"Bon, et maintenant on va où ?" demanda Giles, après avoir également assommé Vince.

Spike se leva et jeta un oeil dans le couloir. "Ce n'est pas le même endroit que la dernière fois ; les cellules étaient complètement différentes. Je ne reconnais rien."

"La question est : on va à droite ou à gauche ?"

"A gauche !"

"Bon, on va à droite."

"Comme vous voulez. Mais moi je vais à gauche !"

Giles haussa les épaules. Les deux hommes se tournèrent le dos, et commencèrent à partir chacun dans leur direction. Soudain, Spike courut vers le bibliothécaire, l'attrapa par le bras et l'attira dans la cellule.

"Ehh !"

"J'entends quelqu'un", chuchota Spike

"Certainement le médecin... Ecoute, je te propose qu'on l'attende ici, on lui demande notre chemin et..."

"Chut !"

"Désolé, je n'entends rien !"

"Taisez-vous !" ordonna Spike, exaspéré.

Ils restèrent ainsi, immobiles. Au bout de trente secondes environ, qui lui parurent une éternité, Giles entendit un couinement régulier. Le son semblait s'approcher de la cellule - des roulettes ! Puis, un bruit de pas ; à vrai dire, le marcheur en question devait traîner les pieds. Manque de motivation ? Les bruits de pas stoppèrent.

"C'est là ?" demanda une voix rauque et lasse, suivie d'une quinte de toux.

"Oui, oui. Vous pouvez entrer, nous maîtrisons la situation", affirma Spike.

Un homme mince et dégarni, qui semblait avoir dans les quarante ans, ouvrit la porte et écarquilla les yeux. Trop tard ! Il fut happé par la puissante poigne de Giles, qui le força à s'agenouiller. Spike ferma la porte de la cellule et fouilla le médecin, le délestant de plusieurs gadgets électroniques.

"Bon, on va pouvoir parler !" fit Giles.

"Pour commencer, où est-on et où est la sortie de c't'enfer ?" demanda Spike.

"Non ! Est-ce que Buffy est là ?" corrigea Giles.

"On s'en fout de Buffy"... murmura le vampire, ce qui lui valut un regard assassin de son allié du moment.

"Vvvvvous... Vous êtes dans les zou dans les zou les oubliettes, bafouilla le chercheur. C'est là qu'on... stocke les zozos les hostiles que l'on n'a pas besoin d'étuver d'étuver d'étudier dans l'immédiat."

"Oui, on a déjà vaguement entendu ça ! C'est où, par rapport à la sortie, imbécile ?" grogna Spike.

"En-dessous... Faut prendre l'as sans soeur... l'ascenseur !"

"Est-ce qu'une jeune fille blonde est arrivée ?"

"Jjjj... je ne sais pas !"

Spike lui balança un coup de pied dans les reins, essayant de faire abstraction de la douleur horrible causée par la puce. "T'as plutôt intérêt à savoir !"

"Elle est arrivée... il y a une heure... mimi mignonne... la vingtaine."

"Oui, c'est elle ! Où est-elle maintenant ?"

"Dans le... Dans la..."

"Lâche le morceau !"

Nouveau coup de pied dans les reins, qui fit cette fois plus de mal à l'agresseur qu'à la victime. Spike grogna.

"Je les ai vus l'emmener dans la zone de recherche."

"Bien !" le félicita Giles, cyniquement. "Il y a du progrès. Bon, comment on y arrive, à cette zone de recherche ?"

Le médecin pleurait ; il se mordit les lèvres. "Ne me tuez pas..."

"Parle !"

"Vous prenez à gauche... l'ascenseur. Puis..."

Le pauvre homme se lança dans une laborieuse description du chemin à parcourir et des codes à composer. Quand il eût fini, Giles le menaça : "Et si jamais tu nous as raconté des salades, je te promets que je fais demi-tour et que je te fais la peau !"

Spike le regarda, ébahi, et pour tout dire assez admiratif. "Génial ! Vous me laisserez le saigner une fois mort, au cas où ?"

"Spike !"

"Bon, finissez-le, là, moi je ne peux pas !"

"Maismaismais..."

"Oh la ferme !" conclut Giles, exaspéré. Il releva brutalement le médecin et lui assena un crochet du droit sous le menton. Le chercheur s'écroula sans demander son reste. Essayant de ne pas trop penser au plaisir malsain qu'il avait éprouvé pendant cet interrogatoire, Giles dépouilla le malheureux de sa blouse, de son badge et de son stéthoscope, et saisit Spike au collet. Ils sortirent de la cellule en claquant la porte.

"Toi, tu t'allonges là ! ordonna Giles en désignant le brancard qui s'ennuyait depuis tout à l'heure dans le couloir."

"Et pourquoi je ne pourrai pas jouer aux scientifiques, moi ?"

"Primo, tu ressembles à tout sauf à un médecin. Secundo, tu ressembles à tout sauf à un humain."

Spike fronça les sourcils.

"Tu crèves de faim et ça commence à se voir", précisa Giles.

Sans mot dire, Spike prit place sur le brancard et ferma les yeux.

*****

Une goutte de sueur perla sur le front de Maggie, tandis que la lame brillante du scalpel effleurait la nuque de Buffy. "Je vais ouvrir", annonça Engelmann.

Il fut interrompu fort à propos par les bips familiers de la serrure à code.

"Bon sang, j'avais dit de ne déranger sous aucun prétexte", grommela Walsh. "Qui ça peut bien être ?"

Un fracas épouvantable couvrit ses dernières paroles : le choc fut si violent que la porte, bien que blindée, en resta déformée. Giles entra en hurlant, poussant devant lui le brancard, et emportant au passage un malheureux infirmier qui se retrouva assis dans un lavabo, inconscient. Spike sauta à terre, jeta le drap qui le recouvrait sur Walsh et la plaqua violemment contre un mur. Giles avait déjà attrapé Engelmann et lui tordait le poignet derrière le dos.

"Réveille-la !" ordonna-t-il. Engelmann acquiesça. De sa main libre, il saisit une seringue posée sur un plateau, non loin de lui, et fit machinalement gicler un peu de son contenu. Il planta l'aiguille assez maladroitement dans le cou de Buffy et, toujours d'une main, lui injecta fébrilement un liquide transparent.

"Engelmann ! Que fe paf t-il ?"

"L'Hostile 17 et Rupert Giles ont investi la place, professeur Walsh."

"Enlevez fe drap, bon fang !"

"Pas question, je vous trouve beaucoup plus jolie comme ça !" répondit Spike. "En plus ça me fait moins mal."

Buffy commençait déjà à remuer. "Eh bien !" s'exclama Engelmann. "C'est une rapide !"

"Ne croyez pas ça", fit Spike.

"Buffy, tu m'entends ? Comment ça va ?"

"... Mmg... Giles ?"

"Oui, c'est moi. Lève-toi, on s'en va. Walsh, j'aime autant vous prévenir tout de suite, vous êtes dans de sales draps !"

"Ah bon ?"

"Je veux dire... Oh puis flûte ! Bon, Buffy, dépêche-toi un peu s'il-te-plaît."

"Giles, je vous vois trois fois."

"Quelle horreur !" ricana Spike. "Bon, c'est pas tout ça, mais avant qu'on parte vous m'enlevez cette puce..."

L'infirmier souleva à demi une paupière.

"Spike, on file d'ici ! ordonna Giles."

"Ve ne peux pas enlever la puf, de toute fafon."

"Vous pouvez me lâcher le poignet ? J'ai mal !"

"Non."

L'infirmier regarda discrètement autour de lui. Il trouva rapidement le veston de Buffy. Et un gros bouton rouge.

"Et l'autre abruti, il peut pas me l'enlever, ce bidule ?"

"Pas avec un poignet cassé", grommela Engelmann.

"Spike, laisse tomber !"

"C'est facile pour vous de dire ça !"

L'infirmier, qui s'appelait Toscano et n'avait jamais commis d'acte de bravoure avant ce jour, plongea en avant sur le brancard et appuya sur le bouton rouge. Des sirènes se mirent à hurler de partout, et Buffy, pas encore très réveillée, eût comme seul réflexe de se boucher les oreilles. Engelmann écrasa le pied de Giles avec son talon, le faisant enfin lâcher prise. Des soldats arrivaient déjà des quatre coins du bâtiment, et investissaient le pas de la porte. Très vite, Toscano fouilla dans la veste de Buffy. La jeune fille, qui avait enfin recouvré ses esprits, s'occupait gracieusement de trois jeunes gens (pas assez) solidement armés. Giles vint lui prêter main forte.

"Attrapez-ça !" cria Toscano à Engelmann, en lui lançant le pieu que Buffy avait laissé dans la poche de son veston.

Spike essayait de maîtriser Walsh, qui se débattait comme une furie. Sans trop le demander, il avait pris son apparence démoniaque et essayait sans succès de la mordre, empêché à chaque fois par la douleur. Engelmann jeta un coup d'oeil à Giles, s'assurant qu'il avait enfin le champ libre. Empoignant fermement le pieu, il se rua pointe en avant sur le vampire, avec la ferme intention de le réduire en poussière.

"Aaaarrrgh !" cria-t-il pour se donner de l'élan.

Giles se retourna, surpris. Toscano, qui était retourné se planquer dans son lavabo, ferma les yeux et croisa les doigts. Malgré le hululement des sirènes, il entendit distinctement le bruit mou qui fit le pieu en pénétrant dans le corps de sa victime, suivi du plus atroce des cris de souffrance.

"Oh non !"

C'était Engelmann.

"Salopard !"

Spike éclata d'un rire sardonique. "Je ne savais pas que vous connaissiez ce mot-là, Giles."

Engelmann regarda le vampire, éberlué, puis le pieu. Le pieu qui était planté dans le drap. Une tache de sang grossissait très vite. Spike s'était ôté juste à temps.

"Maggie... murmura Engelmann." Elle râla.

"Ne perdons pas de temps !" Spike joignit le geste à la parole et se mêla aux soldats, leur tapant dessus autant que la puce le lui permettait. En un instant il avait retrouvé sa confiance et son arrogance : il avait tué ! Même s'il n'avait pas directement enfoncé le pieu, il avait tué ! Il n'était plus limité à la chasse aux démons... Buffy s'empara d'une arme électrique et fit rapidement le ménage autour d'elle ; elle réussit à se frayer un passage vers la salle centrale, passage qu'empruntèrent aussitôt Giles et Spike. Elle savait où elle était, maintenant !

"On prend l'ascenseur !" cria-t-elle.

*****

"Faites-le."

"Professeur Walsh, non ! Je vais vous sauver... Nous avons les moyens... Ne vous affolez pas ! Je suis là, Maggie !"

La femme respirait de plus en plus difficilement. Elle souffrait le martyr, et avait perdu beaucoup de sang. Un voile passa devant ses yeux. "S'il-vous-plaît... Je vais mourir. Si vous ne le faites pas..."

Elle lui attrapa la main, la serrant de toutes les forces qui lui restaient.

"Si vous ne le faites pas, vous me tuez une deuxième fois !"

Puis elle se tût ; son regard se perdit dans le vague, et elle cessa d'exister. La mort dans l'âme, Engelmann ordonna à son assistant :

"Scalpel ! vite !"

*****

Unissant leurs forces, Buffy, Giles et Spike firent beaucoup de dégâts autour d'eux ; rien ne semblait pouvoir leur résister. Ils coururent jusqu'à l'ascenseur, évitant la pluie de projectiles - il semblait bien que, cette fois-ci, les soldats tiraient à balles réelles. Buffy composa le code pendant que ses deux acolytes repoussaient les derniers assaillants, puis ils s'engouffrèrent enfin dans la cage d'ascenseur.

Il s'arrêta au rez-de-chaussée, dans la pseudo-résidence pour étudiants. Les portes s'ouvrirent sur un groupe armé, qui attendait là pour accueillir Buffy.

"Laisse-nous passer, Jeff", dit-elle calmement.

"On dit que tu pactises avec les hostiles, maintenant ?" répondit celui-ci en désignant Spike.

"Ce que vous leur faites subir est encore plus cruel que de les tuer."

"Rends-toi, Buffy, tu n'as aucune chance."

"On prend le pari ?"

"En joue !" ordonna Jeff à ses gars.

"Que la fête commence !" répliqua Buffy. Dans une coordination parfaite, les trois Scoobys s'accrochèrent au linteau de la porte de l'ascenseur, et s'envolèrent littéralement par-dessus les soldats. Les attaquant à revers, ils en assommèrent la moitié avant que ceux-ci aient pu revenir de leur surprise. Spike s'empara d'une matraque électrique et fit goûter les joies de l'invention d'Edison à tous ceux qui eurent la malchance de se trouver sur son chemin, tandis que Buffy et Giles continuaient le massacre selon la méthode traditionnelle. Rapidement, il ne resta plus que Jeff.

Buffy s'approcha de lui et mit ses mains sur ses épaules, le repoussant doucement en arrière. "Tu sais, si tu étais un vampire, c'est à ce moment-là que je t'enfoncerais le pieu dans le coeur."

Spike grimaça à cette évocation et posa son arme.

"Tu ne ferais pas ça, Buffy... Tu n'es pas une meurtrière..." gémit Jeff.

"Va savoir !" Buffy lâcha les épaules de Jeff en repliant les coudes, puis relança ses mains vers l'avant avec une force phénoménale - Spike entendit distinctement un os craquer. Le jeune homme se souleva de terre et atterrit dans l'ascenseur, qui se referma sur lui et le remmena vers les sous-sols.

"On dégage !" décréta Buffy.

*****

Giles s'arrêta de courir, épuisé, et s'appuya contre un mur. "Je crois que nous sommes en sécurité, maintenant."

Ils étaient arrivés dans une sombre ruelle au sol couvert de détritus, non loin de chez Alex.

"Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ?" demanda Spike.

"J'ai promis à Willow que je la retrouverais chez Alex", dit Buffy.

"Bon et bien, allons-y !"

Les deux autres ne bougèrent pas.

"Qu'est-ce qui ne va pas ? Vous ne connaissez plus le chemin ?"

"Tu as tué le professeur Walsh", lui rappela Giles.

"Erreur ! C'est son copain le toubib qui l'a percée !"

"Tu l'as tuée", répéta Giles. "Je t'ai vu ; tu savais très bien ce qui allait se passer."

"Bon, admettons", fit Spike. "Et alors ? Où est le problème ? C'était une garce, de toute façon !"

"Mais, Spike, c'était un être humain !" s'indigna Buffy.

"Oh mon Dieu ! J'ai tué un humain ! Que va-t-il m'arriver ? Je vais être damnéééé !", répondit Spike en contrefaisant admirablement la voix de la Tueuse.

" Tu mériterais que... commença Giles."

Spike gronda et prit son apparence démoniaque, dévoilant bien ses crocs, et s'approcha de Giles comme pour le mordre. "Sérieusement, vous vous attendiez à quoi, Giles ? Je suis un démon ! Vous ne vous rappelez pas ?"

Il reprit son apparence normale.

"Fiche le camp."

"Oh, je vois ! Ils sont déjà oubliés, tous vos beaux discours ! Comment vous disiez, déjà ? «Peut-on vraiment reprocher à un démon de faire le mal ? Je veux dire... Ce n'est pas comme s'il avait le choix...»" Cette fois, Spike avait pris les mêmes intonations que Giles.

"Je ne veux plus te voir, tu entends ? Plus après ce que tu as fait ce soir !" se fâcha Giles. "Allez, disparais."

Le vampire gronda, et s'éloigna de quelques pas à reculons.

"Dépêche-toi de dégager avant que je ne trouve un pieu", le menaça Buffy.

"Bande de minables !" répondit-il, avant de s'enfuir en courant.

*****

Anya alla ouvrir, prudemment.

"Buffy ! Giles ! Vous êtes là !" s'exclama Alex.

Willow leur sourit timidement ; elle avait l'air un peu ailleurs. "J'ai cru entendre hurler un loup", fit-elle, la tête légèrement penchée sur le côté.

"Non... je ne crois pas", répondit Buffy.

"Qu'est-il arrivé à Spike ?" demanda Anya.

"Peu importe, Anya", se renfrogna Alex. "L'important c'est que Giles et Buffy soient sains et saufs, n'est-ce pas ?"

"Ohh... Euh..." Giles ôta ses lunettes pour les essuyer. "Spike aussi est sain et sauf, mais... il n'est pas digne de notre confiance, d'accord ?"

"Ouah le scoop !" s'exclama Alex. "Alors, que s'est-il passé ? Racontez !"

"Pas maintenant, Alex. Je suis exténué."

Willow se servit un verre d'eau. "Will', on rentre à la maison ?" lui proposa Buffy.

"Oui, je crois..."

"On discutera de tout ça demain... Enfin, une fois que j'aurai vu Riley !"

Soudain le visage de la jeune fille s'assombrit, et elle repensa à la mort de Walsh. Qu'est-ce que l'Initiative allait bien pouvoir raconter à Riley ? "Enfin, s'il accepte de me revoir..." murmura-t-elle, songeuse.

*****

Dans le secret d'un laboratoire, Adam Walsh ouvrit les yeux.