Bonjour à tous !

Vous ne me connaissez pas encore sur ce Fandom et j'espère que cette fiction vous plaira. J'en suis actuellement au treizième chapitre et j'écris assez régulièrement malgré travail et enfant. Je vais tenter de poster tous les Vendredi pour que vous n'attendiez pas trop. Je poste ce chapitre un peu en avance car j'ai hâte de le partager avec vous !

Les personnages ne m'appartienne malheureusement pas mais je compte bien leur faire subir tout un tas de choses !

Merci d'avance pour vos retours et bonne lecture !

Bouh !


Chapitre 1 - Fil rouge


Samedi soir - Dans les rues de Tokyo :

Taïga marchait dans les rues nippones d'un pas nonchalant. Il avait claqué la porte de son appartement il y'avait bien une heure maintenant. Il n'avait pas forcément de but précis, pas d'endroit où il voulait réellement aller. Il laissait simplement ses pas le guider là où bon leurs semblaient. Il aimait ça. Juste marcher sans but, seul. Laisser le silence de la nuit emplir son esprit, entendre seulement la résonnance de ses pas sur le bitume entre les façades pour se répercuter dans ses oreilles. Comme un ballon de basket frappant le sol au rythme de ses gestes. Il aimait observer les rues vides de monde sans qu'aucune pensées ne vienne le perturber. Observer la vie qui s'éteignait dans les maisons au fur et à mesure de son avancé. Sentir l'air frais de la nuit caresser son visage et emplir ses poumons. Ressentir cette atmosphère particulière dans laquelle il se retrouvait de plus en plus fréquemment ces derniers temps. Il se sentait de plus en plus à l'étroit dans cet appartement, pourtant, il était grand. Bien trop grand pour une seule personne, et bien trop impersonnel. Ouais, il avait besoin de sortir, de s'aérer la tête.

Juste marcher.

Juste oublier un instant son appartement vide, son sentiment de solitude qui le prenait le soir lorsqu'il rentrait chez lui et que seul le silence lui répondait.

Seul.

Taiga n'était pas du genre à déprimé et pourtant… Pourtant, au fond de lui, il avait toujours ce sentiment d'abandon, de solitude qui persistait malgré le temps qui passait, malgré ses amis qu'il avait rencontrés en cours de route.

Il était natif d'ici mais avait grandi en Amérique.

L'Amérique.

Il ne s'y était jamais sentit réellement à sa place. Il avait toujours été seul et incompris là-bas. Son apparence atypique avait toujours fait fuir les autres enfants. Il fallait dire qu'un gamin aux cheveux et aux yeux rouges avait de quoi surprendre. Sans compter que les gamins entre eux étaient… méchant, ou peut-être trop franc, qui sait. L'un dans l'autre, il ne s'était jamais sentis accepter. Sauf avec lui.

Himuro Tatsuya.

Son frère de cœur. Celui qui l'avait accepté sans détour. Celui qui lui avait donné cette passion du Basket. Celui qui lui avait donné un but dans la vie. Celui grâce à qui, il avait eu ses premiers amis. Et elle. Alexandra… Elle qui les avait formés tout gamin … Elle qui lui avait montré qu'il avait du talent.

Taiga soupira et regarda le ciel un moment. Pourquoi était-il revenu au Japon au juste ? Seul qui plus est, et par deux fois.

Il ne s'était jamais entendu avec son père, l'ignorance avait toujours été de mise entre eux depuis le décès de sa mère. Il était juste devenu une ombre aux yeux de son paternel et il s'y était fait à cette place, mais ce n'est pas pour autant qu'il l'acceptait. Comment le pouvait-il ?

Il haussa les épaules et reprit son bout de chemin.

Depuis son retour, il s'en était passées des choses. La première fois, il avait rencontré Riko, Kuroko et les autres. Les débuts avaient été difficiles. Il s'était inscrit dans le club de Serin dans le seul but de relever le niveau du basket nippon, bien trop bas à son gout à l'époque. Il avait été hargneux face à Tetsu lors de leur première rencontre, mais les choses avaient tellement évolué depuis. Il y avait plus que trouvé son compte. Il se souvenait de leur premier affrontement où son ombre l'avait intrigué plus que de raison. Ce type, ce fantôme qui ne dégager aucune aura, aucune présence. Il avait été selon lui un être d'exception, et il s'était mesuré l'un à l'autre dans un one-on-one nocturne. Il s'était agacé devant son incompétence, il l'avait rejeté. Il avait toujours pensé que la culture de l'effort n'était qu'une mascarade, qu'il ne valait rien, mais il lui avait prouvé le contraire. Au final, il avait eu tort de penser que seul le talent pur existait, mais il ne s'était pas trompé à cette époque sur sa première impression, Tetsu était un être hors du commun. Il avait compris et vu lors de son premier match avec les premières années, son talent et ses capacités à disparaitre. Ce soir où Il était devenu son ombre officiel.

Ouais, il s'était fait des amis, il avait retrouvé cette passion grandissante en lui. Cette envie de se pousser dans ses retranchements les plus primaires. D'aller toujours plus loin, plus haut, plus vite. Cette envie presque malsaine d'être le plus fort, de se prouver à lui-même qu'il existait. De sentir son sang bouillir dans ses veines. Ce besoin incontrôlable de se sentir réel et bien vivant dans ce monde qui lui paraissait parfois inaccessible et dont il avait l'impression d'être exclu. Comme ce soir. Depuis peu, il n'y avait que sur le terrain qu'il se sentait lui-même, qu'il avait pleinement conscience de son corps, de ses pensées, de la fatigue dans ses muscles. Comme si seul l'adrénaline d'un match arrivait à le sortir de sa bulle d'inconfort.

Si on demandait aux autres, on le décrirait certainement comme quelqu'un de caractériel, sanguin, provocateur, de fort, de déterminé et d'ambitieux. On le voyait comme un tigre, un monstre au basket. Était-ce la réalité ? Il essayait en tout cas d'être cette personne. Il tentait désespérément de se sentir vivant, pour lui, et aux yeux des autres.

Caractériel ? Oui il l'était devenu. Son père l'y avait poussé. Il l'avait poussé à devenir plus mature, à s'occuper de lui-même, à être indépendant sans le vouloir vraiment. A se forger un caractère endurci et têtu pour s'en sortir dans la vie de tous les jours. Alors il avait forgé ce caractère qui le caractérisait si bien aujourd'hui.

Sanguin et provocateur ? Oh que oui, il aimait les défis et y répondre. Ca le faisait vibrer plus que tout.

Fort ? Il l'était devenu, aussi bien physiquement que mentalement. Il remerciait sans cesse le basket pour lui avoir permis de le devenir. Il était devenu fort de ses convictions, de ses attentes, de ses besoins, même si parfois, comme ce soir, il laissait son esprit prendre le contrôle. Physiquement, il avait su se sculpter une carrure sportive. Du haut de ses seize ans et de ses 1m90, il était large d'épaule et taillé en V. L'année qui était passée ne l'avait pas changé et coté physique, il n'avait rien à envier à personne, bien que les filles ne l'intéressaient pas vraiment, les hommes non plus d'ailleurs... à vrai dire, il ne s'était jamais posé la question. Il avait bien d'autre chose à gérer en ce moment.

Déterminé ? Dieu qu'il l'était ! Il voulait s'en sortir plus que personne, s'étant forgé le rêve d'entrer en NBA, et de prouver à son père qu'il existait et que même sans lui, il était capable de vivre. Et avec un peu de chance, d'être heureux. Non pas qu'il se sentait triste ou malheureux, mais il se sentait vide. Un vide qu'il ne parvenait pas à combler au quotidien. Un vide dont il ne trouvait pas la raison. Seul le ballon orange et noir savait le combler dans ses attentes.

Ambitieux ? Il ne savait pas vraiment à vrai dire. Il voulait juste atteindre les sommets. Rien de plus.

Depuis quand ?

Il ne savait plus vraiment, mais les rencontres qu'il avait faites depuis son retour le poussait de plus en plus en ce sens.

La génération miracle.

Elle aussi, elle l'avait totalement bousculée, comme pour le réveiller d'un putain de long sommeil. Elle lui avait ouvert les yeux. Elle lui avait tout simplement montré qu'il devait se bouger le cul pour y arriver. Qu'il y avait plus fort, plus rapide, plus tacticien que lui, et il avait foncé. Foncé dans le tas pour se démarquer, pour les battre un par un. Pour se prouver à lui-même sa propre valeur. L'avis des autres, il s'en contre-fichait. Si son propre père pouvait lui tourner le dos, les autres le pouvaient tout aisément et bien plus facilement. Il avait appris à faire avec ce doute constant, mais cela ne l'empêchait pas de compter sur ses amis, à profiter pleinement de ses moments passés avec eux. Il y prenait même plaisir. Il était d'un naturel altruiste, il aimait prendre soin des autres, mais venait toujours un moment où il se demandait : qui prenait soin de lui ? La réponse était flagrante, lui-même.

Oui, il les avait rencontrés un par un, en commençant par Kise Ryota. Ce beau gosse, le premier qu'il avait pris en duel et qui lui avait montré un aperçu de la GM. Il avait senti son sang bouillonner à ce moment-là, il avait lancé la course aux défis. Puis il y'avait eu Midorima et ...

Et il y'avait surtout eu lui. Lui qui l'avait bousculé plus que tous les autres. Lui qui avait changé sa perception des choses. Lui qui l'avait poussé plus loin que tous les autres. Lui à qui il avait envie de constamment montrer son évolution. Lui à qui il avait eu envie de prouver sa valeur, son existence.

Il avait d'abords entendu parler de lui par Midorima et Tetsu. De ce mec qui était bon, qui soi-disant lui ressemblait, mais qui n'aimait pas le basket.

Depuis que ce mec été apparu devant lui, sortit de nulle part, le confrontant de manière hautaine pour un face-à-face, il avait changé. Ce mec qui l'avait trouvé sur son terrain d'entrainement alors qu'il n'avait rien demandé, et qu'il était blessé qui plus est.

Aomine Daiki.

Depuis qu'il l'avait vu jouer, qu'il l'avait confronté, il n'avait pas pu le lâcher de regard. Il l'avait observé à chaque match, cherchant à le décrypter. Il n'avait pas pu passer à côté de lui sans se retourner. Ce type était aussi déplaisant qu'obsessionnel. Il était devenu, sans le vouloir, son plus grand rival. Il avait eu envie de lui faire ravaler ses paroles ce jour-là. Cette manière de lui parler de manière si hautaine. Le narguant de ne trouver personne à sa hauteur, de juste vouloir faire quelques paniers pour combler l'ennuie.

Ce type était un peu plus grand que lui, plus fin, mais tout en muscle. Il était sec comme on disait dans le milieu. Une peau tannée qui contrastait avec la sienne pourtant halée naturellement. Des cheveux noirs aux reflets parfois bleutés, comme ses yeux bleus marines. Ce sourire narquois toujours au coin des lèvres lorsqu'il ne feintait pas l'indifférence.

Il avait lamentablement perdu contre lui. Perdu contre cette arrogance hors du commun, contre ce regard tranchant et blasé, contre se sourire hautain et les techniques sportives qu'il possédait. Il s'était donné du mieux qu'il pouvait avec sa blessure, et il avait échoué. Le métisse avait été dur avec lui, lui crachant gratuitement au visage. Son caractère impulsif avait répondu sans réfléchir et il avait perdu. Cette rencontre l'avait retourné. La défaite avait été dur à avaler. Elle l'avait mise en colère. Non pas contre Aomine, mais contre lui-même, contre sa propre faiblesse.

Oui, ce jour-là, il s'était sentit faible et totalement démuni. Il avait ressassé cette rencontre mille et une fois dans sa tête et il n'arrivait à rien. Puis il s'était de nouveau rencontré, sur terrain, en officiel cette fois et le résultat n'avait pas été plus concluant. Le score était tombé : 112 - 55. Taiga grimaça en y repensant. Il était faible à ce moment-là, mais sans lui, sans Aomine, il n'aurait pas évolué autant et il en avait pleinement conscience. Ce mec l'avait fait grandir sans même sans rendre compte. Il avait été son élément déclencheur. Son but à atteindre. Sa raison de se lever, de se donner un peu plus chaque jour.

Ce mec était juste... hors compétition, et ce, sur tous les plans.

Ouais, il avait pris leur défaite comme un coup de massue en pleine tête. Sa phrase résonnait en lui comme un coup de poignard en plein cœur. Il n'était pas assez lumineux. Pas assez fort. Il ne valait rien. Il se souvenait de l'aura qu'Aomine avait dégagé en passant prêt de lui cette fois-là. Silencieux et rapide comme une panthère.

Ouais, cet enfoiré l'avait sorti de sa zone de confort et il s'était entrainé d'arrache-pied après ça, même son ombre l'avait suivi dans ses efforts. Il avait même remis les pieds aux States juste pour le battre. Ce type l'avait vraiment fait sortir de ses gonds !

Puis cette fois où il été arrivé en retard lors de leur premier affrontement officiel. Ce mec avait passé son bras autour de ses épaules, ironisant son entrée sur le terrain. Son air blasé et serein collé sur le visage. Ce contact physique l'avait chamboulé, électrisé.

Taiga shoota dans un caillou et regarda un instant les environs, il ne savait même pas où il était. Ses pas l'avaient emmené devant un petit parc de banlieue dont il ne connaissait même pas le quartier. Il soupira et regarda autour de lui et jeta un coup d'œil rapide à sa montre. Il était vingt-deux heures passées et il se trouvait certainement à l'autre bout de la ville. Il laissa son regard se perdre sur le parc en contre-bas et il tomba sur une silhouette qu'il reconnaitrait entre mille.


Samedi soir - Dans les rues de Tokyo :

Daiki bouillonnait.

Il se demandait encore ce qu'il foutait ici, dans cet appartement avec sa mère qui lui gueulait ouvertement dessus. Il affronta sans rechigner les cris et les pleurs de la femme devant lui. Il supportait une fois de plus les crises de folies et il prenait sur lui pour ne pas tout envoyer balader lui aussi.

Il évita de justesse le verre que sa mère lui jeta au visage dans une énième insulte et soupira. Ce soir était encore un mauvais soir.

Son erreur ?

D'être le portrait craché de son géniteur. D'avoir les mêmes traits physiques que cet homme qui les avait tout bonnement abandonnés du jour au lendemain sans même se retourner. Il avait laissé derrière lui un gamin sans repère et une femme perdue et déjà torturée à l'époque. Il n'avait fait que la plonger un peu plus dans sa dépression et lui, il subissait. Il subissait au quotidien les excès de colères de sa mère, les périodes de grandes tristesses, mais aussi les moments où tout allait bien. Trop bien même pour que ce soit réel. Ce gosse qu'il était à l'époque avait bien grandit, trop muri contre sa volonté. Il avait troqué son sourire enjoué et son coté jovial pour un caractère taciturne et arrogant. Il avait dû s'occuper de sa mère depuis cette époque, depuis ses huit ans. Il avait dû devenir un homme avant d'être un adolescent. L'homme de la maison. Malgré ce paysage flou et sombre, il avait trouvé comme seule échappatoire, sa passion.

Le Basket.

Oh, oui, il avait aimé ce sport comme personne d'autre. Il ne loupait pas un seul entrainement au collège. Puis sa passion s'était transformée petit à petit. Ce sport dans lequel il s'était lâché et donné corps et âme. Il avait fini par y mettre toute sa rage, toute sa frustration. Si au début il avait joué pour le plaisir, le sport était devenu son seul sac de frappe, le seul endroit où il pouvait se vider l'esprit et se déchainer. L'endroit où il pouvait évacuer toute sa haine et sa frustration, relâcher la pression, les responsabilités dont il ne voulait pas. Il s'y était tellement donné pleinement qu'il était devenu le meilleur en peu de temps. L'As de Too. Le Scoreur de l'équipe.

C'est là qu'il avait craqué.

Il ne trouvait plus personne pour se mesurer à lui. Il était devenu imbattable, trop rapide, trop fort. Sa passion s'était évaporée comme neige au soleil et il s'était senti seul. Cette sensation n'avait fait que grandir en lui, au point qu'il en était devenu comme ça. Arrogant, blasé et totalement vide de sentiment face à des adversaires qu'ils savaient ne pas être à sa hauteur. Et pour cause, ils abandonnaient tous la partie avant même qu'elle n'ait commencée.

Personne ne pouvait l'égaler à part lui-même.

Ouais, c'est ce qu'il avait toujours cru.

Avant lui...

Kagami Taiga.

Il avait en premier lieu entendu parler de ce mec. Il se souvenait comme si c'était hier, de ce coup de fil avec Midorima. Lui qui lui avait dit de se méfier. A cette époque, il pensait que le seul qui pouvait le battre, c'était lui-même. Le tigre avait attiré son attention avant même qu'il ne pose les yeux sur lui, puis il avait choisi de le tester en le provocant ouvertement et l'autre avait bondit sur l'occasion, répondant aussi agressivement que lui. Il avait voulu tâter le terrain, voir qui était l'homme qui avait pu le remplacer auprès de Tetsu.

Ouais, il se souvenait parfaitement de l'avoir rejoint sur ce terrain. D'avoir récupérer cette balle qui roulait au sol. Il se souvenait parfaitement de son regard rubis plongé dans le sien. De la manière dont il lui avait demandé de jouer, juste pour voir ce qu'il valait avec une balle dans les mains. De la réponse du tigre, agressive, comme son jeu. De ses yeux perçants lorsqu'il lui avait son nom.

Ce mec n'avait pas eu le même comportement que les autres. Le Tigre n'avait rien lâché, du début à la fin.

Il avait été déçu lors de leur premier match mais sans savoir pourquoi, il l'avait attendu. Il l'avait suivi tout au long de leurs échanges, il n'avait pas abandonné, il n'avait pas baissé la tête. Non, il l'avait affronté avec toutes sa rage et sa force.

Leur seconde rencontre avait rempli un peu plus ses attentes. Il avait vite vu son caractère impulsif avait bondit sur l'occasion dès son entrée dans le gymnase. Il l'avait provoqué, comme à son habitude. Il revoyait sans cesse ce premier point qu'il allait marquer, et de la grande main de Kagami qui était venu interrompre son panier. Il n'oubliera jamais cette détermination sans faille dans ce regard couleur sang. C'était la première fois qu'il restait sur le cul, il avait attendu ce moment depuis tellement longtemps.

Même si Kagami avait perdu une fois de plus, il avait ce truc en plus. Il ne baissait pas les bras. Il n'avait pas cette lueur d'abandon dans le regard, bien au contraire. Il avait ce regard déterminé qu'il ne perdait jamais face à lui, cette lueur qui montrait toute sa volonté. Il savait, bien caché au fond de lui qu'il le rattraperait un jour où l'autre. Il l'avait espéré du plus profond de son être et il l'avait fait. Il l'avait surpris lors de la Winter Cup. Le tigre avait surgi de nulle part, le chassant, le poursuivant, l'interceptant, bloquant ses gestes. Il avait enfin senti vibrer son corps. Il avait été comme en transe, il s'était réveillé de cette longue agonie dans laquelle il s'était plongé toutes ses années. Il avait douté comme il ne l'avait pas fait depuis longtemps. Il avait trouvé son rival. Il avait trouvé l'homme qui le sortait temporairement de son brouillard constant. Il avait été le soleil qui perce à travers les nuages, le beau temps après la pluie. Ouais, Kagami avait frappé à la porte de la GM, il avait ouvert la porte de la zone, à sa plus grande surprise. Et cette fois-là, il avait perdu, pour la première fois.

Aomine ne croyait plus depuis longtemps au destin. Celui qui liait - soi-disant - deux êtres d'un fil rouge. Le sien avait été coupé depuis une éternité et il ne pouvait s'empêcher de se voir gamin, dans ses cauchemars, avec ce bout de fil coincé entre les doigts, attendant qu'une silhouette s'arrête devant lui avec l'autre bout. Depuis leur rencontre, il avait toujours eu l'impression que les rêves se transformaient de jour en jour, laissant apparaitre la silhouette de Kagami, mais au réveil, toujours cette impression de malaise. Comme si leurs fils n'étaient pas encore liés entre eux.

Un nouveau cri le fit reprendre conscience de son environnement. Sa mère venait d'attraper un nouvel objet à lui lancer à la figure. Son visage défiguré par les larmes et la fureur n'avait plus rien de maternelle, de tendre.

"Dégage d'ici ! Va-t'en comme tu sais si bien le faire ! Pars ! PARS !"

Daiki ferma les yeux douloureusement et sorti de chez lui sans même prendre la peine d'attraper une veste. Il claqua la porte sans un regard en arrière, de toute façon ça ne changerait rien à la situation, il avait déjà essayé. Il savait quoi faire dans ce genre de situation. Partir, attendre qu'elle se calme, et s'endorme. La colère prenait toujours le pas dans ses moments-là. Une colère sourde qui lui vrillait les tympans et lui donnait l'envie de tout détruire sur son passage. De ne laisser que des miettes et des débris, comme l'était son état d'esprit. Cette sensation désagréable de ne rien pouvoir faire, d'être totalement impuissant.

Il se rendit au parc en bas de chez lui et se laissa tomber sur un banc, las de se retrouver là encore une fois. Son dos se courba, comme plié sous le poids des remords, de la culpabilité. Las de se sentir si faible et surtout de ne pas pouvoir faire entendre raison à sa mère. Elle ne voyait que son père pendant ses crises. Elle ne le voyait plus lui, son propre fils. Elle ne voyait qu'un homme qu'elle haïssait pour avoir fait de sa vie un enfer, pour l'avoir laissé là, avec un gamin sur les bras. Lui, devenu le poids de sa vie. Les coudes posés sur ses genoux écartés, il baissa la tête et souffla fortement pour se calmer.

Comment rester calme et sain dans un environnement pareil ? Avec une mère qui craque plusieurs fois par semaine et qui ne vous reconnait pas. Cette angoisse de rentrer chez soi sans savoir sur quoi tomber. Sans savoir si sa mère le prendra dans ses bras comme s'il était le trésor qu'elle chérissait le plus au monde, ou s'il serait agressé pour lui ressembler à lui. Sans savoir si elle serait pleinement consciente de ses actions, ou au contraire, totalement hystérique comme ce soir.

Et lui dans tout ça, où est-ce qu'il se situait au juste ?

Il était qui dans cette histoire ?


Taiga s'approcha en silence d'Aomine. Il l'avait regardé un moment. Son rival était assis là, sur ce banc, sans bouger ne serait-ce qu'un orteil. Il l'avait observé de loin, les sourcils froncés, se demandant pourquoi l'autre semblait être aussi immobile, comme hors de son corps. Habitait-il dans le coin ? Il n'en avait aucune idée. Ils n'étaient pas ami, pas proche, mais pas des inconnus non plus. Le terrain les avait rapprochés bien plus que ce qu'ils voulaient l'entendre. Pouvait-il l'ignorer de la sorte ? Ce n'était vraiment pas dans son tempérament.

Connaissant le numéro cinq du Lycée Too, il allait l'envoyer bouler illico-presto, mais tant pis. Il s'avança lentement, serrant entre ses doigts les canettes qu'il avait dans les mains, achetées dans le distributeur de la ruelle. Il s'arrêta juste devant lui et leva l'une d'entre elle, posant doucement l'un des cylindres métalliques sur la tête de l'autre. Il vit Aomine sursauter, comme s'il venait tout juste de reprendre conscience de son environnement et il plongea son regard bleu nuit dans le sien. Les sourcils se froncèrent durement en le reconnaissant et il ne s'était pas imaginé autre chose de sa part.

Il se tenait droit devant lui, agitant la canette sous ces yeux et le bleuté regarda la boisson de façon suspecte. Ses yeux remontèrent un moment vers lui et il ouvrit finalement la bouche. Agressive.

"Quoi ? Pourquoi tu m'regarde comme ça ?! T'as pitié ou quoi ?" Gueula-t-il.

Taiga fronça les sourcils à son tour puis soupira finalement. Il l'aurait bien envoyé chier aussi, mais ce soir, il n'en avait vraiment pas la force. C'était lui qui était venu vers l'autre, pas le contraire. En plus, il voyait clairement qu'Aomine l'attaquait verbalement pour cacher sa gêne d'avoir été vu dans un état second. Il était venu avec le drapeau blanc cette fois-ci.

"Pitié de quoi au juste ?"

Aomine fronça un peu plus les sourcils et regarda autour de lui, comme pour vérifier qu'il était seul avant de reporter le regard sur lui.

"Qu'est-ce qu'tu fou là ?"

"Je me balade, ça s'voit pas ?"

La panthère grogna et lui, n'étant pas né avec une patience légendaire, il lui colla de force la boisson dans les mains en soupirant. Il n'avait aucune envie de se battre ce soir, alors pourquoi est-ce qu'il avait pris la peine de le rejoindre au juste ? Il savait pertinemment qu'ils étaient comme chien et chat tous les deux. Il le contourna et se laissa tomber à ses côtés, reposant ses jambes malmenées par la longue promenade nocturne. Il ouvrit sa propre canette et regarda dans le vide.

Il sentit Aomine le fixer silencieusement alors qu'il entama sa propre boisson. Son regard le brulait mais il s'empêchait de le regarder à son tour, il savait que la joute verbale arriverait dans la seconde. Il le sentit se redresser un peu et tourner la tête. Un rire jaune sorti de sa bouche et il imagina très bien le sourire carnassier que l'autre arborait.

"Du chocolat chaud ? Sérieusement ?! Tu m'as pris pour un gosse ?" Le questionna l'autre en grognant.

Taiga haussa les épaules et lui répondit sur le même ton, mais plus calmement.

"On ne t'as jamais dit que le chocolat réchauffait les cœurs ?"

Il sentit le numéro cinq se tendre de nouveau à ses côtés, prêt à bondir et à l'attaquer verbalement, sans vergogne. Il attendit l'attaque mais, de manière surprenante, elle ne vint pas. Il entendit un soupire, puis le bruit de la canette qui s'ouvre. Il vit du coin de l'œil le basketteur boire à son tour, et il ne put empêcher un sourire de venir fureter sur son visage.

Il avait gagné.


La canette était chaude entre ses doigts, et avait quelque chose de réconfortant. La chaleur semblait se propager dans son corps, jusqu'à atteindre ses organes. La remarque de Kagami l'avait piqué à vif et il avait voulu monter sur ses grands chevaux. Comment aurait-il pu savoir ce genre de chose ? Qui aurait pu lui dire au juste ? Il allait ouvrir la bouche mais le profil de son homologue l'en dissuada. Il laissa son regard observer le visage de son rival. Depuis quand cet idiot n'avait pas les sourcils froncés en sa présence ? Depuis quand il ne l'attaquait pas ? Depuis quand avait-il l'air aussi ... calme et perdu que lui. Il soupira et se redressa, ouvrant finalement la boisson chaude. Elle soignait les plaies, hein ? Avait-il l'air aussi déprimé que ça ?

Il porta l'objet à sa bouche et avala une gorgée de son contenu. Depuis quand n'avait-il pas bu une boisson comme celle-ci ? Il se souvenait qu'il en raffolait enfant. Le sucre et le goût chocolaté emplis sa bouche et ravit ses papilles. Il sentit le liquide descendre et réchauffer son corps resté trop longtemps immobile dans la nuit noire. Inconsciemment, il se mit à sourire. C'est vrai que ce truc arrivait à l'apaiser.

Il glissa un œil vers le rouge à ses côtés. Il semblait bien trop calme. C'était trop différent de leur dispute habituelle. Il le regardait boire sa boisson sans un mot. L'ambiance était étrange, mais pas pesante. Le fait de sentir une présence à ses côtés, de boire cette boisson chaude aux vertus apaisantes le rendait bizarrement calme. N'allait-il rien lui demander ? Il n'allait pas lui poser des questions sur sa supposé tête d'enterrement et sa présence nocturne sur ce banc ?

Le joueur de Seirin soupira et écrasa sa canette vide entre ses doigts dans un bruit désagréable. Il le regarda se lever et son corps se raidit imperceptiblement. Il partait déjà ? Kagami fit quelques pas et s'arrêta, tournant juste le visage vers lui, le regardant du coin de l'œil. Il n'avait pas remarqué à quel point il avait les épaules larges, à quel point il paraissait imposant. Était-ce sa position assise qui lui donnait cette impression ? Ou son esprit torturé qui faisait des siennes ?

"J'ai un canap' et un plumard." Affirma Kagami.

Il haussa un sourcil et termina en une gorgée sa canette, dévisageant le dos de son homologue.

"Et ? Qu'est-ce que ça peut m'foutre ?"

Kagami lâcha un rire léger, et se tourna un peu plus vers lui, le regardant totalement.

"Et ça peut être utile quand on ne veut pas rentrer chez soi."

Aomine resta un moment sans voix, à observer cet homme devant lui. Il ouvrait et refermait la bouche sans qu'aucun son ne sorte. Est-ce qu'il était vraiment en train de lui proposer une échappatoire ? Sérieusement ? Il n'était pas ami et il se demandait s'il avait bien compris le sens de sa phrase. Kagami ne lui devait rien, et rien ne l'obligeait à faire ce geste envers lui. Alors pourquoi ?

"A-Attend, tu me propose de v'nir chez toi, là ?"

Il vit Kagami se tourner en totalité vers la ruelle et amorcer un pas, fourrant ses mains dans les poches de sa veste.

"Magne-toi, je ne vais pas t'attendre éternellement."


A suivre...