1er octobre

Échange de vêtements (Wearing each other's clothes)


Robin et Gilles se promenaient dans la campagne automnale depuis de longues heures déjà. Presque par hasard, ils arrivèrent devant un château dont les fenêtres brillaient déjà de la lueur orange des bougies sur fond de ciel crépusculaire. Des caravanes de gens y entraient, tous richement vêtus et réchauffés par des pelisses de fourrure.

« Je crois que le seigneur de ce château donne un banquet et que tous les riches de la région peuvent y participer, déclara Gilles lorsque les deux frères se furent approché des murailles pour espionner les conversations.

-Ça sent vraiment très bon, remarqua son aîné en lui souriant. Tu veux tenter le coup ?

-Avec les vêtures que je porte ? ironisa le jeune homme en tirant sur sa chemise grossière, beige au lieu de blanche et un peu sale. Il ne faut pas rêver.

-Échangeons nos vêtements, proposa Robin. Les miens sont de meilleure facture que les tiens, ça fera illusion.

-Et toi ?

-J'attendrai à l'extérieur.

-Tu veux que je te rapporte à manger ?

-Si tu y parviens, ça ne serait pas de refus. »

Les deux hors-la-loi s'éloignèrent du château et se dévêtirent rapidement dans les bois tout proches. Il faisait très froid et la chair de poule leur grimpa bientôt le long de l'échine.

La chemise de Gilles était un peu trop petite pour Robin et il dut remonter les manches et dénouer les lacets du buste. Leur pantalon respectif, heureusement, avait une coupe standard et ils utilisaient tous les deux une ceinture qui leur permit de l'ajuster à leur taille. Ils avaient également la même pointure de chausses. Enfin, Robin attacha autour de ses poignets les bracelets de cuir que son frère portait et enroula son écharpe autour de son cou. Gilles s'interrompit dans son propre habillement, le fixa et sourit.

« Qu'y-a-t-il ? demanda son aîné.

-C'est amusant de te voir comme ça, répondit le jeune voleur. Ces vêtements, c'est presque tout ce que je possède, tu sais. Ils sont comme une seconde peau et voilà que je te contemple avec. C'est intriguant, surtout avec la veste.

-Et est-ce que ça me va bien ? s'enquit Robin, toujours aussi enfantin.

-Disons qu'ils me vont mieux à moi, ironisa son frère en finissant de boutonner l'épaisse tunique verte aux manches brodées.

-C'est vrai que c'est amusant, acquiesça l'archer en le détaillant. »

Il se rapprocha de son frère et tira un peu sur les plis de l'habit, avant de rajuster la capuche et de lisser la tunique pour qu'elle tombe correctement.

« C'est un peu grand pour toi, admit-il, mais ça devrait suffire. Va, jeune comte de Locksley, et rapporte-moi de bonnes nouvelles !

-Et de la truite fumée ? plaisanta Gilles pour cacher que s'entendre appelé ainsi le touchait. »

Robin rit et l'attrapa par la taille pour le serrer contre lui. Après quoi, son cadet se mit en marche vers le château.

Il y savoura des potages exquis, des tourtes aux légumes délicieuses, des poissons fumés, du poulet rôti, des travers de porc, du bœuf mariné… et puis des pâtés, des légumes à la crème, des omelettes aux truffes, des fromages fins, des tartes aux fruits, des gâteaux… Gilles n'avait pas mangé à sa faim depuis la victoire de son frère contre le Shérif et il eut presque les larmes aux yeux devant tant de nourriture succulente. Cependant, il ne perdit pas le nord. Robin était obligé de se priver, lui aussi, et le jeune homme savait qu'il valait mieux éviter qu'il entre dans le château et prenne le risque qu'un allié de sa famille le reconnaisse, même après tout ce temps.

Le jeune voleur emplit donc une besace qu'il vola à un domestique de plusieurs tranches de viande particulièrement savoureuses, de morceaux de tourtes et de tartes, de longues tranches de truite aux herbes et de truffes farcies. Il se dépêcha ensuite de partir, au cas où un servant ou un garde l'aurait aperçu, l'aurait trouvé louche et aurait averti ses maîtres.

Gilles trouva son frère assis sous un arbre, le visage enfoui dans son écharpe pour se protéger du froid. Il tremblait légèrement et le cœur du jeune homme se serra par réflexe. Lui, il avait bénéficié de la bonne chaleur du château et des autres convives et il se lova immédiatement contre son aîné pour lui tenir chaud. Robin sourit.

« C'était bon ? demanda-t-il en apercevant son sourire béat. Oui, j'en ai bien l'impression ! Tu as encore un peu de sauce sur la joue. »

Gilles s'essuya et offrit la besace à son frère.

« Tiens, je t'ai ramené de quoi manger, dit-il.

-Merci ! Ça va me faire du bien. Qu'est-ce qu'il y a dedans ? »

Il ouvrit le sac et en sortit les truffes farcies, dans lesquelles il croqua avec une exclamation de contentement.

« Bon sang, ce que c'est bon ! marmonna-t-il. »

Gilles sourit et, toujours assis sur ses genoux, se blottit un peu plus contre lui. Robin lui tapota la tête et attrapa un morceau de truite aux herbes. Le jeune homme ne l'entendit même pas terminer le repas qu'il lui avait apporté. Il s'endormit contre lui avant, toujours enveloppé dans ses vêtements et le nez rempli de son odeur.