Sad Anymore - Tom Odell

Need Me Now - Lias

TW : agression sexuelle


Chaque problème avait sa solution.

Susan le savait.

Mais qu'elle était la solution quand le problème était elle-même ?

OOO

Il était beau.

Susan l'avait toujours trouvé beau.

Il s'était assis à côté d'elle à l'école de droit magique. Il venait de Californie. Il avait un sourire adorable, des lunettes rondes et un regard noisette espiègle. Il parlait bien. Il charmait tout le monde et Susan elle, était rapidement tombée dans le piège. Quand il s'était installé à côté d'elle, elle avait pris peur, comme toujours lorsqu'elle était en présence d'un inconnu. Mais il l'avait fait rire. Il l'avait fait parler. Elle s'était confiée. Il en avait fait davantage.

Ils avaient découvert que leurs pères étaient faits du même bois pourris et dégoûtants, qu'ils étaient les seuls à être capables de s'amuser d'un cours de droit, qu'un simple touché, pouvait les faire sourire l'un l'autre. C'était son jeu préféré à lui d'ailleurs... D'effleurer le genou de Susan sous la table des cours pour la faire réagir, pour qu'elle se tourne vers lui et lui sourit.

Il était intelligent aussi. Pas le meilleur de leur promotion, non. Ce titre revenait à Susan. Enfin, pas dans toutes les matières. Mais dans celles-ci, Susan lui cédait sa couronne de première de la classe avec plaisir.

Il était féministe. Il avait de grandes idées. Il voulait la justice, comme elle. Il voulait un monde meilleur. Il voulait plus de droits. Il voulait que chacun sur cette Terre se sente légitime d'y vivre et puisse avoir les meilleures chances de réussir.

Il était venu en Grande-Bretagne pour renouer avec ses origines, son arrière-grand-père étant écossais. Il était gentil. Il était drôle. Il était tout ce dont Susan avait toujours rêvé et il ne lui avait jamais fait une remarque sur son poids, sur le fait qu'elle était ronde, rêveuse, que parfois, en cours de droit des institutions magiques, elle écrivait des histoires d'amour plutôt que les lois en vigueur.

Alors oui, Susan était tombée amoureuse de lui.

En fait, elle n'en avait eu la certitude qu'hier seulement.

Quand sa bougie « tarte aux pommes » s'était éteinte.

- Où est mon écharpe ? demanda-t-elle d'une voix croassante.

OOO

Susan suspendit un bouquet de sauge au-dessus de sa fenêtre. Elle sortit quelques fleurs séchées de ses cartons et les disposa un peu partout dans son appartement. Elle les rangea, finalement.

Il était spécial.

Et elle, ne l'était pas du tout.

Comment avait-elle pu penser qu'il la désirait ?

Susan ne dormait plus très bien. Elle réfléchissait trop. Elle ne mangeait plus. Ouvrir la bouche lui faisait trop mal.

OOO

Susan n'avait jamais parlé de lui à ses amis.

Il était son secret.

La dernière fois qu'elle avait vu son écharpe, c'était en quittant le Relais d'Elizabeth.

C'était aussi la dernière fois qu'elle l'avait vu, lui.

OOO

- C'est très beau, Susan... Très euuh...

Lisa avait décidé de visiter Susan. Elle avait renoncé à un week-end entier avec Adrian, son merveilleux petit-ami, pour venir voir sa sinistre meilleure-amie.

Susan renifla en y pensant.

Lisa savait depuis longtemps qu'il ne servait à rien de tirer les vers du nez de Susan. La jeune femme jouait la comédie. Elle souriait. Elle riait. Elle mentait.

Combien de temps allait-elle tenir ?

Combien de temps allait-elle faire semblant ?

Si elle racontait tout à Lisa, qu'allait-elle penser d'elle ?

Qu'elle était pathétique, sûrement. Pathétique et idiote.

- Pourquoi n'as-tu pas jeté un sort pour réparer le toit ? lui demanda son amie.

- J'ai essayé, mais cela ne fonctionne pas.

Elle avait laissé tomber au bout de la troisième tentative.

Ah, qu'elle était belle, la persévérance des Poufsouffle...

- Il y a un sort d'infiltration que je n'arrive pas à lever. La maison appartenait à une vieille famille de sorciers qui pensaient que la pluie avait des bien-faits magiques. Ils la conservaient.

- Je vais écrire à Wayne pour lui demander d'examiner ça...

Susan hocha la tête, reconnaissante.

Les ploc de la pluie qui tombait toujours la rassuraient. Ils étaient devenus une belle musique.

Ploc, ploc, ploc, ploc, ploc, ploc.

Bon. Bah. C'é. Tait. Sym. Pas.

Elle n'était pas capable de s'occuper de son toit en train de fuir.

Ni même de son coeur en train de fuir.

- Susan..., soupira Lisa. Parle-moi.

Lisa fit ce geste que Susan aimait tant. Une caresse circulaire, du bout des doigts, juste derrière son oreille. Susan éclata en sanglot.

- J'ai perdu mon écharpe, balbutia-t-elle.

OOO

Aussi beau, intelligent et drôle soit-il, Susan n'avait jamais été aveugle quant à ses défauts. Il était lunatique parfois. Un mot de trop, un mauvais, et il se renfermait sur lui.

Lors de son anniversaire, elle lui avait apporté un gâteau au chocolat qu'elle avait fait elle-même. Il l'avait remercié, embrassé sur la joue, sans toutefois y toucher. Le gâteau était resté sur leur table de cours. Susan l'avait jeté le lendemain. Il en faisait trop parfois, avec son charme. Il faisait de grands discours, pour séduire son public. Il aimait plaire et il en jouait et Susan... Susan rougissait, faisait l'ingénue, l'innocente, comme si elle était imperméable à ses sourires lumineux et à ses mots si fascinants.

Le soir avant de dormir, elle s'était imaginée une vie avec lui.

Un premier rendez-vous. Un premier baiser. Un première caresse. Une première pénétration. Un premier « je t'aime ». Un premier appartement. Un premier enfant.

Malgré ça, elle n'avait jamais pris conscience qu'elle en était amoureuse. Elle s'était voilée la face, pensant qu'il s'agissait peut-être juste d'un flirt, d'un petit coup de cœur qu'elle aurait voulu voir s'épanouir en passion et en amour.

Au final, il avait toujours eu une emprise sur elle.

Quelle conne.

Il pleuvait toujours sur Glasgoww, et Wayne n'était pas encore passé pour réparer le toit.

OOO

Susan était vierge.

Pas vraiment une tare selon elle.

Elle aurait voulu dire qu'elle attendait la bonne personne mais ce n'était pas vrai.

Susan n'était pas désirable.

Elle était grosse.

Son visage n'était pas trop mal, peut-être.

Mais elle n'était pas désirable. Elle n'était pas sexy. Elle n'était pas à tomber. Elle n'était pas à se damner. Elle n'était ni bonne à baiser, ni bonne à faire l'amour.

Susan n'avait rien contre le sexe. Le sujet ne la mettait pas aussi mal à l'aise que lorsqu'elle était adolescente et qu'elle avait encore les mots de son père, lancés comme des rochers qu'elle recevait en plein visage, en plein ventre, en pleins poumons. Le sexe l'intriguait. Dans ses livres, il était beau, tantôt pur, passionné, tantôt tendre et romantique. Lisa et Hannah gloussaient quand elles en parlaient. Padma était plus secrète, mais se laissait de temps en temps aller à un commentaire un peu salace. Elles s'arrêtaient toutes les trois, pour regarder Susan et s'assurer qu'elle ne se sentait pas à part ou à l'écart.

C'était le cas.

Mais Susan riait pour donner le change.

Qui donc aurait envie de faire l'amour ou de baiser avec une personne comme elle ?

Parce que maintenant que le sexe ne la dégoûtait plus, qu'elle avait appris, au contact de ses amies comme cela semblait merveilleux et plaisant, elle aussi, voulait savoir. Elle voulait le frisson, elle voulait le corps, elle voulait l'amour, elle voulait les sensations, elle voulait la jouissance, l'orgasme, les étoiles, comme dans ses livres. Elle voulait la sécurité, l'union, la confiance, elle voulait l'acte. Le bel acte. Elle voulait le plaisir. Elle voulait le désir. La lave en fusion dans ses veines, le volcan dans son bas-ventre, les palpitations entre ses jambes, la douceur d'une peau contre la sienne et de certains mots glissés à son oreille ou d'une main entre ses seins.

Elle avait vingt ans.

Elle caressait les jours.

Et l'amour, n'était-ce pas le plus important, à vingt ans ?

OOO

- Il fallait que tu t'aères un peu ! fit Lisa.

Elle portait l'écharpe jaune et noir de Susan, dont le cou était nu.

- J'aime bien cette ruelle, marmonna-t-elle.

Elle avait attaché ses cheveux en un chignon brouillon. Une coiffure qui ne lui ressemblait pas, elle qui adorait faire toutes les sortes de coiffures compliquées avec des tresses qu'elle serrait bien fort.

La nuit n'était pas encore tout à fait tombée. Mais le ciel était couleur saphir, faisant miroiter les lumières orangées de la ruelle aux pavés de pierres. Le lierre avait pris possession des murs de plusieurs boutiques qui s'étalaient à perte de vue. Les bancs étaient mouillés par la pluie, tapissés par quelques feuilles orange et jaune. Les sorciers du village avaient posé une citrouille à chaque devanture, et l'ambiance était belle, féerique, réconfortante. Les lampadaires, qui se mêlaient à une rangée d'arbres robustes, diffusaient une lumière douce.

- Je comprends pourquoi. Elle te ressemble, sourit Lisa. Elle est mignonne.

- Je ne veux pas être mignonne, marmonna Susan assez bas pour que son amie ne puisse pas l'entendre.

- Théodore me parlait justement du quartier sorcier de Glasgow !

- A cause des grèves des potionistes, je suppose...

Théodore Nott.

Le nouvel ami de Lisa.

Un petit con arrogant et taciturne qui ne souriait jamais.

Il siégeait au Magenmagot. Comme son père avant lui. Et le père de son père. Et le père du père de son père.

La pluie mouillait les cheveux de Susan. Quelques boucles s'étaient échappées de sa coiffure.

- Susan... Où est ton écharpe ?

Susan détourna les yeux de sa meilleure-amie pour ne pas qu'elle comprenne.

Sa peine.

Son coeur brisé.

- Je ne sais pas, sanglota-t-elle.

- Susan...

Lisa la prit dans ses bras et Susan se perdit dans l'étreinte, serra son amie aussi fort qu'elle le pouvait. Elle eut la sensation que jusqu'à maintenant, ses cellules se dispersaient partout, autour d'elle et que seuls les bras de Lisa étaient capables de les rassembler, de les recoller les unes aux autres. Avec Lisa, elle se sentait entière.

Comme dans un refuge.

Lisa. Son phare en pleine tempête.

Mais Susan voulait être forte. Elle voulait être grande. Elle voulait être indépendante. Elle voulait être forte.

Elle l'était.

Putain.

Elle avait quand même combattu contre des Mangemorts.

- Susan, parle moi.

Susan se mit à pleurer de plus en plus fort dans les bras de Lisa.

Elle chercha les mots, sans les trouver. Tout tournait en rond dans sa tête sans qu'elle ne parvienne à mettre de l'ordre dans ses idées, dans ses souvenirs, alors qu'ils étaient si clairs, si colorés dans sa mémoire.

- J'ai fait quelque chose que je regrette énormément.

OOO

Il avait une petite-amie.

Elle l'avait toujours su.

Mais il y avait ce lien entre eux. Ce truc qui les liait.

Au début, elle pensait que c'était parce qu'il était le premier homme de sa vie, à la traiter ainsi. Avec tendresse et douceur.

Wayne tirait sur ses couettes lorsqu'ils étaient à Poudlard. Terry se moquait souvent d'elle. Justin ne l'avait jamais regardé que comme une amie. Jamais comme une femme. Ils étaient tous les trois ses amis.

Des amis. Rien d'autre.

Malgré cela, Susan ne pouvait pas s'éloigner de lui. Elle avait besoin de lui dans sa journée. Il était son soleil et pourtant, elle n'était pas le sien. Il en aimait une autre et lorsqu'il parlait d'elle, de sa petite-amie, Susan tombait un peu plus amoureuse de lui.

Ils s'étaient rencontrés à Ilvermorny. Ils étaient ensemble depuis leurs quinze ans. Il l'aimait. Quand il parlait d'elle, tout son être se transformait et Susan, dans sa tête, espérait qu'un jour, ce serait son prénom à elle, qu'il prononcerait ainsi. Elle voulait cette histoire. Elle le voulait lui. Lui, qui disait qu'il finirait ses jours avec la femme de sa vie, cette Mina.

Un jour sans lui, était un mauvais jour.

Elle attendait avec impatience les cours où ils seraient ensemble parce que passer du temps avec lui, c'était... magique.

Puis l'année dernière, l'impossible s'était réalisé.

Ils avaient rompu.

Susan avait été là pour lui.

Puis, il en avait rencontré une autre et ils avaient obtenu leur diplôme et avaient fait leur vie chacun de leur côté. Il était retourné aux États-Unis et elle, était restée à Londres.

Susan déchira toutes les photos qu'elle avait de lui ce soir-là. Ses petits mots qu'ils s'échangeaient en cours. Elle déchira sa vie en deux, entre lui et elle.

La pluie tombait toujours.

Ses os étaient glacés. Les jours rallongeaient.

Et elle n'avait pas retrouvé son écharpe.