Chapitre 33 : The Love Boat

« Le verbe aimer est difficile à conjuguer : son passé n'est pas simple, son présent n'est qu'indicatif, et son futur est toujours conditionnel. »

Jean Cocteau

« AVRIL ! »

En gloussant de façon malicieuse, Alice disparut par la claire-voie avant, échappant de peu à un Swan Laurence très agacé. Il était incapable de la suivre par l'ouverture trop étroite pour lui.

Le rire insolent d'Avril résonna joyeusement depuis la cabine en contre-bas, alors qu'elle le chambrait.

« Viens me chercher, gros lourdaud ! »

Frustré, Laurence disparut de son champ de vision. Quelques secondes plus tard, sa large carrure d'ours mal léché s'encadrait dans l'étroit escalier, l'empêchant de s'échapper. En criant, elle se hissa précipitamment sur le pont par la même petite ouverture. Il n'attrapa que du vide et pressentit qu'il n'arriverait pas à la capturer. Le jeu du chat et de la souris, même dans une aussi petite surface qu'un voilier, pouvait durer un bon moment...

Furieux, il repointa la tête sur le pont et elle le dévisagea, goguenarde, prête à disparaître promptement au moindre de ses mouvements.

« Tu reconnais ta défaite, Laurence ? »

« Certainement pas ! Tu ne perds rien pour attendre, maudite rouquine ! »

Le rire résonna à nouveau, plein de défi.

« Je te préviens, si je t'attrape, tu vas rentrer à la nage, Avril ! »

« Peuh ! »

Swan secoua la tête de façon sardonique, un signe certain qu'il préparait un mauvais coup. Dans la seconde qui suivit, cependant, il inspira profondément et se reprit, puis se désintéressa complètement d'Avril. Il retourna calmement à sa place à la barre en ignorant sa Némésis et commença à régler la tension des voiles.

Déçue par son revirement, elle le regarda faire quelques instants, avant de le titiller à nouveau :

« Vexé, Laurence ? »

Il ne répondit pas et concentra son attention sur son cap et le Fort Montgomery à quelques encablures devant eux.

« Nous sommes désormais sur la rivière Richelieu. La frontière avec le Canada n'est plus très loin. »

La crise était passée. Avril laissa tomber à son tour et observa les deux rives luxuriantes qui tranchaient avec la vaste étendue d'eau qu'ils avaient connue ces derniers jours. Sur son île, le fort abandonné, envahi par la végétation, se dressait, sinistre et solitaire avec ses remparts massifs.

C'était prévisible, leur belle entente cordiale ne pouvait durer. Elle était bien à l'origine de l'incident qui avait causé la fureur de Laurence quelques minutes plus tôt, mais s'en était défendue, bec et ongles. Désormais, il était inutile d'envenimer les choses entre eux, elle avait bien ri à ses dépens, et à n'en pas douter, il trouverait un moyen de se venger plus tard.

« Cette vieille forteresse, on dirait un décor de film d'épouvante » lui fit-elle remarquer, songeuse.

« Je devrais t'y enfermer et te laisser moisir dans le cachot le plus humide, puis continuer ma route seul. »

Avec un sourire, Alice haussa les épaules. Elle continua d'observer la verdure environnante et d'apprécier ces petits moments de bonheur.

« Qu'est-ce que tu dirais qu'on s'installe ici et qu'on y vive comme des sauvages ? »

« D'amour et d'eau fraîche ? » Il eut un ricanement de dérision. « Ne compte pas sur moi pour boire tes paroles, tu vas finir par me saouler ! »

Sa réflexion la fit sourire et elle eut envie de chanter pour le faire se dérider.

« Hé, Laurence ? »

« Quoi, encore ? »

Elle lui adressa un clin d'œil, puis avec un grand sourire contagieux, commença à entonner les premières paroles d'une chanson connue sur une chorégraphie entraînante qu'elle improvisa :

« Tout autour de nous, les gens sont jaloux,

Ils m'reprochent surtout d'avoir pour toi des yeux trop doux,

Et de t'aimer follement, mon amour...

De t'aimer follement, nuit et jour... »

Laurence secoua la tête alors qu'elle se trémoussait exagérément pour attirer son attention. Alice prit le risque de le rejoindre tranquillement en mimant sa chanson avec des gestes :

« Ça n'est pas gentil mais ça m'est égal.

J'me moque de c'qu'on dit, car moi je trouve que c'est normal.

De t'aimer follement, mon amour...

De t'aimer follement, nuit et jour. »

Elle lui envoya un baiser en s'asseyant à ses côtés. Blasé, Laurence leva les yeux au ciel en soupirant.

« Je pense à chaque instant, que tout peut m'arriver.

Mais mon cœur ne peut changer, il sera toujours vraiment content,

de t'aimer follement, mon amour.

De t'aimer follement, nuit et jour.

Alice lui fit une œillade coquine, se releva soudain et lui prit la main pour l'entraîner.

Un jour si tu veux, on peut partir tous deux.

Partir en s'moquant de ceux qui enragent en nous voyant,

Nous aimer follement, mon amour,

Nous aimer follement, nuit et jour. »

Laurence refusait de se laisser faire, alors elle se jeta dans ses bras et le pressa contre elle.

« Ah, qu'la vie est douce, quand on est amoureuse !

Un rien me rend heureuse, le ciel est bleu, et tout me pousse,

A t'aimer follement, mon amour,

A t'aimer follement, nuit et jour. »

Imperturbable, il continuait à vouloir l'ignorer et à faire son indifférent. En désespoir de cause, Alice finit par déposer un baiser sur sa joue pour sceller la paix entre eux.

« Je t'aime » lui murmura t-elle simplement. « Est-ce que tu es heureux avec moi ? »

« Pas quand tu fais ton insupportable petit démon. »

« Mouais... Que tu dis ! »

« Tu es une plaie, Avril ! »

« Et toi, un furoncle ! »

« Tu as voué ton existence à m'emmerder ! »

Elle leva les yeux et sembla peser sa réponse.

« C'est vrai ! Je suis ton meilleur cauchemar, celui qui n'arrive qu'une fois dans une vie, avec son cortège de catastrophes, de loupés et d'imprévus qui pimentent l'existence, sans quoi il faut bien le reconnaître, on se ferait vraiment chier ! »

Laurence fit la grimace, signifiant clairement qu'il se passait très bien de toutes ces contrariétés.

« On n'a besoin de personne, tu sais ? On n'a qu'à disparaître et se construire un petit nid douillet par ici, loin de toute l'agitation qui nous entoure. Ces bois doivent regorger de gibier. Je chasserais, tu nous cuisinerais de bons petits plats... »

« Tu crois que j'ai envie de vivre chichement en la compagnie de ton sale caractère dans une cabane en rondins, perdue au milieu de nulle part ? On voit que tu ne sais pas à quoi ressemble un hiver canadien, à te peler les miches par moins vingt cinq degrés, sous deux mètres de neige pendant six mois de l'année ! »

« Bourgeois, va ! Aucun sens de l'aventure ! »

« Inconsciente ! »

« Tu n'es pas romantique pour un clou ! »

« Et toi, tu es totalement barrée ! »

Elle reprit ses déhanchements devant lui avec un grand sourire moqueur. Cette fois, Swan lui prit la main et esquissa quelques pas de slow rock avec elle. Elle suivit le mouvement, heureuse de tournoyer dans ses bras et poursuivit sa chanson :

« Mêm' quand tu n'es pas là, je pense encore à toi,

car je sais qu'tu reviendras, et personne au monde ne m'empêchera,

De t'aimer follement, mon amour,

Oui, de t'aimer follement, nuit et jour ! »

Ils terminèrent leurs pas de danse improvisés, puis Laurence la colla résolument contre le mât tout proche où il fit mine de l'embrasser, mais où il l'attacha finalement avec des bouts.

« Mais, qu'est-ce que... ? » Elle crut qu'il s'agissait encore de l'un de ses délires et se mit à rire en se laissant faire. « M'attacher, c'est ça qui t'excite, hein ? »

« Là. Il ne manque plus qu'un accessoire. »

Il trouva un bout de tissu et le lui attacha derrière la tête pour la bâillonner.

« Mmmmm mmmmm ?! »

« Enfin, la paix ! »

Satisfait, Swan se recula pour apprécier son travail. Comme Alice n'était que sommairement ficelée, elle réussit à tout enlever sans trop tirer sur les liens et à arracher son bâillon.

« Je rêve ou c'est de la maltraitance ?! »

« Auditive. Tu chantes comme une casserole. »

« Quoi !? C'est pas vrai ! J'ai chanté devant des publics qui ont chaudement applaudi mes prestations ! J'ai même enregistré un disque ! »

« Oui, alors, cette soupe musicale que tu appelles un disque n'était pas un gage de qualité, loin de là... La prochaine fois que tu te comportes comme une crécelle, je te laisse attacher toute la nuit au mât, comme le barde du village gaulois. »

Elle ouvrit la bouche, médusée.

« Tu me prends pour Assurancetourix ?! »

« Même tignasse désordonnée, et même moustache ! »

« Hein ? »

Laurence la dévisageait en souriant de façon méphistophélique. Alice sut immédiatement qu'il s'était vengé. Elle se débarrassa des dernières drisses et se précipita dans la cambuse en contrebas pour trouver un miroir.

Deux vilaines virgules lui barraient le visage, juste au dessus de ses lèvres, la faisant ressembler au bandit mexicain Pancho Villa. Elle frotta immédiatement, mais ça ne partait pas, même avec de l'eau et du savon ! Catastrophe, ça s'étalait même ! Quel produit avait-il donc utilisé ?

« LAURENCE ! »

Le ton paniqué d'Avril contenta le sadique en Laurence.

oooOOooo

Plus tard, le calme était revenu entre eux. Appuyés l'un contre l'autre, ils s'adonnaient à leur rituel du soir : observer le coucher du soleil et voir les premières étoiles illuminer la voûte céleste.

« Je n'étais jamais passée d'un ami à un amant, et encore moins, d'un amant à un soupirant. Tu sais quoi ? Je suis contente que tu endosses ces trois rôles à la fois. »

« Tant que tu ne m'en demandes pas plus. »

« Je ne suis pas folle au point de vouloir m'associer avec toi ! »

« Il ne manquerait plus que ça ! »

« Et toi, ça te plaît, cette évolution de nos rapports ? »

Il regarda au loin, vers l'horizon, sans rien dire. Alice s'était habituée à ses silences qui en disaient parfois plus longs que les mots.

« Je préfère tirer des bords, puis mettre les voiles. »

Sous l'œil ironique de Laurence, Alice secoua la tête, désabusée par sa énième provocation à double sens.

« Une femme dans chaque port, évidemment... Tu n'en as pas marre à la fin ? »

Comme il ne répondait pas et l'observait avec malice, alors elle prit un air rebelle :

« Moi, je préfère m'amarrer à une bite. »

« Mademoiselle Avril, comme vous y allez ! »

Ils éclatèrent de rire en se dévisageant affectueusement.

« Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, n'est-ce pas ? »

« Avec un manipulateur comme toi ? J'ai compris depuis longtemps qu'il ne fallait pas te faire confiance aveuglément. »

« Je n'aime jouer que selon mes propres règles, Avril. La normalité m'ennuie. »

« L'ennui ? Tu sais bien que ce mot n'existe pas dans mon vocabulaire ! »

Comme Laurence levait les sourcils de façon sarcastique, elle se moqua de lui à son tour :

« Oh, arrête ! Tu adores que je mette de l'imprévu dans ta vie ! »

« Ben, voyons, c'est une si saine habitude ! »

Elle avait simplement souri.

Il l'avait simplement serrée davantage contre lui.

oooOOOooo

Plus tard encore, Laurence fumait à la lueur de la lune avant d'aller se coucher, et elle était venue le rejoindre sur le pont.

« À quoi tu penses ? »

« Honnêtement ? » Il sourit. « Ton compte en banque à sept chiffres. »

Elle parut désarçonnée.

« Mon argent ? »

« Techniquement, ce n'est pas encore le tien. Tu n'en hériteras qu'au décès de ton père. »

Elle se mit à rire doucement.

« Ne te fais pas d'illusions, Laurence. L'avocat d'Arthur m'a déjà mise en garde contre les vampires de ton espèce. »

« Je suppose qu'il t'a conseillée de te marier sous le régime de la séparation des biens ? »

« Tu supposes correctement. Mais il n'y aura pas de discussion à ce sujet, je n'ai pas l'intention de me remarier. »

« Même avec moi ? »

« Surtout pas avec toi ! Tu es le dernier type sur Terre que je voudrais épouser ! »

Visiblement vexé, il ravala sa fierté et bougonna :

« De toute façon, j'apprécie trop ma liberté pour que tu me mettes la bague au doigt. »

Cette mauvaise foi... Avril le considéra avec malice, et encore une fois, se projeta dans un avenir possible.

« D'accord. Ce mariage durerait quoi ? Six mois ? Un an, tout au plus ? »

« Plus, je dois te prouver que je peux être un bon mari aimant et fidèle, histoire d'en profiter un peu tout de même, et faire en sorte que tu me couches sur ton testament. »

« Admettons que je sois assez stupide pour le faire, tu fais quoi ensuite ? Tu te débarrasses de moi rapidement, ni vu, ni connu ? Avec ton expérience en la matière, tu réalises le crime parfait sans être inquiété, et moi, je mange les pissenlits par la racine. »

« C'est joué d'avance, tu es fichue » ricana t-il.

« Tu es vraiment tordu, Laurence »

« C'est statistique ! Je n'y peux rien si ces dispositions légales encouragent les actes criminels. »

« Et si l'amour s'en mêle ? »

« Les hommes font toutes sortes de folie par amour, mais ne t'attends pas à ce que j'en fasse pour toi. »

« Statu quo, alors ? »

Il était resté longtemps silencieux, le visage grave. Alice n'avait pas insisté, de peur sans doute de sa réponse.

« Tout compte fait, je vais profiter de ma retraite » prononça t-il finalement dans le silence de la nuit, uniquement perturbé par le bruissement d'un gentil clapot. « Pourquoi ne pas faire le tour du monde en solitaire ? »

Elle ne put s'empêcher de rire.

« Toi, en retraite ? Je n'y crois pas une seconde ! »

« De fait, j'y suis. J'ai fait prévaloir mes droits en quittant la police. »

« Ce que je veux dire, c'est que tu es incapable de rester inactif. Et puis, tu détestes les vacances, c'est de l'esbroufe, ton tour du monde ! »

« Tu dis ça parce que tu as peur de me perdre. »

Alice sembla considérer cette perspective.

« Peur qu'il t'arrive quelque chose, plutôt. »

« Alice, j'ai toujours vécu dangereusement et tu me connais suffisamment : je ne suis pas une tête brûlée téméraire. Je prends des risques calculés. »

« La mer est imprévisible. Elle ne se contrôle pas. »

« Je sais. »

Pour la première fois, leurs silences furent remplis d'interrogations, et Alice préféra botter en touche, plutôt que de s'entendre dire qu'il préférait être libre comme l'air.

« Tu regrettes ton passage au F.B.I.? »

« Non, c'était enrichissant. »

Alice nota l'emploi du passé. Il avait donc accepté que la page se tourne. Pourtant, elle remarqua que son visage s'était assombri.

« Ils t'ont offert beaucoup, les Ricains ? »

« Plus en une année que ce que je n'aurais gagné en dix ans en tant que sombre fonctionnaire, mais je ne l'ai pas fait pour l'argent. »

« Je sais... Combien les médecins t'avaient donné de chance de t'en sortir ?

« Pour être honnête... très peu. »

Elle se rapprocha de lui, comme pour partager son fardeau et ils restèrent là à contempler le ciel étoilé sans rien dire.

« C'est étrange de pouvoir à nouveau me projeter dans l'avenir, surtout quand tu es à mes côtés. »

« Je te perturbe ? »

« Tu as toujours été un élément perturbateur, Avril. »

« C'est pour ça que tu m'adores ! »

« Oui, alors, c'est très récent ! Tu as encore beaucoup d'efforts à faire pour t'attirer mes bonnes grâces ! »

« Ah oui ? Comme quoi ? »

« Tu es toujours aussi collante quand tu aimes ? Parce que c'est le genre d'attention dont je me passe volontiers »

Elle avait simplement ri doucement.

« Que tu dis ! Ma bienveillance a eu raison de tes résistances. Tu ne peux pas me brocarder en permanence sans que ça se retourne contre toi à un moment ou à un autre. »

« Tu crois ça ? Si ça me dérangeait, j'aurais arrêté mon harcèlement et mon dénigrement depuis longtemps. »

« Avoue que j'ai tout fait pour te rendre minable. »

« Je n'ai rien à dire, Avril. »

Elle se moquait de le savoir au fond. Les faits avaient parlé en sa faveur.

« Swan ? »

Il tourna la tête et la trouva soudain grave.

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Elle ne pouvait plus reculer. Il était grand temps qu'elle ouvre son cœur et qu'elle partage aussi ce qu'elle avait tu si longtemps.

« Ton départ m'a fait prendre conscience de la place que tu occupais dans mon univers. Ce qu'il t'est arrivé depuis que je suis en Amérique, l'a mis encore plus douloureusement en avant. Je ne pouvais pas me permettre de te perdre en tant qu'ami d'abord, puis en tant que personne qui compte le plus dans ma vie. »

Il resta silencieux, il était prêt à entendre ce qu'elle avait à dire.

« J'ai tellement eu peur lorsque tu t'es retrouvé à l'hôpital, sans la certitude que tu puisses te réveiller. Jamais je ne me suis sentie aussi seule et impuissante. » Elle baissa la tête. « … Et coupable aussi. »

« Tu admets enfin que tu as ta part de responsabilité ? »

Elle baissa brièvement les yeux, reconnaissant implicitement son implication.

« À ce moment là, je me fichais totalement de ce qui pouvait m'arriver. Le seul truc qui revenait sans cesse dans ma tête, c'était comment j'allais trouver les mots pour annoncer ta mort à Marlène. »

« Pour une fois, tu as fait ce qu'il fallait » ricana t-il en dédramatisant. « Comme quoi, il ne faut jamais désespérer, ça finit par rentrer dans ta fichue tête de bois ! »

« J'avais pas le droit de me louper, tu as toujours été là pour moi. »

Le sourire disparut aussi vite qu'il était apparu, et Alice redevint maussade.

« Mais, ensuite, tu es vraiment mort sous mes yeux. C'était si brutal, si incompréhensible... »

Un grand frisson la parcourut. Incapable encore de faire face, elles se mordit la lèvre pour retenir l'émotion encore trop vive dans son esprit. Il la sentit sur le point de craquer et la prit dans ses bras, en lui donnant un baiser sur le front.

« Oh, seigneur ! J'ai cru que le monde entier était devenu fou ! Tout s'effondrait autour de moi... Je ne comprenais plus rien, j'étais complètement paumée ! »

Tremblante, elle ne put retenir un sanglot et il la serra davantage contre lui.

« Chut... Tout va bien. »

« Et quand tu es revenu, cette angoisse de ne pas savoir si j'allais te retrouver... J'avais tellement peur que cette créature t'ait tout pris, que tu ne sois plus toi-même ! »

Encore une fois, il lui sourit de façon moqueuse :

« Tu as eu peur de perdre ton sparring partner préféré ? L'odieux Laurence t'aurait manqué à ce point ? »

« Oh, arrête, c'est pas drôle... C'est encore trop frais. »

« Regarde-moi, Alice. Tu m'as empêché de sombrer. Comme le pitbull que tu es, tu n'as jamais lâché l'affaire et je t'en suis reconnaissant. C'était de la folie, mais ce connard n'avait aucune chance face à une telle détermination. »

Alice ne sut pas s'il parlait véritablement de la créature ou de lui, et elle n'avait pas vraiment envie de creuser la question.

« On a encore du chemin à parcourir pour aller mieux tous les deux, hein ? » demanda t-elle d'une petite voix.

Swan se contenta de lui donner un baiser sur la tempe en guise de réconfort et elle se rassura en prenant de nouvelles résolutions. Ils étaient forts, courageux, unis. Rien ne leur résisterait.

On s'est trouvé, c'est tout ce qui compte désormais.

Ils restèrent enlacés encore un moment en silence avant de rejoindre leur couchette. Plus tard, après qu'ils aient fait l'amour, la conversation sur le futur de Laurence était revenue sur le tapis.

« Et si tu devenais détective privé ? »

« Pour espionner à longueur de journée des hommes mariés qui trompent leurs bonnes femmes, ou inversement ? Merci bien ! J'ai rêvé mieux comme reconversion ! »

« Mais non ! Comme Sherlock Holmes ou Hercule Poirot, comme consultant de luxe dans des enquêtes insolubles sur lesquelles les flics se cassent les dents ! »

« J'ai passé ma vie à me faire des ennemis là où je passais. Tu vois les flics venir me supplier de les aider ? »

« Ta réputation d'enquêteur hors pair te précédera. Ils remballeront leur fierté et viendront te trouver, comme les américains sont venus vers toi ! »

Il fit la moue, clairement pas convaincu.

« Qu'est-ce que tu veux faire d'autres ? »

« Ce n'est pas tant ce que je veux, que ce que je peux, Alice. » Il soupira. « Avant de choisir les États-Unis, j'avais reçu une proposition intéressante au sein de l'O.T.A.N., mais je doute qu'elle soit encore d'actualité. »

« L'OTAN ? Les militaires ? Mais tu y aurais fait quoi ? »

« Officier de liaison, chargé de questions de sécurité. J'aurais toujours été en déplacement, entre Paris, Londres, Rome et Berlin. »

« Un militaire ? ça explique ton balai dans l'cul ! »

Il se contenta de sourire de façon énigmatique.

« Si ça se faisait, je pourrais t'accompagner ? »

« Alice... »

« Je sais. Pas la peine de faire des plans sur la comète ! »

« On se sort de cette situation, on rentre en France et après, on avisera, ok ? »

Alice posa la tête sur son épaule.

« La prochaine étape, c'est quoi ? »

« Rejoindre Saint-Jean demain après-midi. De là, nous pourrons retrouver l'envoyé de Gennaro. Il nous attend dans un parc à côté de la congrégation de Sainte-Thérèse. Il faut qu'on y soit demain soir. »

« Et ensuite ? »

« Cette personne va nous emmener à Montréal. »

Elle resta silencieuse quelques secondes, avant de lâcher ce qui la tracassait.

« Tu crois que Spender est toujours sur nos traces ? »

« Il a probablement compris qu'on avait rejoint le lac et pris un bateau. Heureusement que la saison touristique a commencé, ça lui complique la tâche, mais nous serons exposés à Saint-Jean. Il faudra tout faire pour qu'on passe inaperçus. »

Demain soir... Ainsi, ils vivaient leurs dernières soirées ensemble sans contraintes, ni jugements. Probablement que plus rien ne serait pareil ensuite. Alice ne voulait pas s'attarder sur cette perspective.

« Promets-moi... »

« Quoi ? »

« Non. Rien... »

Alice ne pouvait pas lui demander de s'engager, c'était trop tôt et à double tranchant. Pour chasser ses sombres pensées, elle resserra son étreinte sur son homme et il la lui rendit en comprenant une humeur qu'il partageait.

« Il nous reste une nuit, Swan. Aime-moi encore. »

Comme un bon petit soldat obéissant, il s'exécuta.

A suivre...

La première partie du chapitre est un clin d'œil au dernier épisode de la saison 2 sous forme de comédie musicale. La chanson d'Alice, « T'aimer follement », se prêtait tout à fait à un intermède musical. Elle a été chantée par Dalida et Johnny Halliday en 1961. Vous connaissez bien la musique, vous l'aurez vite en tête ! Ne me remerciez pas !

La seconde est plus axée sur leurs instants de bonheur fugitifs et cette ouverture nouvelle où chacun tâte le terrain. La peur de l'inconnu les retient. Ils aimeraient bien, mais restent prudents, pour ne rien brusquer. L'équilibre demeure fragile, et ils en sont pleinement conscients.

Retour de l'action au prochain chapitre.