PASSE D'ARMES


Le Centre ainsi que les personnages de Jarod, Miss Parker, Sydney... sont la propriété des producteurs du Caméléon. Le reste est à moi. Merci de ne pas archiver et de ne pas emprunter les personnages "originaux" sans mon autorisation.

L'histoire se déroule durant la saison 2, entre Gigolo et Cadeau Surprise.

Bonne lecture :-)

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CHAPITRE 9


Appuyée sur l'épaule de Jarod, Kali boitilla jusqu'à la salle de soins. Elle laissa le nouveau moniteur et Emma Ambruster fermer la porte derrière eux et elle alla en grommelant jusqu'à la réserve de la pharmacie fouiller dans les produits à la recherche d'un antalgique.

"Je peux vous aider? lui demanda la petite Ambruster avec sollicitude.

- Je te remercie, mais tu en as assez fait comme ça, grommela-t-elle. La prochaine fois, évite de pousser ton avantage jusqu'à me faire tomber, si tu veux bien.

- Désolée. Je n'avais pas combattu depuis un bon moment. Je crois que j'ai oublié la différence entre un simple entraînement et un véritable combat."

Kali trouva enfin ce qu'elle cherchait et elle prit appui sur le bord d'une table pour se redresser. Au même moment, elle perçut une vague odeur d'éther, puis une compresse fut appliquée contre son visage et elle s'affaissa doucement sur elle-même.


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Elle était allongée sur la table de massage, les poignets et les chevilles maintenus par des sangles de cuir. Démunie et sans défense. Il savait d'expérience qu'au moment où elle ouvrit les yeux, sa vision était floue et qu'il lui fallut quelques secondes pour reprendre tout à fait conscience. Ceci fait, elle tourna la tête vers lui, les sourcils froncés, l'esprit embrumé.

"Jarod?" demanda-t-elle.

Et elle n'était pas encore assez remise pour sentir l'aguille enfoncée à la pliure de son bras gauche.

Il se pencha sur elle en prenant appui sur le bord de la table de massage.

"Comment vous sentez-vous, Kali? demanda-t-il.

- Qu'est-ce qui s'est passé?

- Vous ne vous souvenez pas? Vous vous êtes cognée la tête en vous redressant.

- Je ne me souviens pas de... Il y avait une odeur bizarre...

- Une odeur bizarre? répéta-t-il. Vous êtes sûre?"

Il se mit à marcher lentement autour de la table, obligeant Kali à tourner la tête pour le suivre du regard.

"Comme de l'éther.

- Vous avez peut-être raison," concéda-t-il.

De plus en plus perplexe, elle essaya de s'asseoir. Les sangles la maintinrent solidement sur la couchette. Elle remarqua alors l'aiguille au creux de son coude, et le tuyau qui la prolongeait et la reliait à une poche suspendue à une goutte-à-goutte.

"Jarod, mais qu'est-ce que ça veut dire? demanda-t-elle, une nuance d'inquiétude perçant dans sa voix.

- De quoi voulez-vous parler?"

Il continuait de tourner autour de la table, lentement, silencieusement.

"Je suis ligotée! Enlevez-moi ces trucs, voyons!

- Vous les enlever? Alors que je les ai installées spécialement pour vous attacher? Vous n'y pensez pas.

- Je ne comprends rien à ce que vous racontez. Vous perdez les pédales, Jarod!"

Il s'immobilisa soudain et plongea son regard dans celui de Kali.

"Maxine Ambruster non plus n'a rien dû comprendre à ce qui lui arrivait. Elle était en bonne santé, une athlète de haut niveau, qui prenait soin d'elle. Elle n'en a pas moins fait un arrêt cardiaque. Ca va vous aider à comprendre ce qu'elle a pu éprouver," expliqua-t-il en désignant la perfusion.

Kali tira sur les sangles qui lui maintenaient les poignets.

"Qu'est-ce que vous avez mis dans cette poche? cria-t-elle d'une voix paniquée.

- A votre avis? C'est du cardiobenzine. Savez-vous quel est son effet? Moi oui, je l'ai testé. Il ralentit le rythme cardiaque. Au-delà d'une certaine dose, le cœur arrête tout simplement de battre. Mais au moins savez-vous ce qui vous attend: ce n'était pas le cas de Max.

- Je ne lui ai rien fait... Jarod, je vous en prie!" Elle agita de nouveau les sangles, se blessant les poignets au contact du cuir.

"Avoir recours au dopage n'est pas reluisant, mais l'imposer à une jeune femme qui était manifestement opposée à une telle pratique... Vous l'avez mise sous erythropoïétine sans la surveillance nécessaire, vous avez joué à la roulette russe avec elle. Je suis certain qu'un bon procureur aurait pu obtenir une condamnation pour homicide volontaire, mais..." Il donna une pichenette sur le tuyau de la perfusion. "... ce ne sera pas nécessaire.

- Je n'y suis pour rien, arrêtez ce goutte-à-goutte! C'est cet imbécile de Fuller, il n'a même pas été fichu de doser correctement les injections.

- Le docteur Fuller agissait sous la contrainte, vous l'aviez menacé." Kali se tordait sur la table de massage, essayant de se libérer de ses liens. "Quelqu'un m'a dit que Max avait un ego de la taille de l'Empire State Building, mais ce n'est rien comparé à votre ambition! Vous avez joué la vie d'une jeune femme pour faire carrière."

Elle se cabra et appela au secours, les poings serrés.

"Ne vous fatiguez pas à hurler, Kali: personne ne viendra vous aider. Personne n'est venu aider Maxine.

- Je vous en prie, arrêtez ce truc, supplia-t-elle. C'est vrai, j'ai menacé Fuller pour qu'il lui fasse les injections, mais je ne voulais pas que ça tourne comme ça. Bon Dieu, Max était sans doute ma seule chance de sortir du lot, vous croyez que je l'aurais mise en danger sciemment?

- Votre seule chance de sortir du lot, répéta Jarod sans chercher à dissimuler son mépris. C'était bien tout ce qu'elle était à vos yeux, en effet. Vous n'avez pas imaginé un instant qu'elle était un être humain, avec une famille et des amis, des gens qui l'aimaient. Elle n'était que votre chance de sortir du lot." Il se pencha sur la jeune femme, lui saisit le menton entre le pouce et l'index. "Vous devriez avoir le temps de vous demander si des gens vont vous regretter, avant que ce produit achève de se déverser dans vos veines."


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Emma attendait à l'extérieur de la salle de soins, et les hurlements de Kali la heurtèrent de plein fouet lorsque la porte s'ouvrit brièvement pour céder le passage à Jarod. Il referma le battant sans paraître s'inquiéter des cris de l'instructrice.

"Vous ne lui avez pas dit qu'il s'agissait seulement de sérum physiologique? demanda Emma avec un plaisir tempéré d'inquiétude.

- Elle ne va pas tarder à s'en rendre compte par elle-même."

Emma tendit l'oreille, écoutant les vociférations et les suppliques de Kali. Jarod se tenait devant la porte, détendu et souriant, et il salua un de ses élèves comme si tout était parfaitement normal.

"Merci, lui dit Emma. Vous savez, au moment de la mort de Max, certains journalistes ont parlé de dopage à mots couverts, mais aucun de nous n'a pas pensé un seul instant que ce pouvait être vrai.

- Ce n'était pas vrai," répondit-il doucement. Autour d'eux, les instructeurs poursuivaient leurs leçons sans s'occuper des appels sortant de la salle de soins. "Avec quel maître d'armes allez-vous reprendre l'entraînement?

- Vous ne doutez pas un instant que je vais recommencer. Vous ne doutez de rien, n'est-ce pas?"

Tu ne doutes de rien - quel contrôle, lui avait dit une fois Parker. Sur un ton bien différent.

"Est-ce qu'elle continue? cette femme à qui je ressemble?

- Oui.

- Comment s'appelle-t-elle?

- Mlle Parker."

Elle étudia la salle autour d'elle, le bruit familier du cliquetis des lames, les instructions, les réclamations, les protestations.

"Je ne crois pas que je pourrai m'en tenir à l'écart très longtemps de toute façon," conclut-elle.


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Brigitte se tenait sur le balcon en terrasse de l'appartement situé en face de l'académie Delawey, de l'autre côté de la rue. Armée d'une paire de petites jumelles, elle voyait, comme s'il se trouvait à un mètre d'elle, Jarod discutant avec une jeune fille (qui ressemblait à Parker, remarqua la nettoyeuse avec intérêt). La grande baie vitrée qui laissait la lumière entrer à flot dans la salle d'armes ne garantissait guère d'intimité aux combattants.

Alexander était allongé sur le sol humide, dissimulé derrière de gros bacs de plantes vertes, son fusil à lunette pointé sur Jarod, attendant le moment propice et l'ordre de son employeuse.


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Mlle Parker ne s'abaissa pas à faire sauter la serrure, elle utilisa la clef pour pénétrer dans l'appartement. Cinq minutes plus tôt, elle avait vu la nettoyeuse entrer en compagnie de M. Alexander dans l'immeuble qui se dressait en face de l'académie Delawey. Elle leur avait laissé un peu d'avance et, non sans avoir ordonné à Sydney de l'attendre dans la voiture quoi qu'il se passe, elle les avait suivis.

Il s'agissait d'un immeuble d'habitation, avec des familles bien gentilles, et elle avait croisé une petite vieille dans le hall astiqué, qui lui avait demandé si elle venait pour visiter un des appartements que l'agence avait mis en location. Elle lui avait répondu que non, malheureusement, avec cette gentillesse dont elle était parfois capable et qui terrifiait Broots plus sûrement que n'importe quelle explosion de mauvaise humeur. Broots n'avait rien à craindre pour l'instant, elle était entièrement et exclusivement tendue vers son but - empêcher la nettoyeuse de mettre son plan à exécution - et dans pareille situation, elle ne se permettait aucun excès. La petite vieille n'était pour rien dans le conflit qui l'opposait, d'une part à d'Artagnan, d'autre part à la sorcière à la sucette, Parker n'avait donc aucune raison de se montrer agressive.

Un courant d'air froid balayait tout l'appartement. Dos au mur, son revolver pointé devant elle, elle explora le logement, et découvrit Brigitte et son bimbo sur la terrasse du salon, elle debout, collée à ses jumelles, lui écrasé sur le sol dallé.

"Attendez qu'il s'éloigne de la fille, commanda Brigitte à mi-voix. Inutile de faire plus de dégâts que nécessaire."

Parker traversa le salon en marchant sur le tapis pour amortir le bruit de ses pas. A moins d'un mètre derrière Brigitte, elle releva son automatique et colla le canon sur la nuque de la nettoyeuse. La blonde sentit l'acier froid contre son crâne et se figea.

"Il le tue, je vous tue," énonça Parker. C'était une simple évidence, non une menace.

Le tueur à gages exécuta un seul geste: il écarta les mains du fusil à lunette posé sur un affût et les plaça bien en vue.

"Brigitte?" demanda-t-il sans se retourner pour ne pas provoquer Parker. Il avait reçu la moitié de son cachet, la seconde moitié l'attendait dans un coffre dont la nettoyeuse conservait la clef sur elle. Il ne doutait pas vraiment que Parker fût capable de mettre sa menace à exécution, mais son employeuse pouvait tenir moins à sa propre vie qu'à la réalisation de la tâche dont elle l'avait chargé. Certaines personnes étaient... excessives, prêtes à même se sacrifier pour obtenir satisfaction.

"Parker, du calme, c'est moi."

La voix de Sydney, provenant de l'entrée, lui hérissa de petits cheveux sur la nuque, un mélange de tension et d'exaspération.

"Je vous avais dit d'attendre avec Broots.

- Vous avez du mal à discipliner vos troupes, cocotte," releva Brigitte. Elle restait parfaitement immobile, les jumelles toujours devant les yeux, exactement dans la position où Parker l'avait immobilisée.

"Bouclez-la. Sydney, prenez-lui ses jumelles et son flingue."

Le psychiatre était armé, et son arme était braquée sur Alexander. L'espace d'un instant, Parker crut qu'il allait tirer sans même essayer de comprendre la situation. Le réducteur de tête devenait nerveux lorsque l'on s'attaquait directement à Jarod, Raines en avait fait les frais.

"Il est inutile de me menacer, docteur, dit le bimbo avec sérénité. Elle ne me paye pas pour la protéger."

Sydney délesta la nettoyeuse de ses jumelles, glissa la main sous sa veste, à la recherche de l'arme rangée dans l'étui, et la rangea dans la poche de son manteau.

"Son holster de cheville," ordonna Parker, excédée. Voilà ce qui arrivait lorsque l'on travaillait avec des amateurs, songea-t-elle.

Elle sentit la blonde se tendre, prête à frapper Sydney lorsqu'il se pencherait. Parker retira le cran de sécurité de son automatique.

"Si votre cervelle éclatait ici, il faudrait refaire toute la terrasse."

La nettoyeuse portait un petit revolver à la cheville gauche, rien de comparable à son matériel habituel. Sydney se redressa et s'écarta, conservant son arme et la miniature de Brigitte à la main.

"Monsieur Alexander, lança Parker, ne vous avais-je pas dit que je ne voulais plus trouver sur mon chemin?" Il esquissa un geste d'impuissance. "Il est temps que vous nous laissiez entre amis," ajouta-t-elle.

Le tueur à gages jeta un coup d'œil de l'autre côté de la rue. Derrière l'immense baie vitrée, Jarod continuait de discuter avec une fille brune, inconscient de la partie qui se jouait tout près de lui.

"C'est extrêmement embarrassant, chère mademoiselle, dit-il enfin. Cette dame m'a payé une jolie somme pour exécuter le travail."

Parker sourit largement.

"Oui, mais moi, je vous laisse en vie."

Le bimbo n'y réfléchit pas à deux fois: il se redressa sans hâte, conservant avec prudence les mains levées au-dessus de la tête pour bien montrer à Parker qu'il ne nourrissait aucune intention hostile à son égard. Il passa entre elle et le psychiatre en abandonnant son fusil à lunette là, et en laissant son employeuse aux prises avec son adversaire.

Sydney se pencha par-dessus la rambarde, s'assura qu'Alexander montait dans sa voiture et s'en allait.

"C'est le problème avec les extras, Bridget, remarqua Parker sur le ton de la conversation de salon. Aucune loyauté." Elle bougea de façon à se placer face à Brigitte. La nettoyeuse arborait une expression impassible, le regard fixé droit devant elle. Parker leva son automatique, le plaçant tout près du visage de la blonde, et elle tira. La balle alla s'écraser à l'intérieur, dans un mur du salon.

Puis elle rangea le 9 mm dans la ceinture de son pantalon et quitta l'appartement.

Brigitte se boucha l'oreille avec la main. Cette garce, songea-t-elle avec rage, lui avait sans doute percé le tympan. Ses oreilles tintaient et elle dut se faire violence pour rester debout, refusant de s'écrouler sous le regard du psychiatre; il aurait été capable de lui venir en aide.

"Il y a une chose à savoir à propos de Parker et de Jarod," lui dit Sydney. Il n'avait pas prononcé un mot depuis qu'il avait prévenu Parker de son arrivée. La nettoyeuse se tourna vers lui et le toisa. "Tous les coups sont permis, à condition qu'ils les portent eux-mêmes. Aventurez-vous dans leur passe d'armes, et vous voyez ce que cela peut donner."