Un géant barbu avec une chapka se précipitait dans sa direction.

Et il rugissait. Harry tenta mentalement de traduire ces sons décousus en mots intelligibles, ce qui revenait à peu de choses près à chercher à deviner la valeur d'une variable dans une équation à dix inconnues ; sans succès. Et, avant d'avoir eu le temps de réagir davantage, le géant l'agrippa chaleureusement par les épaules, un sourire béat aux lèvres.

"CAMARRADE POTTERREVITCH ! s'exclama-t-il avec un accent slave à couper au couteau. TE VOILÀ ENFIN !"

Non seulement il était au moins deux fois plus grand que la moyenne, mais en plus il possédait une véritable carrure d'ours et une musculature qui devait certainement le rendre imbattable au catch. Sous sa chapka et ses sourcils broussailleux luisaient des yeux gris clair, en ce moment même braqués sur Harry Potterevitch.

Presque écrasé sous le poids de ses mains faisant chacune la taille d'une pelle, Harry parvenait à peine à respirer. Pourtant, il n'était pas effrayé : il sentait au fond de lui que cet individu habillé comme un Russe était son allié.

"Je suis Borris Hagrridov, continua l'homme, toujours souriant chaleureusement. J'ai été charrgé parr le Vojd du CCCP en perrsonne de te rretrrouver, camarrade Potterrevitch !

- Le... le Vojd ? tenta Harry de parler tout en peinant à reprendre son souffle.

- Le Vojd, c'est le dirrecteurr, expliqua Hagridov en se grattant la tête. Mais il n'aime pas qu'on l'appelle comme ça. Il aime quand les élèves le surrnomment "Petit Pèrre"."

Harry fronça les sourcils : il n'était pas sûr de bien tout saisir.

Boris Hagridov lui avait relâché les épaules et regardait à présent autour de lui, comme à la recherche de quelqu'un. Les passants lui jetaient des coups d'œil surpris ou effrayés, et c'était assez compréhensible : on ne voyait pas de demi-ours dans son genre comme ça tous les jours.

"Euh... commença Harry au bout de quelques secondes, hésitant. Je... euh..."

Une myriade de questions se combattaient sauvagement dans sa tête, pour obtenir le privilège d'être la première à être formulée. Mais Hagridov interrompit son bégayement d'un geste :

"On t'expliquerra tous les détails trrès bientôt... Ah, la voilà !"

Harry se tourna vers la direction qu'indiquait l'ursid... le camarade Boris, et cligna des yeux pour être sûr de bien voir : une silhouette rouge ailée plongeait en piquée dans leur direction depuis le ciel.

Qu'était-ce ? Un ange ?

Non. Lorsque la splendide créature se fut posée sur le large bras d'Hagridov, Harry Potterevitch put constater, à son plus grand étonnement, qu'il s'agissait d'une chouette malgré son inhabituel plumage écarlate.

"Cette chouette est pourr toi, camarrade ! sourit Hagridov à son intention. Cadeau d'anniverrsairre.

- Comment... comment saviez-vous...

- ...que c'était ton anniverrairre rrécemment ? Grrâce au Vojd, camarrade. Le Vojd est bienveillant, et il sait tout. Gloirre au Vojd !"

La dernière phrase avait été prononcée avec un enthousiasme victorieux, grâce auquel Harry entrevit toute l'étendue de la grandeur et de la mansuétude de ce "Vojd" mystérieux. Il voulut interroger Hagridov à son sujet, mais celui-ci lui avait à nouveau posé une main sur l'épaule et lui faisait signe d'avancer.

Harry sentit que la chouette rouge s'était posée sur son autre épaule, et lui mordillait amicalement l'oreille. Il eut tout juste le temps de lui sourire et de lui chatouiller la tête d'un doigt. L'oiseau, malgré son apparence bizarre, lui était déjà très sympathique ; c'était d'ailleurs son tout premier cadeau d'anniversaire.

Mais Hagridov le poussait déjà dans le dos.

"Nous n'avons pas beaucoup de temps, camarrade... Les choses ne se sont pas dérroulées comme prrévu. Je ne m'attendais pas à ce que tu rréussisses à venirr jusqu'à la garre parr tes prroprres moyens. Autrrement, nous aurrions pu discuter plus longuement... mais en attendant, camarrade, tu dois te prresser si tu ne veux pas êtrre en rretarrd...

- Mais en retard où, camarade ? parvint à atriculer Harry, essoufflé à cause du rythme de marche rapide imposé par me géant. À cette école dont parlait la lettre ?"

Hagridov se stoppa un instant et se gratta la tête, indécis. La chouette rouge en profita pour pousser un léger hululement qui fit se retourner quelques passants.

"Ce n'est pas un hasarrd si cette lettrre t'a été envoyée, camarrade... Comme tu as pu le lirre, c'est pourr rrespecter le plan quinquennal, bien sûrr, mais il existe une autrre rraison...

- Camarade Hagridov ! s'écria alors quelqu'un, juste derrière lui. Ça fait un bail !"