- N-non, arrête… Articula Stiles alors qu'il fondait sur lui, sur sa peau, sur son cou.

Mais l'homme ne l'écoutait pas, trop occupé à faire ce qu'il voulait de lui. Déjà, ses mains passaient sous le haut de l'hyperactif, relevait le tissu, dévoilait les marques diverses qu'il lui avait faites. Stiles grimaça alors que son aîné suçotait ardemment sa peau, la savourant plus que de raison. Tétanisé, l'hyperactif était à la merci du policier qui ne se privait pas. Il l'embrassait, le touchait, l'explorait, si bien qu'il le retourna rapidement et le plaqua contre le mur, le visage contre la tapisserie. Comme en chaleur, il se colla brutalement contre lui et attrapa ses mains à une vitesse ahurissante pour les maintenir dans son dos. A sa merci. Stiles était à sa merci. Tremblant, terrorisé, rouge, prêt. A sa merci. Stiles hoqueta en sentant la bosse imposante contre ses fesses, bosse qu'il sentait extrêmement bien malgré la présence de son pantalon et de celui de son agresseur. Pendant un instant, il eut l'impression que le temps se figeait alors que son cerveau s'emplissait d'horreur, d'images fixes, volatiles, des images du passé et du présent se confondant.

- Ton père rentre tard, lui souffla Emile à l'oreille. Tu es à moi toute la soirée.

Le souffle de Stiles se coupa un instant, mais une information importante lui permit de ne pas tout de suite se perdre dans les limbes de son esprit :

- J'ai un… J'ai un truc prévu à vingt et une heures…

La poigne de fer du policier sur ses poignets se resserra et sa langue passa sur le cou de l'hyperactif. Stiles grimaça. De douleur et de dégoût. Non, définitivement, il ne pouvait pas supporter ça.

- Tu n'iras pas.

Le cœur de Stiles rata un battement. C'était sa seule chance.

- Je suis attendu. Mes amis sont du genre à… Venir, si je leur fais faux bond. Ils sont très… Trop curieux. Je… Je dois y aller.

Il s'agissait d'un fait dévoilé sous forme de supplique. Il lui fallait un sursis, sinon, il n'allait pas tenir. Il parlait vite et de manière saccadée, comme s'il avait peur de ne pas avoir le temps de lâcher ces informations précieuses et peut-être salvatrices. Sans même prendre le temps de respirer, il ajouta :

- S'ils viennent, ils… Ils te verront. Ils sauront ce que tu me fais… Et cette fois… Cette fois, mon père pourra pas te sauver.

Il y eut un instant de flottement durant lequel l'hyperactif retint son souffle. Son cœur battait la chamade, il était terrorisé. Complètement terrorisé. Seule la tétanie l'empêchait de pleurer. Mais il fallait croire qu'il avait vu juste. Emile le relâcha lentement et Stiles se redressa péniblement avant de se frictionner les poignets.

- Vingt et une heures, tu dis ?

Stiles hocha rapidement la tête. Il n'aimait pas la lueur dans le regard de son agresseur, qui… Ouvrit la fenêtre et… S'alluma une cigarette. L'hyperactif n'osa bouger à aucun moment. Pourtant, Emile regardait la nuit qui tombait et n'avait plus l'air de lui accorder la moindre attention. Mais la peur le tétanisait. Son corps connaissait la douleur, et lui rappelait ainsi que la désobéissance engendrerait une punition. Dont il n'était pas sûr de pouvoir se relever. Lorsqu'il était contrarié, Emile était capable de tout et déjà que Stiles l'avait stoppé dans son élan pour la première fois… Il sut qu'il allait passer, d'une manière ou d'une autre, un sale quart d'heure.

- A genoux, dos contre le mur, lâcha le policier sans se retourner.

La mort dans l'âme, Stiles s'exécuta et attendit. L'angoisse le paralysa. Au final, il n'était même pas sûr que sa tentative d'insubordination ait servi à quelque chose. Si Emile choisissait de le garder ici la soirée malgré tout… Qui était-il et surtout que pouvait-il faire pour l'en empêcher ? Le simple fait de le savoir dans la même pièce que lui le paralysait…

Le policier se retourna finalement vers lui, tira sur sa cigarette mais ne l'éteignit pas. Il fit quelques pas, se retrouva à quelques centimètres de l'hyperactif. De sa main libre, il défit sa ceinture. Son pantalon tomba, vite suivi par son caleçon. Et Stiles comprit. Emile cracha une fine volute de fumée et lui présenta le fruit de son excitation. Tétanisé, l'hyperactif ne réagit pas. Du moins, pas autrement qu'en écarquillant les yeux d'horreur. La chose pointait devant son visage, fière, érigée. L'origine de tant de cauchemars. Juste au-dessus, la lumière rougeoyante de la cigarette le nargua. Son souffle se coupa.

- Tu sais ce qu'il te reste à faire.

Un sourire narquois collé aux lèvres, il passa sa main libre derrière la tête de l'hyperactif dont le regard était complètement vide.

xxx

Scott souffla. En retard, Stiles était en retard ! Pourquoi cela ne l'étonnait-il pas ? Vingt et une heures dix. L'alpha voulait bien l'attendre, mais il y avait des limites. Par chance, les autres continuaient de prendre l'apéritif. Par acquis de conscience, il lui envoya un message montrant clairement le fond de sa pensée. Un rapide texto le sermonnant sur son manque de sérieux. Il n'aimait pas gronder son meilleur ami, mais parfois, la situation l'exigeait. Ils avaient un meurtre sur les bras et Stiles était un excellent enquêteur. Sitôt qu'ils lui parleraient de l'affaire, nul doute qu'il se plongerait à corps perdu dans les recherches dont il était le maître.

En attendant, il n'était pas là et ça ralentissait tout le monde. Alors, il alla rejoindre les autres. Prit un verre, discuta avec certains, surveilla la porte. Guetta l'arrivée de son meilleur ami. Passées cinq minutes de plus, il oublia carrément qu'il devait venir, simplement parce que Kira l'avait attiré dans un coin de la cuisine et l'embrassait de la plus belle des manières. Il ne fallait pas en vouloir à la jeune femme, qui n'était absolument pas au courant des pensées un tantinet virulents de son petit-ami envers l'hyperactif. Hyperactif qu'elle ne croisait d'ailleurs pas souvent et dont elle n'était pas proche. La brune aux beaux yeux en amande demandait juste un peu d'amour, elle qui n'en recevait pas tant que cela. Scott embrassait beaucoup, mais donnait peu. Il était du genre maladroit, à ne pas assez connaître ses partenaires pour savoir ce qu'elles désirent réellement. Alors, Kira, adorable qu'elle était, lui apprenait doucement à ne pas être égoïste. A penser à elle, à eux deux.

Mais Scott finit par se décoller brutalement d'elle pour une raison bien précise : la porte avait grincé. Il se précipita vers l'entrée et soupira en voyant Stiles, cheveux ébouriffés, débarquer. Il ne fit pas attention à son odeur, ignora la douleur dans son regard, mais préféra lui dire :

- Enfin ! Non mais tu sais pas respecter un horaire quand on te le donne ?

Le ton n'était pas élevé, juste un peu agacé. Stiles baissa rapidement la tête et balbutia un pauvre « pardon » que Scott accepta bien vite pour la simple et bonne raison qu'il n'avait aucune envie de se prendre la tête. A la place, il fit venir tout le monde en annonçant que la réunion pouvait commencer. Quelques regards curieux se posèrent sur Stiles, mais l'oublièrent bien vite parce que leur alpha débutait déjà l'étalage de l'affaire, énonçait la découverte de deux cadavres à côté desquels un chiffre avait été tracé avec leur sang. La première victime était flanquée d'un « un », la seconde d'un « deux ». A mesure que Scott parlementait, les gens s'installaient. Lydia, qui prit place à côté de Stiles qui s'était installé à un bout du canapé, lui demanda s'il allait bien. Il hocha rapidement la tête, sans ouvrir la bouche. Mieux valait pour lui qu'il ne parle pas. Qu'il se fasse oublier. Au cas-où, il tira ses manches autant que possible et oublia tant bien que mal la douleur lancinante qui ne le quittait pas. Ce n'était pas le moment d'attirer l'attention de qui que ce soit.

Et pourtant, il avait déjà celle de Derek qui l'observait depuis le seuil de la cuisine ouverte. Les bras croisés sur son torse, le loup avait senti ses sens s'éveiller à l'arrivée du jeune homme et s'il n'avait rien dit, s'il ne s'était pas rapproché, c'était tout d'abord pour analyser la situation. En tant que loup de naissance, il avait un bien meilleur odorat que ses amis mordus et percevait des choses qu'eux-mêmes ne sentaient sans doute pas. Il était vrai que les fragrances gênantes qu'il percevait étaient légères, comme maîtrisées. Et c'était bien ça le problème. Déjà, la discrétion et le silence de l'hyperactif étaient un indice clair quant au fait que quelque chose n'allait pas. Si Derek avait bien appris quelque chose ces dernières années, c'était qu'un Stiles silencieux n'était pas un Stiles au meilleur de sa forme. De sa vie, jamais il ne l'avait vu aussi timide, renfermé, isolé. Et puis le pire, c'était que cela semblait volontaire.

Mais le plus instructif à l'heure actuelle, c'était son odeur. Pour son odorat de né loup, c'était clair. Stiles avait le mérite de bien se cacher, mais il était incapable d'être complètement performant, pour la simple et bonne raison que tout être, humain ou surnaturel, avait ses faiblesses et ses limites. Le Hale était d'ailleurs certain que l'hyperactif commençait à atteindre les siennes. Derek fronça les sourcils. Percevait-il réellement de la souffrance dans son odeur ? C'était léger, comme si le jeune homme se réfrénait, mais c'était là. Du reste, il percevait également un soupçon de tristesse et de peur. Mais là aussi, c'était trop peu pour être naturel. Et puis son odeur mise à part, il fallait avouer que Stiles était un peu pâle. Il avait l'air étrangement timide et fermé, ses yeux se faisaient fuyants. Contrairement à ses habitudes, il ne triturait pas ses doigts. En fait, il était étonnamment calme, comme s'il avait peur d'attirer une quelconque attention sur sa personne. Derek ressentit l'étrange besoin d'en savoir plus. Depuis l'épisode de la forêt, il n'avait pas eu le temps ni l'occasion d'aller enquêter pour savoir ce qu'il se passait avec l'hyperactif, mais cela n'avait pas l'air de s'arranger, au contraire.

Alors forcément, lorsque Scott décida de faire une pause durant la réunion – comme il avait l'habitude d'en faire –, Stiles partit discrètement se perdre dans le couloir du rez-de-chaussée du loft de Derek. Essayer de paraître normal alors qu'il s'effondrait mentalement était une chose bien épuisante, si bien qu'il avait besoin de quelques minutes de pause. Et pour cela, hors de question de rester avec ses amis. Il n'était pas en état de répondre à quelque question que ce soit et il avait peur de se trahir si on lui demandait à nouveau comment il allait. Devant Lydia, il avait failli craquer et c'était pour cela qu'il avait répondu par un simple hochement de tête. Il ne fallait pas qu'on prenne de ses nouvelles, ni qu'on l'aborde. L'isolement dans une simple salle de bain lui irait très bien, surtout qu'il devait vérifier si tout allait bien. Sur son bras gauche, trois plaies le brûlaient. Trois plaies qu'il avait recouvertes de pansements. Oubliant complètement de fermer la porte, Stiles prit appui sur les bords du lavabo alors que son visage se décomposait de lui-même. Seul, l'hyperactif était incapable de faire semblant, ou alors… Peut-être était-il simplement épuisé de mentir, peut-être avait-il trop souffert avant la réunion pour garder une attitude correcte toute la soirée. Soirée qui se conclurait par un retour inévitable en enfer. La lèvre inférieure tremblante, il s'efforça de ne pas penser à ce qui s'était passé à son retour des cours. S'il craquait, alors qu'il faisait tout pour se contrôler, il serait impossible pour lui de revenir en arrière. Tout son jeu s'effondrerait – c'était un miracle qu'il tienne encore – et il s'humilierait seul. Pas une fois il lui vint l'idée de parler, de se confier sur ce qu'il vivait en ce moment, ni sur ce qui lui était arrivé sept ans plus tôt. Sept longues années de silence l'empêchaient de réfléchir correctement. Seul le fait de savoir qu'il allait craquer était un véritable problème qui pouvait, malencontreusement, l'amener à trahir son secret. Mais s'il ne craquait pas, ça irait. Il fallait qu'on le laisse seul.

Les mains tremblantes, il retroussa le plus doucement possible ses manches. Mais il grimaça. Ses bleus se reflétèrent dans le miroir, tout comme les trois pansements, qu'il décolla les uns après les autres en se retenant de gémir. Les trois brûlures de cigarettes apparurent au grand jour, petites plaies rondes provoquant chez lui une souffrance immense. Stiles recolla rapidement les pauvres rectangles couleur chair sur sa peau meurtrie. Il avait les larmes aux yeux. Ça n'allait pas. Les plaies n'avaient pas l'air de s'infecter et c'était tant mieux. Stiles ayant été mis en retard, il avait fait le minimum et n'avait pas eu le cœur ni la foi de mettre du désinfectant sur ces brûlures infernales. Si les plaies n'avaient pas une trop mauvaise allure pour l'instant, Stiles avait gravement ravivé la douleur, si bien que son souffle se coupa un instant. Il fallait qu'il respire, lentement et profondément. Il devait se calmer. Les pauses proposées par Scott ne duraient jamais plus qu'un quart d'heure. Et si ça continuait, Stiles se retrouverait à avoir besoin de bien plus de quinze minutes, ce qui ne l'arrangeait pas des masses. Les brûlures lui donnaient envie de pleurer et sa bouche souillée, de gerber ou de se la rincer à l'eau de javel. A vrai dire, il aurait aimé ne pas être ici, mais c'était bien mieux que d'être chez lui. Au moins, au loft, il était en sécurité durant quelques petites heures car après la réunion, suivait généralement un grand repas.

- C'est quoi ça ?

Stiles sursauta violemment et baissa brusquement ses manches en grimaçant. Déjà qu'il avait mal… On ne pouvait pas dire qu'il aidait à diminuer sa souffrance. Rapidement, il tourna la tête et aperçut le regard incisif de Derek, qui venait de refermer la porte derrière lui. La bouche de Stiles s'assécha alors qu'un vent de panique s'insinuait en lui. Merde. Tétanisé par sa terreur qui revenait en flèche, l'hyperactif ne répondit pas et baissa les yeux, comme un enfant pris en faute. Il savait qu'il serait incapable de débiter l'un de ses habituels mensonges. Il allait mal, bien trop mal pour mentir correctement. Derek prit délicatement son poignet entre ses doigts et le leva devant son visage pâle comme la mort.

- Stiles, c'est quoi ça ? Répéta le loup d'un air extrêmement concerné.

L'on voyait le bleu dépassant de la manche que l'hyperactif n'avait pas bien baissée. Il releva son regard larmoyant et empli de souffrance vers le loup. Il tenta faiblement et de manière pathétique de sourire.

- Rien… Rien qui… Intéresserait la meute, tenta-t-il lamentablement.

Son sourire rendait encore plus tangible cette tristesse immense couplée à cette douleur muette qu'il était incapable d'exprimer. Il allait craquer. Il était à deux doigts de craquer. Si Derek continuait… S'il ne le lâchait pas…

- Stiles, on ne parle pas de la meute, lâcha Derek en fronçant les sourcils. On parle de toi.

Il gardait son poignet doucement serré entre ses doigts et Stiles commença à voir flou. Était-ce à cause de ses larmes retenues, ou bien du surplus d'émotions qui émergeaient en lui ? A trop se contenir, l'on finissait par exploser. Stiles pria. Il fallait qu'il résiste encore un peu, même s'il était parfaitement conscient de l'image qu'il devait renvoyer à l'heure actuelle. Celle d'un ado perdu, les larmes aux yeux, qui s'acharnait à mentir – et mal, en plus – sur des violences qu'il subissait et contre lesquelles il ne pouvait rien. Alors, il émit mentalement le souhait que Derek s'impatiente et décide de le laisser avec ses émotions négatives, avec l'espoir qu'il ne parle à personne de ce dont il avait été témoin.

- J-je… C'est rien, ça va, je…

Doucement, Derek retroussa un peu plus la manche de l'hyperactif et son regard se durcit. Des bleus, il n'y en avait pas qu'un. Stiles se trouva alors pathétique. Pourquoi le laissait-il faire ? Au fond, il connaissait déjà la réponse. Il était à bout.

- Non, ça ne va pas, souffla le loup, en proie à une sidération et à une horreur certaines.

- L-lâche-moi, le supplia faiblement l'hyperactif.

Mais au lieu de l'écouter, les veines du loup devinrent noires, et le jais remonta jusqu'à sa joue. Son visage ne montra pas l'ombre d'une douleur, mais il la ressentit parfaitement. Simplement, il n'en fit pas l'étalage. Stiles sentit toute souffrance physique le quitter et une langueur l'envahir. La douleur s'en était allée, la fatigue que lui apportait le soin lupin le pénétra à une vitesse folle, si bien qu'il perdit l'équilibre et trébucha. Son visage rencontra rapidement le torse de Derek, qui entourait fermement sa taille d'un bras, son autre main tenant toujours son poignet bleui.

- Bordel, Derek… Souffla l'hyperactif, alors que sa souffrance mentale se manifestait soudainement avec force.

Ses jambes tremblaient. Il ne pourrait pas retourner seul au salon. De toute manière, ce n'était pas le moment.

Il s'était mis à pleurer, tout simplement parce que le geste de Derek l'avait fait craquer.