un regard en biais à Harry et Ron qui s'échangèrent des sourires nonchalants. Avec une irrésistible envie d'éclater de rire, Hermione identifia rapidement la potion responsable de leur réaction.

-Voyons, voyons, voyons, commença Slughorn dont la silhouetté massive semblait trembloter derrière les vapeurs chatoyantes qui s'échappaient des chaudrons. Sortez vos balances et vos nécessaires à potions, sans oublier votre exemplaire du Manuel avancé de préparation des potions…

-Monsieur ? dit Harry en levant la main.

-Harry, mon garçon ?

-Je n'ai ni livre, ni balance, ni rien – et Ron non plus… Nous n'avions pas prévu de pouvoir suivre vos cours en ASPIC…

-Ah oui, le professeur McGonagall m'en a parlé… ne vous faites pas de souci, mon garçon, pas de souci du tout. Aujourd'hui, vous utiliserez les ingrédients qui se trouvent dans l'armoire et nous pourrons sûrement vous prêter une balance. Nous avons également quelques vieux livres dont vous vous servirez en attendant de les commander chez Fleury et Bott…

Slughorn se dirigea vers un coin de la salle et fouilla un certain temps dans un placard d'où il finit par ressortir deux exemplaires très abîmés du Manuel avancé de préparation des potions, de Libatius Borage, qu'il donna à Harry et à Ron en même temps que deux balances en métal terni.

-Alors, maintenant, voyons, reprit Slughorn qui revint devant les élèves et gonfla son torse déjà proéminent, les boutons de son gilet menaçant de sauter. J'ai préparé quelques potions pour que vous y jetiez un coup d'œil, par simple curiosité. C'est le genre de choses que vous devriez être capables de réussir après avoir obtenu vos ASPIC. Vous en avez sûrement entendu parler, même si vous ne les avez jamais faites vous-mêmes. Quelqu'un peut-il me dire le nom de celle-ci ?

Il indiqua le chaudron situé près de la table des Serpentard. Hermione se releva pour identifier le chaudron qui contenait un liquide transparent. Aussitôt, elle leva sa main pour répondre au professeur. Slughorn lui fit signe de parler.

-C'est du Veritaserum, une potion incolore et sans odeur qui oblige celui qui la boit à dire la vérité, répondit-elle.

-Très bien, très bien ! s'exclama Slughorn d'un ton réjoui. À présent, poursuivit-il, en montrant le chaudron proche de la table des Serdaigle, celle-ci est très connue… Elle est également citée dans certaines brochures récemment distribuées par le ministère… Qui peut…

La main d'Hermione fut à nouveau la plus rapide.

-C'est du Polynectar, monsieur, dit-elle.

-Excellent, excellent ! Maintenant, celle-ci… Oui ? dit Slughorn qui parut un peu étonné de voir la main d'Hermione se lever une nouvelle fois.

-C'est de l'Amortentia !

-En effet. Ça paraît presque idiot de poser la question, commenta Slughorn, apparemment très impressionné. Et j'imagine que vous connaissez ses effets ?

-C'est le plus puissant philtre d'amour au monde ! expliqua Hermione.

-Tout à fait exact ! Vous l'avez identifiée, je suppose, grâce à sa couleur nacrée caractéristique ?

-Et à sa vapeur qui s'élève en spirales très reconnaissables, ajouta Hermione avec enthousiasme. On dit qu'elle a une odeur différente pour chacun de nous, selon ce qui nous attire le plus. Moi, je sens un parfum d'herbe fraîchement coupée, de parchemin neuf et…

Ses joues rosirent un peu et elle préféra ne pas terminer sa phrase.

-Puis-je savoir votre nom, chère amie ? demanda Slughorn sans prêter attention à la gêne d'Hermione.

-Hermione Granger, monsieur.

-Granger ? Granger ? Seriez-vous parente d'Hector Dagworth-Granger, fondateur de la Très Extraordinaire Société des potionnistes ?

-Non, je ne crois pas, monsieur. Je suis d'origine moldue.

Elle remarqua du coin de l'œil que Malefoy se pencha vers Nott et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Tous deux ricanèrent mais Slughorn ne se montra nullement décontenancé. Au contraire, son visage s'illumina et son regard alla d'Hermione à Harry qui était assis à côté d'elle.

-Oho ! « L'une de mes plus proches amies a des parents moldus et c'est la meilleure élève de notre année ! » Je crois deviner que c'est de cette amie-là que vous parliez, Harry ?

-Oui, monsieur, répondit-il.

-Bien, bien, bien, Gryffondor a largement mérité vingt points pour vos réponses, Miss Granger, annonça Slughorn d'un ton cordial.

Malefoy faisait à peu près la même tête que le jour où Hermione lui avait donné une gifle. Ce qui lui rappela encore plus, avec satisfaction, la scène de la veille lorsqu'ils montaient l'escalier ensemble.

Hermione tourna vers Harry un visage radieux et murmura :

-Tu lui as vraiment dit que j'étais la meilleure élève ? Oh, Harry !

-Qu'est-ce qu'il y a de si extraordinaire à ça ? murmura Ron qui, pour on ne savait quelle raison, paraissait agacé. C'est évident que tu es la meilleure – moi aussi, je l'aurais dit si on me l'avait demandé !

Hermione sourit mais elle leur fit signe de se taire pour qu'ils puissent entendre ce que disait Slughorn. Ron avait l'air un peu renfrogné.

-Bien sûr, l'Amortentia ne crée pas vraiment un sentiment d'amour. Il est impossible de fabriquer ou d'imiter l'amour. Non, elle produit simplement une forte attirance ou une obsession. C'est sans doute la plus dangereuse et la plus puissante des potions qui se trouvent dans cette salle – eh, oui, ajouta Slughorn en hochant la tête d'un air grave vers Malefoy et Nott qui affichaient tous deux un sourire sceptique. Quand vous aurez autant que moi l'expérience de la vie, vous ne sous estimerez pas le pouvoir de l'amour obsessionnel…

Hermione observait à nouveau Malefoy, dont ses joues creuses étaient légèrement rosies à cause de la remarque lancée par Slughorn.

-Et maintenant, il est temps de nous mettre au travail.

-Monsieur, vous ne nous avez pas dit ce qu'il y a dans celui-ci, dit Ernie Macmillan qui montrait un petit chaudron noir posé sur le bureau de Slughorn.

La potion qu'il contenait bouillonnait joyeusement. Elle avait une couleur d'or fondu et de grosses gouttes sautaient à sa surface comme des poissons rouges, sans que la moindre particule ne déborde.

-Oho, répéta Slughorn. Ah, oui. Celle-ci. Eh bien, mesdemoiselles et messieurs, il s'agit là d'une très étrange petite potion qu'on appelle Felix Felicis.

Hermione laissa échapper une exclamation lorsqu'elle entendit le nom de la potion.

-Je suis sûr, ajouta-t-il en adressant un sourire à Hermione, que vous connaissez les effets de Felix Felicis, Miss Granger ?

-C'est de la chance liquide, répondit Hermione, surexcitée. Il suffit d'en boire pour avoir une chance extraordinaire !

Toute la classe sembla se redresser. Hermione ne voyait plus à présent de Malefoy que ses cheveux blonds et lisses sur sa nuque car il venait enfin d'accorder à Slughorn une attention pleine et entière.

-Parfaitement exact, dix points de plus pour Gryffondor. Oui, c'est une drôle de petite potion, Felix Felicis, poursuivit Slughorn. Horriblement difficile à préparer et désastreuse quand elle est mal faite. Mais si on la mélange correctement, ce qui est le cas de celle-ci, on s'aperçoit que tout ce qu'on entreprend est couronné de succès… en tout cas jusqu'à ce que ses effets se dissipent.

-Pourquoi les gens n'en boivent-ils pas tout le temps, monsieur ? demanda Terry Boot, avide d'en savoir plus.

-Parce que si on en prend trop, elle provoque des étourdissements, une tendance à l'imprudence et un excès de confiance en soi qui peut se révéler dangereux, répondit Slughorn. Il ne faut pas abuser des bonnes choses, comme vous le savez… et elle est hautement toxique en grande quantité. Mais consommée avec modération et très occasionnellement…

-Vous en avez déjà bu, monsieur ? demanda Michael Corner avec un grand intérêt.

-Deux fois, dit Slughorn. Une fois quand j'avais vingt-quatre ans, une autre fois quand j'en avais cinquante-sept. Deux cuillerées à soupe au petit déjeuner. Deux jours parfaits dans ma vie.

Son regard se perdit au loin. Hermione eu le sentiment que le professeur aimait particulièrement les situations théâtrales.

-Et c'est cela, reprit Slughorn, en revenant sur terre, que je vais offrir comme récompense à la fin de ce cours.

Il y eut un silence pendant lequel on percevait chaque bouillonnement, chaque gargouillis, avec une intensité décuplée.

-Un tout petit flacon de Felix Felicis, continua Slughorn en sortant de sa poche une minuscule bouteille de verre munie d'un bouchon, qu'il montra à tout le monde. Une dose suffisante pour douze heures de chance. De l'aube au crépuscule, une réussite totale dans tout ce que vous entreprendrez. Je dois toutefois vous avertir que Felix Felicis est une substance interdite dans les compétitions organisées… les événements sportifs, par exemple, les examens ou les élections. Par conséquent, le gagnant ne devra en faire usage qu'un jour ordinaire… Et vous verrez que ce jour ordinaire se transformera en journée extraordinaire ! Comment s'y prendre pour gagner cette fabuleuse récompense ? poursuivit Slughorn, d'un ton soudain plus animé, eh bien, en allant à la page 10 du Manuel avancé de préparation des potions. Nous avons un peu plus d'une heure devant nous, ce qui devrait vous suffire pour tenter de réaliser à peu près convenablement un philtre de Mort Vivante. Je sais, c'est plus compliqué que tout ce que vous avez essayé jusqu'à présent et je ne m'attends pas à ce que tout le monde obtienne un résultat parfait. Celui ou celle qui aura le mieux réussi, cependant, gagnera le flacon de Felix. Allez-y !

On entendit le raclement des chaudrons que les élèves tiraient vers eux et de grands bruits métalliques lorsqu'ils commencèrent à entasser des poids dans les plateaux de leurs balances, mais personne ne prononça le moindre mot. La concentration dans la classe était telle qu'elle en devenait presque palpable. Hermione ouvrit son Manuel avancé de préparation des potions à la page 10 pour suivre les instructions de préparation d'un philtre de Mort Vivante. À la première lecture, la potion lui paru très compliquée et minutieuse à préparer. Elle dût relire une deuxième fois attentivement avant de commencer la préparation. Elle jeta un coup d'œil à ses amis qui tout comme elle, avaient l'air perplexe. Ron était toujours en train de feuilleter son livre tandis qu'Harry était penché dessus, en train de déchiffrer les notes laissées par l'ancien propriétaire du livre.

Elle commença à couper le plus vite possible des racines de valériane hachées en fines lamelles. Elle perdit du temps à découper la fève sopophorique qui gesticulait sans cesse à l'approche de son couteau. Après dix minutes, elle suivit le reste des instructions jusqu'à ce que sa potion atteigne un « liquide satiné, couleur cassis », décrit comme idéal lorsqu'on était à mi-chemin de la préparation.

-Monsieur, je crois que vous avez connu mon grand-père, Abraxas Malefoy ?

Sans relever la tête de sa potion, Hermione jeta un coup en direction de la table des Serpentard à laquelle Slughorn faisait un tour.

-Oui, répondit-il sans regarder Malefoy. J'ai été désolé d'apprendre sa mort, mais il fallait s'y attendre, la Dragoncelle à son âge… Et il s'éloigna vers la table des Serdaigle.

À cet instant précis, Malefoy croisa le regard d'Hermione, mais aucun des deux ne détournaient le regard, décidés à se défier l'un l'autre.

Bien que son chaudron dégageait une forte chaleur et que son front était déjà en sueur, Hermione ressentit une boule de chaleur à la poitrine face à l'intensité de ce regard gris pénétrant que lui lançait le Serpentard à l'autre bout de la pièce.

-Je peux t'emprunter ton couteau d'argent ? lui demanda Harry.

Elle acquiesça d'un air impatient, se rapportant à sa potion qui avait une étrange couleur violet foncé alors que, d'après le livre, elle aurait dû prendre une légère teinte lilas à ce stade de la préparation.

De mauvaise humeur, le teint rouge et les cheveux ébouriffés, Hermione relut à nouveau les instructions pour chercher l'origine d'une éventuelle erreur de sa part.

Elle releva la tête et aperçut avec stupéfaction la potion d'Harry qui possédait une teinte lilas décrite par le manuel. Celui-ci était en train de tourner sa potion lorsqu'elle devint rose pâle.

-Comment es-tu arrivé à ça ? interrogea Hermione d'un ton impérieux.

Sa potion conservait résolument la même couleur violette.

-Fais un tour dans le sens des aiguilles d'une montre… lui répondit-il simplement.

-Non, non, le livre dit qu'il faut remuer dans l'autre sens, répliqua-t-elle sèchement.

Son ami haussa les épaules et poursuivit sa tâche.

De l'autre côté de la table, Ron marmonnait des jurons à flot continu. Sa potion ressemblait à du réglisse liquide. Hermione se dépêcha de finir sa préparation, même si celle-ci ne correspondait pas vraiment à la description définie par le manuel. Furieuse de constater qu'Harry était beaucoup plus avancé qu'elle, elle sursauta lorsque le professeur Slughorn annonça :

-Et voilà, le temps est… écoulé ! déclara Slughorn. Arrêtez, s'il vous plaît !

Il passa lentement entre les tables, examinant les chaudrons. Il s'abstenait de tout commentaire mais reniflait parfois une potion ou la remuait un peu. Enfin, il arriva à la table où Harry, Ron, Hermione et Ernie étaient assis. Il eut un sourire navré devant la substance semblable à du goudron que contenait le chaudron de Ron. Il n'accorda aucune attention à la mixture bleu marine d'Ernie, mais salua d'un signe de tête approbateur la potion d'Hermione. Enfin, quand il vit celle de Harry, une expression de ravissement incrédule illumina son visage.

-Le vainqueur incontestable ! s'écria-t-il à la cantonade. Excellent, excellent, Harry ! Dieu du ciel, il est évident que vous avez hérité du talent de votre mère, elle avait le don pour les potions, Lily, sans aucun doute ! Alors, le voilà, il est à vous – un flacon de Felix Felicis, comme promis, et faites en bon usage !

Harry glissa dans sa poche intérieure la minuscule fiole remplie d'un liquide doré. Hermione resta bouche bée et regarda celui-ci d'un air déçu. Jamais elle n'avait été deuxième de classe ! C'était impossible. Elle ne comprenait pas d'où provenait son erreur… Ron quant à lui, paraissait abasourdi. Elle jeta un rapide coup d'œil à la table des Serpentard qui paraissaient furieux de cet exploit. Les trois amis quittèrent rapidement les cachots.

-Comment as-tu fait ça ? murmura-t-il à Harry

-Un coup de chance, sans doute, répondit-il.

Hermione suivit le regard d'Harry qui se déposait sur Malefoy, un peu plus loin derrière eux. Elle savait qu'il ne donnerait pas plus d'explications tant que le Serpentard resterait à leur portée. Ce n'est qu'à leur du dîner, quand ils furent installés en toute tranquillité à la table des Gryffondors, qu'il raconta ce qu'il s'était passé. Apparemment l'ancien propriétaire de son manuel avait laissé des instructions autres que celle du livre. Harry avait préféré suivre ses notes laissés par l'élève, ce qui expliquait ses résultats obtenus. Au fur et à mesure qu'Harry expliquait son récit, Hermione s'indigna et durci son visage. Elle n'en croyait pas ses oreilles !

-Tu crois sans doute que j'ai triché ? conclut-il, agacé par son expression.

-Ce n'était pas vraiment le résultat de ton propre travail, il me semble, répondit-elle avec raideur.

-Il a simplement suivi d'autres instructions que les nôtres, remarqua Ron. Ça pouvait tout aussi bien finir en catastrophe, non ? Mais il a pris le risque et ça a payé.

Il poussa un soupir.

-Slughorn aurait pu me donner ce livre-là à moi, mais non, il n'y avait rien d'écrit dans le mien. Apparemment, quelqu'un a vomi sur la page 52, c'est tout…

-Attends un peu, dit une voix toute proche, à la gauche de Harry.

Hermione se retourna et aperçut Ginny, qui s'était rapprochée de leur table.

-Est-ce que j'ai bien entendu ? Tu as suivi les instructions de quelqu'un qui a écrit dans un livre, Harry ?

Elle paraissait inquiète et furieuse. Hermione se rappela instantanément ce que Ginny avait vécu en deuxième année, quand la Chambre des Secrets avait été ouverte…

-Ce n'est rien, répondit-il d'un ton rassurant en baissant la voix. Ça n'a rien à voir avec… heu… le journal intime de Jedusor. C'est simplement un vieux manuel dans lequel un élève a griffonné des notes.

-Mais tu as fait ce qu'il disait ?

-J'ai simplement essayé d'appliquer les conseils écrits dans les marges. Franchement, Ginny, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de louche…

-Ginny a raison, coupa Hermione, avec une vigueur nouvelle. Il faut vérifier qu'il n'y ait rien de bizarre là-dedans. Qui sait ce qui peut se cacher derrière ces drôles d'instructions ?

Elle prit sans son sac le fameux exemplaire du Manuel avancé de préparation des potions, ignorant les protestations d'Harry. Elle leva sa baguette et prononça la formule en donnant de petits coups secs sur la couverture

-Specialis revelio ! dit-elle

Il ne se passa rien du tout. Le livre resta là où elle l'avait posé, toujours aussi usé, sale, ses pages cornées.

-Tu as fini ? demanda Harry, irrité. Ou tu veux attendre de voir s'il va faire des sauts périlleux ?

-Il paraît normal, déclara Hermione qui continuait de fixer le livre d'un air soupçonneux. On dirait vraiment un… un simple manuel.

-Très bien. Dans ce cas, je le reprends, dit Harry.

Il le saisit d'un geste brusque mais il lui échappa des mains et tomba ouvert sur le sol. Hermione fit semblant de ne pas remarquer son geste, mais elle eu le temps d'apercevoir, en plissant les yeux, l'inscription qui figurait au bas de la dernière page de couverture. L'écriture était petite et fine, semblable à une écriture en patte de mouche. Mais elle pu lire clairement :

« Ce livre appartient au Prince de Sang-Mêlé »