PASSE D'ARMES
Le Centre ainsi que les personnages de Jarod, Miss Parker, Sydney... sont la propriété des producteurs du Caméléon. Le reste est à moi. Merci de ne pas archiver et de ne pas emprunter les personnages "originaux" sans mon autorisation.
L'histoire se déroule durant la saison 2, entre Gigolo et Cadeau Surprise.
Bonne lecture :-)
* * * * * * * * * * * * * * * *
CHAPITRE 5
Il s'introduisit dans l'ordinateur central de l'Institut médico-légal, rechercha le rapport du médecin légiste qui avait procédé à l'autopsie de Maxine Ambruster et l'imprima.
Il voulait voir Carter Hartford hors de l'académie, et le jeune homme lui avait suggéré la cafétéria de l'école de médecine. Il se retrouva donc assis à une table au milieu du brouhaha des étudiants stressés par la perspective de prochains partiels, mémoires à soutenir et stages en service. Il prit un café et attendit que Carter sorte de son cours, observant avec ravissement l'agitation autour de lui. Il pouvait être médecin, si l'envie lui en prenait, mais il n'avait jamais étudié dans une école pour cela.
"Jarod?" Une main se posa sur son épaule. "Vous étiez sacrément dans les nuages, lui dit Carter, ça fait trois fois que je vous appelle." Il laissa tomber une pile de bouquins et une tasse de café et s'installa en face de lui.
"Désolé, je ne vous ai pas entendu arriver.
- Aucune importance. Ca avait l'air sérieux, au téléphone.
- C'est à propos de Maxine."
Il sortit de la poche intérieure de sa veste le rapport du médecin légiste plié en quatre, ouvrit les feuilles, les donna à Carter. Il y avait eu dans le lot des photographies, qu'il avait pris le temps de soustraire du dossier par égard pour le jeune homme.
"Comment est-ce que vous vous êtes procuré ça? demanda Carter.
- Est-ce que c'est vraiment important? Regardez la page trois. Le rapport dit que Max souffrait d'une petite malformation cardiaque. Elle était au courant?
- Non, et moi non plus avant que le légiste nous le signale. Contrairement à ce que les médecins veulent faire croire, la médecine n'est pas une science exacte." Il haussa les épaules. "Vous savez, ce n'est certainement pas ce genre d'information qui l'aurait convaincue de laisser tomber l'escrime.
- Elle n'aurait eu aucune raison d'abandonner. Le rapport affirme que la malformation n'était en aucun cas susceptible d'entraîner la mort. J'ai vérifié auprès d'un spécialiste, précisa-t-il. Ce qui est plus inquiétant, c'est que son hématocrite était supérieure de près de 25% à la moyenne.
- Le volume de globules rouges dans le sang diffère fortement selon les individus. Mais j'ai l'impression que je ne vous apprends rien, ajouta-t-il en étudiant Jarod. Qu'est-ce que vous êtes en réalité? Un moniteur d'escrime ou bien un prof de physiologie?
- Seulement quelqu'un qui veut vous aider. Connaissez-vous l'erythropoïétine?"
Carter laissa échapper un rire dépourvu de joie.
"Je vous en prie! Je voulais me spécialiser en médecine sportive, alors oui, je connais. Et je commence aussi à voir où vous voulez en venir et je n'aime pas beaucoup ça."
Il réunit ses livres et commença à se lever; il était en colère. Jarod le saisit par le bras.
"Attendez. Vous m'avez dit vous-même que l'escrime était ce qu'il y avait de plus important pour Maxine. Et sa sœur a reconnu qu'elle avait un esprit de compétition développé.
- Elle visait une sélection dans l'équipe nationale pour les Jeux Olympiques. Bien sûr qu'elle avait l'esprit de compétition!" Il regarda autour de lui, soudain gêné par le chahut habituellement rassurant et familier. "Venez."
* * * * * * * * * * * * * * * * * *
Ils se retrouvèrent à l'extérieur, dans le parc que même les étudiants les plus courageux fuyaient encore.
"Vous n'avez pas compris qui était Maxine, dit Carter. Elle était intelligente, elle était jolie, elle avait de l'humour, de l'esprit, elle était gentille et absolument adorable, et Dieu sait que je l'aimais plus que tout au monde, mais elle avait un ego de la taille de l'Empire State Building. Bon sang, Jarod, à côté d'elle, Henry Kissinger aurait pu passer pour un parangon de modestie.
- Elle avait trop d'orgueil pour recourir à ce genre de pratique, conclut-il. Elle préférait être battue que gagner de façon malhonnête.
- Elle voulait être la meilleure - être vraiment la meilleure, ce qui signifiait qu'elle n'aurait pas touché à ces saletés pour tout l'or du monde. Si elle savait que son adversaire n'était pas clean, ce qui arrive en escrime aussi bien que dans n'importe quel autre sport, ça ne faisait que renforcer sa détermination." Il eut un petit sourire. "Ca n'a rien à voir avec de l'honnêteté, ne vous méprenez pas. Max était orgueilleuse, c'était le pire de ses défauts."
Jarod pensa aux photographies et aux vidéos de la jeune femme et, peut-être à cause de sa ressemblance avec Parker, il n'eut aucune peine à croire que Carter était sincère.
"Oh, fit le jeune homme en consultant sa montre, il faut que je me dépêche. Je donne des cours de maths à Emma et je vais être en retard.
- Elle a des difficultés scolaires?
- Des difficultés scolaires?" L'idée parut beaucoup l'amuser. "Pas le moins du monde. Mais elle s'est mis en tête de préparer l'école de médecine, alors elle prend de l'avance. Le moins que je puisse faire, c'est de l'aider. C'est assez curieux comme relation, reconnut-il. Ca nous permet d'évoquer la mémoire de Max, mais sans jamais en parler." Il accéléra le pas, ses livres serrés sous le bras. "Vous savez, je crois qu'elle a le béguin pour vous.
- Emma?"
Il hocha la tête.
"J'ai dîné chez les Ambruster avant-hier soir, elle n'en avait que pour vous. La plupart des parents seraient un peu inquiets, mais dans la situation actuelle, Dick et Ann seraient plutôt prêts à vous élever une statue. Vous êtes la première chose ou personne depuis le décès de Max qui parvient à susciter un tel intérêt de sa part."
Ils arrivaient sur le parking des étudiants. Carter fit passer ses bouquins d'un bras sur l'autre.
"Ne lui dites rien, surtout. Elle serait affreusement embarrassée et en plus, elle m'arracherait les yeux pour avoir craché le morceau."
* * * * * * * * * * * * * * * * * *
Mlle Parker écouta la cassette une première fois. Puis elle avala une dose de pansement gastrique - son ulcère semblait vouloir se rappeler à elle - rembobina la bande et la repassa, les lèvres pincées. Sans retirer le petit écouteur de son oreille, elle appuya sur une touche de son téléphone pour ordonner que l'on envoie Sydney dans son bureau. Tout de suite.
Il se présenta quinze minutes plus tard, un peu surpris par la convocation, mais calme et détendu. Elle devait au moins lui reconnaître cela: eût-elle fait venir de la sorte n'importe qui d'autre, il serait arrivé dans ses petits souliers.
"Que se passe-t-il? lui demanda-t-il. Ca avait l'air urgent.
- Nous n'avons pas entendu parler de Jarod depuis un petit moment. Vous me le signaleriez, s'il vous contactait, n'est-ce pas?
- Vous savez que vous pouvez compter sur moi pour vous faire part de tout ce que j'apprendrais concernant le Centre, et votre mère, Mlle Parker."
Elle lui fit signe de s'asseoir et mit le dictaphone en marche.
"Pourquoi s'obstine-t-on à suivre des chemins qui nous font souffrir?"
La voix de Jarod résonna dans le bureau, semblant emplir tout l'espace. Parker posa les yeux sur le visage du psychiatre et ne cilla plus. Sydney resta impassible, un bloc de marbre.
"Tu veux parler de Mlle Parker? Elle est malheureuse et en colère après toi, mais tu ne peux rien faire contre cela.
- Je pourrais rentrer.
- Je ne crois pas que cela modifierait la situation. Ce qu'elle veut en réalité, ce sont des réponses. Tu ne songes pas à rentrer, n'est-ce pas?
- Désolé, Sydney, je ne voulais pas vous donner de faux espoirs." Jarod marqua une brève pause. "Je voulais parler de Mlle Parker, et de toutes les Mlle Parker que les circonstances s'entêtent à créer."
Parker interrompit le défilement de la bande d'un geste sec du pouce, jugeant inutile d'entendre de nouveau l'intégralité de l'échange en compagnie d'un des interlocuteurs, et elle brandit le petit magnétophone. L'expression du psychiatre s'était figée, son regard durci.
"Vous faites surveiller ma ligne téléphonique?" demanda-t-il avec une sécheresse qui lui était inhabituelle.
Elle se pencha en travers du bureau, le dictaphone posé entre eux.
"Ne renversez pas les rôles, c'est vous qui êtes en tort, Sydney. Cela étant dit, vous avez eu de la chance. Vous devrez remercier Broots d'avoir remarqué que votre poste était sur écoute sans quoi, à l'heure actuelle, ce touchant dialogue se trouverait entre les mains de Raines."
Sydney se détendit légèrement.
"Je n'ai rien à me reprocher. Je vous ai dit que vous pouviez compter sur moi pour vous transmettre toutes les informations concernant le Centre et votre mère. Cette conversation avec Jarod ne contient rien de tel, il s'agissait d'un entretien privé.
- Privé? siffla-t-elle. Rien de ce qui concerne Jarod n'est de l'ordre du privé.
- Vraiment, Mlle Parker?"
L'expression et le ton du psychiatre étaient tels qu'elle se demanda ce qu'il savait. La pensée que Jarod avait parlé à son mentor de chaque cadeau - absolument de chaque cadeau - qu'il lui avait fait parvenir l'effleura, et elle la repoussa avec force, comme si le simple fait de nier l'idée permettait d'annuler les faits.
"Retournez donc à vos expériences, et n'oubliez pas de passer remercier Broots."
Elle le regarda et attendit. Il avait envie de lui demander la bande, mais elle savait qu'il n'en ferait rien. Il finit par se lever et il sortit du bureau d'un pas un peu raide.
Elle recala la cassette, baissa le son et colla le haut-parleur contre son oreille.
"S'il existe un sentiment ambigu, c'est bien la haine."
"S'il existe un sentiment ambigu, c'est bien la haine."
"S'il existe un sentiment ambigu..."
* * * * * * * * * * * * * * * * * *
Jarod retourna à l'académie après la fermeture, alors qu'il n'y avait plus personne, et il s'introduisit dans la salle de soins, forçant en douceur verrous et cadenas, pour vérifier les armoires et le bureau du docteur Fuller. Carter affirmait que Maxine ne s'était pas dopée, et il était enclin à le croire. Cela ne signifiait pas, cependant, que la jeune femme n'avait pas pris certaines substances à son insu.
* * * * * * * * * * * * * * * * * *
Parker regarda les petits chiffres vert fluorescent de son réveil passer de 3 heures 16 à 3 heures 17, bien partie pour ne pas fermer l'œil de la nuit. Les informations se bousculaient, se chassant les unes les autres: Jarod, Sydney, Brigitte, Alexander, Raines...
Avoir fait une scène à Sydney - car il s'agissait bien de cela - avait été absurde, pire, ridicule. L'idée que les deux hommes aient parlé d'elle, et plus encore la teneur de leurs propos, l'avait mise dans une colère froide. Elle avait perçu une sorte, non pas de pitié mais de compassion à son endroit de la part de Sydney et de son rat de laboratoire. Elle n'avait que faire de leur compassion, elle n'en voulait pas; le fait était qu'elle n'en avait pas besoin. Elle n'avait besoin de personne, elle l'avait décidé lorsqu'on lui avait volé sa mère.
S'il existe un sentiment ambigu, c'est bien la haine.
La phrase de Jarod revenait comme un leitmotiv. Lorsqu'elle lui mettrait la main dessus, elle lui démontrerait que la haine n'avait rien d'ambigu.
La sonnerie du téléphone troubla soudain le silence et, exactement comme si elle avait été une de ces péronnelles attendant que le capitaine de l'équipe de foot l'appelle, elle sut que c'était lui. Tout comme les péronnelles en question, elle laissa passer deux sonneries avant de décrocher, se refusant à lui laisser savoir qu'elle ne pouvait pas dormir.
"J'en déduis que tu te trouves à l'heure de l'Ouest, lança-t-elle dans le combiné.
- Ou bien, tout comme toi, j'ai des insomnies."
Elle alluma la lumière, chercha ses cigarettes. Elle avait le sentiment qu'elle allait en avoir besoin.
"Pourquoi penses-tu que c'est le cas?
- Tu parais presque soulagée que quelqu'un vienne troubler ta solitude nocturne." Il se retourna sur son lit. "J'ai besoin d'un conseil, lui dit-il.
- Rentre à la maison et je t'écrirai un livre entier de conseils.
- J'ai fait la connaissance d'une personne qui..."
Elle ne le laissa pas finir. "Une de ces Mlle Parker que les circonstances s'entêtent à créer?" demanda-t-elle. Elle alluma sa cigarette et tira voluptueusement une bouffée. Posséder un ascendant, même aussi mince sur lui était plaisant. A petit pouvoir, petite satisfaction, mais satisfaction malgré tout.
"Tu as entendu ma conversation avec Sydney, devina-t-il.
- C'était moi ou Raines, et il valait sans doute mieux pour le docteur Frankenstein que ce soit moi. Sydney et toi vous entendez si bien, ajouta-t-elle. Pourquoi ne lui demandes-tu pas conseil?
- Il n'a jamais été une jeune fille de seize ans."
Parker posa la tête contre son oreiller, ferma les yeux, contente que Jarod ne puisse pas la voir. Elle n'était pas certaine d'avoir été un jour une jeune fille de seize ans, pas en ce sens en tout cas, et le coup faisait d'autant plus mal qu'il était involontaire. Nécessairement involontaire. Jarod était une plaie mais - peu importait combien l'admettre lui répugnait - il ne l'aurait jamais blessée volontairement pour le simple plaisir de lui faire du mal.
"Elle est comme toi." La voix de Jarod était singulièrement douce et proche, comme s'il s'était rendu compte trop tard de ce qu'il avait dit, de la peine qu'il lui avait causée. Sans doute était-ce le cas. "On lui a volé quelqu'un qu'elle aimait et elle se barricade derrière un mur, exactement comme tu l'as fait après la mort de ta mère.
- Si tu es la seule personne qui parvient à se faufiler à travers ce mur, répliqua-t-elle, les dents serrées, peut-être vaut-il mieux pour elle qu'elle le consolide.
- Il n'y a eu personne pour t'aider, mais elle...
- Je ne voulais pas d'aide," l'interrompit-elle. Elle se demanda s'il avait jamais su que Sydney lui avait dit qu'il serait là pour elle si elle en avait besoin. "Je n'en veux toujours pas." Elle écrasa sa cigarette dans un cendrier, un tout petit peu trop vigoureusement. "Elle doit trouver quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose de personnel, de constructif." De préférence, songea-t-elle, pas l'obsession de retrouver les coupables et de les punir. C'était insuffisant, insatisfaisant, douloureux. "Et, Jarod..." Elle regarda la photo maquillée qu'elle avait ramené du Centre, simplement parce qu'elle ne pouvait l'y laisser. "... va au diable."
Le Centre ainsi que les personnages de Jarod, Miss Parker, Sydney... sont la propriété des producteurs du Caméléon. Le reste est à moi. Merci de ne pas archiver et de ne pas emprunter les personnages "originaux" sans mon autorisation.
L'histoire se déroule durant la saison 2, entre Gigolo et Cadeau Surprise.
Bonne lecture :-)
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CHAPITRE 5
Il s'introduisit dans l'ordinateur central de l'Institut médico-légal, rechercha le rapport du médecin légiste qui avait procédé à l'autopsie de Maxine Ambruster et l'imprima.
Il voulait voir Carter Hartford hors de l'académie, et le jeune homme lui avait suggéré la cafétéria de l'école de médecine. Il se retrouva donc assis à une table au milieu du brouhaha des étudiants stressés par la perspective de prochains partiels, mémoires à soutenir et stages en service. Il prit un café et attendit que Carter sorte de son cours, observant avec ravissement l'agitation autour de lui. Il pouvait être médecin, si l'envie lui en prenait, mais il n'avait jamais étudié dans une école pour cela.
"Jarod?" Une main se posa sur son épaule. "Vous étiez sacrément dans les nuages, lui dit Carter, ça fait trois fois que je vous appelle." Il laissa tomber une pile de bouquins et une tasse de café et s'installa en face de lui.
"Désolé, je ne vous ai pas entendu arriver.
- Aucune importance. Ca avait l'air sérieux, au téléphone.
- C'est à propos de Maxine."
Il sortit de la poche intérieure de sa veste le rapport du médecin légiste plié en quatre, ouvrit les feuilles, les donna à Carter. Il y avait eu dans le lot des photographies, qu'il avait pris le temps de soustraire du dossier par égard pour le jeune homme.
"Comment est-ce que vous vous êtes procuré ça? demanda Carter.
- Est-ce que c'est vraiment important? Regardez la page trois. Le rapport dit que Max souffrait d'une petite malformation cardiaque. Elle était au courant?
- Non, et moi non plus avant que le légiste nous le signale. Contrairement à ce que les médecins veulent faire croire, la médecine n'est pas une science exacte." Il haussa les épaules. "Vous savez, ce n'est certainement pas ce genre d'information qui l'aurait convaincue de laisser tomber l'escrime.
- Elle n'aurait eu aucune raison d'abandonner. Le rapport affirme que la malformation n'était en aucun cas susceptible d'entraîner la mort. J'ai vérifié auprès d'un spécialiste, précisa-t-il. Ce qui est plus inquiétant, c'est que son hématocrite était supérieure de près de 25% à la moyenne.
- Le volume de globules rouges dans le sang diffère fortement selon les individus. Mais j'ai l'impression que je ne vous apprends rien, ajouta-t-il en étudiant Jarod. Qu'est-ce que vous êtes en réalité? Un moniteur d'escrime ou bien un prof de physiologie?
- Seulement quelqu'un qui veut vous aider. Connaissez-vous l'erythropoïétine?"
Carter laissa échapper un rire dépourvu de joie.
"Je vous en prie! Je voulais me spécialiser en médecine sportive, alors oui, je connais. Et je commence aussi à voir où vous voulez en venir et je n'aime pas beaucoup ça."
Il réunit ses livres et commença à se lever; il était en colère. Jarod le saisit par le bras.
"Attendez. Vous m'avez dit vous-même que l'escrime était ce qu'il y avait de plus important pour Maxine. Et sa sœur a reconnu qu'elle avait un esprit de compétition développé.
- Elle visait une sélection dans l'équipe nationale pour les Jeux Olympiques. Bien sûr qu'elle avait l'esprit de compétition!" Il regarda autour de lui, soudain gêné par le chahut habituellement rassurant et familier. "Venez."
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Ils se retrouvèrent à l'extérieur, dans le parc que même les étudiants les plus courageux fuyaient encore.
"Vous n'avez pas compris qui était Maxine, dit Carter. Elle était intelligente, elle était jolie, elle avait de l'humour, de l'esprit, elle était gentille et absolument adorable, et Dieu sait que je l'aimais plus que tout au monde, mais elle avait un ego de la taille de l'Empire State Building. Bon sang, Jarod, à côté d'elle, Henry Kissinger aurait pu passer pour un parangon de modestie.
- Elle avait trop d'orgueil pour recourir à ce genre de pratique, conclut-il. Elle préférait être battue que gagner de façon malhonnête.
- Elle voulait être la meilleure - être vraiment la meilleure, ce qui signifiait qu'elle n'aurait pas touché à ces saletés pour tout l'or du monde. Si elle savait que son adversaire n'était pas clean, ce qui arrive en escrime aussi bien que dans n'importe quel autre sport, ça ne faisait que renforcer sa détermination." Il eut un petit sourire. "Ca n'a rien à voir avec de l'honnêteté, ne vous méprenez pas. Max était orgueilleuse, c'était le pire de ses défauts."
Jarod pensa aux photographies et aux vidéos de la jeune femme et, peut-être à cause de sa ressemblance avec Parker, il n'eut aucune peine à croire que Carter était sincère.
"Oh, fit le jeune homme en consultant sa montre, il faut que je me dépêche. Je donne des cours de maths à Emma et je vais être en retard.
- Elle a des difficultés scolaires?
- Des difficultés scolaires?" L'idée parut beaucoup l'amuser. "Pas le moins du monde. Mais elle s'est mis en tête de préparer l'école de médecine, alors elle prend de l'avance. Le moins que je puisse faire, c'est de l'aider. C'est assez curieux comme relation, reconnut-il. Ca nous permet d'évoquer la mémoire de Max, mais sans jamais en parler." Il accéléra le pas, ses livres serrés sous le bras. "Vous savez, je crois qu'elle a le béguin pour vous.
- Emma?"
Il hocha la tête.
"J'ai dîné chez les Ambruster avant-hier soir, elle n'en avait que pour vous. La plupart des parents seraient un peu inquiets, mais dans la situation actuelle, Dick et Ann seraient plutôt prêts à vous élever une statue. Vous êtes la première chose ou personne depuis le décès de Max qui parvient à susciter un tel intérêt de sa part."
Ils arrivaient sur le parking des étudiants. Carter fit passer ses bouquins d'un bras sur l'autre.
"Ne lui dites rien, surtout. Elle serait affreusement embarrassée et en plus, elle m'arracherait les yeux pour avoir craché le morceau."
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Mlle Parker écouta la cassette une première fois. Puis elle avala une dose de pansement gastrique - son ulcère semblait vouloir se rappeler à elle - rembobina la bande et la repassa, les lèvres pincées. Sans retirer le petit écouteur de son oreille, elle appuya sur une touche de son téléphone pour ordonner que l'on envoie Sydney dans son bureau. Tout de suite.
Il se présenta quinze minutes plus tard, un peu surpris par la convocation, mais calme et détendu. Elle devait au moins lui reconnaître cela: eût-elle fait venir de la sorte n'importe qui d'autre, il serait arrivé dans ses petits souliers.
"Que se passe-t-il? lui demanda-t-il. Ca avait l'air urgent.
- Nous n'avons pas entendu parler de Jarod depuis un petit moment. Vous me le signaleriez, s'il vous contactait, n'est-ce pas?
- Vous savez que vous pouvez compter sur moi pour vous faire part de tout ce que j'apprendrais concernant le Centre, et votre mère, Mlle Parker."
Elle lui fit signe de s'asseoir et mit le dictaphone en marche.
"Pourquoi s'obstine-t-on à suivre des chemins qui nous font souffrir?"
La voix de Jarod résonna dans le bureau, semblant emplir tout l'espace. Parker posa les yeux sur le visage du psychiatre et ne cilla plus. Sydney resta impassible, un bloc de marbre.
"Tu veux parler de Mlle Parker? Elle est malheureuse et en colère après toi, mais tu ne peux rien faire contre cela.
- Je pourrais rentrer.
- Je ne crois pas que cela modifierait la situation. Ce qu'elle veut en réalité, ce sont des réponses. Tu ne songes pas à rentrer, n'est-ce pas?
- Désolé, Sydney, je ne voulais pas vous donner de faux espoirs." Jarod marqua une brève pause. "Je voulais parler de Mlle Parker, et de toutes les Mlle Parker que les circonstances s'entêtent à créer."
Parker interrompit le défilement de la bande d'un geste sec du pouce, jugeant inutile d'entendre de nouveau l'intégralité de l'échange en compagnie d'un des interlocuteurs, et elle brandit le petit magnétophone. L'expression du psychiatre s'était figée, son regard durci.
"Vous faites surveiller ma ligne téléphonique?" demanda-t-il avec une sécheresse qui lui était inhabituelle.
Elle se pencha en travers du bureau, le dictaphone posé entre eux.
"Ne renversez pas les rôles, c'est vous qui êtes en tort, Sydney. Cela étant dit, vous avez eu de la chance. Vous devrez remercier Broots d'avoir remarqué que votre poste était sur écoute sans quoi, à l'heure actuelle, ce touchant dialogue se trouverait entre les mains de Raines."
Sydney se détendit légèrement.
"Je n'ai rien à me reprocher. Je vous ai dit que vous pouviez compter sur moi pour vous transmettre toutes les informations concernant le Centre et votre mère. Cette conversation avec Jarod ne contient rien de tel, il s'agissait d'un entretien privé.
- Privé? siffla-t-elle. Rien de ce qui concerne Jarod n'est de l'ordre du privé.
- Vraiment, Mlle Parker?"
L'expression et le ton du psychiatre étaient tels qu'elle se demanda ce qu'il savait. La pensée que Jarod avait parlé à son mentor de chaque cadeau - absolument de chaque cadeau - qu'il lui avait fait parvenir l'effleura, et elle la repoussa avec force, comme si le simple fait de nier l'idée permettait d'annuler les faits.
"Retournez donc à vos expériences, et n'oubliez pas de passer remercier Broots."
Elle le regarda et attendit. Il avait envie de lui demander la bande, mais elle savait qu'il n'en ferait rien. Il finit par se lever et il sortit du bureau d'un pas un peu raide.
Elle recala la cassette, baissa le son et colla le haut-parleur contre son oreille.
"S'il existe un sentiment ambigu, c'est bien la haine."
"S'il existe un sentiment ambigu, c'est bien la haine."
"S'il existe un sentiment ambigu..."
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Jarod retourna à l'académie après la fermeture, alors qu'il n'y avait plus personne, et il s'introduisit dans la salle de soins, forçant en douceur verrous et cadenas, pour vérifier les armoires et le bureau du docteur Fuller. Carter affirmait que Maxine ne s'était pas dopée, et il était enclin à le croire. Cela ne signifiait pas, cependant, que la jeune femme n'avait pas pris certaines substances à son insu.
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Parker regarda les petits chiffres vert fluorescent de son réveil passer de 3 heures 16 à 3 heures 17, bien partie pour ne pas fermer l'œil de la nuit. Les informations se bousculaient, se chassant les unes les autres: Jarod, Sydney, Brigitte, Alexander, Raines...
Avoir fait une scène à Sydney - car il s'agissait bien de cela - avait été absurde, pire, ridicule. L'idée que les deux hommes aient parlé d'elle, et plus encore la teneur de leurs propos, l'avait mise dans une colère froide. Elle avait perçu une sorte, non pas de pitié mais de compassion à son endroit de la part de Sydney et de son rat de laboratoire. Elle n'avait que faire de leur compassion, elle n'en voulait pas; le fait était qu'elle n'en avait pas besoin. Elle n'avait besoin de personne, elle l'avait décidé lorsqu'on lui avait volé sa mère.
S'il existe un sentiment ambigu, c'est bien la haine.
La phrase de Jarod revenait comme un leitmotiv. Lorsqu'elle lui mettrait la main dessus, elle lui démontrerait que la haine n'avait rien d'ambigu.
La sonnerie du téléphone troubla soudain le silence et, exactement comme si elle avait été une de ces péronnelles attendant que le capitaine de l'équipe de foot l'appelle, elle sut que c'était lui. Tout comme les péronnelles en question, elle laissa passer deux sonneries avant de décrocher, se refusant à lui laisser savoir qu'elle ne pouvait pas dormir.
"J'en déduis que tu te trouves à l'heure de l'Ouest, lança-t-elle dans le combiné.
- Ou bien, tout comme toi, j'ai des insomnies."
Elle alluma la lumière, chercha ses cigarettes. Elle avait le sentiment qu'elle allait en avoir besoin.
"Pourquoi penses-tu que c'est le cas?
- Tu parais presque soulagée que quelqu'un vienne troubler ta solitude nocturne." Il se retourna sur son lit. "J'ai besoin d'un conseil, lui dit-il.
- Rentre à la maison et je t'écrirai un livre entier de conseils.
- J'ai fait la connaissance d'une personne qui..."
Elle ne le laissa pas finir. "Une de ces Mlle Parker que les circonstances s'entêtent à créer?" demanda-t-elle. Elle alluma sa cigarette et tira voluptueusement une bouffée. Posséder un ascendant, même aussi mince sur lui était plaisant. A petit pouvoir, petite satisfaction, mais satisfaction malgré tout.
"Tu as entendu ma conversation avec Sydney, devina-t-il.
- C'était moi ou Raines, et il valait sans doute mieux pour le docteur Frankenstein que ce soit moi. Sydney et toi vous entendez si bien, ajouta-t-elle. Pourquoi ne lui demandes-tu pas conseil?
- Il n'a jamais été une jeune fille de seize ans."
Parker posa la tête contre son oreiller, ferma les yeux, contente que Jarod ne puisse pas la voir. Elle n'était pas certaine d'avoir été un jour une jeune fille de seize ans, pas en ce sens en tout cas, et le coup faisait d'autant plus mal qu'il était involontaire. Nécessairement involontaire. Jarod était une plaie mais - peu importait combien l'admettre lui répugnait - il ne l'aurait jamais blessée volontairement pour le simple plaisir de lui faire du mal.
"Elle est comme toi." La voix de Jarod était singulièrement douce et proche, comme s'il s'était rendu compte trop tard de ce qu'il avait dit, de la peine qu'il lui avait causée. Sans doute était-ce le cas. "On lui a volé quelqu'un qu'elle aimait et elle se barricade derrière un mur, exactement comme tu l'as fait après la mort de ta mère.
- Si tu es la seule personne qui parvient à se faufiler à travers ce mur, répliqua-t-elle, les dents serrées, peut-être vaut-il mieux pour elle qu'elle le consolide.
- Il n'y a eu personne pour t'aider, mais elle...
- Je ne voulais pas d'aide," l'interrompit-elle. Elle se demanda s'il avait jamais su que Sydney lui avait dit qu'il serait là pour elle si elle en avait besoin. "Je n'en veux toujours pas." Elle écrasa sa cigarette dans un cendrier, un tout petit peu trop vigoureusement. "Elle doit trouver quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose de personnel, de constructif." De préférence, songea-t-elle, pas l'obsession de retrouver les coupables et de les punir. C'était insuffisant, insatisfaisant, douloureux. "Et, Jarod..." Elle regarda la photo maquillée qu'elle avait ramené du Centre, simplement parce qu'elle ne pouvait l'y laisser. "... va au diable."
