Tout avait bien changé, depuis que Harry avait lu - pour ne pas dire dévoré avec passion - le livre rouge qui lui était tombé sur la tête. Pas dans ses relations avec son Oncle, évidemment - le garçon s'était bien gardé de lui révéler ses nouvelles opinions politiques - mais le jeune Potter, ou plutôt Potterevitch, comme il s'était secrètement surnommé pour rendre hommage à la glorieuse U.R.S.S. et à ses leaders bolcheviks, avait à présent un but dans son humble vie de miséreux : soulever les prolétaires d'Angleterre et prendre d'assaut le capitalisme !

Mais ce n'était pas chose gagnée quand on se faisait fouetter par ses maîtres pour avoir osé respirer trop bruyamment à leur goût. Harry avait besoin d'espace et de liberté pour pouvoir s'émanciper et ainsi accomplir son idéal.

L'occasion se présenta de manière tout à fait incongrue, à savoir par une lettre apportée par un hibou. Harry, ayant remarqué son nom sur l'enveloppe, la dissimula habilement hors de portée de son Oncle, et ne la lut qu'une fois assuré de n'être épié par personne. Voici ce qui était écrit :

"Camarade Potterevitch,

Afin d'atteindre les objectifs fixés par le plan quinquennal du Département de l'éducation magique, prévoyant de scolariser un taux minimum de 1000 % d'enfants Sorciers issus de classes pauvres de plus par rapport à l'année dernière, nous vous annonçons votre admission au Collège et Centre Culturel de Poudlard (CCCP), la plus réputée école populaire de magie avec internat du pays.

La rentrée aura lieu le 1er septembre. L'adresse de l'établissement est indiquée au dos de la lettre.

P.S. : suite à l'arrêté de l'article 10 du Règlement Scolaire sur la restriction de la propriété privée au sein de l'établissement, les élèves auront la chance de se partager des affaires scolaires collectives, fournies sur place."

La proposition d'admission était d'autant plus étrange que Harry n'avait jamais envoyé de candidature, et que l'adresse figurée au dos était illisible du fait de la mauvaise qualité de l'encre avec laquelle la lettre avait été rédigée.

En examinant le document sous tous ses plis, le jeune prolétaire remarqua un emblème figurant dans un coin de l'enveloppe : quatre blasons représentant chacun un animal, un lion, un blaireau, un aigle et un serpent.

Se demandant ce que tout cela pouvait bien signifier, il conserva toutefois la lettre précieusement et continua à agir comme auparavant dans son rôle de larbin.

Etrangement, il lui arrivait souvent de repenser à la mystérieuse missive, tandis qu'il récurait la cuvette des WC ou transportait des planches pour réparer la niche pour chien dans laquelle il logeait dans le jardin (il avait toujours rêvé de pouvoir dormir dans le petit placard sous l'escalier qui avait l'air formidablement confortable et accueillant !). Le blason, curieusement, l'obsédait, davantage même que l'idée qu'il puisse exister une « école de magie » : il ressassait sans arrêt dans sa tête les emblèmes à l'effigie des quatre animaux et, alors que le lion et le blaireau lui inspiraient de la sympathie, le serpent et l'aigle, à l'inverse, le révulsaient inexplicablement.

Il commençait à des rêves très étranges, dans lesquels il brandissait des pancartes colorées (principalement en rouge) ou alors se dressait face à un homme dépourvu de nez qui le défigurait au front. Lorsqu'il se réveillait, son premier réflexe était de frotter sa vieille cicatrice qu'il avait depuis tout petit, d'une forme qu'il n'arrivait pas à clairement décrire, ressemblant vaguement à deux traits irréguliers qui se croisaient.

Le jeune Potterevitch, voyant que la fin des vacances d'été approchait – bien que cela ne signifiât pas grand chose pour lui, puisqu'il était privé d'école – comprit intuitivement que c'était le moment ou jamais de prendre une décision capitale.

Le 1er septembre, le jeune garçon fit ses bagages et s'éclipsa de la maison de ses maîtres.

Il avait fini par entrevoir en la lettre mystérieuse le potentiel de l'opportunité qui se présentait à lui : se débarrasser d'employeurs trop oppressifs n'était qu'un détail, comparé à la chance qu'il aurait de s'instruire et de mener d'autres courageux prolétaires dans son sillage révolutionnaire, comme l'avait fait le grand Lénine en son temps ! Il était conscient des difficultés auxquelles il s'exposait - notamment celle, de considération très prosaïque, découlant directement de son ignorance de l'endroit où il devait se rendre - mais sa détermination et sa rage de vaincre étaient d'acier.

Et c'est ainsi que sans même le savoir, Harry Potterevitch utilisa pour la première fois une forme de magie particulièrement puissante, matérialisée et alimentée par sa volonté, sa confiance et son optimisme naturels, qui le guida à travers Londres comme s'il marchait dans une bulle intemporelle : la Magie Rouge, un pouvoir si puissant que ses utilisateurs obtenaient la capacité de distordre la réalité pour la faire correspondre à leurs idéaux, et transformant les contraignants faits objectifs et les injustes lois physiques en détails négligeables.

Et c'est donc de cette manière que notre jeune prolétaire finit par se retrouver sur le quai d'une gare, un géant barbu avec une chapka sur la tête se précipitant dans sa direction, sans qu'il ne comprenne exactement ce qui lui était arrivé...