"Debout, camarades !"
Sortant péniblement de sa somnolence, Harry cligna faiblement des yeux en distinguant une silhouette inconnue penchée au-dessus de lui.
"Nous sommes arrivés au CCCP, camarades !" les pressa la voix féminine.
C'était une jeune fille du même âge que Ron et lui, d'apparence assez ordinaire mais au regard brillant d'une intelligence très perceptible. Ses cheveux châtains ondulés cascadaient de manière rebelle jusqu'à son torse et ses dents un peu trop grandes lui donnaient vaguement un air de lapin enragé.
Harry comprit tout de suite, grâce à cette description détaillée, qu'il avait affaire à un personnage principal.
"Qui es-tu ? demanda-t-il.
- Je suis Hermione Granbatchev, et toi, à en juger par ta cicatrice en forme de faucille-marteau, tu dois être Harry Potterevitch.
- Brillante déduction, la félicita l'Elu de la Prophétie des Peuples. Reste à mes côtés, camarade, je vois déjà que tu seras d'une grande utilité à notre cause !
- Une telle proposition de la part d'un inconnu allongé dans son vomi et puant l'alcool, ça ne se refuse pas !" accepta Hermione avec enthousiasme.
Harry hocha la tête, satisfait, et, après s'être relevé, chercha le camarade Ron des yeux. Il l'aperçut affaissé contre une banquette, les yeux rivés sur Hermione Granbatchev, un peu de bave dégoulinant le long de son menton. Il s'approcha de lui et le secoua doucement :
"Camarade Ron ?"
Le camarade Ron détourna son attention de la camarade Hermione et laissa un grand sourire benêt s'étaler sur son visage couvert de taches de rousseur.
"Je... excuse-moi, camarade... j'étais plongé en plein fantasme sexuel impliquant très explicitement la camarade Granbatchev..."
Harry se gratta la tête : n'étaient-ils pas un peu jeunes pour ce genre d'idées ? Il finit par hausser les épaules et se dit que ce n'était là qu'un effet indésirable lié à la consommation abusive de vodka, avant de faire signe au camarade roux de se relever.
Une fois sortis du train, les futurs élèves eurent le plaisir de faire la rencontre — pour ceux qui ne le connaissaient pas déjà — de Boris Hagridov, le garde-chasse à la carrure de catcheur russe. Il leur donna une courte présentation, pour mieux faire connaissance :
"Je suis le camarrade Hagrridov, cherrs élèves. Je suis orriginairre de la Mèrre Patrrie, le Vojd Dumbledorre m'a fait venirr de là-bas. J'étais catcheurr dans une ancienne vie...
- Ah, j'en étais sûr ! commenta Harry à voix basse.
- ... J'espèrre que vous vous plairrez au Collège et Centrre Culturrel de Poudlarrd. Ah, et pourr les petits malins qui prrévoyaient de sécher les courrs... sachez que je possède un ourrs apprrivoisé que j'ai fait venirr de RRussie, et qu'il est trrès doué pourr pister les enfants pas sages..."
Plusieurs potentiels sécheurs déglutirent très perceptiblement. Même l'héritier De la Mauvayse Foy, le jeune lord hautain et impassible, pâlit légèrement à cette annonce.
"Bienvenue au CCCP !" conclut le massif garde-chasse.
Il leur indiqua de petites barques où ils pouvaient prendre place. Une fois tous installés — Harry s'était retrouvé en compagnie de Ron et d'un garçon au visage rond et à l'air malheureux — Hagridov leur distribua des rames en bois.
"Hein ? s'exclama un élève. Je pensais que les embarcations étaient tractées par magie vers le château ?
- Il y a eu des rréductions budgétairres, haussa simplement Boris les épaules. Le dispositif de la magie de trractage s'est cassé, nous n'avons pas assez d'arrgent pourr le rréparrer... mais ça ne devrrait pas dérranger des jeunes déborrdant d'énerrgie comme vous, non ? A votrre âge en RRussie, je me battais à mains nues contrres des ourrs sauvages..."
Plusieurs élèves se regardèrent avec appréhension : auraient-ils eux aussi à affronter des ours ? Ils prièrent pour que ce témoignage ne fût que purement anecdotique, et non prémonitoire...
Heureusement pour eux, le camarade Hagridov était tout de même doté d'un sens basique des réalités : une fois le voyage vers la rive du château effectué, il constata avec dépit qu'ils étaient tous à bout de forces. Non, ces jeunes n'étaient pas assez endurants pour se battre contre les araignées géantes de la forêt, comme il l'avait prévu pour leur premier cours... Il devrait sans doute attendre un peu — un an ou deux, disons.
Ce fut donc détrempé de sueur, avec deux points de côté et reprenant péniblement son souffle que Harry Potterevitch pénétra pour la première fois de sa vie dans le Collège et Centre Culturel de Poudlard.
(suite à une réduction budgétaire, la rédaction se trouve dans l'impossibilité de vous fournir un symbole de transition satisfaisant (la croix et la faucille étaient envisagées mais n'existent malheureusement pas sur un clavier d'ordinateur). Veuillez donc considérer ce bref message comme une subtile ellipse)
"Ouah ! C'est... c'est..."
Ne trouvant pas d'adjectif convenable pour décrire le panorama s'ouvrant à ses yeux, Ron se tourna vers Harry, les yeux dégoulinants d'émerveillement.
Harry n'était pas moins sous le choc que son camarade : après avoir traversé un lac d'une lieue et demi à la rame, il pensait qu'il tomberait de fatigue sitôt entré à Poudlard - mais il ne pouvait demeurer insensible à la fascination qui s'était emparée de lui dès son entrée dans le château.
Ce n'était pas un château ordinaire, aristocratique : non, ce château-là, le peuple l'avait réquisitionné et se l'était fermement approprié. Les statues et tableaux représentant les lords et ladys de l'ancien temps avaient été lacérés, décrochés ou couverts de graffitis faisant passer des messages prolétaires : "nique la police", "nique les riches" ou encore, de manière plus sophistiquée, "que les capitalistes aillent se faire niquer". Les arcades finement ciselées et les murs tapissés de vermeil avaient été recouverts d'affiches rouges représentant une fois sur deux un élève vêtu de rouge brandissant une baguette, et sinon un homme d'âge indéfinissable en costume militaire, doté d'une moustache blanche et d'une paire de lunettes en demi-lune. Aux larges troncs d'arbres coupés bordant l'allée du parc, on devinait que des chênes centenaires, symboles de l'oppression par les nobles, avaient été abattus et utilisés ailleurs. Enfin, la petite fontaine en marbre devant l'entrée, quant à elle, avait été retirée et envoyée au goulag, car jugée trop bourgeoise.
"C'est ici notre maison, Ron", dit simplement Harry, remis de son émerveillement.
Pendant ce temps, Boris Hagridov tapait dans ses grandes paluches pour attirer l'attention de tout le monde.
" Je vais à prrésent vous emmener dans la Grrrande Salle du CCCP, déclara-t-il. Cependant, ne tentez pas de prrendrrre l'ascenseurrr, reprit-il lorsqu'il remarqua quelques élèves se diriger tout naturellement vers la cabine, il est en panne.
- On va pas marcher ?! s'outra De la Mauvayse Foy. Prendre les escaliers, c'est une activité de pauvres !
- Non, pas prrrendrre les escaliers non plus, secoua tristement Boris la tête, ils sont en panne aussi... Heurreusement, la Grrrande Salle est au rrez-de-chaussée."
Ils suivirent donc Hagridov. En chemin, un garçon au visage lunaire, celui avec lequel Harry avait ramé sur sa barque, s'approcha de lui :
"Heu, salut... je te dérange pas ? demanda-t-il timidement. J'ai perdu mon crapaud tout à l'heure, sur le lac... je me demandais, si tu l'avais pas vu... C'était un crapaud magique...
- "Ton" crapaud ? s'étonna Harry. Comment peux-tu considérer un animal comme étant "tien" ? Les oppresseurs et les esclavagistes sont les seuls à avoir ce mode de pensée abject ! Serais-tu l'un d'entre eux ?"
Le garçon pâlit et recula d'un pas :
"Nnnnon, balbutia-t-il. Ce... ce crapaud, c'était...
- Silence à présent !" s'éleva alors une voix féminine.
Les deux jeunes élèves se tournèrent dans sa direction. C'était une femme d'âge mur, mince, vêtue d'un costume de travailleur bleu, un casque d'ouvrier élégamment posé sur la tête. Elle se tenait devant une porte fermée.
"Je suis McDonagal, et malgré mon nom de famille qui rappelle une firme capitaliste, je suis profondément dévouée à la cause prolétarienne ! Vive la Révolution !"
Et elle brandit le poing en l'air pour prouver ses dires.
"Vous allez à présent être répartis... mais vous en saurez plus à l'intérieur..."
Sur ce, elle ouvrit la porte et précéda la horde d'élèves sur ses talons d'un air fier de général lors d'un défilé militaire.
Autour d'eux, les élèves voyaient des rangées de part et d'autre de la salle, des tribunes s'étalant du côté gauche au côté droit de la Grande Salle. Les élèves plus âgés les regardaient passer, qui avec enthousiasme, qui avec méfiance ; par ailleurs, entre les différentes tribunes régnait une étrange atmosphère de tension, presque de haine, mêlée cependant à une bonne dose de sang froid et de calme diplomatique : les forces semblaient équilibrées, bien que l'équilibre avait l'air fragile.
Le plafond de la Salle, quant à lui, était enchanté, présumait Harry : il laissait voir le ciel et les étoiles, presque comme si les élèves étaient dehors, à la belle étoile.
"L'administration s'excuse, fit McDonagal tout en marchant, mais cette année, nous n'avons pas assez de budget pour réparer le plafond. Vu qu'il menaçait de s'écrouler, on a décidé de le démolir. Vous mangerez à ciel ouvert jusqu'à janvier."
Les élèves qui s'étaient émerveillés sur la magie si réaliste du plafond ne purent masquer leur déception.
Mais McDonagal (les nouveaux venus ne savaient toujours pas s'il s'agissait d'une surveillante ou de leur professeur étant donné qu'elle ne leur avait donné que son nom) leur fit signe de s'arrêter lorsqu'ils furent arrivés devant une longue table disposée perpendiculairement aux tribunes d'élèves. Des adultes y étaient assis, et les observaient avec curiosité.
McDonagal s'avança seule, se mit face aux futures premières années et, d'un geste ample, désigna une urne sur un tabouret qui leur faisait face.
C'était une urne d'aspect assez ordinaire : en tôle, de forme cubique, avec une ouverture mince sur le haut et l'emblème du CCCP sur le côté.
"Nous allons à présent procéder à votre Répartition, annonça McDonagal tandis que les élèves lorgnaient l'urne d'un air dubitatif. Vous serez classé selon votre opinion politique dans quatre maisons différentes : Communor, Centrouffle, Aristaigle et Capitard. Et, sans vouloir vous influencer le moins du monde, rajouta-t-elle, n'oubliez pas : Capitard, c'est tous des bâtards ! "
