Les jours passaient et la jeune femme s'habituaient peu à peu à la nouvelle vie qui s'offrait à elle. Wakiza était un bon mari, il aidait à faire la cuisine, à battre les peaux pour en retirer la poussière, à faire la vaisselle, et à tout faire. Le brun aimait ramener des fleurs à sa femme quand il rentrait de la chasse. Pendant qu'il était absent, Minerva en profitait pour apprendre les coutumes navajos ainsi que leur langue et à connaître les autres membres de la tribu. Ainsi, elle apprit que dans la culture spirituelle Navajo, le territoire Navajo est en fait délimité par les quatre montagnes sacrées que sont la Montagne Blanche (Sierra Blanca Peak) à l'Est, la Montagne Turquoise (Mont Taylor) au Sud, la Montagne Jaune (San Francisco Peak) à l'Ouest et la montagne Noire (Navajo Mountain) au Nord. Kate lui apprit aussi que la spiritualité navajo était fondée sur le culte de la nature, et de l'harmonie (« hozho ») qu'elle recèle. Elle mettait en jeu un certain nombre de divinités qui interviennent occasionnellement dans les affaires humaines, notamment « Coyote », allégorie du mal. Coyote peut se manifester par un accident, une catastrophe, mais aussi par la méchanceté, ou toute attitude humaine non respectueuse du Diné (peuple Navajo), de ses tabous et de l'harmonie. L'état d'hozho est lié à la santé, la beauté, l'ordre et l'harmonie. Le malade est considéré chez les Navajos comme celui qui a rompu cet équilibre fixé une fois pour toutes.
Les dieux étaient régulièrement invoqués : des offrandes leur étaient faites chaque jour, et des danses cérémonielles étaient exécutées dans lesquelles ils étaient représentés par des hommes peints et masqués. De nombreuses cérémonies, pouvant s'étaler sur plusieurs jours et nuits, avaient pour vocation de permettre de rendre l'harmonie à un membre du Diné avec le monde qui l'entoure. Minerva avait beaucoup aimé les cérémonies auxquelles elle avait déjà pu assister, et avait constaté que chaque fois son mari dansait et chantait, il était toujours magnifique dans tout ce qu'il faisait. Minerva savait qu'elle était perdue car elle était déjà folle amoureuse de son mari ! La cérémonie de l'ennemi, celle de la bénédiction, celle de la montagne, et beaucoup d'autres, avaient chacune vocation à être conduite par un « hataali » (littéralement « chanteur », incorrectement traduit par « shaman » en fonction de la circonstance qui a amené le « malade » à perdre l'harmonie (mort proche, malaises, maladies, violation d'un tabou, etc.). Minerva était impressionnée de voir que son amie avait déjà tant assimilé de la culture de son nouveau peuple en si peu de temps et qu'elle savait si bien l'expliquer !
Les Navajos étaient donc très superstitieux, ça Minerva l'avait vite compris. Mais d'autres éléments avaient une forte importance pour eux, ce qui était assez impressionnant. Des aiguilles jumelles dressées dans le Canyon de Chelly, en Arizona, avaient une grande importance pour le peuple Navajo, car c'est ici qu'habiterait une de leurs principales divinités, Naste Estsan, la Femme Araignée. Selon la légende, celle-ci aurait transmis son art du tissage à la Femme qui Change. Cette autre divinité à l'origine, elle, de la création des Navajos aurait filé une toile d'arcs-en-ciel entre les deux pics et les parois qui les entourent.
Il existait également une vaste mythologie décrivant l'origine des êtres humains par le dieu Coyote créateur du premier homme et de la première femme à partir d'épis de maïs. Sur ce point, Kate ne pouvait certifier la vraie version, car rien qu'au sein de la tribu, les versions de la création des humains variaient, alors elle se contentait d'expliquer les différentes possibilités à la blonde. Minerva écoutait donc attentivement les paroles de son amie, elle était elle-même surprise de la facilité avec laquelle elle retenait les enseignements de Kate. L'adage disait vrai : les choses transmises oralement se retenaient plus facilement !
Minerva était depuis deux mois auprès des Navajos lorsqu'elle s'offrit enfin à son mari. Wakiza en était très heureux, mais il avait été évident qu'il n'avait pas eu que ça en tête en l'épousant. De plus, le couple pouvait enfin discuter un peu ensemble sans avoir besoin de Kate pour les aider à se comprendre. La blonde aimait que Wakiza l'appelle Mahala, surtout lorsqu'il la tenait dans ses bras et lui faisait l'amour. Il l'aidait aussi à comprendre la culture de son nouveau peuple, par exemple le fait que le chiffre 4 revêt une importance presque divine dans la spiritualité navajo : quatre directions, quatre couleurs, Four Corners, etc. Minerva pouvait écouter son mari pendant des heures, il savait rendre ses explications passionnantes, mais aussi, il avait une voix qui la rendait folle ! Une voix rauque, profonde, mais aussi très douce, bien qu'avec une pointe sauvage. Il était si heureux que sa femme veuille totalement s'intégrer qu'il se faisait une joie de lui expliquer en détail la vie Navajo. Il n'était jamais gêné par le fait de devoir lui répéter quelque chose qu'elle n'avait pas compris, ni quand elle comparait ses anciennes coutumes aux nouvelles qu'elle devait apprendre.
En peu de temps, le ventre de la blonde s'arrondit, et elle comprit bien sûr qu'elle était enceinte. Wakiza était très heureux à l'idée d'avoir bientôt un enfant. Il s'occupait donc de sa femme et redoublait d'efforts pour qu'elle ne manque vraiment de rien. Pour s'occuper en attendant la naissance de l'enfant, Minerva se tourna vers les travaux pratiques et l'art pour s'occuper. L'art Navajo était lié à leur spiritualité si bien ancrée : il s'exprimait à travers des représentations visuelles multiples comme dans les couvertures aux motifs géométriques et aux teintes vives ou dans les bijoux de cuivre ou encore dans les peintures sur sable éphémères à destination thérapeutique, mais aussi dans des dessins colorés sur ardoises destinés. Les chansons, les incantations et les prières faisaient aussi partie de rituels spirituels complexes en même temps qu'elles constituaient des créations propres à ce peuple. Minerva cousait donc des couvertures et vêtements pour son futur enfant.
De son côté, Wakiza continuait de chasser, il faisait en sorte de ramener toujours plus de bêtes et de crânes d'animaux, pour orner le tipi. Il avait aussi commencé à construire un berceau pour le bébé, et de son côté, Minerva construisait aussi une espèce de panier dans lequel elle pourrait transporter son bébé accroché à son dos quand elle aurait des choses à faire et devrait se déplacer. C'était Kate qui lui avait expliqué qu'un tel accessoire était indispensable pour les jeunes mamans, et vieux comme le monde. La blonde s'amusait beaucoup dans sa nouvelle vie, tout y était si simple, personne n'était là pour la juger ! Wakiza rentra de la chasse, passa ses bras autour de sa femme et posa ses mains sur son petit ventre rond :
-Tu es magnifique Mahala, je sais que notre enfant sera grand et fort. J'ai beaucoup de chance que Gaagii ait choisi que la nouvelle femme blanche serait pour moi. Au départ je n'étais pas très content, mais maintenant je suis plus heureux que jamais. Tu es une bonne épouse, et tu seras une bonne mère.
-Oh merci Wakiza, toi aussi tu seras un très bon père. Je sais que notre enfant apprendra du meilleur, que ce soit à chasser, à monter à cheval ou à faire des chants et danses traditionnelles et sacrées.
Le brun sourit et serra sa femme contre lui, il était très content de l'avoir contre lui. Il sourit :
-Je me demande si notre enfant aura tes cheveux d'or et tes yeux couleur ciel d'été.
-Je ne sais pas, mais je sais que peu importe son apparence, notre bébé sera parfait, et que ce soit un garçon ou une fille.
-Oui, je l'aimerai tout autant.
Ils échangèrent un sourire et la blonde commença à préparer le dîner : un ragoût de bison et de petits légumes. Pendant ce temps, Wakiza plaçait la vaisselle et allait chercher de l'eau fraîche à la rivière. Il alla aussi récupérer des bûches pour alimenter le feu, car l'automne était bien entamé maintenant, et la température était bien fraîche la nuit.
