Hey !

PFFFFFFF je viens de me rendre compte que j'ai oublié de posté ce chapitre la semaine dernière. Genre il était prêt, j'avais le petit message d'intro et j'ai juste pas posté. Je pffff. Désolé.

Merci à Mijoqui pour sa review !

Bonne lecture !


Un secret mal gardé

.

En d'autres circonstance, Riku croirait qu'il se fait des idées.

Mais il revoit la bouche pleine de sang de Vanitas. Il l'entend hurler. Et le cauchemar ne le quitte plus.

— Et là je lui ai dit qu'elle abusait. Franchement, je vois pas quel droit elle a sur c'que je fais hors d'ici, tu comprends ? Puis j'ai le droit d'avoir quatre garde-manger si je veux, tant qu'ils sont tous ok avec ça. Elle croit quoi, qu'ils vont balancer notre secret ? Genre ils vont sortir dans la rue et hurler partout qu'ils fricotent avec des vampires ? On est au vingt-et-unième siècle. On les prendra pour des barges. Sérieux, t'aurais cru Sora s'il t'avait pas filé des preuves, toi ?

— Je sais pas.

Riku inspire.

— Les humains sont persuadés qu'on existe plus que sur un gros écran qu'il zieute quand ils prennent leur place au ciné. C'est risque zéro pour nous. Ils se souviennent même pas quand on les mord. Faudrait genre une méga tuerie en public pour qu'ils commencent à douter.

Du sang, partout. Des dents si blanches. Et autour… Autour, c'était la chambre de Vanitas. Des draps lourds et une fenêtre à carreaux au fond de la pièce. Des rideaux assez épais pour avaler la lumière du jour.

Il ne peut pas se tromper.

— Donc elle aurait pu me foutre la paix. Mais non. Elle râle comme quoi je sais pas me contrôler et que je peux pas boire tous mes crush mais ? Je bois pas tous mes crush, déjà. Juste ceux à qui je sais que je peux balancer le gros secret.

— Demyx ?

— Parce que si je buvais vraiment tous mes-

— Demyx, il insiste.

— Ouais ?

Riku se redresse. Il se fait des idées. Peut-être que c'est un savant mélange entre le manque de sommeil et son rythme de vie qui a pris un sacré coup, ces derniers jours. Semaine. Mois ? Merde. Il sait qu'il est déjà beaucoup plus proche de la rentrée que du début des vacances, mais il devrait faire plus attention à la date. Même si plus il y pense, moins l'idée de retourner en cours le tente et-

Vanitas. Est-ce qu'il arriverait à s'éloigner de Vanitas ?

— Faut que je te demande un truc.

— Je t'écoute.

— Un truc… bizarre.

— Si c'est à propos de ce que Xig a dit sur mes caleçons, c'est oui. Et franchement, y'a pas besoin d'en changer tous les jours. C'est une perte de temps et ça les bousille de les laver souvent, alors que quand tu les portes plusieurs fois-

— C'est pas ça.

Même si son histoire lui tire une moue sceptique. Il a presque l'impression de sentir l'odeur moite et salée de ses dessous, maintenant, mais il préfère ne pas s'attarder. Son estomac ne le supporterait pas.

— Oh. Vas-y, alors. Y a pas de questions bizarres t'façon, juste des réponses qu'on aurait préféré jamais entendre.

— Est-ce que tu m'as déjà vu ici ?

Il déglutit. C'est invraisemblable. impossible, même. Il se sent stupide ne serait-ce que de l'envisager, mais chaque fois qu'il repense au regard de Vanitas…

Il s'en souviendrait, s'il avait déjà mis les pieds dans ce manoir. Il n'a jamais voyagé dans la région, aussi loin qu'il s'en souvienne.

— Ici ?

Demyx cligne des yeux.

— Dans ma chambre ?

— Ici avant cet été.

Le musicien le scrute avant d'ouvrir de grands yeux. Il plaque sa main sur ses lèvres, l'enlève, inspire et croise les jambes. Puis il secoue la tête.

— Négatif.

— Tu es sûr ?

Il le sent qui hésite.

— A deux cents pour cent. Trois cents. Giga sûr. Et j'ai une bonne oreille, j'le saurais si t'avais déjà mis les pieds dans cette piaule.

Il n'a pas l'air de mentir. Pour autant, il lui cache un truc. Riku n'est pas bête, et Demyx n'est pas doué pour ce qui est de faire semblant. C'est d'autant plus étrange. L'étudiant était seulement venu passer des vacances ici avec son meilleur ami, et maintenant...

— Pourquoi ? l'excité de service demande.

Est-ce qu'il peut lui dire ? S'il son interlocuteur n'est pas honnête avec lui, alors Riku ferait mieux de lui cacher ce qu'il croit comprendre. Enfin, comprendre. Ce qu'il a vu. Mais si Demyx lui ment, qui d'autre ici lui cache la vérité ? Et Sora ? Il lui aurait dit, s'il s'était déjà rendu dans ce manoir, hein ? A moins qu'il ne soit pas au courant ?

Non. Il a le même âge que Vanitas. S'il l'un est au courant, l'autre aussi.

Tu te souviens ?

Il déglutit.

Se souvenir ? Se souvenir de quoi ?

— Rien. J'ai juste fait un rêve bizarre.

— Oh. Tu devrais aller voir Xion si tu dors mal, elle fait des potions chelous qui marchent bien sur les humains.

Oui, peut-être. Mais la manière dont Demyx le regarde le met mal à l'aise.

— Je verrai demain.

Il fait mine de surveiller son portable. Deux heures trente du matin.

— T'en fais souvent, des rêves comme ça ?

— Du tout.

Il faut qu'il aille dormir, ou qu'il coince Sora. Mais si Sora sait quelque chose, alors il le lui a caché pendant des mois. Des années, peut-être. Non.

Vanitas.

Vanitas à la réponse. Et c'est encore la personne la plus disposée à écouter ses questions.

A moins qu'il n'essaie à nouveau de le faire tourner en bourrique. Riku voudrait croire que c'est juste un de ses tours. Un pouvoir de vampire qu'il ignore. Mais il avait l'air désespéré.

— Je verrai bien comme ça se passe cette nuit, il déclare en attrapant ses affaires.

Comme s'il y avait quelque chose au fond de lui. Quelque chose de terriblement douloureux qui venait de se réveiller.

Riku salue son interlocuteur, puis il attrape son portable et il quitte la pièce.

Dehors, l'été fait des nuits chaudes. Mais la bâtisse garde le frais entre ses murs. Il fait bon ici, trop bon. L'invité veut sentir la fraîcheur nocturne sur ses bras. Il descend les escaliers, salue les gens au salon et évite le regard d'Aqua. Sora n'est pas dans le coin, mais il ne sent pas sa présence ici. C'est… Étrange. Il ne saurait l'expliquer avec des mots, mais chaque fois que son ami s'éloigne avec Kairi, un vide froid résonne entre les murs de l'habitation. Riku suppose que la faute revient au collier pendu à son cou.

Il passe la porte du salon. Ça parle dans son dos, il sent. Une rumeur au sujet d'un autre humain que Riku n'a pas encore croisé. Un certain Neku.

Le jardin l'accueille d'un vent léger. La chaleur du jour s'est déjà tassée. C'est vrai qu'il est presque trois heures du matin. Les autres humains dorment, mais Riku n'a pas sommeil. Il a juste cette brume nébuleuse dans la tête qui lui mêle les idées.

Vanitas sait quelque chose. Non, tout le monde sait. Sauf lui. Il se souvient de leur réaction quand il est entré, du temps d'arrêt d'Aqua. Sur le moment, sa surprise ne l'a pas plus étonné, mais maintenant…

Il regarde derrière lui. Que dirait les gens, s'il s'enfuyait ? S'il partait, là, sans rien leur dire ? Est-ce qu'ils le pourchasseraient ? De ce qu'il a compris, ils tiennent à leur secret. Est-ce qu'ils comptaient le laisser retourner en cours, comme il l'avait d'abord prévu ? Il en doute.

Alors que feront-ils quand il demandera à rentrer ?

Devant lui, une forêt noire s'étend. Des branches qui se fondent dans la nuit. Riku s'avance, ses baskets écrasent l'humus. Il sursaute, craint que le bruissement des feuilles mortes n'attirent l'attention des habitants du manoir. Mais rien. Peut-être qu'ils s'en moquent, au fond. Qu'ils le croisent incapable de filer.

Sans réfléchir, l'humain s'enfonce derrière les troncs. Il marche deux ou trois minutes. Cinq. L'odeur piquante de la sève le happe. Il y a celle de la terre humide qui monte. Les murmures agglutinés. Des lézards qui courent et soulèvent le petit bois sur leur passage. Un million d'insectes. Le bruit et le silence tout en même temps.

— Tu nous quittes déjà ?

Riku sursaute.

Vanitas, surgi du néant.

— Je me promène, il rétorque.

C'est impossible. Le vampire a beau être rapide, il pèse au moins autant que lui. Il fait du bruit quand il se déplace dans les couloirs. Est-ce que c'est encore une de leurs nombreuses capacités qu'il ignore ?

— Oh, pardon, je t'ai fait peur ?

— Je ne t'ai pas entendu, il tente.

— C'était voulu.

Le diable lui offre un beau sourire. Ça lui arrache le cœur.

Entre les branches noires de la nuit, Riku ne distingue plus que les yeux de son interlocuteur.

— Mieux vaut s'approcher doucement quand on suit sa proie. Si on ne veut pas la faire fuire.

— Si tu m'attaques, Sora le saura.

— Sora est sorti avec Kairi. Il ne reviendrait pas à temps.

La main sur son talisman, Riku serre le morceau de verre.

— Mais ne t'en fais, ce n'était pas dans mon intention. J'ai déjà assez mangé.

Il n'a pas de sang sur lui. De quel repas est-ce qu'il parle ? Peut-être que ça remonte. Qu'il lui ment. Ce ne serait pas la première fois. Et en même temps, Van est le seul à lui dire la vérité.

A avoir essayé, en tout cas.

Ou alors il profite et se joue de son ignorance pour l'entourlouper. Il lui prend la tête comme un chat qui jette encore et encore sa souris pour la regarder tomber.

— Qu'est-ce que tu me veux.

— Rien. Je t'ai vu filer par la fenêtre, j'ai cru que tu nous quittais en avance.

Il se recule.

— Ce serait idiot de partir sans tes affaires. Tu n'aurais même pas de quoi prendre le train. Et crois-moi, tu en as pour un moment si tu comptes marcher jusqu'à la gare.

— C'était juste une balade.

— C'est plus raisonnable.

Riku plisse les yeux. Le corps de son interlocuteur s'affine et s'éclaircit, alors qu'il s'habitue à l'obscurité. Les formes de la nuit donnent à sa silhouette un élan singulier. Familier. Sa voix le berce toujours, mais elle ne le secoue plus autant. Elle est là, simplement. Il l'entend, et il a envie de s'approcher.

Personne ne devrait avoir envie de s'approcher de Vanitas.

— Tu me laisses t'accompagner ?

Il est fourbe, sans doute dangereux. Il pourrait lui broyer la nuque si l'envie le prenait. Oui, un coup de crocs bien placé et Riku irait nourrir les vers qui grouillent sous ses pieds. Il devrait se méfier. Fuir.

— Si tu veux.

Mais la présence de Vanitas lui apporte un sentiment qui lui manquait, sans qu'il ne l'ait remarqué.

Elle le rassure.

Le manque de sommeil a définitivement flingué son cerveau.

— Attend, il reprend alors que l'autre s'avance.

— Quoi, il y a une distance de sécurité à respecter ? Tu sais, à deux mètres près, je pourrai quand-même te sauter dessus si l'envie m'en prend.

Sora devrait savoir quand il est en danger. Quand il a peur, quand il a besoin d'aide. C'est à ça que leur pacte sert, s'il en croit les explications d'Aqua. Mais il ne s'est jamais interposé entre lui et Vanitas.

— Tu le feras pas.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

Parce qu'il n'a jamais vraiment eu peur. Le vampire l'irrite, l'intrigue, l'insupporte. Il lui colle des angoisses noires qu'il ne comprend pas, mais ce n'est pas lui qui les anime. Non. Riku n'a pas peur de Vanitas.

Mais il y a autre chose. Une ombre qu'il craint chaque fois qu'il s'approche trop près.

— C'est un défi ? Vanitas reprend. Je sais que tu es du genre compétitif, mais si j'étais toi, j'éviterais de me chercher sur ce terrain. Tu n'as aucune chance.

— Tu ne me feras pas de mal, il insiste.

Le trouble fête grimace sans insister. Les mains dans les poches, il cale son dos contre un vieux sapin rêche.

Bien sûr que Vanitas ne le touchera pas. Il lui tourne autour depuis le début, mais il s'arrête aux mots. Comme ces gamins dans la cour qui aboient sans mordre. Oui, il fait du bruit. Beaucoup de bruit. Et c'est évident, soudain. Quand il le voit là dans la nuit, ses yeux jaunes comme deux lunes tâchées, ses bras le long du corps, sa moue déconfite. Il n'y a pas d'autres explications.

Vanitas se cache.

Il se cache de lui. Et en même temps, il ne cesse de l'approcher.

— La dernière fois, Riku commence.

Il déglutit. C'est plus dur à formuler qu'il ne le pensait.

— La dernière fois qu'on s'est croisé, tu as dit que je me souvenais de quelque chose.

Le cri. Le sang autour de sa bouche.

— Ça t'intéresse, maintenant ?

— Oui.

Le sourire de Van gonfle. Au-dessus de leur tête, la lune fine lui fait une peau trop pâle. Des couleurs de mort. Parce que c'est ça, hein ? Dans le fond, Vanitas est mort. Vivant pour toujours, et mort depuis plus de six cent ans. Il a la couleur d'un défunt, cette peau laiteuse de cadavre. Mais ce regard plus vif qu'il ne l'a jamais été de son vivant.

Cette fois, Riku ne se recule pas.

— Qu'est-ce que tu veux savoir ?

— De quoi tu parlais ?

Il inspire.

— Qu'est-ce que j'ai oublié ? il reprend.

— C'est vague.

Si c'est une blague, il finira bien par le lui dire. Et si ça n'en est pas une…

— Pose des questions. Tu dois bien en avoir, non ? Il n'y a rien qui t'étonne, depuis que tu es arrivé ? Rien qui ne t'ait semblé bizarre et qu'on refuse de t'expliquer ?

L'existence des vampires est bizarre. Mais Riku sait que ce n'est pas la bonne réponse. Il croise les bras.

— Toi.

Et l'autre rit.

— La première fois que je t'ai vu, il déglutit.

— C'est une déclaration ?

— Je ne plaisante pas.

— Personne n'est d'humeur à plaisanter ces derniers temps. Quel dommage.

La créature avance et tourne autour de lui. Ce n'est pas la première fois qu'il s'amuse comme ça, et Riku n'apprécie pas. Mais il reste immobile. Si Vanitas cherche à le déstabiliser, c'est raté.

— Donc, tu m'as trouvé bizarre.

— Non.

Si. Mais ce n'est pas ce qu'il essaie de dire.

— Tu m'as fait une impression particulière.

— Du genre ?

Riku n'a pas envie de s'attarder là-dessus.

— Je pourrais pas l'expliquer.

Et, comme s'il comprenait, Vanitas s'arrête. Il le sent qui jubile, ses poings serrés dans ses poches.

— C'est comme si je t'avais déjà vu, il poursuit.

— Parce que c'est le cas.

C'est trop franc pour un mensonge. Et en même temps, qu'est-ce qu'il sent sait ? Il ne devrait pas si bien le connaître. Ça n'a pas de sens.

A moins que Vanitas ne lui dise la vérité.

— On s'est déjà rencontrés ?

— Oui.

Son torse se serre. Ou son cœur ? Ses nerfs se mélangent, il ne sait plus.

— Quand ?

— Il y a longtemps.

Longtemps, c'est trop vague. Est-ce qu'il l'a aperçu quand il était enfant ? Non, ce n'est pas ça, il sent que ce n'est pas ça, c'est… Ça lui glisse entre les doigts, c'est insupportable. C'est là, si près, un réveil trouble au réveil qu'il ne peut remonter.

— Je suis déjà venu ici ?

— Oui et non.

Il a chaud et froid, son cœur cogne dans tout son corps. Vanitas est là, et il prend toute la place.

— Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Ce serait long à expliquer. Il y a encore beaucoup de détails qu'Aqua n'a pas daigné te donner.

Il sent la pointe de rancœur qui perce entre ses mots. C'est évident, que Vanitas déteste Aqua. Pourquoi ? Est-ce que ça a un rapport avec lui ? Qui d'autre est impliqué ?

— Alors raconte moi.

— Je peux faire mieux que ça.

Le vampire est près. Trop près, d'un coup. Sa voix, si basse, résonne en écho au creux de ses cellules et Riku se demande s'il n'existe pas juste dans sa tête. Un illusion, un reflet de lui.

— Mieux ?

— Je peux te montrer.

Lui montrer. L'idée lui semble d'abord ridicule. Qu'est-ce que Vanitas pourrait bien lui montrer ? Des photos ? Des vidéos ?

Mais Vanitas, justement, lève la main.

— Comment ? Riku demande, méfiant.

— Tu me fais confiance ?

— Non.

— Il va falloir.

Il ouvre grand la bouche et l'humain se tend, prêt à s'esquiver. Mais le corbeau n'esquisse aucun geste dans sa direction. Il porte son poignet à sa bouche et…

Riku en reste bouche baie.

Sous ses yeux, il passe sa peau file contre la lame de ses canines. Une ligne rouge s'y forme aussitôt. Bientôt, de petites perles gonflent sur le lait de son épiderme. Du sang. Celui de Vanitas. Ou celui qu'il a bu.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Ça se voit, non ?

L'œil satisfait de la teigne glisse sur la plaie finement tracée.

— Je partage mes souvenirs avec toi.

Lui lui rend son poignet. La plaie juste sous son nez, Riku ravale un haut le cœur. L'odeur du sang de Vanitas s'infiltre dans ses narines. Son ventre se serre, pressé sous le coup du haut le cœur. Il ne veut pas de ça. Et en même temps, le parfum est familier. Il croit qu'il va vomir.

— Alors ?

Il glisse une main sous celle du vautour. Sa froideur l'étonne. Il devrait avoir l'habitude, pourtant. La peau de Sora est comme un vent frais de printemps. Il inspire, et l'odeur remonte loin dans son cerveau. Il tressaille.

Peut-être que c'est un piège. Une sale blague de Vanitas, ou un coup fourré qu'il lui vaudra son rire le plus noir. Mais il doit savoir. Ce n'est pas juste une question de curiosité, non. C'est un besoin. Un besoin qui le tiraille depuis qu'il l'a vu pour la première fois.

Non. Pas la première. Justement.

Il appuie sa langue sur la plaie.

Ses lèvres épousent la forme de la coupure.

Il croit que c'est dégoûtant, essaie de s'en convaincre. Le goût de métal rouillé devrait lui retourner l'estomac. Mais le haut-le-cœur qu'il attendait se fond dans une saveur familière. Ses lèvres bougent d'elles-même, au moment d'aspirer le liquide. C'est comme s'il avait toujours fait ça. Sa langue appuyée contre la chair morte, il ferme les yeux.

Et le monde s'efface.

xoxoxox

Le vent s'engouffre entre deux maisons, et le garçon se ramasse sur lui-même sans pouvoir lui échapper. C'est froid contre sa peau. Glacé. Une main de neige qui passe dans son cou. Ses genoux contre son torse, il tire sur les manches trop peu longues d'un pull qui a déjà bien vécu.

Son ventre est un trou plein de couteaux. Sa tête un nuage de fatigue que la faim tourmente. Il voudrait dormir. Mauvaise idée. Il y a d'autres enfants dans le coin, et ici, tout est bon pour survivre.

Le gosse le sait. Le gosse se cache et il survit. Chaparde de-ci de-là. Il essuie les coups, se relève et file faire son nid derrière une vieille caisse.

Cette nuit, il n'a pas de couverture. Ses membres trop longs ne rentrent plus dans ses vêtements. Son souffle court fait des nuages dans le vide, et le poids de l'hiver pèse. Il sait que ce ne sera pas la nuit la plus froide. Il en reste bien d'autres, qu'il ne passera peut-être pas. Mais tout, tout vaut mieux que de remettre les pieds à l'orphelinat.

Il inspire. Rêve d'une couette qui s'enroulerait autour de ses épaules, sous ses cheveux d'argent. Un tissu miteux s'il le faut - mais il préfère l'imaginer en velours pesant. Quelque chose de chaud, qu'on lui volerait sans doute une fois qu'il aurait fermé les yeux. Mais un instant, juste un instant, il ne tremblerait plus sous l'assaut de l'hiver. Peut-être que s'il y croit assez fort…

— Eh.

Il redresse la tête. Ce qui était une bâtisse de pierre dressée face à lui ressemble maintenant à une petite silhouette trapue. Quelqu'un a du sortir de la maison pour le dégager. Ça arrive plus souvent qu'on ne lui propose le gîte et le couvert. Il fixe ce type, enveloppé d'un manteau… non, pas un manteau. Une cape. Il ne sent pas la fumée des pipes, comme les hommes richement vêtus qui font le tour du coin certains soirs et emmènent avec eux un gamin affamé. En fait, il n'est pas bien grand. Et il porte des gants. On les discerne sous sa cape, des morceaux de mains qui pourraient bien le saisir à la gorge si l'envie lui venait.

Il ne pourrait rien faire, à peine se débattre.

— Tu m'entends ?

— Oui.

Un colère grave éraille sa voix. Il les déteste, ces gens. Ceux dont la vie outrageuse de luxe lui passe sous les yeux sans s'arrêter. Leur sourire assuré et les pièces qui tintent dans leurs poches lui donnent la nausée.

— Comment tu t'appelles ?

Le garçon secoue la tête. Pas envie de répondre, il se contente de le fixer comme un chien de garde. Le type rit. Ricane, plutôt. Son visage découpé par le lampadaire laisse deviner des traits jeunes. Une tignasse noire comme le charbon.

— J'vais pas te bouffer, hein. Enfin, peut-être.

Il grogne, et cet homme- non, ce garçon sourit plus fort. Puis il se laisse tomber à genoux devant lui. D'un coup. C'est flippant. Le garçon va pour se reculer, en vain.

— Dis, t'es doué pour garder les secrets ?

Ça pue. Il sait que ce genre de phrase ne présage rien de bon. Et son regard jaune pisse ne lui inspire pas confiance. Il sent comme l'autre se moque de lui. Pas un bon plan, ce type. Mais il a deux problèmes plus importants.

La faim.

La fatigue.

— Ça dépend lesquels.

Il le sent satisfait. Le gars plonge une main dans une de ses poches alourdies de pièces, et il en sort plus qu'il ne pourrait espérer en gagner en chapardant toute la semaine. De petits ronds d'or. Son cœur cogne.

— T'as la dalle, hein ? Ça tombe bien, parce que moi aussi. Alors je te propose un marché.

Son haleine sent le fer. Pas l'alcool, pas la bouffe, non. Un truc qu'il n'a jamais trouvé chez ces vieux qui se penchent parfois sur lui avant qu'il ne déguerpisse.

— Mais avant ça, j'aimerais connaître ton nom. Le mien, c'est Vanitas.

Il plisse les yeux. Vanitas, ça sonne faux. Il est sûr que l'autre lui ment, et il pourrait bien en faire autant. Alors il ne sait pas ce qu'il lui prend de donner la seule chose qu'il lui reste d'une famille qu'il n'a jamais connue. Ça sort malgré lui.

— Plus fort.

Il se racle la gorge. Hésite. Mais il a faim, et un nom, c'est encore ce qu'il y a de plus simple à donner.

— Neo. Je m'appelle Neo.


AAAAH. Ça fait depuis le début de cette histoire que je meurs d'envie de poster ce chapitre. Je suis content qu'il soit enfin là ! Voilà. Vous vous y attendiez ? Qu'est-ce que vous imaginer, pour la suite ?

A la semaine prochaine !