Debout dans l'éclairage tamisé de sa chambre, Adrien avait fixé la bague posée sur sa table de nuit avant de faire un geste las de la main et d'aller dans sa salle de bain où il attrapa ses lentilles qu'il enfila rapidement avant de se brosser les dents et de s'habiller. Toutes ces étapes, excepté le port de lentilles, n'étaient pas indispensable mais l'étudiant avait des mauvais souvenirs liés à l'oubli d'habits civils sous son costume et une haleine due à une mission tombant pile après avoir englouti une tapenade d'ail et des sardines.

Il se versa un verre d'alcool avant d'attraper la bague entre son pouce et son index, la roulant doucement entre ses doigts.

Son amie avait raison, c'était égoïste de sa part de rester sans intervenir alors qu'il était question de vie ou de mort. Encore plus lorsque son amie avait décidé de foncer tête la première, bien qu'elle ne soit pas assez forte et que la seule personne capable de l'arrêter, en dehors de lui, était inconsciente en ce moment même !

Lentement ses yeux verts avaient déviés vers le verre de cognac dans sa main.

–Chloé ! pesta-t-il avant d'avaler le contenu du verre d'une traite pour se donner du courage.

Il sentit le liquide lui brûler la gorge et ses joues se teinter légèrement de rouge. Adrien aimait cette sensation et il s'autorisa un sourire avant de promptement enfiler le Miraculous.

—C'est déjà Nouvel An ? C'est passé vite bah tiens !

Le blond avait regardé son kwami comme si c'était la première fois qu'il voyait l'étrange créature. Des souvenirs lui remontaient et bien que certains d'entre étaient fort douloureux, le jeune adulte avouait qu'une partie de lui était bien heureuse de pouvoir reporter le masque.

Parce que, certes, la vie de mannequin était trépidante mais l'adrénaline que lui procuraient les moments où il sautait de toiture en toiture et faisait démonstration de son agilité en se laissant tomber de hauts bâtiments pour se rattraper au dernier moment à l'aide de son bâton, étaient largement mieux.

—Non, on n'y est pas encore. Il y a eu une akumatisation.

Plagg avait haussé un sourcil, confus :

—Et qu'est-ce que ça peut te faire à toi qui a décidé de tout plaquer du jour au lendemain ?

Adrien avait roulé des yeux en serrant les poings :

—Pourquoi personne n'est foutu de comprendre que ce n'est pas facile pour moi ! On dirait que tout le monde s'en fiche de ce qui s'est passé !

—Loin de là mon cher, tout le monde est d'accord pour dire que ce qui t'est arrivé est traumatisant. Commença Plagg sur un ton empathique. Et c'est normal de prendre un peu de distance de ta vie de superhéros. Cependant, ne pas donner de justification à Ladybug, ça, c'est moche !

—Mais je lui ai laissé une lettre ! S'offusqua le parisien en croisant les bras.

—« Je ne peux plus continuer, c'est trop pour moi, pardonne-moi ! – Chat Noir » récita le kwami d'un air ennuyé. C'est de cette lettre que tu parles ? Adrien Agreste, tu devrais avoir honte de tes propres mots ! Tu te définis comme étant un gentleman, mais quel gentleman laisserait cette pauvre fille se battre seule ? Tu as déjà pensé au traumas que tu lui infliges depuis que tu l'as abandonné il y a cinq ans ? Et tous ces autres porteurs ? Tu étais toujours là pour les guider puis tu les as laissés sans repère ! En plus, tu as été amoureux de Ladybug, la détesterais-tu à ce point pour ne plus ressentir aucune compassion envers elle ?

Plagg parlait d'un ton accusateur et tenait le visage de son porteur entre ses deux pattes pour qu'il n'essaie pas ta tête par honte. Il devait entendre tout ce qu'il avait à lui dire, peu importe combien cela ferait mal !

—Tu me détestes à ce point pour me garder captif pendant toutes ces années, me laissant sortir une à deux fois par an ? Et n'essaie pas de réessayer le chantage, je ne te dirais pas qui se cache derrière le masque !

—Et pourquoi donc ? s'offusqua l'héritier Agreste en croisant les bras.

—Parce que, Adrien ! Peu importe la fille qui se cache derrière le masque, tu devrais voler à son secours et c'est tout ! Quoi ? Si je te disais que c'était Alya, tu irais ? Si je te donnais le nom d'une parfaite inconnue, tu n'irais pas parce que tu n'es pas proche d'elle ?

—Bah…

Adrien s'était frotté la nuque en haussant les épaules. Bien sûr qu'il irait sans réfléchir si c'était Alya. Mais Plagg avait raison, sa responsabilité ne s'étendait pas uniquement à ses amis. Il n'avait pas d'autres arguments alors il avait s'était longuement tu avant de dire sur un ton mou :

—D'accord, j'ai compris…Plagg, transforme-moi !

Nadja Chamack n'en revenait pas ses yeux. Au début, elle avait cru halluciner à cause du au manque de sommeil mais elle avait beau avoir frotté ses yeux clairs plusieurs fois, l'image restait la même : Chat Noir venait de débarquer sur le long de la Seine pour tenter de débloquer la situation.

La scène qui se déroulait était incroyable et l'excitation la parcourait cependant sa voix habituellement si énergique, ne transmettait que de l'inquiétude. Il ne fallait pas être détective pour remarquer que les porteurs de Miraculous ne devaient pas être très âgés et ils avaient beau faire cela depuis plusieurs années, elle ne s'y faisait pas, chaque akumatisation l'angoissait. Nadja sentait ses mains trembler et une boule se former dans le creux de son ventre mais essayait de rester professionnelle.

Pourtant lorsqu'elle voyait Queen Bee, Rena Rouge ou Ladybug, elle ne pouvait s'empêcher de penser à Laura, son adolescente. Maman d'une fille de bientôt 17 ans, Nadja s'efforçait de la protéger du mieux qu'elle pouvait dans ce monde dangereux. Elle pensait aux parents des différents gardiens de Paris qui ne devaient pas avoir réalisé que leur enfant n'étaient pas devant leur ordinateur à suivre ce flash info mais en train de risquer leur vie pour toute une ville ! Et ça la rendait nauséeuse à chaque fois qu'elle y pensait.

Evidemment, au fil du temps, Nadja avait fini par relier les points et avait su découvrir l'identité de ces mystérieux protecteurs. Elle s'était promis de ne jamais la révéler afin de ne pas leur causer préjudice. Il lui était arrivé de saboter à plusieurs reprises les travaux de ses collègues lorsqu'ils étaient proches de la vérité. La journaliste n'éprouvait jamais de remords à refuser de publier ces histoires ou à modifier les fichiers ! Une fois, elle était allée jusqu'à renverser du café sur son propre ordinateur car l'informaticien risquait de trouver des informations compromettantes sur les petits héros. Honnêtement, si c'était à refaire, Nadja le referait sans réfléchir !

Malgré cela, elle n'avait jamais su qui se cachait derrière le masque de Chat Noir ! Des filles aux cheveux bleus dans Paris, ça ne courait pas les rues par contre, des garçons blonds aux yeux verts, il devait y en avoir des centaines si pas des milliers.

Le voir face à elle après aussi longtemps, lui faisait chaud au cœur car elle avait bien peur que ce n'était pas une mission lambda. Non, les demoiselles au sol allaient devoir faire un petit tour aux urgences ! Alors voir quelqu'un qui avait le pouvoir de tout arrêter, avant qu'il y ait des catastrophes supplémentaires, était rassurant.

Cinq ans avait passé depuis la défaite du Papillon. Elle se rappelait parfaitement du ton troublé de Chat Noir. Malgré que le masque couvrait une partie de son visage, Nadja se rappelait l'avoir trouvé étrangement pâle et le pauvre tremblait comme une feuille alors qu'on était en pleine canicule. Puis son discours était étrange, il balbutiait et était parfois un peu à côté de la plaque. Cependant, la chose la plus marquante était le contraste entre lui et sa partenaire qui était soulagée de ne plus avoir affaire au Papillon.

En effet, la jeune demoiselle se disait contente de pouvoir enfin retrouver une vie normale, avait hâte de retrouver ses hobbys et de passer du temps avec ses amis, sa famille. Malheureusement pour elle, cette paix avait duré un an, pile avant qu'un nouveau Papillon n'émerge de nulle part. Si le précédent semblait avoir une motivation derrière sa quête de possession des deux bijoux, le… ou plutôt la nouvelle méchante en vogue était aux antipodes de son prédécesseur.

Enfin, Nadja disait Papillon mais la nouvelle venue avait choisi de se renommer « Némésis », un nom qui lui allait bien au final. Cette dernière n'avait ni quête de domination ou de résurrection d'un être cher. Non, elle souhaitait « simplement » tuer tous les porteurs de Miraculous avant de détruire les différents artéfacts, jugeant la possession de ces derniers injuste.

Ce qui justifiait les attaques de plus en plus dangereuses et les blessures de plus en plus graves. Nadja n'avait jamais cru se dire ça un jour, mais le Papillon lui manquait un peu.

—Qu'est-ce que tu es au juste ?

La voix de Chat Noir était plus grave que dans ses souvenirs et lui procurait un sentiment de déjà vu. Il marchait vers la bridezilla en tournant les bâtons qu'il avait sorti de son dos comme s'il cherchait à se familiariser avec. En passant sa main gantée dans sa chevelure blonde plus foncée qu'avant, le jeune adulte révéla un undercut et un piercing sur l'oreille droite ainsi qu'un anneau au niveau de son lobe, tous les deux noirs.

A l'époque, Nadja pensait qu'il semblait un peu trop coincé, superficiel, trop « carré » comme elle le dirait tandis que là, le personnage masqué semblait avoir effectué une volte à 180 degrés.

—LES HOMMES VONT TOUS PERIR !

—Je sais, je sais, « Men are trash », etc. Je n'en disconviens pas mais tu ne pouvais pas faire ça en journée ? Tu gardes toute la ville éveillée là !

La présentatrice télé était intriguée par le nouveau venu, elle savait que qu'elle savait indirectement qui était le porteur du Miraculous du chat mais elle devait juste faire preuve de concentration. Tout à son propos lui était familier. Sa voix, sa démarche, son agilité, tout lui rappelait quelqu'un mais Nadja n'arrivait pas à savoir qui. Baissant sa monture sur son nez, elle observa ses mouvements. La façon gracieuse qu'il avait de retomber sur ses pieds après avoir été lancé ou sa ressemblance avec un danseur lors qu'il se batt…

—MAMAN VIENS VITE !

—Laura, pas maintenant, tu vois bien que je suis en direct !

—On les voit depuis la fenêtre, tu ne veux pas voir la scène de tes propres yeux ?

Lançant une œillade rapide à sa fenêtre, l'adulte s'était levée pour enfiler ses chaussons et suivre sa fille. Pleins de riverains semblaient avoir la même idée malgré la nuit froide de ce mois de février. La mère célibataire avait déposé un bisou sur la chevelure noire de sa fille qui tenait une tasse de chocolat chaud en regardant dehors.

—Tiens ma caméra s'il te plaît, je vais commenter d'ici.

Chat Noir n'était plus un chaton, on voyait à travers son costume que son sa musculature était plus développée. Nadja avait eu un petit rire en se disant que Laura allait sûrement mentionner cela plus tard lorsqu'elle appellera ses meilleures amies pour débriefer de la soirée. Car comme beaucoup de jeunes parisiennes, Laura avait des crushs sur ces jeunes hommes ! Sa mère lui rappelait souvent qu'il n'y avait rien de mal à trouver une personne belle mais qu'il était important d'éviter de faire des commentaires qu'une fille trouverait sexiste, inapproprié ou blessant si c'était dirigé à son égard.

C'était un combat intéressant à regarder parce que le dernier renfort n'avait absolument pas perdu ses capacités passées, mais n'étant pas une experte en la matière, elle ne saurait dire s'il s'était amélioré. Non, son style de combat était différent, moins dans la taquinerie, moins de retenue, plus de force brute, plus de techniques. Contrairement à ses autres alliés, Chat Noir semblait être celui qui n'avait pas peur de se mouiller les pattes en blessant ses ennemis.

Le voilà qui venait de casser le bras de la mariée géante grâce à une clé de bras afin de pouvoir atteindre sa bague dans laquelle s'était logé l'akuma.

—Cataclysme !

La jeune fille avait poussé un cri à mi-chemin entre la douleur et la colère en retombant à genoux. Face à lui, le gardien de Paris que l'on croyait disparu l'observait tel une expérience en cours de sciences, intrigué. C'est à cet instant qu'il avait pris cette pose et Nadja avait lâché son micro tandis qu'elle s'exclamait, les yeux écarquillés de surprise :

—PUTAIN !

Voilà pour le chapitre 2 !

J'espère qu'il vous a plu. Merci pour vos lectures et à la personne qui m'a écrit un retour. Cela m'a vraiment fait plaisir.

Bisous xoxo