Chez Giles, Sunnydale – la nuit suivante.
- Ouf !, dit Buffy en déposant
son sac rempli d'armes sur la table du salon. Je suis morte. Une autre
nuit comme celle-là et vous vous retrouverez sans Tueuse. A croire
que les vampires ne savent pas que les vacances sont terminées et
que la Tueuse et ses amis sont de retour !
- On en a tué 17 !, continua
Alex. Enfin Buffy en a tué 11 et nous 6. Ce qui n'est déjà
pas mal, vu que Tara venait pour la première fois avec nous et qu'Anya
s'est contentée de nous regarder de loin !
- Eh !, protesta-t-elle. J'avais
pas envie de me faire tuer, c'est tout.
- Giles ? Toujours perdu dans vos
pensées ?, demanda Willow.
- Oh ! Pardon … Vous disiez ? …
Puis sans laisser le temps aux autres
de répondre :
- Incroyable ! … C'est fascinant
… je n'espérais pas faire une telle découverte un jour …
- Giles, il serait temps que vous
vous expliquiez ! Hier vous nous avez mis à la porte, prétextant
de nombreuses recherches à faire sur le livre que Willow a rapporté
de France. Et ce soir vous n'écoutez rien, alors que d'habitude
vous voulez tout connaître de nos rencontres démoniaques afin
de ne pas passer à côté d'un élément
capital.
- Capital, c'est le mot …
- Oh, je vois !
En fait, elle ne voyait rien du
tout.
- Giles ! Il faut que je vous tape
dessus pour que vous vous décidiez à cracher le morceau ?
- J'attendais en fait une confirmation
de mes doutes par l'un de mes amis, mais il y a peu de chance pour que
je me trompe …
- Je n'aime pas quand vous prenez
ce ton, Giles. La dernière fois, c'était pour l'Ascension
du maire, répliqua Willow.
- Non, ne vous inquiétez
pas. C'est plutôt une bonne chose … enfin … pour Buffy.
- Pour moi ? Vous savez, si c'est
pour me priver de mes pouvoirs encore une fois … merci, mais c'est non
! En plus, c'est pas mon anniversaire !
Un an et demi plus tôt, le
Conseil avait appliqué le « Cruciamentum ». C'était
un rite immuable depuis une douzaine de siècles, qui n'était
facile ni pour la Tueuse, ni pour l'Observateur. Lorsqu'une Tueuse atteignait
dix-huit ans, il était temps pour elle de passer l'épreuve.
C'était un exercice archaïque et cruel. Fragile et sans défense,
Buffy avait été cloîtrée dans une maison perdue
au milieu de nulle part, et un démon très puissant y avait
été lâché. Il s'en était fallut de peu
pour qu'elle ne s'en sorte pas vivante.
- Ça concerne Angel, reprit
Giles.
- Vous avez découvert une
prophétie annonçant le retour d'Angelus ?, demanda Alex.
Parce que si c'est le cas, je ne lui ferai pas de cadeau, cette fois !
Alex n'aimait pas Angel. Tout d'abord,
parce que, le temps qu'il était redevenu Angelus, après avoir
fait l'amour avec Buffy, il avait tué Jenny Calendar, la seule prof
qu'il aimait bien quand il était au Lycée et aussi la seule
femme dont Giles ait jamais été amoureux ! Mais il le détestait
surtout parce que Buffy avait été très éprise
de lui, au détriment d'Alex.
- Alex !, le sermonna Willow
- Ok, ok, j'ai rien dit !
- S'il vous plait, écoutez-moi
!, leur demanda Giles. Ce que j'ai découvert et très difficile
à expliquer et encore plus à réaliser ! Le livre de
Willow contient un contre-sort à la malédiction d'Angel.
- Quoi ?, s'écria Buffy.
- Buffy … Il est écrit que
l'on peut modifier le sort qui a été jeté, si l'on
peut prouver que le vampire fait, désormais, le bien autour de lui
et cela sans jamais tuer pour se nourrir.
- Mais … comment ?
- Grâce à cela, dit
Giles en exhibant le miroir qu'il avait sortit la veille de son coffre,
le Miroir du Temps. Une incantation permet à la personne qui la
dit de remonter dans le temps, à l'époque où le sort
a été jeté. Si elle parvient à convaincre les
Bohémiens du bien-fondé de sa demande, le sort sera modifié
et la malédiction à demi-levée.
Dans la pièce, le silence
absolu se fit. Tous réfléchissaient à ce que Giles
venait d'annoncer, à ce que cela signifiait mais aussi à
ce que Jenny Calendar leur avait apprit quand ils avaient découvert
qu'elle appartenait au clan des bohémiens. Ses mots résonnaient
encore dans leurs têtes : « Le destin d'Angel est de souffrir,
pas de vivre comme un être humain. Un seul moment de véritable
bonheur, de satisfaction … un seul moment pendant lequel son âme
ne le tourmentera plus et le laissera en paix … un seul … et il redeviendra
un vampire sanguinaire. »
Enfin, Buffy reprit la parole.
- Oui mais … Riley ?, demanda-t-elle
en évoquant son petit ami.
- Moi, je suis partant !, lança
une voix derrière eux.
Angel sortit de l'ombre.
Roumanie – 1898.
La Bohémienne leva une
main au-dessus d'une boule de Thésulah et prononça l'incantation
:
Nici mort nici al fiintei,
Te invoq, spirit al treserii
Reda trupului ce separa omul
de animal
Cu ajurtorul acestui magic glod
de cristal.
Ni morts, ni vivants,
Je vous invoque, esprits du règne
du milieu.
Regagnez le corps qui nous sépare
de l'animal.
Et puisse cet artefact vous servir
de guide.
La douleur s'abattit sur Angelus.
Il vacilla puis se retourna pour voir ce qui l'attaquait mais ne vit rien.
Il tomba à genoux, le
souffle court. Il avait l'impression qu'un ennemi invisible lui arrachait
les entrailles. Il se releva et courut dans les bois.
Puis il retomba et s'évanouit.
Quand il revint à lui,
un Gitan était penché au-dessus de lui.
- Ça fait mal, n'est-ce
pas ? C'est bien, ça va te faire plus mal encore …
- Où suis-je ?, l'interrogea
Angelus.
- Tu ne te rappelles pas ? Tous
les méfaits que tu as commis depuis cent ans vont revenir dans ta
mémoire dans un instant … Tous les visages de ceux que tu as tué
… le visage de notre fille … il te hantera … Et tu sauras alors ce qu'est
la vraie souffrance.
- J'ai tué ? …
Puis les souvenirs affluèrent
: Darla, sa transformation, les massacres qu'il avait perpétrés
et les tortures infligées … La Gitane, si belle, si confiante. Il
était responsable de toutes ces morts.
- Oh non ! Non !, gémit-il.
Un sentiment de culpabilité
submergea Angelus et le tortura. Sous le regard satisfait du Gitan, il
hurla à la mort.
- C'est vrai qu'il est pas mal, chuchota
Anya à Tara. Mais pas aussi bien que mon Alex !
- Angel ? Mais que fais-tu à
Sunnydale ?
- Cordélia a eu une prémonition,
dit-il simplement.
Buffy le regardait comme s'il n'était
qu'une illusion.
Il était toujours aussi beau.
Tout habillé de noir, son cache-poussière en cuir sur le
dos, il ressemblait aux héros des romans sentimentaux qu'elle adorait
lire quand elle avait 15 ans. Cinq ans plus tard, sa vie avait évolué
bien différemment de celles des autres jeunes filles de son âge.
La plupart d'entre elles ne rencontrait pas le prince charmant tant désiré
mais cela ne les privait pas d'une vie quasi « normale ». Elles
sortaient aussi longtemps que leur jeunesse le leur permettait, puis après
avoir trouvé un boulot un tant soit peu intéressant, elles
fondaient une famille et menaient une petite vie tranquille avec leur mari
et leurs enfants.
Buffy, quant à elle, ne pourrait
rien avoir de tout cela. Elle ne pouvait jamais sortir et s'amuser avec
l'insouciance de ses, presque, 20 ans. Elle ne ferait jamais le métier
de son choix, ne se marierait jamais ni ne fonderait une famille. Elle
n'aurait jamais une vie « normale ».
La seule chose dont elle pouvait
se vanter, c'était d'avoir vécu un amour passionnel, fusionnel
et éternel avec un homme qui ne l'était pas moins !
Mais au moins avait-elle rencontré
son prince charmant ! Angel.
Buffy se remémora leur première
rencontre.
Sunnydale, Californie – 1997.
Buffy se dirigeait vers le Bronze
pour rejoindre ses nouveaux amis, quand elle entendit quelqu'un marcher
derrière elle. Le surprenant, elle le fit tomber sur le sol.
- Pourquoi me suivez-vous ?,
demanda-t-elle à l'inconnu.
- Je sais ce que vous croyez,
lui répondit-il, mais soyez tranquille, je ne mords pas !
Elle lui permit de se relever,
mais resta sur ses gardes.
- Je dois dire que je m'attendais
à ce que vous soyez plus grande … ou plus musclée en tous
cas. Mais vous savez cogner ! avoua-t-il en se massant la tête.
- Que voulez-vous ?, le questionna-t-elle.
- La même chose que vous
!
- D'accord, qu'est-ce que JE
veux ?
- Vous voulez les tuer, les tuer
tous.
- C'est faux ! Je suis désolée
… Ce que je veux c'est qu'on me fiche la paix !
- Croyez-vous avoir encore le
choix ? Ici vous êtes aux portes de l'enfer ! Elles sont sur le point
de s'ouvrir ! Vous ne pouvez pas reculer !
Il prit quelque chose dans la
poche intérieure de sa veste et lui jeta.
- Tenez-vous prête.
- Prête pour quoi ?, lui
demanda-t-elle.
- Pour la Moisson.
- Qui êtes-vous ?
- Disons que … je suis un ami.
- Oui mais, si je ne veux pas
d'ami ?
- Je n'ai pas dit que je serai
le vôtre …
Il s'éloigna et disparut
dans l'ombre.
Alors, Buffy ouvrit la boite
qu'il lui avait donné et trouva à l'intérieur une
croix en argent.
Buffy était à la
recherche de l'un de ses amis, prisonnier des vampires. Dans le cimetière,
alors qu'elle était bloquée devant une porte, elle retrouva
l'inconnu.
- J'imagine que vous n'avez pas
la clé …
- Ils n'aiment pas beaucoup que
j'aille les voir à l'improviste, lui répondit-il.
- Pourquoi ?
- Parce qu'ils ne m'aiment pas
!
- Alors ça, vraiment,
ça me surprend !, plaisanta-t-elle.
- Je savais qu'un jour où
l'autre vous découvririez cette entrée. A vrai dire, je pensais
que vous auriez été plus … rapide que ça !, dit-il
dans un sourire.
- Navrée de vous décevoir
! … Ecoutez, si on est apparemment appelé à se revoir chaque
fois que je me lance dans des recherches vampiresques, puis-je savoir au
moins votre nom ?
- Angel.
- Angel ? J'aime bien.
- Giles, dit Angel en s'approchant
de l'ancien observateur. Pourriez-vous m'en dire plus ?
- Eh bien, la personne qui décidera
de retourner dans le passé pour défendre ta cause, devra
dire une incantation en regardant le miroir. Elle se retrouvera alors au
moment précis où les Bohémiens s'apprêtent à
lancer la malédiction. Elle n'aura alors que très peu de
temps pour les convaincre que tu n'es plus mauvais. S'ils acceptent de
la croire, elle sera de nouveau projetée dans le présent.
Il faut savoir que celui-ci n'aura pas changé. Tu seras toujours
hanté par les âmes de ceux que tu auras tués et cela
ne fera pas revenir Kendra ou … Jenny !
- Mais alors … ?
- Alors ? … euh … tu auras exactement
la vie que tu mènes actuellement à la seule différence
qu'il te sera permis d'aimer et de vivre pleinement cet amour ! Avec t…
tout ce que cela signifie … Mais il y aura peut-être des effets secondaires
!
- Je me moque de ce que cela pourra
produire sur moi !, déclara Angel.
Angel et Buffy ne se quittaient
pas des yeux. Il était encore damné, un vampire avec une
âme, luttant contre ses démons et elle était l'élue,
une Tueuse sans avenir, la seule de sa génération. Mais,
dans quelques jours peut-être, tout cela aurait changé.
Dans quelques jours, quelques heures
même, ils pourraient peut-être vivre pleinement leur amour.
Un amour qui avait faillit causer leur perte à tous les deux.
Sunnydale – 1997.
- Qu'est-ce que tu dis ? Tu veux
un rendez-vous ?
- Non.
- Tu ne veux pas un rendez-vous
?
- Qui a dit « rendez-vous
» ? J-Je n'ai jamais dit « rendez-vous ».
- C'est vrai. Tu veux juste qu'on
prenne un café ou autre chose.
- Un café ?
- Je savais que ça arriverait,
lui avait dit Angel.
- Quoi ? Que penses-tu qu'il
arrive ?
- Tu as 16 ans, j'en ai 241
- J'ai fait le calcul.
- Tu ne sais pas ce que tu fais,
tu ne sais pas ce que tu veux.
- Non, au contraire. Je veux
arrêter cette conversation.
- Ecoute, si je te donne un rendez-vous,
nous savons toi et moi qu'une chose en entraîne une autre.
- C'est déjà en
train de se produire. Tu ne penses pas qu'il est un peu tard pour brandir
un panneau « DANGER ».
- J'essaye juste de te protéger.
Cela pourrait devenir incontrôlable.
- N'est-ce pas ce que c'est supposé
devenir ?, murmura Buffy.
- Ce n'est pas un conte de fées.
Quand je t'embrasse, tu ne te réveilles pas d'un long sommeil et
vis heureuse pour toujours.
- Non. Quand tu m'embrasses,
j'ai envie de mourir.
Sunnydale – 1998.
Un démon appelé
le Juge avait tenté de les tuer en les brûlant afin de s'approprier
leur humanité et ainsi retrouver toute sa force.
Buffy et Angel avaient réussi
de justesse à faire diversion et à s'enfuir par les égouts
de la ville. Ils échappèrent aux vampires que Spike avait
lancés après eux et regagnèrent la rue grâce
à une échelle de service.
Dehors, il pleuvait des cordes.
- Dépêchons, cria-t-il,
il faut nous abriter.
Sous la pluie battante, ils coururent
jusqu'à l'appartement d'Angel.
Buffy était glacée.
- Tu trembles comme une feuille…,
lui dit-il.
- J'ai froid, répondit-elle
en claquant des dents.
- Il te faut des vêtements
secs.
Il se dirigea vers sa commode.
- Mets ça, la conseilla-t-il
en lui tendant un sweat-shirt et un bas de jogging, et va te mettre au
lit pour te réchauffer.
Buffy hésita puis se dirigea
vers le lit proprement fait. Elle s'y laissa tomber en serrant contre elle
les vêtements secs.
Dehors, le tonnerre grondait
et les éclairs déchiraient de temps en temps le ciel.
Angel s'approcha d'elle. Quand
elle leva les yeux, elle réalisa qu'il la fixait.
- Désolé, dit-il
en se retournant.
Mais elle savait qu'il l'avait
fait à contre-cœur.
Lentement, Buffy défit
le gilet de son twin-set et laissa échapper une petite plainte en
ôtant l'une des manches.
- Qu'est-ce qu'il y a ?, demanda
Angel.
- Oh ! ... C'est rien, c'est
pas grave … J'ai sûrement dû me couper, murmura-t-elle.
- Est-ce que … je peux voir ?
- Bien sûr !, déclara-t-elle
en couvrant pudiquement sa poitrine avec son cardigan.
Angel s'assit au bord du lit
et elle pivota pour lui montrer sa blessure. Elle sentit ses doigts froids
écarter doucement la fine bretelle du caraco, puis ses mains lui
palper l'épaule. Elle frissonna.
- C'est presque refermé,
l'informa-t-il d'une voix rauque qui trahissait son émotion. Ça
ira.
Ils ne bougèrent ni l'un
ni l'autre. Buffy entendit Angel déglutir. Puis elle se retourna
et se blottit dans ses bras. Des larmes perlèrent à ses paupières
puis roulèrent sur ses joues. Ils étaient bouleversés
d'avoir cru ne jamais se revoir.
- J'ai failli te perdre aujourd'hui,
murmura Buffy, faisant écho aux pensées d'Angel.
- Moi aussi …
Angel la serra plus fort contre
son torse pendant qu'elle pleurait à chaudes larmes.
- Angel … c'est pire encore que
d'être tuée …
- Chut …, souffla son compagnon.
Je …
- Quoi ?
- … Je t'aime. J'ai lutté
contre ça, mais rien n'y fait, continua-t-il d'une voix brisée.
- Moi aussi, je t'aime Angel,
lui répondit-elle, étranglée par l'émotion.
Ils s'embrassèrent, tout
doucement d'abord, puis de plus en plus passionnément. Ils étaient
en train de franchir un cap, d'aller plus loin qu'ils ne l'avaient jamais
fait.
C'était un serment, une
promesse qu'ils se faisaient.
- Buffy, il ne faut pas, non
…
- Chut … embrasse-moi …
Leurs lèvres s'unirent
de nouveau, puis Angel étendit Buffy sur le lit.
Tandis que leurs corps se joignaient,
Angel sentit une joie immense prendre possession de son cœur. Pour la première
fois depuis deux siècles, il crut être au paradis …
Le tonnerre grondait. Angel se
réveilla en sursaut, une douleur immense lui déchirant le
corps et l'âme.
Il s'habilla à la hâte
et sortit sous l'orage en se tenant la tête.
Tombant à genoux et submergé
par cette souffrance, il comprit qu'on lui arrachait son âme, une
fois encore.
- Buffy … Buffy ! cria-t-il.
Son nom fut le dernier qu'Angel
prononça.