Chapitre 6 : La main secourable d'Hermione
Comme Hermione l'avait prévu, les périodes de temps libre des sixièmes années n'avaient rien à voir avec les moments de bienheureuse détente que Ron avait imaginés mais devaient plutôt leur servir à venir à bout de l'imposante masse de devoirs qu'on leur donnait. Non seulement il leur fallait étudier comme s'ils avaient eu des examens chaque jour, mais les cours eux-mêmes exigeaient plus d'attention que jamais. Même Hermione avait demandé, durant le cours de métamorphose donné par le professeur McGonagall de répéter plusieurs fois les instructions.
Les sortilèges informulés étaient à présent exigés non seulement en cours de défense contre les forces du Mal, mais également en classe de sortilèges et de métamorphose. Conséquence de cette énorme charge de travail et des heures frénétiques passées à pratiquer les sortilèges informulés, Harry, Ron et Hermione n'avaient pas encore trouvé le temps d'aller voir Hagrid. Il ne venait plus prendre ses repas à la table des professeurs, ce qui ne présageait rien de bon, et les rares fois où ils l'avaient croisé dans un couloir ou dans le parc, il avait mystérieusement ignoré leur présence ou leurs saluts.
-Il faut qu'on aille s'expliquer, dit Hermione le samedi suivant en regardant l'immense chaise vide de Hagrid à la table des professeurs.
- On a les essais de Quidditch, ce matin ! fit remarquer Ron. Et on est censés s'entraîner au sortilège de l'Aguamenti pour Flitwick ! De toute façon, qu'est-ce qu'i expliquer ? Comment lui dire qu'on détestait sa stupide matière ?
-On ne la détestait pas ! protesta Hermione.
-Parle pour toi, répliqua Ron, la mine sombre. Je n'ai pas oublié les Scroutts. Et maintenant, je peux te le dire, on l'a échappé belle. Tu ne l'as pas entendu dans ses grands discours sur son crétin de frère – si on était restés à ses cours, on aurait fini par apprendre à Graup comment faire un noeud à ses lacets.
-Ça ne me plaît pas du tout d'être en froid avec Hagrid, dit Hermione, bouleversée.
-On ira le voir après le Quidditch, lui assura Harry. Mais les essais vont peut-être durer toute la matinée, étant donné le nombre de candidats. Je ne sais pas pourquoi l'équipe a tant de succès tout d'un coup.
-Allons, Harry, dit Hermione, soudain agacée. Ce n'est pas le Quidditch qui a du succès, c'est toi ! Tu n'as jamais été aussi intéressant et, franchement, jamais aussi attirant.
Ron s'étrangla en avalant un gros morceau de hareng fumé. Hermione le gratifia d'un regard dédaigneux avant de se tourner à nouveau vers Harry.
-Ils savent tous désormais que tu disais la vérité, non ? Le monde de la sorcellerie tout entier a dû reconnaître que tu avais raison quand tu déclarais que Voldemort était de retour, que tu l'avais combattu à deux reprises au cours des deux dernières années et que tu avais réussi à lui échapper les deux fois. Désormais, ils t'appellent l'Élu – alors, tu comprends pourquoi tu fascines les gens ?
Hermione remarqua que les joues de son ami devinrent rouges à cette déclaration amicale, mais elle continua son plaidoyer.
-Et puis, il y a eu toute cette persécution du ministère qui essayait de te présenter comme un menteur et un instable. On voit toujours les marques, là où cette horrible bonne femme t'obligeait à écrire avec ton propre sang, mais tu n'as jamais dévié de ton récit pour autant…
-Sur moi aussi, on voit les marques, là où les cerveaux ont enroulé leurs tentacules, au ministère, dit Ron en secouant les bras pour remonter ses manches.
-Enfin, le fait que tu aies pris trente centimètres pendant l'été ne gâche rien, conclut Hermione sans prêter attention à Ron.
-Moi aussi, je suis grand, fit observer Ron, en passant.
Hermione ignora ostensiblement les remarques de Ron, agacée par son comportement enfantin. Les hiboux postaux arrivèrent, s'engouffrant par les fenêtres aux carreaux tachetés de pluie, éclaboussant tout le monde de gouttes d'eau.
Hedwige, la chouette blanche comme neige de Harry, décrit un grand cercle parmi les hulottes et les chouettes lapones pour atterrir devant son maître, un gros paquet rectangulaire accroché à la patte. Un instant plus tard, un paquet identique arriva devant Ron, porté par Coquecigrue, son hibou minuscule et épuisé, qui croulait sous le poids de sa charge.
-Ah ! dit Harry.
Il ouvrit son colis qui contenait un exemplaire tout neuf du Manuel avancé de préparation des potions, envoyé par Fleury et Bott. A la vue du colis, la jeune fille se rappela aussitôt qu'elle n'avait toujours pas commandé son nouveau dictionnaire de runes et se promit de le faire dès lundi.
-Très bien, se réjouit Hermione. Maintenant, tu vas pouvoir rendre celui qui est couvert de graffiti.
-Tu es folle ? Protesta Harry. Je le garde ! Regarde, j'y avais pensé…
Il sortit de son sac son vieil exemplaire du manuel et tapota la couverture avec sa baguette en murmurant : « Diffindo ! » La couverture se détacha aussitôt. Il répéta l'opération avec le livre neuf (ce qui scandalisa Hermione), puis intervertit les couvertures sur lesquelles il donna un nouveau coup de baguette en prononçant la formule : « Reparo ! »
L'exemplaire du Prince avait à présent l'apparence d'un livre neuf tandis que celui envoyé par Fleury et Bott semblait complètement défraîchi.
-Je rendrai le nouveau à Slughorn. Il ne pourra pas se plaindre, il m'a coûté neuf Gallions.
Hermione serra les lèvres, l'air courroucé et réprobateur, mais elle fut distraite par un troisième hibou qui se posa devant elle avec le dernier numéro de La Gazette du sorcier qu'elle se hâta de déplier pour en parcourir la première page.
-Est-ce que quelqu'un qu'on connaît est mort ? demanda Ron d'un ton qu'il voulait désinvolte.
Il posait la même question chaque fois qu'Hermione ouvrait son journal.
-Non, mais il y a eu de nouvelles attaques de Détraqueurs, répondit-elle. Et une arrestation.
-Parfait, qui ça ? dit Harry en pensant à Bellatrix Lestrange.
-Stan Rocade, dit Hermione.
-Quoi ? s'exclama Harry avec un haut-le-corps.
-« Stanley Rocade, contrôleur du Magicobus, ce moyen de transport très apprécié des sorciers, a été arrêté hier enfin de soirée. On le soupçonne d'avoir mené des activités de Mangemort. À la suite d'une descente de police à son domicile de Clapham, Mr Rocade, 21 ans, a été placé en garde à vue… »
- Stan Rocade, un Mangemort ? s'indigna Harry en se souvenant du jeune homme boutonneux qu'il avait rencontré pour la première fois trois ans auparavant. Certainement pas !
-Peut-être qu'il était soumis au sortilège de l'Imperium ? Suggéra Ron, avec bon sens. On ne peut jamais savoir.
-Apparemment pas, dit Hermione qui continuait de lire. L'article raconte qu'il a été arrêté parce qu'on l'avait entendu parler dans un pub des plans secrets des Mangemorts.
Elle releva la tête d'un air songeur.
-S'il avait subi le sortilège de l'Imperium, il ne serait pas allé bavarder de leurs projets dans un pub, j'imagine ?
-On dirait plutôt qu'il faisait semblant d'en savoir plus que les autres, remarqua Ron. Ce n'est pas ce type qui essayait de séduire une Vélane en prétendant qu'il allait devenir ministre de la Magie ?
-Oui, c'est lui, dit Harry. Je me demande à quoi ils jouent en prenant Stan au sérieux.
-Ils veulent sans doute donner l'impression qu'ils font quelque chose, répondit Hermione, les sourcils froncés. Les gens sont terrifiés – vous êtes au courant que les parents des sœurs Patil veulent qu'elles reviennent à la maison ? Et Éloïse Midgen est déjà rentrée chez elle. Son père est venu la chercher hier soir.
-Quoi ! s'écria Ron qui regarda Hermione avec des yeux ronds. Mais Poudlard est beaucoup plus sûr que leurs maisons, forcément ! Nous avons des Aurors et tout un tas de sortilèges de protection, et puis on a Dumbledore !
-Je ne pense pas qu'on l'ait en permanence, dit Hermione à voix très basse en jetant un coup d'œil à la table des professeurs, par-dessus La Gazette. Vous n'avez pas remarqué ? Sa chaise est restée vide aussi souvent que celle de Hagrid la semaine dernière.
Harry et Ron regardèrent à leur tour. La chaise du directeur était vide, en effet.
-Je pense qu'il a quitté l'école pour travailler avec l'Ordre, reprit Hermione, toujours à voix basse. Il faut dire… ça paraît grave tout ça, non ?
Harry et Ron ne répondirent pas, mais Hermione savait qu'ils pensaient tous à la même chose. Ils avaient été les témoins d'une terrible scène la veille, quand on était venu chercher Hannah Abbot au cours de botanique pour lui annoncer que sa mère avait été trouvée morte. Ils n'avaient plus revu Hannah depuis.
Lorsqu'ils quittèrent la table de Gryffondor, cinq minutes plus tard, pour se rendre sur le terrain de Quidditch, ils passèrent devant Lavande Brown et Parvati Patil. Les deux amies étaient en pleine discussion, chuchotant d'un air affligé. Hermione se rappela de leur conversation la veille de la rentrée, et ne fut pas surprise des attentions des parents des deux sœurs. Elle se rappela également de la remarque, lancée par Lavande au sujet de Malefoy. Une boule au ventre, elle se repassait une fois de plus l'image de Malefoy, à ses côtés, montant l'escalier.
Le trio arriva à la hauteur de Lavande et Parvati quand cette dernière donna un coup de coude à Lavande qui se retourna et adressa un large sourire à Ron. Celui-ci la regarda, cligna des yeux puis sourit à son tour, l'air incertain, sa démarche se transformant instantanément en un pas de parade. Hermione ne parut pas étonnée à ce changement de comportement en présence de Lavande, lui qui a toujours voulu être au centre de l'attention. A nouveau, ses pensées se tournèrent vers Malefoy et son comportement plus qu'anormal envers elle, particulièrement depuis sa rencontre à la bibliothèque. Renfrognée à l'évocation de ce souvenir, elle partit chercher une place dans les tribunes sans ajouter un mot.
Hermione s'attendait à ce que les essais durent toute la matinée, vu le nombre d'élèves présents sur le terrain. Elle se félicita intérieurement d'avoir pris de l'avance dans ses devoirs pour pouvoir profiter de ce dimanche qui s'annonçait pluvieux et gris. Elle observa Harry sur le terrain, en discussion avec cet élève de septième année aux cheveux drus et à la carrure massive dont elle ne connaissait pas le nom. Harry lui montra du doigt le bord du terrain, près de l'endroit où la jeune fille était assise. Le garçon se dirigea vers l'endroit indiqué par Harry, et observa d'un regard noir la séance de sélection. Petit à petit, les tribunes commencèrent à se remplir d'élèves de différentes maisons, curieux d'observer l'Elu à son nouveau poste de capitaine. Hermione fut vite rejoint par Lavande et Parvati qui s'assirent un peu plus loin qu'elle.
-Tu crois qu'il sera sélectionné ? s'inquiéta Lavande. Il est tellement doué, s'extasia celle-ci à son amie, avant de glousser dans son écharpe.
Hermione fit mine de n'avoir rien entendu et observa à nouveau Harry, qui répartissait les élèves en groupe de dix. Elle était en train de trouver le temps long à regarder le premier groupe d'élève (composé essentiellement de premières année, qui n'avaient semble-t-il jamais volé de leur vie) lorsqu'un avion en papier atterrit délicatement sur ses genoux.
Elle regarda d'où pouvait provenir ce morceau de parchemin dont personne ne semblait avoir remarqué sa présence. Tous les occupants des tribunes étaient concentrés sur la séance de sélection. Hermione déplia le parchemin, les mains tremblantes par le froid, mais aussi par l'excitation de ce message mystérieux. Elle reconnu aussitôt la page arrachée de son dictionnaire des runes et vit au bas de la page, un mot écrit rapidement à la main :
Rejoins-moi au fond de la serre numéro trois. Viens seule.
D.M
Elle ne connaissait pas cette écriture, légèrement penchée et claire, mais elle devina rapidement l'auteur de ce message. Son cœur sursauta, à un tel point qu'elle crut qu'il allait sortir de sa poitrine lorsqu'elle lu les initiales de ce destinataire. D.M ! Elle était sûre que c'était lui : Drago Malefoy ! Qui d'autre cela pouvait-il bien être si pas lui ? Après tout, il s'agissait de la page qu'il avait arrachée pour lui lancer au visage.
A nouveau, elle regarda autour d'elle pour être sûre que personne ne l'observait. Elle cherchait du regard les cheveux blonds du garçon, mais il n'était pas là. Devait-elle aller le rejoindre ? Elle hésitait à quitter les tribunes. Que dirait Ron ou Harry si ceux-ci s'apercevaient de son absence ? Elle ne pouvait pas leur expliquer la raison de son escapade… Elle réfléchi, pris entre le désir de se rendre au rendez-vous, mais paralysée de peur à l'idée d'éveiller des soupçons ou pire, être suivie. Et si c'était un piège que lui tendait le Serpentard pour la ridiculiser ? Soudain, l'image de l'embuscade tendue dans le couloir par les Serpentards refit surface dans son esprit.
Et si c'était pareil aujourd'hui ? Mais une petite voix au fond d'elle-même lui rappela que Malefoy n'avait pas participé à l'attaque, au contraire c'était lui qui avait rappelé les autres à l'ordre. Elle ne savait plus très bien ce que tout cela signifiait…
Suivant son instinct, elle décida de se lever et passa devant Lavande et Parvati.
-Tu pars déjà Hermione ? Demanda Lavande les yeux pleins d'espoir ?
-Heu … non… je ... dois aller aux toilettes.
Lavande semblait déçue de sa réponse, et ne rajouta rien d'autre. Hermione se dépêcha de quitter les tribunes pour sortir du stade de Quidditch. Elle accéléra le pas, sentant son cœur bondir de plus en plus dans sa poitrine à l'approche de la serre numéro trois. Malgré la petite pluie fraîche et brumeuse qui surplombait la matinée, elle tenta d'ajuster ses cheveux légèrement humides sous son bonnet rouge et or. Lorsqu'elle arriva à la hauteur des serres, elle le vit, au fond de l'allée, le dos appuyé contre le mur.
Il semblait décontracté, les bras croisés, regardant la jeune Gryffondor arriver vers lui. Malgré le temps qui commençait à être un peu plus pluvieux, il portait une simple veste noire, au-dessus de son uniforme de Serpentard. Ses cheveux, légèrement décoiffés par le vent, n'étaient pas plaqués comme à son habitude, et retombait sur le côté de ses yeux gris. Hermione sentit son estomac se nouer, tout en éprouvant un sentiment de colère pour le Serpentard. Que signifiait toute cette mise en scène ?
Lorsqu'elle arriva près de lui, il se redressa aussitôt.
-Granger, fit-il pour la saluer. Je vois que tu as reçu mon message.
-Qu'est-ce que tu veux Malefoy ? Demanda-t-elle, avec un regard suspect. Pourquoi tu m'as fait venir ? Mon odeur ne semble plus te déranger quand tu es seul ! lui cracha-t-elle au visage.
Le jeune homme soutint son regard sans sourciller, puis s'abaissa pour prendre quelque chose dans son sac de cours.
-Tiens, c'est pour toi.
Hermione prit avec méfiance le gros paquet que lui tendait Malefoy et déchira le papier qui entourait l'objet. Un air ahuri se dessina sur son visage quand elle découvrit qu'il s'agissait d'un nouveau dictionnaire de runes.
-Pourquoi est-ce que tu…
-Je ne voulais pas avoir l'échec de ton année scolaire sur la conscience.
-Sérieusement Malefoy ! Pourquoi tu as pris la peine de me rendre mes livres et puis de me commander celui-là, demanda-t-elle en levant son nouveau bouquin sous le nez du Serpentard.
-Je ne suis pas celui que tu crois, enfin pas le genre à voler les livres d'école des autres élèves.
-Qui voudrait faire ça, fit Hermione en esquissant un sourire. Elle vit avec étonnement que le jeune homme laisse échapper un petit rire discret pas désagréable à entendre. Enfin…heu…Merci, balbutia-t-elle. Pour les livres, mais tu n'étais pas obligé, je comptais le commander moi-même, réussit-elle à articuler en reprenant ses esprits.
-C'est normal, je t'ai arraché la page.
-C'est vrai.
Un silence gênant s'installa entre les deux élèves. Elle ne savait pour quelle raison, mais Hermione se sentait intimidée de se retrouver seule en présence du Serpentard. Malgré le temps pluvieux qui persistait depuis la matinée, la jeune fille sentit une bouffée de chaleur montée en elle.
-Bon, fit-elle au bout d'un moment. Je vais retourner au stade avant qu'on ne s'aperçoive de mon absence.
Malefoy ne répondit pas et se contenta de regarder la Gryffondor lui tourner le dos pour repartir vers le parc, quand celui-ci l'interpella.
-Granger !
-Quoi ?
-C'est parce que… je voulais aussi, dit-il en la regardant droit dans les yeux, te dire que j'étais désolé de mon comportement à la bibliothèque et de l'autre jour aussi… tu sais dans le couloir, j'aurai dû intervenir plus tôt.
-Je n'arrive pas à y croire, Drago Malefoy s'excuser devant une fille née moldue… devant une… une Sang-de-Bourbe ?! s'exclama-t-elle. Pourquoi ?
-Je ne sais pas … j'ai bien le droit de changer non ? Fit le jeune homme sur la défensive.
Hermione inspecta plus attentivement le jeune homme qui se rapprochait d'elle. C'est vrai que depuis le début de l'année, elle s'était fait la réflexion qu'il avait étonnement changé de comportement vis-à-vis d'elle. Même physiquement il semblait être beaucoup plus mûr, ce qui n'était pas déplaisant, avoua celle-ci honteusement.
-Oui bien sûr je comprends. Mais pourquoi avec moi ? Qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans ?
-Je ne sais pas… j'ai beaucoup changé depuis cet été… depuis l'arrestation de mon père.
Hermione ne dit rien, car elle se sentait responsable en partie son arrestation. Après tout, elle aussi était au Ministère lorsque celui-ci avait essayé de les tuer pour récupérer la prophétie. Malefoy semblait avoir deviné ses pensées :
-J'avais oublié, fit-il, tu étais là bas avec Potter ce soir-là.
-Exactement, et je n'hésiterai pas une seule seconde à recommencer s'il le fallait.
-Aux côtés de Potter et Weasley…
-Ils sont mes amis et ils avaient besoin de moi ! Ton père et ses amis Mangemorts nous menaçaient, je te rappelle ! Ta tante à tué Sirius ! S'exclama Hermione, les larmes commençants à lui monter aux yeux.
La jeune fille vit le teint de Malefoy devenir blafard lorsqu'elle évoqua cet événement. Celui-ci ne répondit pas et baissa les yeux, honteux des propos tenus par Hermione.
-Désolée, je ne voulais pas dire ça…
-Non, tu as raison ! Je ne dois pas renier ce que ma famille a fait… je me rends compte maintenant des conséquences de leurs actes… et ce que cela implique d'appartenir à une famille de sang-pur. On t'impose sans cesse des croyances, des valeurs qui ne te correspondent pas, mais que tu es obligé de suivre par tradition.
-Pourquoi continuer à jouer à ce jeu alors ? Pourquoi ne pas… te rebelle ? Demanda Hermione en pensant à Sirius, qui était lui aussi prisonnier d'une telle famille.
-Tu crois que c'est si facile ? ricana-t-il d'un air lugubre. Je suis coincé dans cette image auprès de tout le monde, mes amis, ma famille et même mes ennemis, lança-t-il en dévisageant Hermione. Mais toi non, c'est différent je le sens, tu es différente. N'est-ce pas ? Il s'était légèrement rapproché de la jeune fille en lui posant cette question. Je le sais, je l'ai toujours senti… à la bibliothèque ça semblait si naturel…et puis Blaise est arrivé et je ne sais pas ce qu'il m'a pris, j'ai eu peur je suis redevenu comme les gens veulent me voir.
Hermione restait stupéfaite de cette déclaration inattendue… même si au fond d'elle-même, elle avait ressenti la même chose vis-à-vis du Serpentard, quand il avait pris sa défense et même quand ils avaient plaisanté ensemble à la bibliothèque. Sans le vouloir, elle laissa le jeune homme s'approcher de plus en plus vers elle. C'était comme si ses membres étaient incapables de bouger, son cerveau était trop embrumé. Coincée contre la vitre de la serre, elle pouvait apercevoir des éclats argentés dans son regard pénétrant. A cet instant, elle se rappela, il y a six ans, de la même intensité de ce regard quand il était assis près d'elle à terre pour la consoler. Elle retrouvait les mêmes éclats gris perle qui clairsemaient ses yeux clairs. Leurs nez étaient sur le point de se toucher lorsqu'ils entendirent un bruit provenant de la serre numéro quatre. Tous deux sursautèrent en reprenant leur esprit rapidement.
-Je dois y aller, répondit Hermione, qui partait précipitamment, avant d'être vue par quelqu'un. Merci pour le livre, lui lança-t-elle avant de sortir de l'allée pour rejoindre le parc.
Alors qu'elle commençait à se diriger vers le stade, elle vit Malefoy sortir de l'allée qui menait à la serre numéro trois et quatre et accélérer le pas vers le château, sous la fine pluie qui continuait de tomber. Quelques secondes après, elle vit le professeur Chourave sortir également des serres. Elle poussa un soupir de soulagement, puis reprit le chemin vers le stade de Quidditch.
Le cœur battant, elle repensa tout au long du chemin au Serpentard et à l'intensité de son regard, si près du sien. Qu'était-il qui était en train de lui arriver ? Que se serait-il passé s'il n'avait pas entendu le professeur Chourave dans la serre à côté ? Cette question lui tourmentait l'esprit depuis qu'elle avait quitté Malefoy. Elle n'arrivait pas à croire ce qu'ils avaient failli...c'était impossible, comment cela a-t-il pu se produire ? C'était comme si elle sortait d'un rêve, qu'elle ne se rappelait plus si ce souvenir était réel ou imaginé. Hermione ne cessait de se demander quelles étaient les raisons qui ont poussé Malefoy à changer. Il avait mentionné l'arrestation de son père l'été dernier, c'était sûrement une des causes de ce brusque changement. Néanmoins, pourquoi après toutes ses années se rappelait-il qu'il l'avait réconfortée dans les toilettes ? Elle avait le sentiment qu'il y avait quelque chose d'autre derrière tout ça. Malgré elle, elle repensa à la théorie d'Harry, ce pourrait-il que cela soit pour cette raison ?
Discrètement, elle reprit sa place initiale en déposant son sac de livres sur le sol. Elle surprit Lavande et Parvati, la regardant d'un œil suspect, ou était-ce l'effet de son imagination ? Elle ignora les deux amies et regarda à nouveau la séance de sélection. Harry avait déjà sélectionné ses trois poursuiveurs : Ginny, Katie Bell qui réintégrait l'équipe et une nouvelle du nom de Demelza Robins.
Apparemment, la séance de sélection des deux batteurs était sur le point de se terminer, car Harry discutait avec deux élèves, l'un étant petit, mais bien bâti, l'autre d'aspect plutôt maigrichon. Un peu plus bas, elle entendit le garçon de tout à l'heure, contester sans cesse les choix de Harry, tout en critiquant les joueurs de l'équipe. Quel caractère épouvantable ! D'après ce qu'Hermione compris, les essais pour la sélection des gardiens se déroulaient en dernier. Elle remarqua que les tribunes étaient jusqu'à présent remplies non seulement par les candidats refusés, mais aussi par de nombreux élèves venus assister à la séance après un long petit déjeuner. Chaque fois qu'un gardien prenait sa place devant les buts, les spectateurs l'acclamaient ou le conspuaient en proportions égales. Hermione jeta un regard inquiet en direction de Ron, dont le visage était livide sous l'effet du trac. Aucun des cinq premiers candidats ne parvint à bloquer plus de deux tirs chacun. Ce fut le tour du garçon aux cheveux drus, un dénommé MacLaggen comme elle crut comprendre. Celui-ci arrêta les quatre premiers penaltys. Il ne faut qu'il soit sélectionné avec ce caractère épouvantable. Jeta des regards autour d'elle, elle sortit discrètement sa baguette et prononça dans sa tête le sortilège informulé :
-Confusio !
Celui-ci se précipita dans la mauvaise direction pour arrêter le vol, ce qui provoqua une hilarité générale chez les spectateurs. Furieux, il descendit de son balai, serrant les dents.
Ron semblait près de s'évanouir, il enfourcha son Brossdur 11 lorsqu'une voix s'éleva à côté d'Hermione.
-Bonne chance ! s'écria Lavande avant de sa caché le visage dans les mains.
Hermione ne réagit pas à cette interruption, trop occupée à observer Ron, d'un regard inquiet, se placer devant les buts. Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, cependant : Ron arrêta un, deux, trois, quatre, cinq penalties d'affilée. L'effet fut immédiat : la foule s'éleva et acclama Ron, qui descendait de son balai. Tout en acclamant le nouveau gardien, Hermione descendit des tribunes rejoindre l'équipe de Gryffondor.
-Tu as été brillant, Ron ! s'exclama Hermione.
Elle remarqua Lavande, au loin, quitter le terrain bras dessus bras dessous avec Parvati, l'air plutôt grognon. Ron paraissait extrêmement content de lui et encore plus grand que d'habitude lorsqu'il adressa un sourire à toute l'équipe et à Hermione.
Harry se retourna vers les joueurs de son équipe afin de fixer la date de leur prochaine séance d'entraiment au jeudi suivant. Ils prirent ensuite congé des autres joueurs pour rendre visite à Hagrid dans sa cabane. A présent, un soleil humide tenta de percer les nuages, la bruine avait enfin cessé.
-J'ai cru que je n'arriverais pas à arrêter le quatrième penalty, disait Ron d'un ton joyeux. Le tir de Demelza était dur à bloquer, vous avez vu, elle a donné de l'effet…
-Oui, oui, tu as été magnifique, assura Hermione, amusée.
-De toute façon, j'étais meilleur que McLaggen, poursuivit Ron d'un ton avantageux. Vous l'avez vu foncer dans la mauvaise direction au cinquième tir ? On aurait dit qu'il avait subi un sortilège de Confusion…
Le visage d'Hermione prit une teinte légèrement rosée. Elle eut la désagréable impression qu'Harry avait remarqué sa gêne qui s'inscrivait sur son visage. Ron quant à lui, ne remarqua rien, trop occupé à décrire amoureusement la façon dont il avait arrêté chacun des autres penalties. Buck, le grand hippogriffe aux ailes grises, était attaché à l'entrée de la cabane de Hagrid. En les voyant arriver, il fit claquer son bec tranchant comme un rasoir et tourna vers eux son énorme tête.
-Mon Dieu, dit Hermione, mal à l'aise. Il fait toujours un peu peur, vous ne trouvez pas ?
-Arrête, tu es montée sur lui, non ? lui rappela Ron.
Harry s'avança et s'inclina profondément devant l'hippogriffe sans le quitter des yeux et sans ciller. Quelques instants plus tard, Buck s'inclina à son tour. Harry lui marmonna quelque mot à l'oreille quand une voix s'éleva derrière eux.
-Hé ! dit-elle.
Hagrid venait d'apparaître à l'angle de sa cabane, portant un grand tablier à fleurs et un sac de pommes de terre. Crockdur, son énorme molosse, marchait à côté de lui. Crockdur lança un aboiement tonitruant et bondit en avant.
-Écartez-vous ! Il va vous mordre les doigts – ah, c'est vous.
Crockdur sauta autour de Ron et d'Hermione en essayant de leur lécher les oreilles. Hagrid s'arrêta et les regarda pendant une fraction de seconde, puis tourna les talons et rentra dans sa cabane en claquant la porte derrière lui.
-Oh, non ! s'exclama Hermione, catastrophée.
-Ne t'inquiète pas, dit Harry, la mine résolue.
Il s'approcha et cogna vigoureusement à la porte.
-Hagrid ! Ouvrez, nous voulons vous parler !
Il n'y eut pas de réponse.
-Si vous n'ouvrez pas, nous faisons sauter la porte ! s'écria Harry en sortant sa baguette.
-Harry ! protesta Hermione, choquée. Tu ne peux quand même pas…
-Si, je peux ! Reculez-vous…
Mais avant qu'il ait pu ajouter un mot, la porte s'ouvrit à la volée et Hagrid apparut en lançant de toute sa hauteur un regard noir à Harry. Malgré son tablier à fleurs, il paraissait singulièrement impressionnant.
-Je suis professeur ! rugit-il. Professeur, Potter ! Comment osez-vous menacer de faire sauter ma porte ?
-Je suis désolé, monsieur, répondit Harry, en insistant sur le dernier mot tandis qu'il rangeait sa baguette dans une poche intérieure de sa robe.
Hagrid parut stupéfait.
-Depuis quand m'appelles-tu « monsieur » ?
-Depuis quand m'appelez-vous « Potter » et depuis quand me vouvoyez-vous ?
-Oh, très spirituel, grogna Hagrid, très amusant. C'est toi qui as le dernier mot, pas vrai ? Très bien, entrez donc, bande de petits ingrats…
Bougonnant d'un air sombre, il recula pour les laisser passer. Hermione, effrayée, se précipita derrière Harry.
-Alors ? dit Hagrid d'un ton grincheux lorsque Harry, Ron et Hermione se furent assis autour de l'immense table de bois.
Crockdur posa aussitôt sa tête sur le genou de Harry et se mit à baver sur sa robe.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Vous vous faites du souci pour moi ? Vous croyez que je me sens seul, peut-être ?
-Pas du tout, répliqua Harry. On voulait vous voir, tout simplement.
-Vous nous avez manqué, ajouta Hermione, tremblante.
-Je vous ai manqué, ah oui ? dit Hagrid dans un grognement. Tiens donc.
Il s'affaira, le pas lourd, préparant du thé dans son énorme bouilloire de cuivre sans cesser de marmonner. Enfin il posa violemment devant eux trois chopes de la taille d'un seau, remplies d'un thé couleur acajou, et une assiette de gâteaux en forme de rochers qu'il avait confectionnés lui-même.
Bien que son estomac lui criait famine, Hermione préféra attendre de manger quelque chose de plus convenable durant le dîner, craignant de se casser une dent.
-Hagrid, reprit timidement Hermione lorsqu'il vint s'asseoir avec eux.
Il se mit à éplucher des pommes de terre avec des gestes brutaux, comme si chacun des tubercules l'avait gravement offensé.
-Vous savez, on aurait bien voulu continuer les cours de soins aux créatures magiques.
À nouveau, Hagrid poussa un grognement en soufflant par le nez d'un air dédaigneux. Avec un certain dégoût, Hermione crut apercevoir quelque chose tomber du nez d'Hagrid et atterrir dans le plat de pomme de terre.
-C'est vrai ! affirma Hermione. Mais on n'arrivait pas à les faire tenir dans notre emploi du temps.
-Tiens donc, répéta Hagrid.
Il y eut alors un étrange bruit de succion et tous trois se retournèrent : Hermione laissa échapper un petit cri et Ron, bondissant de sa chaise, courut autour de la table pour s'éloigner le plus possible du grand tonneau qui se trouvait dans un coin de la pièce et qu'ils venaient tout juste de remarquer. Le tonneau était rempli de ce qui ressemblait à des vers de trente centimètres de long, visqueux, blanchâtres, grouillants.
-Qu'est-ce que c'est, Hagrid ? demanda Harry.
Il s'efforça d'avoir l'air intéressé plutôt que dégoûté, mais posa quand même son gâteau sur la table.
-Oh, simplement des asticots géants, répondit Hagrid.
-Et quand ils grandissent, ils se transforment en…, dit Ron avec appréhension.
-Ils se transforment en rien du tout. Ils me servent à nourrir Aragog.
Et tout à coup, il fondit en larmes.
-Hagrid ! s'écria Hermione.
Elle se leva d'un bond, se hâta de contourner la table en choisissant le côté le plus long pour éviter le tonneau d'asticots et passa un bras autour des épaules de Hagrid secoué de sanglots.
-Que se passe-t-il ?
-C'est… lui…, balbutia Hagrid, ses yeux d'un noir de scarabée ruisselant de larmes tandis qu'il s'essuyait le visage avec son tablier. C'est… Aragog… Je crois qu'il est en train de mourir… Il est tombé malade cet été et ça ne va pas mieux… Je ne sais pas ce que je ferai si… S'il… Je le connais depuis tellement longtemps…
Hermione tapota l'épaule de Hagrid en paraissant incapable de dire quoi que ce soit. De toute les créatures repoussantes auxquelles Hagrid étaient attachées, Aragog, la gigantesque araignée parlante, qui vivait au cœur de la Forêt interdite était de loin sa préférée.
-Est-ce que… est-ce qu'on peut faire quelque chose ? demanda Hermione sans prêter attention aux grimaces et aux hochements de tête frénétiques de Ron.
-Je ne crois pas, Hermione, sanglota Hagrid en essayant de contenir le flot de ses larmes. Tu sais, le reste de la tribu… la famille d'Aragog… ils deviennent un peu bizarres maintenant qu'il est malade… un peu agités…
-Oui, je crois qu'on avait déjà remarqué cet aspect de leur personnalité, dit Ron à mi-voix.
-Je pense qu'il ne serait pas prudent pour quelqu'un d'autre que moi de s'approcher d'eux en ce moment, conclut Hagrid.
Il se moucha bruyamment dans son tablier et releva la tête.
-Mais merci quand même de me l'avoir proposé, Hermione… Ça me touche beaucoup…
L'atmosphère se détendit considérablement, car même si Harry et Ron n'avaient manifesté aucune envie d'apporter des asticots géants à une monstrueuse araignée sanguinaire, Hagrid semblait considérer comme allant de soi qu'ils auraient été ravis de le faire. Il redevint alors tel qu'il était d'habitude.
-Oh, j'ai toujours su que vous n'arriveriez pas à me glisser dans votre emploi du temps, lança-t-il d'un ton bourru en leur versant une nouvelle tasse de thé. Même si vous aviez demandé des Retourneurs de Temps.
-Ce n'aurait pas été possible, dit Hermione. Nous avons réduit en miettes tout le stock du ministère lorsque nous étions là-bas cet été. C'était même dans La Gazette du sorcier.
-Dans ce cas, vous n'auriez jamais pu y arriver, déclara Hagrid. Je suis désolé d'avoir été… vous comprenez… Je m'inquiète pour Aragog… et je me suis demandé… si jamais c'était le professeur Gobe-Planche qui vous avait donné les cours…
Tous trois affirmèrent aussitôt, d'un ton catégorique et en toute mauvaise foi, que le professeur Gobe-Planche, qui avait remplacé Hagrid de temps à autre, était une épouvantable enseignante. Le résultat fut que Hagrid paraissait d'excellente humeur lorsqu'ils prirent congé de lui à la tombée du jour.
-Je suis affamé, dit Harry tandis qu'ils traversaient à la hâte le parc sombre et désert après que la porte de la cabane se fut refermée derrière eux. En plus, j'ai ma retenue avec Rogue, ce soir. Je n'aurai pas beaucoup le temps de dîner…
À leur retour dans le château, ils aperçurent Cormac McLaggen qui entrait dans la Grande Salle. Il dut s'y reprendre à deux fois pour passer les portes. À la première tentative, il s'était cogné et avait rebondi contre le chambranle. Ron éclata d'un grand rire réjoui et lui emboîta le pas, mais Harry retint Hermione par le bras.
-Quoi ? demanda Hermione, sur la défensive.
-Si tu veux mon avis, dit Harry à voix basse, McLaggen a l'air d'avoir subi un sortilège de Confusion. Et il se trouvait juste en face de l'endroit où tu étais assise dans les tribunes.
Hermione rougit.
-Bon, d'accord, c'est vrai, je lui ai jeté un sort, murmura-t-elle. Mais tu aurais dû entendre la façon dont il parlait de Ron et de Ginny ! Il a un caractère épouvantable, tu as bien vu comment il a réagi quand il a raté son coup. Tu n'aurais pas voulu de quelqu'un comme ça dans ton équipe.
-Non, reconnut Harry. C'est sans doute vrai. Mais n'était-ce pas un peu malhonnête, Hermione ? Tu es préfète, non ?
-Oh, tais-toi, répliqua-t-elle sèchement en voyant son sourire railleur.
-Qu'est-ce que vous fabriquez, tous les deux ? demanda Ron qui était réapparu à l'entrée de la Grande Salle et les observait d'un air soupçonneux.
-Rien, répondirent-ils d'une même voix.
Et ils se hâtèrent de le suivre à l'intérieur. L'estomac d'Hermione bourdonnait lorsqu'elle sentit l'odeur de nourriture qui se dégageait de la Grande Salle. La plupart des élèves étaient déjà en train de dîner pendant que les trois amis se dirigèrent vers une place libre à la table des Gryffondor. Hermione jeta un regard discret en direction de la table des Serpentard. Malefoy n'était pas là. Crabbe et Goyle en revanche dévoraient leur rosbif avec acharnement. Elle continua d'avancer, tout en se demandant où pouvait être Malefoy, lorsque le professeur Slughorn surgit devant eux et leur barra le chemin.
-Harry, Harry, l'homme que je cherchais ! s'exclama-t-il avec cordialité.
Il tortilla les coins de sa moustache et gonfla son énorme ventre.
-J'espérais vous voir avant le dîner ! Que diriez-vous de venir plutôt souper dans mes appartements ? Je donne une petite soirée qui réunira quelques gloires montantes. McLaggen sera là, ainsi que Zabini, nous aurons aussi la charmante Melinda Bobbin – je ne sais pas si vous la connaissez ? Sa famille possède une vaste chaîne d'apothicaires – et, bien entendu, j'espère de tout cœur que Miss Granger m'honorera également de sa présence.
Slughorn s'inclina légèrement devant Hermione. C'était comme si Ron n'avait pas été là. Slughorn ne lui accorda pas même un regard.
-Je ne peux pas venir, professeur, répondit aussitôt Harry. J'ai une retenue avec le professeur Rogue.
-Oh, quel dommage ! se désola Slughorn, les traits de son visage s'affaissant d'une manière comique. Mon Dieu, mon Dieu, je comptais sur vous, Harry ! Il va falloir que j'en dise un mot à Severus pour lui expliquer la situation. Je suis sûr que j'arriverai à le convaincre de reporter votre retenue à un autre jour. Je vous verrai donc tous les deux un peu plus tard !
Et il repartit d'un air affairé.
-Il n'a aucune chance de faire changer Rogue d'avis, dit Harry dès que Slughorn se fut suffisamment éloigné pour ne pas l'entendre. Cette retenue a déjà été reportée une fois. Rogue l'a accepté pour Dumbledore mais il n'y consentira pour personne d'autre.
-J'aimerais bien que tu puisses venir, je ne veux pas y aller toute seule ! dit Hermione, anxieuse.
Elle redoutait de passer la soirée en compagnie de MacLaggen et de son caractère -vaniteux.
-Je ne crois pas que tu seras seule. Ginny aura sans doute été invitée, lança sèchement Ron qui ne semblait pas s'accommoder facilement d'avoir été ignoré par Slughorn.
A ce moment, la porte de la Grande Salle s'ouvrit, laissant entrer Malefoy en compagnie de Pansy Parkinson. Le cœur d'Hermione fit un bond lorsqu'elle aperçut les deux Serpentard qui cherchaient une place plus intime, loin de leurs condisciples.
Elle vit que le garçon parcourait la Grande Salle des yeux, écoutant à moitié le monologue de Pansy. Elle remarqua que son teint était beaucoup plus pâle que lorsqu'il s'était donné rendez-vous dans la matinée. Il semblait préoccupé par quelque chose…
Elle baissa rapidement la tête vers son assiette, évitant de croiser le regard du Serpentard. Touchant à peine le reste de son rosbif, elle écrasa rageusement avec sa fourchette les haricots qui accompagnaient sa viande, sans prendre part à la discussion entre Harry et Ron. Pour quelle raison était-elle énervée de le voir en compagnie de Parkinson ?!
Après le dîner, ils retournèrent dans la tour de Gryffondor. La salle commune était bondée, la plupart des élèves ayant fini de dîner, mais ils parvinrent quand même à trouver une table libre où ils purent s'asseoir. Ron, qui était de mauvaise humeur depuis qu'ils avaient rencontré Slughorn, croisa les bras et regarda le plafond d'un air renfrogné. Hermione prit un numéro de La Gazette du sorcier que quelqu'un avait abandonné sur un fauteuil.
-Il y a du nouveau ? demanda Harry.
-Pas vraiment…
Hermione avait ouvert le journal et parcourait les pages intérieures. Elle sursauta à la vue du nom de Malefoy dans le journal, et parcouru rapidement l'article en question.
-Oh, regarde, on parle de ton père, Ron – il va très bien ! ajouta-t-elle précipitamment en voyant Ron se tourner vers elle d'un air inquiet. Ils disent simplement qu'il est allé faire un tour dans la maison des Malefoy.
« Cette deuxième perquisition au domicile du Mangemort ne semble pas avoir donné de résultat. Arthur Weasley, du Bureau de détection et de confiscation des faux sortilèges de défense et objets de protection, a déclaré que son équipe avait agi sur la foi d'un renseignement fourni par une source confidentielle. »
-C'était moi, la source ! précisa Harry. À la gare de King's Cross, je lui ai parlé de Malefoy et de la chose qu'il a demandé à Barjow de réparer ! Si elle ne se trouve pas chez eux, il a dû l'apporter avec lui à Poudlard…
Inquiète par cette nouvelle théorie développée par Harry, elle réagit instinctivement :
-Mais comment aurait-il pu y parvenir, Harry ? s'étonna Hermione en reposant le journal. Nous avons tous été fouillés à notre arrivée, non ?
-Ah bon ? dit Harry, interloqué. Pas moi !
-Non, pas toi, bien sûr, j'avais oublié que tu étais arrivé en retard… En tout cas, Rusard nous a tous fait passer au Capteur de Dissimulation quand nous étions dans le hall d'entrée. Tout objet ayant un rapport quelconque avec la magie noire aurait été découvert. J'ai vu Crabbe se faire confisquer une tête réduite. Alors, tu vois, Malefoy ne pouvait rien apporter de dangereux !
-Quelqu'un a dû le lui envoyer par hibou, objectiva Harry. Sa mère ou je ne sais qui.
-Tous les hiboux sont également contrôlés, assura Hermione. Rusard nous l'a dit pendant qu'il nous enfonçait ses Capteurs de Dissimulation un peu partout.
À court d'arguments, cette fois, Harry fut incapable de répondre. Il chercha un soutien auprès de Ron, qui était toujours assis les bras croisés et fixait Lavande Brown.
-Tu ne vois pas comment Malefoy aurait pu…
-Oh, laisse tomber, Harry, dit-il.
-Écoute, ce n'est pas ma faute si Slughorn nous a invités, Hermione et moi, à sa stupide soirée ! On n'a pas envie d'y aller, ni l'un ni l'autre ! répliqua Harry, irrité.
-Eh bien, moi, puisque je ne suis convié à aucune soirée, je crois que je vais aller me coucher, annonça Ron en se levant.
Il se dirigea d'un pas pesant vers la porte du dortoir des garçons, Harry et Hermione le suivant du regard.
-Harry ? dit alors Demelza Robins, la nouvelle poursuiveuse, qui venait d'apparaître derrière lui. J'ai un message pour toi.
-Du professeur Slughorn ? demanda Harry en se redressant, plein d'espoir.
-Non… du professeur Rogue, répondit Demelza. Il dit que tu dois venir dans son bureau ce soir à huit heures et demie pour ta retenue… heu… quel que soit le nombre de soirées auxquelles tu seras invité. Et il te fait savoir que ton travail consistera à trier des Veracrasses. Tu devras enlever ceux qui sont pourris et garder les bons pour les cours de potions. Il a dit aussi qu'il était inutile d'apporter des gants de protection.
-Très bien, déclara Harry d'un air lugubre. Merci beaucoup, Demelza.
-Je monte me coucher, déclara Hermione. Bonne nuit Harry.
-Bonne nuit Hermione… lui répondit distraitement Harry.
Elle monta au dortoir des filles qui étaient vide. Lavande et Parvati discutant dans la salle commune, elle en profita pour prendre une feuille, un parchemin et une plume, résolue à écrire un mot à Malefoy pour lui donner rendez-vous. Elle y avait réfléchi tout au long de la soirée. Il fallait qu'elle lui parle, qu'ils s'expliquent sur cette nouvelle situation, ce que cela signifiait vraiment pour lui… et pour elle. Pour quelle raison Malefoy lui faisait part de ses sentiments, de son désir de vouloir changer alors que celui-ci continuait à prendre ses petits repas en compagnie de Parkinson ?
Un sentiment de jalousie s'immisça en elle, l'image des deux Serpentard durant le dîner ensemble, lui revint à l'esprit à la vitesse de l'éclair. Elle refoula aussitôt ce sentiment inexplicable et écrivit rapidement les mots suivants :
Il faut qu'on parle… Peux-tu me rejoindre demain après les cours derrière la statue de la sorcière borgne au troisième étage.
H.G
Elle savait que l'endroit se situant au-dessus du passage secret menant chez Honeyduke était rarement emprunté par les élèves de l'école à cette heure de la journée. La jeune fille se demanda si Malefoy allait venir à ce rendez-vous, mais un pressentiment lui répondit que oui. Elle plia le parchemin et le rangea dans un tiroir de sa table de nuit. Avec un sentiment d'anxiété au creux de l'estomac, elle essaya de s'endormir.
