PASSE D'ARMES


Le Centre ainsi que les personnages de Jarod, Miss Parker, Sydney... sont la propriété des producteurs du Caméléon. Le reste est à moi. Merci de ne pas archiver et de ne pas emprunter les personnages "originaux" sans mon autorisation.

L'histoire se déroule durant la saison 2, entre Gigolo et Cadeau Surprise.

Bonne lecture :-)

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CHAPITRE 8


Mlle Parker revenait de la salle de contrôle lorsque, au tournant d'un couloir, une main lui crocheta l'épaule et la tira en arrière avec une force peu commune. Elle se ramassa sur elle-même, adopta une posture de combat, et se trouva face à face avec Angelo. L'homme-éponge créé par Raines lui souriait de son air niais et se dandinait d'un pied sur l'autre. Elle essaya de se dégager de son étreinte mais il la tenait fermement et ne voulait pas la lâcher. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, ne vit personne, et posa sa main sur le poignet de la créature - il lui était difficile de songer à lui comme à un être humain, même avec la meilleure volonté du monde.

"Je n'ai pas le temps pour ces petits jeux," dit-elle.

Elle s'efforça de lui faire lâcher prise; autant essayer de faire bouger une montagne. De sa main libre, il souleva la grille bouchant un conduit d'aération puis il imprima un mouvement à l'épaule de Parker pour faire comprendre à la jeune femme qu'elle devait monter dans le tube.

"Quel crétin! marmonna-t-elle entre ses dents. Lâche-moi tout de suite, Angelo."

Voyant qu'elle refusait de s'exécuter, ou de comprendre ce qu'il voulait, il la souleva comme un paquet de linge sale, la déposa dans le conduit, se hissa derrière elle et referma la grille. Elle se retourna tant bien que mal, à quatre pattes, manqua de se cogner la tête et évalua la situation. Elle ne pouvait pas ressortir du canal: la créature de Raines lui bloquait le passage; elle allait être obligée d'avancer en rampant là-dedans, et en espérant pouvoir sortir à la prochaine intersection.

Angelo l'attrapa par la cheville et la poussa en avant.

"Ca va, j'ai compris."

Elle se mit à avancer; elle entendait Angelo respirer bruyamment derrière elle. Il la heurtait à chaque fois qu'il faisait un mouvement, bien plus habitué qu'elle à se déplacer dans les canalisations et gêné par sa lenteur.

Depuis que Sydney lui avait expliqué qui était, ou plus exactement ce qu'était Angelo, elle avait tâché de se convaincre que le psychiatre, et Raines qui était responsable de l'homme-éponge, se berçaient d'illusions. Sydney affirmait que la créature était capable de ressentir les émotions d'autrui, simplement à leur contact direct ou indirect. Elle aurait aimé être capable de considérer qu'il ne s'agissait que de foutaises, malheureusement, elle savait qu'Angelo était effectivement capable d'éprouver la même chose qu'elle. Et, pour l'instant il n'était pas à la fête. Elle était en proie à un mélange d'exaspération, d'inquiétude, de questionnement, elle était dans un état de stress épouvantable - elle marqua une halte pour masser son estomac douloureux - et...

A un mètre derrière elle, Angelo s'arrêta et se massa l'estomac en la regardant d'un air désolé.

Angelo était sans doute le projet le plus effrayant de Raines. Elle traitait parfois Sydney de docteur Frankenstein, mais elle ne voyait pas trop de quelle façon elle aurait pu qualifier Raines. Il lui évoquait une créature sortie tout droit des ténèbres. Il avait détruit, littéralement détruit, Angelo en le coupant du monde extérieur. L'homme-éponge n'était pas capable de communiquer normalement, il n'avait pas de personnalité propre, intégrant celle d'autrui, les seuls sentiments qu'il pouvait ressentir étaient ceux des gens qui l'entouraient.

Sans prévenir, Angelo la poussa en avant. Le conduit présentait un dénivelé de trois mètres et elle le dévala comme un toboggan, en essayant de se retenir aux parois. Elle atterrit au niveau souterrain moins six et, la seconde suivante, l'homme-éponge lui dégringola dessus.

Elle se dégagea vivement, l'insulte au bord des lèvres. Avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit, il posa l'index en travers de sa bouche pour l'inviter au silence et désigna la pièce de l'autre côté de la grille.

Brigitte et son bimbo. Ils se trouvaient dans un petit bureau, la blonde au téléphone, son assistant amateur de bouquets de fleurs debout derrière elle, attendant les ordres. La nettoyeuse écouta sans bouger un muscle ce que son correspondant lui disait, puis elle raccrocha et se leva.

"Jarod est à San Francisco. Académie d'escrime Delawey. Prenez votre matériel et rejoignez-moi sur la piste. On décolle dans quarante-cinq minutes."

Le bimbo hocha la tête et quitta la pièce sans le moindre commentaire. Parker vit la nettoyeuse déballer soigneusement une sucette rouge et la glisser contre sa joue. Après avoir vérifié sa montre, elle décida qu'elle avait un peu de temps devant elle et elle s'installa dans le fauteuil, posa les pieds sur le bureau avec un sourire satisfait.

Elle avait repéré Jarod. Avant elle. Parker sentit la colère enfler en elle, lui serrer l'estomac et la gorge et, presque sans qu'elle le veuille, sa main bougea, glissa à la recherche de son arme.

Elle se retrouva soudain plaquée contre la paroi, et Angelo passa la main sous sa veste, la ramena armée du 9 mm. Il pointa le revolver sur elle.

"Colère, chuchota-t-il. Déception. Jalousie.

- Rends-moi ça," ordonna-t-elle tout bas.

Le cran de sécurité était en place et le cobaye de Raines ne semblait pas désireux de le retirer. Ses lèvres tremblantes se relevèrent sur ses dents en un rictus déplaisant et il tourna le canon du 9 mm en direction du bureau, le dirigeant sur Brigitte.

"Injustice. Sauvagerie, articula-t-il, poursuivant sa litanie.

- Donne-moi ça, Angelo, répéta-t-elle. C'est à moi."

Elle tendit la main, calmement. En ricanant dans sa barbe, il y déposa l'automatique.

Quand elle se retourna vers le bureau, Brigitte avait disparu. Elle remit l'arme dans la ceinture de son pantalon et sortit son téléphone cellulaire.

"Sydney, cracha-t-elle, je veux qu'on décolle dans vingt minutes."


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Sydney l'attendait sur la passerelle du jet, l'air inhabituellement inquiet.

"Où allons-nous?

- San Francisco." Elle baissa machinalement la tête pour passer le sas. "J'espère que le commandant a fait le plein.

- J'ai pris les dispositions nécessaires, lui assura-t-il.

- Parfait." Elle se tourna vers le steward qui était en train de refermer la porte derrière elle. "On décolle tout de suite.

- Bien, mademoiselle."

Elle s'installa dans le siège le plus proche et boucla sa ceinture. Sydney s'assit près d'elle. Le psychiatre avait eu la présence d'esprit d'ordonner à Sam de venir, aussi son balayeur était-il déjà enchaîné à son fauteuil. Tout était prêt et pourtant, le pilote ne semblait pas pressé de décoller. Elle commença à se lever pour aller lui demander s'il avait bien compris les ordres qu'il venait de recevoir.

"Le dernier passager n'a pas encore rejoint son fauteuil, mademoiselle," lui expliqua le steward.

Elle se tourna vers Sydney "Quel dernier passager?" au moment où Broots sortait des toilettes, pâle et défait. "C'est pas vrai, soupira-t-elle, quel besoin aviez-vous d'emmener cet idiot?

- Broots a découvert des renseignements sur M. Alexander. Il était nécessaire que vous soyez en leur possession, et j'ai pensé qu'il était plus prudent qu'il vous briefe de vive voix," expliqua Sydney. Il avait perdu un peu de sa sempiternelle impassibilité et elle sentit l'inquiétude la gagner, bien qu'elle ne l'eut montré pour rien au monde.

L'informaticien s'assit en face d'elle et attacha sa ceinture. De grosses gouttes de sueur jaillissaient sur son front, et sur la partie de son crâne que les cheveux avaient déserté. Agréable spectacle, songea-t-elle, à contempler pendant le voyage.

"Vous avez un scoop sur le bimbo boy?"

Elle sortit son étui et alluma une cigarette juste au moment où le panneau d'interdiction de fumer se mettait à clignoter. Le steward ouvrit la bouche, y réfléchit à deux fois et se ravisa.

"Ce type est un nettoyeur." Broots chuchotait, comme si Alexander se trouvait près de lui et pouvait l'entendre.

"Il travaille à la Décontamination? demanda-t-elle avec désinvolture en faisant claquer le couvercle de son briquet.

"Non, murmura l'informaticien, un nettoyeur, un tueur à gages. Et il travaille en free-lance."

Parker suspendit son geste, son briquet encore à la main, la cigarette au coin des lèvres, réalisant enfin ce qu'essayait de lui expliquer son assistant.

"Il n'est pas rattaché au Centre?

- M. Alexander travaille pour Brigitte. Directement." Sydney avait retrouvé l'essentiel de son équanimité et, tel qu'elle le connaissait, devait se reprocher d'y avoir manqué même un bref instant.

"Injustice. Sauvagerie," murmura-t-elle.

L'avion accéléra, arriva en bout de piste et quitta le tarmac. Elle regarda le paysage défiler à toute allure.

"Pardon? lui demanda Sydney.

- C'est ce qu'Angelo a dit dans le conduit d'aération, et j'ai pensé qu'il parlait de moi. Mais il parlait de Brigitte. Injustice et sauvagerie était ce qui émanait d'elle."

L'avion achevait de prendre de l'altitude, le steward avait disparu dans l'office et Sam était plongé dans son roman policier. Parker, Sydney et Broots se regardèrent. Parker serra les poings, et la bague qu'elle portait à l'index lui meurtrit la paume de la main. Si Brigitte mettait son plan à exécution, Angelo aurait une nouvelle occasion de ressentir de la sauvagerie, et avec une violence que la nettoyeuse elle-même était loin de pouvoir imaginer.

"Elle veut faire abattre Jarod." Elle eut du mal à reconnaître sa propre voix, désincarnée, sépulcrale.

"Et si elle a engagé un nettoyeur extérieur au Centre..., poursuivit Sydney.

- ... c'est que la Tour ne veut pas être impliquée, ou n'est peut-être pas même au courant," acheva-t-elle.