11 octobre
Poésie, art, musique, artisanat (Poetry, art, music, craft)
Roby95 : Thanks so much for your kind review ! I'm very glad you're enjoying the contemporary AU that much. I had some doubts about doing a Prince of Thieves-only Flufftober this year, but I'm very happy with the result. So pleasant to hear you are too !
« Il était un riche jouvenceau / Qui voulait traverser une rivière / Mais cet idiot est tombé à l'eau / Et il s'est trempé le derrière. »
Robin tourna la tête vers la voix claire, certain que son frère était encore en train de se moquer de lui, mais non. Gilles, assis un peu en hauteur sur le rebord d'une fenêtre, en chaussettes et les lacets de sa chemise dénoués, était concentré sur son ouvrage. Il cousait, une chose qu'il pratiquait très souvent quand il était hors-la-loi, par nécessité, mais maintenant par plaisir, et l'aiguille passait avec grâce et dextérité dans le tissu de la veste. Dans ces moments-là, plus que jamais, Robin ressentait avec force d'où venait son frère.
À un moment, le jeune homme leva la tête et contempla, à travers le verre teinté de la vitre, la forêt orange et jaune qui s'épanouissait au-dehors. Tous les bois autour de leur demeure avaient pris cette couleur et Robin savait qu'il en admirait tout autant la beauté qu'il méditait sur la chance inouïe qu'il aurait de, cet hiver et pour toutes les mauvaises saisons à venir, bénéficier du confort et de la chaleur d'un foyer.
Comme le regard de son frère ne le quittait pas, Gilles finit par se rendre compte qu'il le fixait.
« Oui ? s'enquit-il en tournant la tête.
-Tu étais en train de chanter, expliqua l'archer en souriant.
-Ah ! La chanson du damoiseau, se moqua son frère. Elle te fait toujours particulièrement d'effet, celle-là, pas vrai ?
-Je n'ai presque jamais eu l'occasion d'entendre les autres comptines que tu as écrites.
-C'est vrai. Pourtant, il commence à y en avoir un bon nombre. »
Le jeune homme se remit à son ouvrage et Robin le regarda un moment tirer sur son fil.
« Eh bien, quoi d'autre encore ? repartit Gilles en relevant la tête. Tu n'as pas un mémoire de commerce à lire, toi ?
-Si, si, répondit Robin en jetant un coup d'œil peu intéressé à son manuscrit. Mais tu ne voudrais pas me chanter une autre de tes chansons ?
-Très bien, si tu insistes. »
Son jeune frère se cala un peu plus contre le mur, qu'il avait agrémenté de coussins, et recommença à chantonner en cousant son vêtement. Robin s'appuya contre le dossier de son fauteuil et l'écouta un long moment en silence, se prenant même à fermer les yeux quand son frère entonna une ritournelle beaucoup plus douce et contemplative que les autres.
« Ne t'endors pas, le taquina Gilles en lui donnant un petit coup du bout du pied. Ou est-ce que mes poésies t'ennuient ?
-Non, elles sont très entraînantes, le complimenta son aîné. Je les aime beaucoup.
-Même la chanson du damoiseau ?
-Surtout la chanson du damoiseau. C'est ma préférée. »
Le jeune homme savait très bien pourquoi et il sourit. Robin lui rendit son sourire et se leva de son fauteuil pour venir lui caresser la joue. Les yeux verts de son cadet se mirent à briller un peu plus, si c'était possible; il repensait probablement à la première étreinte qu'ils avaient échangée, dans les ruines du camp, et aux mains de son frère qui étaient ensuite venues lui caresser tendrement le visage sans vouloir le lâcher.
« Tu couds également beaucoup mieux que je l'avais pensé, remarqua l'archer en examinant son ouvrage. Sais-tu broder aussi ?
-Un peu, répondit Gilles. J'ai assisté une couturière pendant quelques temps. Elle m'a enseigné les rudiments de son art.
-Et tu sais monter des poignards.
-Oui, c'est exact.
-Et sculpter le bois.
-Oui, aussi.
-Tu sais vraiment faire beaucoup de choses. »
Robin se sentit un peu désappointé, tout à coup. Il avait vraiment très peu de compétences utiles, comparé à son frère. En fait, il ne savait pas faire grand-chose tout seul pour assurer sa subsistance. À l'exception des oiseaux, il ne savait même pas préparer correctement le gibier qu'il chassait !
« Ne fais pas cette tête, voulut le rassurer Gilles en lui touchant le bras. Tu sais fabriquer tes propres arcs, toi aussi. Tu connais l'éloquence, la géographie, la politique, les chroniques des anciens, un peu de latin, les Écriture Saintes mieux que je le pourrai jamais. Nous avons juste été obligés de grandir en apprenant des choses différentes.
-Tu n'es pas trop mauvais en éloquence, toi aussi ! remarqua son frère, soulagé par ses paroles, en lui donnant une petite tape sur la nuque. »
Le jeune homme sourit et, au lieu de reprendre sa couture, jeta un coup d'œil songeur par la fenêtre.
« Tu sais, dit-il après un silence, il y a une grande foire artisanale à Nottingham tous les automnes. Nous pourrions peut-être y aller ? J'aimerais bien… Ça me ferait plaisir que les choses que je confectionne puissent servir aux pauvres gens de la cité…
-Mais c'est une excellente idée ! s'enthousiasma son frère. Je vais tout de suite aller soumettre l'idée à Marianne ! »
C'est ainsi que la petite famille un peu dépareillée que le comte de Locksley avait réussi à reconstruire se retrouva au marché de l'automne, sur un étal qui proposait aussi bien des poignards neufs que des vêtements, des linges fins brodés que Marianne avait confectionnés, des jouets en bois pour les enfants, des feuillets de poèmes… Bien sûr, les aristocrates du coin les dévisagèrent avec hauteur et un peu de dédain, mais Robin se chargea de les mettre dans sa poche, comme toujours. Il leur proposa même d'acquérir un des arcs qu'il avait réalisés. Et quel plus grand prestige y avait-il que posséder une arme fabriquée par le défenseur du trône d'Angleterre en personne ?
