Les instructions avaient été données aux élèves : on leur avait présenté une pile de bulletins de différentes couleurs avec des noms qu'ils ne connaissaient pas pour la plupart ; chaque élève avait à en choisir un et aller le mettre dans l'urne. Selon leur vote, ils allaient être répartis dans l'une des quatre Maisons.

Harry jeta un coup d'oeil à sa pile et la feuilleta, un peu perdu : il y avait des noms tels que "Donald Trump", "Nicolas Sarkozy", "Angela Merkel", "Recep Tayyip Erdoğan" ou encore "Kim Jong Un", que des noms d'origines aussi diverses que variées et qui ne lui disaient absolument rien, et chacun avec une couleur différente. Selon quels critères était-il censé choisir ?

En regardant autour de lui, il se rendit compte que tous étaient aussi désemparés que lui : Ron avait de la fumée s'échappant de ses oreilles tant il réfléchissait intensément, Hermione Granbatchev était à deux doigts de pleurer et même le lord capitaliste blond insupportable se lamentait théâtralement de cette épreuve impossible. Parmi les autres, certains couvraient fébrilement de calculs mathématiques complexes un bout de papier, tentant de déduire scientifiquement la marche à suivre, tandis que d'autres lançaient une pièce en l'air, s'étant entièrement remis au hasard.

Alors que tout semblait aller au plus mal, les yeux larmoyants d'Hermione s'illuminèrent soudainement et, de la pile de bulletins de vote, elle s'empara d'un seul bout de papier et s'avança fermement vers l'urne.

Sitôt que le petit bout de papier eut effleuré l'urne, l'ouverture de celle-ci s'ouvrit en grand et s'écria :

"Hermione Granbatchev, COMMUNOR !"

Un torrent d'applaudissement s'éleva de l'une des quatre tribunes et, un peu intimidée, Hermione s'y avança et s'installa parmi les élèves de sa maison qui la félicitaient.

"Comment elle a fait ? glissa Harry à l'oreille de Ron.

- J'en sais rien, mais ça me donne trop envie de l'épouser", soupira Ron avec un sourire béât.

Quelques instants s'écoulèrent avant qu'un autre élève ne s'avance vers l'urne.

"Justin Fint-Fletchey, CENTROUFFLE !"

Puis encore un autre :

"Zacharias Smith, CENTROUFFLE !"

Les deux chanceux s'avancèrent vers leur maison en souriant.

Peu à peu, la Répartition s'accéléra : Harry entendit quelques noms, comme Padma Patil (Aristaigle), Ernie McMillian (Centrouffle), Seamus Finnigan (Communor) ou encore Pansy Parkinson (Capitard). Les Maisons semblaient réparties équitablement en quantités d'élèves, ce qui expliquait sans doute l'impression de guerre froide entre elles : aucune n'osait attaquer tant qu'elle n'aurait pas l'avantage.

Au final, même l'insupportable bourgeois blond rencontré dans le train s'avança, bulletin à la main. Sans hésiter, l'urne s'écria :

"Jean-Dracouille De la Mauvayse Foy, CAPITARD !"

"Il s'appelle donc Jean-Dracouille, songea Harry. Quel sale prénom capitaliste..."

A sa surprise, le jeune communiste vit Ron frappé d'une illumination d'intelligence et s'avancer vers l'urne, qui l'envoya rapidement à Communor.

A présent, presque tous les élèves avaient été répartis. Désespéré, Harry regarda ses bulletins : lequel était-il censé prendre ? Comment les autres s'étaient-ils décidés ? Il avait saisi que tous ces noms correspondaient à des hommes politiques de partis différents, mais comment était-il censé choisir ? Aucun média d'Etat ne lui avait dit pour qui voter !

Soudain, ses yeux s'éclairèrent, de compréhension et de colère : tous ces gens qui votaient anonymement, parfois éhontément pour des traitres ou des gredins, cela le révulsait... Comment un système démocratique pouvait-il imposer cela ?! Non seulement on n'avait mis aucun journal d'Etat à leur disposition pour les prendre en charge en leur imposant un vote, mais en plus on les mettait face à des choix de toutes évidences capitalistes : tous ces noms américains, suintant l'impérialisme capitaliste.. qu'on n'aille pas lui raconter qu'il s'agissait de camarades prolétaires !

Sans qu'il s'en aperçoive, une lueur rouge issue de sa cicatrice avait commencé à le napper d'écarlate ; les professeurs à leur table et les élèves à leurs tribunes s'étaient tus, le souffle coupé ; enfin, un homme moustachu aux lunettes en demi-lunes s'était légèrement avancé de l'ombre qui le cachait, sur une estrade surplombant la table des professeurs, et l'observait attentivement.

Seulement guidé par son instinct, Harry Potterevitch s'avança d'un pas ferme vers l'urne qu'il toisa avec mépris, avant de se tourner vers l'assemblée des élèves et de parler d'une voix claire :

"Moi, le camarade Potterevitch, refuse de me soumettre à un procédé aussi odieux et anti-démocratique qu'est le vote anonyme ! La participation à la vie politique ne devrait pas être tenue secrète, mais devrait être manifestée publiquement, sans honte aucune !"

Un tourbillon rouge autour de ses mains levées ponctua sa harangue ; tous semblaient hypnotisés par ses paroles, nul n'osait l'interrompre.

"C'est ainsi qu'en tant que fervent défenseur du vote à main levée, continua-t-il, je m'y plierai en premier ! Je déclare donc que je ne voterai pour aucun de ces stupides noms inscrits sur des papiers qui ne m'évoquent rien, à moi, prolétaire jusqu'alors déscolarisé, mais que je prendrai position pour un homme qui partage les mêmes valeurs que les miennes, qui m'inspire au quotidien depuis les trois jours que je le connais et qui, j'en suis persuadé, est le seul à pouvoir changer le monde en mieux ! Je vote pour notre Vojd, Rubrus Dumbledacier !"

Un silence se fit après ses paroles. Personne ne savait comment réagir. Harry, le poing dressé, sembla se rendre soudain compte de sa situation et recula d'un pas, surpris. Qu'est-ce qui l'avait poussé à faire cela ?

Puis, soudain, l'urne derrière lui s'exclama triomphalement :

"COMMUNOR !"