Hagridov s'était mystérieusement éclipsé, de même que la chouette quelques minutes plus tard, bien que les roux aient rassuré Harry à son sujet : elle partait simplement au CCCP, où elle l'attendrait bien sagement (sans songer nécessaire de préciser au jeune communiste qu'elle allait également faire son rapport au Vojd à son sujet).
Tandis qu'ils marchaient dans la gare bondée de gens bizarrement habillés après avoir traversé un mur, longeant une splendide locomotive rouge, le camarade Potterevitch avait l'impression d'étouffer sous le poids des questions qui pesaient sur sa poitrine. Il ne put s'empêcher d'en formuler quelques unes :
"Mais... qu'est-ce que ça veut dire, que je suis un sorcier ? C'est un nouveau code secret pour désigner les camarades, pour que les impérialistes américains ne puissent pas nous repérer ?
- Non, camarade, répondit l'un des fils roux. Ça veut dire que tu peux utiliser de la magie.
- Mais... mais depuis quand ?
- Depuis toujours, mon garçon ! lui sourit la mère de famille.
- On t'expliquera tout une fois au CCCP, mais ne t'inquiète pas, tu n'es pas le seul à avoir droit à des révélations soudaines : les camarades Nés-Moldus sont aussi des nouveaux venus dans notre monde, fit le père.
- Arthur ! s'indigna sa femme. Je t'ai déjà mille fois répété de ne pas les appeler comme ça, c'est stigmatisant ! On doit dire "des Individus d'origine non-Magique" !
- Oui, c'est vrai, pardon Molly...
- Regardez ici ! Un wagon libre ! Venez, on monte !" intervint alors l'un de leurs fils.
Et, laissant leurs parents et leur petite sœur sur le quai, ils s'engouffrèrent dans le train.
Le plus âgé des fils, celui qui portait un livre de Sartre sous le bras, partit quelque part à l'avant pour "rejoindre les autres chefs du KGB", quoi que cela puisse vouloir dire (Harry sut bien plus tard que Percy Weasley faisait partie du Klub de Gastronomie Britannique du CCCP). Les deux jumeaux s'éclipsèrent, prétendant devoir aller coller quelques affiches joliment colorées pour égayer le voyage des premières années (les affiches en question représentaient un lion doré avec une étoile jaune au-dessus de la tête sur un fond écarlate, et le profil d'un homme moustachu en arrière plan).
Harry se retrouva donc tout seul avec le plus jeune des fils, qui le lorgnait avec une admiration mal dissimulée. Gêné, le jeune bolchevik finit par lui demander :
"Euh... c'est quoi ton nom ?
- Ron ! s'exclama l'autre, je suis le camarade Ron ! Enchanté !
- Heureux de te connaître, camarade !
- Moi aussi ! On a beaucoup entendu parler de toi dans les journaux !"
Très mal à l'aise, le bolchevik se tortilla sur son siège : il ne tenait pas à la célébrité ! Et encore moins à cette admiration fanatique…
« Je… je peux voir ta cicatrice ? murmura Ron, qui n'avait pas perçu sa gêne.
- Euh… »
Mais le regard du roux était si implorant qu'il obtempéra à contre cœur. Il releva la mèche de cheveux qui cachait l'ancienne blessure. Ron, en la voyant, tomba dans une sorte de transe quasi-religieuse.
"C'est... murmura-t-il, c'est la Rune du Peuple, oubliée depuis des années ! Celle qui a vaincu… qui a vaincu Celui-Dont-Il-N'est-Pas-Politiquement-Correct-De-Prononcer-Le-Nom-Sous-Peine-D'aller-Au-Goulag… Je n'arrive pas à imaginer que je suis en train de la contempler..."
Harry passa nerveusement ses doigts dessus, pour sentir sa forme : d'accord, ce n'était pas une cicatrice très conventionnelle, mais pas de quoi se mettre dans un tel état ! Il finit par dire d'une voix dure et ferme :
"Cesse donc cela, camarade ! La religion est l'opium des peuples ! Je ne mérite pas plus de gloire que n'importe qui d'autre, je suis un simple prolétaire, comme toi ! Si cette cicatrice a une quelconque utilité, je la mettrai au service de notre cause, comme tout bon camarade le ferait à ma place, mais je ne ferais alors que mon devoir !"
Une larme d'émotion coula sur la joue de Ron, profondément touché par ce discours d'humilité :
"Tu... snif... tu es bel et bien l'Elu qui nous a été annoncé !"
Et il se redressa et se mit dans un solennel garde-à-vous en s'écriant "vive le Vojd !" pour lui témoigner de tout son respect.
