Disclaimer : Les personnages sont à Marvel et à la mythologie.
Note : Pour les Agents du Shield, je me place dans la saison 5 quand l'équipe revient sur Terre après avoir vu le futur. Et pour Moon Knight, la saison sera à peu près suivie jusqu'au moment de la renaissance d'Ammit. Ce prologue se place du côté des dieux, la suite prendra place avec Phil et son équipe.
Prologue – Nuit divine
Éclairant la voûte céleste de toute sa splendeur circulaire, la pleine lune brille d'une éclatante lueur blanche, presque argentée. Autour d'elle, les étoiles semblent bien pâles, astres lointains nouveau-nés, mourants ou déjà morts, peu importants car incapables de rivaliser avec la reine du ciel en cette nuit particulière qui annonce un futur en nuances de gris et de sang. Les rayons lunaires révèlent les rues de New York, toujours animées malgré l'heure tardive, nimbant les passants d'une aura irréelle tant elle les entoure à la manière d'une magie surprenante. Ces mortels insouciants qui se promènent sans crainte du lendemain ignorent qu'au-dessus de leur tête, sur le toit de l'un des plus grands immeubles de la ville, un dieu millénaire observe avec ennui le passage de la vie, ses orbites creuses regardant sans les voir les silhouettes pleines de rêves avortés, d'espoirs déçus et d'envies vengeresses qui causeront leur perte.
Khonshu n'est pas la divinité la plus patiente du panthéon égyptien, une rage illimitée coule dans ses veines, tranchant avec la douceur d'Isis ou la bienveillance de Nephtys. S'il ne possède pas une aussi grande part de ténèbres que Seth ou Apophis, il demeure cependant un dieu polémique qui aime apporter la terreur dans le cœur des criminels. Il a sa propre vision de la justice, une vision qui ne correspond en rien à celle de la plupart de ses condisciples divins mais qui a fait ses preuves au fil du temps. Il sait qu'il n'est pas si différent de Ammit, la déesse monstrueuse qui juge l'âme de chacun, car il punit lui-aussi les assassins mais, contrairement à elle, il n'anticipe pas les agissements des mortels, considérant qu'il n'est pas là pour les empêcher de suivre leurs pulsions. Il n'intervient qu'en second lieu, lorsque les âmes des humains sont corrompues par le sang versé, lorsqu'ils ont souillé leurs mains par la mort et la destruction, lorsqu'ils ne sont plus qu'au bord du gouffre de leur propre folie.
Son visage pointé vers les astres, le dieu lit les messages qui s'écrivent dans le ciel. Il décrypte avec amusement que les prochains mois ne seront pas de tout repos pour l'humanité, ce qui l'enchante. Il déchiffre la venue imminente d'un Titan et la perte d'une grande partie de la population, ainsi qu'un plan insensé pour réparer l'échec de l'humanité. Tout cela ne l'étonne plus, il a noté les perturbations dans les différentes sphères, aussi bien terrestres que célestes, percevant les changements qui n'ont cessé de se produire année après année. Bien qu'il ne soit qu'un membre des croyances d'Égypte, Khonshu connaît l'histoire des pierres de l'infini, il sait qu'elles sont puissantes individuellement et presque invincibles ensemble, et il les voit dans cet avenir qui se trace au milieu des étoiles. Ces gemmes ont apporté des combats à plusieurs reprises, frôlant presque la dévastation, y compris dans cette ville où le dieu se tient.
Ici, à New York, des extraterrestres ont tenté de prendre le contrôle. À l'époque, Khonshu a observé le massacre avec beaucoup d'attention, remarquant la détermination des mortels et leur force de caractère dans une situation des plus désespérées. Ils se sont battus pour leur planète, certains sont morts, d'autres ont été blessés, d'autres encore se sont unis afin de repousser l'ennemi. Le dieu ne peut que reconnaître leur hardiesse, y compris lorsqu'ils sont sur le point de tout perdre. Ces créatures ont beau tomber, elles finissent par se relever, encore et encore, malgré les blessures, malgré le deuil, malgré le désespoir. Khonshu n'aurait pas parié sur leur victoire dans une lutte contre une invasion d'extraterrestres, contre un dieu de la malice manipulé par une puissante magie, mais les mortels ont prouvé qu'ils ne sont pas que des êtres qui naissent, vivent de façon si éphémère puis meurent en ne laissant presque rien derrière eux, hormis des souvenirs si volatiles ou des monuments que le temps érode, brise puis détruit.
Soudainement, un mouvement dans les étoiles se répercute sur le sol, juste à côté de la divinité lunaire. Une silhouette se dessine peu à peu à quelques pas de Khonshu, prenant doucement forme. Une bête à tête de chacal et au corps anthropomorphique rejoint le dieu de la lune, son sceptre-ouas entouré d'une douce lueur arc-en-ciel qui se reflète sur le toit, créant un arc-en-terre dans l'une des flaques avant de s'estomper en produisant un filet de lumière glauque. Pendant de longues minutes, son apparence semble hésiter entre une simple manifestation spectrale et une chair palpable avant de se fixer sur une enveloppe physique incarnée. Anubis secoue sa tête canine en retroussant ses babines, peu habitué à reprendre pied dans le monde des mortels. Il adresse un salut à Khonshu qui l'accueille sans bouger de son poste d'observation, lui faisant toutefois signe d'un mouvement de son ample tête squelettique. Ils ne parlent pas, en premier lieu, peu préoccupés par le temps qui s'écoule, ayant l'éternité devant eux – sûrement plus que celle qu'ils portent déjà sur leurs épaules.
« Ta folie te perdra, annonce le dieu à tête de chacal sur un ton accusateur. Combien d'avatars as-tu sacrifié ces dernières années ?
— Bonsoir à toi aussi, ironise Khonshu. Depuis combien de temps ne t'ai-je pas vu ?
— Mets de côté les politesses humaines. Tu n'as pas répondu à ma question, combien d'avatars ?
— Autant qu'Horus, si ce n'est moins. Nous avons tous besoin de nos vaisseaux humains pour mieux interagir avec ce monde, ils peuvent aller là où nos essences divines n'ont pas leur place.
— Nous passons partout, maugrée Anubis. Je ne comprendrai jamais cette envie de céder une partie de vos pouvoirs à des mortels.
— Tu suivras notre voie, un homme t'est prédestiné. »
Le dieu lunaire désigne les astres puis indique à son vis-à-vis que l'avenir leur réserve bien des surprises, tout du moins de ce qui leur est révélé dans les étoiles. Il a lu dans le ciel qu'Anubis proposera un marché à un humain, ce qui étonne le principal concerné. Il n'a pas eu de contrat avec des avatars depuis des siècles, occupé qu'il est à conduire les âmes des morts à travers la Douât, selon le rôle qui lui a été attribué par les divinités les plus anciennes. Contrairement à d'autres qui se prélassent en oubliant les tâches qu'ils ont à accomplir, le dieu chacal se voue à son devoir de psychopompe, conscient qu'ignorer la détresse des défunts ne serait en rien une bonne manière d'agir. Il est l'un des guides de l'autre-monde, il ne peut se permettre de perdre du temps chez les mortels comme le font régulièrement certains des autres dieux car les âmes errantes risqueraient de détruire le faible équilibre qu'est le monde des hommes – les histoires de fantôme ne sont jamais réjouissantes et prennent racine dans ces esprits qui n'ont trouvé aucun repos.
Brisant le cheminement des pensées du dieu à tête de chacal, Khonshu pointe son sceptre vers la voûte céleste, éclairant certains astres bien précis qu'il relie entre eux avec un fin filet de lumière divine, imperceptible pour les mortels mais visible par Anubis. Le dieu de la lune explique qu'un combat d'une grande ampleur approche, une lutte dans laquelle ils n'interviendront pas mais dont les conséquences mèneront à la révélation de la présence du panthéon égyptien. La divinité psychopompe remarque avec ironie que les mortels ont déjà conscience de l'existence des dieux nordiques et qu'une nouvelle apparition d'immortels ne saura pas les impressionner. Si Khonshu ne peut sourire avec son visage squelettique, l'humour est toutefois bien audible dans ses paroles lorsqu'il répond que les humains ne sont que des créatures faibles et peureuses qui s'inclineront devant leur grandeur.
Sans doute exagère-t-il un peu la réalité des événements, il sait parfaitement que les mortels qui peuplent la Terre ont bien plus de courage que certains des dieux eux-mêmes – et il a une pensée pour Seth qui passe son temps à laisser les autres s'occuper de ses basses besognes. Avoir une vie courte pousse quelques-uns des humains à se surpasser comme l'ont prouvé à de multiples reprises les Avengers ou les autres défenseurs de la petite planète bleue. Khonshu le voit aussi dans le comportement de son avatar actuel, un homme qui survivra à la menace qui se profile et qui n'hésite pas à protéger ceux qu'il aime. D'après les astres, Anubis connaîtra le même type d'avatar, la détermination ne manquant pas à des êtres qui ont tout à perdre et qui sont prêts à sacrifier leur existence pour sauver celle de leurs proches.
En avisant le regard lointain du dieu chacal, Khonshu comprend qu'il ne semble pas certain de sa lecture des étoiles et de leurs messages. Irrité d'être ainsi remis en doute, la divinité lunaire émet un grognement dépréciatif tout en étirant sa carcasse squelettique plurimillénaire.
« Si tu ne crois pas mon interprétation, demande donc à Thot de te lire la carte du ciel. Sa science n'a aucune limite, il saura te convaincre de la véracité de mes propos.
— Râ aurait dû faire de toi le dieu des contrariétés et des lamentations, s'amuse Anubis en étirant ses babines. Je ne remets pas en doute ta parole, Khonshu, mais je n'ai pas eu d'avatar depuis si longtemps que cela me paraît aberrant.
— Il y en aura pourtant un pour accepter de te servir, réplique le dieu de la lune. »
Il ne lui donne pas le nom qu'il a lu dans les astres, ni la situation qui poussera l'humain à passer un marché avec un dieu mais il note la tragi-comédie sur le point de se jouer pour cet homme qui a déjà pactisé avec d'autres forces bien plus obscures. Anubis est une divinité liée au monde des morts mais ce n'est pas lui l'entité la plus à craindre sur Terre, d'autres errent dans cet univers en déchaînant une magie plus sombre et plus condamnable que la leur. Toutefois, Khonshu préfère ne rien révéler, pour empêcher l'autre dieu de briser ce chemin tout tracé – bien qu'il sache déjà que le destin ne peut être évité. La même règle s'applique aux divinités et aux mortels, la main qui les guide est toujours là au-dessus de leurs têtes et, si la voie empruntée n'est pas la première esquissée pour eux, elle finira quand même par rejoindre son but.
« Fais attention, le rappelle encore à l'ordre Anubis. Peut-être considères-tu que lire dans les étoiles te garde d'une mauvaise rencontre mais n'oublie pas ce qui est réservé à ceux qui vont trop loin.
— Je ne compte pas être emprisonné jusqu'à la fin des temps, maugrée Khonshu en étant piqué au vif. »
Il ne montre rien à l'autre divinité mais, dans ses pensées, la même scène se rejoue encore et encore. Combien des leurs sont désormais enfermés sous la forme de statuettes parce qu'ils ont dépassé les limites imposées par les membres de l'Ennéade ? Combien ne sont plus que des souvenirs dans l'esprit des survivants ? Khonshu a la chance de ne pas appartenir à ce lot de damnés, bien qu'il soit depuis longtemps près de la frontière qui pourrait l'envoyer rejoindre les captifs. Horus et Osiris lui octroient toujours sa liberté grâce aux interventions dociles d'Hathor, la déesse dont il a apprécié mille fois la musique car elle berce son cœur d'une langueur bienveillante et apaisante. Elle est tout ce qu'il ne sera jamais, un mélange de douceur et de compréhension, là où il n'est qu'un voyageur assoiffé de sang et ivre d'une justice mortelle. Il devrait être lui-aussi un ouchebti posé sur une étagère, il ne mérite pas son existence alors qu'il n'est qu'un des pires manipulateurs sournois de leur panthéon, lui qui se sert sans vergogne de la détresse humaine pour avoir ce poing vengeur à ses ordres.
Une main se pose sur son bras, un peu hésitante. Dans les yeux d'ambre d'Anubis, le dieu lunaire croit apercevoir une compassion aussi grande que l'univers. Khonshu devine qu'il n'est pas le seul à supporter ce léger sentiment de culpabilité, il est presque sûr que le dieu chacal le ressent encore plus que lui. Anubis n'est pas seulement une divinité psychopompe qui veille sur l'âme des mortels, il est aussi un fervent défenseur des dieux qui se referme sur lui-même dès que l'un des leurs est jugé et condamné à l'enfermement, puis à l'oubli éternel. Le dieu de la lune sait que son propre départ a entraîné des répercussions sur le moral d'Anubis, leur amitié s'est construite sur une confiance qu'il a brisée dès l'instant où il a décidé de braver les siens pour sauver ce monde qui n'a rien à lui offrir.
« Tu devrais revenir dans notre monde, souffle le dieu à tête de chacal. Rien ne te retient ici, les mortels vivent sans se préoccuper de nous depuis bien des générations.
— Regarder ces fourmis se débattre est plus divertissant que d'observer les disputes incessantes de l'Ennéade, réplique Khonshu en haussant ses épaules. »
Un soupir secoue le dieu psychopompe qui lui fait remarquer que leur univers céleste a changé. Mais voyant qu'il n'y a aucune réaction du côté du dieu lunaire, Anubis n'insiste pas et, brandissant son sceptre, il perce le voile qui le sépare de la demeure des morts, se mettant en route pour retourner dans la Douât où est sa place habituelle. Avec un air moqueur, il annonce au dieu de la lune qu'il passera le bonjour à Osiris de sa part puis il s'efface lentement, ne laissant derrière lui qu'une odeur de terre battue, de chien mouillé, de cadavre en décomposition et de regrets. Khonshu reste un instant à fixer l'endroit où se tenait le dieu à tête de chacal puis il se ressaisit, plongeant son regard vide vers la lune, absorbant sa lumière dans l'ensemble de son corps squelettique avant de traverser en un clin d'œil une distance phénoménale, atterrissant à Londres où le jour est déjà levé.
Il ne faut pas longtemps au dieu lunaire pour retrouver Marc, son avatar, et lui chuchoter sa prochaine mission qui l'enverra en Amérique pour quelques jours. Khonshu n'est pas là pour intervenir dans tous les plans des humains, il ne vit que pour réparer les torts et faire subir sa justice aux meurtriers. Cependant, il a vu qu'une des organisations terroristes terrestres prend une ampleur déplaisante pour deux raisons majeures. D'une part, les Avengers n'agissent plus, ils se sont séparés deux ans plus tôt avec des heurts d'egos qui ont privé la Terre d'une équipe soudée. D'autre part, le Shield a aussi perdu l'un de ses groupes les plus efficaces dans le futur, laissant ainsi à Hydra un immense terrain de jeu que le dieu de la lune tient à préserver.
Son avatar a les qualités requises pour se débarrasser de quelques-unes des têtes gênantes de ces criminels en attendant le grand retour des héros. Personne ne saura que Marc est derrière les morts suspectes de certains membres d'Hydra et, au moins, le Shield n'aura pas à s'en préoccuper. Khonshu en éprouve une satisfaction immense, il participe à la marche de ce monde tout en restant dans l'ombre, à lire les astres et à attendre avec une certaine impatience la suite des événements. Car il le sait bien, les mois à venir vont sortir cet univers de sa longue monotonie.
Note : Le prochain chapitre vous emmènera donc auprès de Phil et de ses équipiers qui sont de retour.
