Flight Risk - Tommy Lefroy
Allée - Twiceyoung
Creep - mxmtoon
TW : agression sexuelle
Susan s'était retournée beaucoup de fois durant beaucoup de nuits pendant presque trois ans, à se demander si elle était amoureuse ou pas.
Elle en avait discuté avec Lisa, un soir, un soir où elles avaient mis un peu de whisky dans leur thé.
Lisa lui avait dit que pour Adrian, elle avait toujours su qu'elle l'aimait. C'était l'évidence même.
Elle ne s'était pas torturée durant des jours.
Susan, elle, s'était torturée pendant deux années.
OOO
Susan ne dormait pas à cause de la guerre.
Dans ses rêves, les Mangemorts la tuaient. Comme ils avaient tué toute sa famille.
Ils la laissaient seule.
Ils la torturaient.
Ils se moquaient d'elle.
Et pour ça, elle les enfermerait tous à Azkaban, les uns après les autres.
Elle avait vingt ans. Tout le temps devant elle.
Sa soif de justice, son désir de rendre le monde meilleur, elle les assouvirait coûte que coûte.
OOO
Après presque six mois de silence, il l'avait contacté fin septembre.
Une première lettre. Une deuxième. Une troisième.
En ce premier jour de novembre, elles formaient désormais un tas que Susan avait placé dans sa cheminée.
Elle avait brûlé les photos, mais ça... Ça, elle ne le pouvait pas. Alors les lettres trônaient là, au milieu de sa cheminée.
Ils avaient eu un premier rendez-vous, à Londres. Et là... Là, il lui avait dit tout ce qu'elle avait rêvé d'entendre. Il lui avait dit qu'elle était belle. Qu'elle était intelligente. Qu'elle était douce. Qu'il n'arrivait plus à ne pas penser à elle. Qu'il le sentait, ce lien qui les unissait. Il lui avait aussi dit que si elle n'avait pas été aussi timide, cela aurait été plus facile. Il avait ajouté qu'elle avait trop de problèmes, que son passé, avec son père, le fait qu'elle avait peur dès que quelqu'un la touchait, que ses peurs, sa phobie d'être abandonnée, tout ça... n'avait fait que le repousser. Et pourtant... Il éprouvait quelque chose pour elle. Il la voulait elle. Mais pas ses problèmes. Pas ses traumatismes. Pas son passé. Pas ses fissures, ses fêlures, ses cicatrices. Sans ses souvenirs de la guerre. Sans les doloris que les Mangemorts lui avaient jetés. Sans la mémoire lourde de ses camarades morts à Poudlard.
Susan était partie sur le champ.
En colère.
Comment avait-il pu la traiter ainsi ? Lui dire de telles horreurs ?
Il était retourné aux Etats-Unis et Susan lui avait souhaité bon vent, sans se retourner.
En souhaitant même qu'il se tromperait de portoloin pour qu'il atterrisse dans un désert de glace.
Histoire qu'il sente un peu la morsure froide et coupante qu'il lui avait fait subir.
OOO
Susan l'avait pardonné la semaine suivante, alors qu'octobre avait déjà fait rougir plusieurs feuilles.
Elle avait encore son écharpe, à ce moment là.
OOO
Wayne devait passer dans la semaine réparer le toit.
Il n'était pas venu.
Il avait trop bu.
Alors Susan était entourée de bougies, au milieu de ses cartons qu'elle n'avait toujours déballés.
Elle voulait cette écharpe de malheur.
Elle voulait qu'on la prenne dans des bras, qu'on la serre, qu'on l'embrasse, qu'on lui répète comme une litanie que tout irait bien, que ce qu'elle avait fait, ce n'était pas grave, pas dégueulasse, qu'elle n'était pas un monstre, qu'elle n'était pas pathétique ou ridicule, qu'elle était aimée et serait aimée.
Dans les couloirs du Ministère, elle croisa Wayne, qui travaillait à la Gazette du Sorcier. Elle lui sourit et il lui répondit. Il eut un mouvement de recul lorsqu'elle se jeta dans ses bras. Il fronça les sourcils, mais accepta l'étreinte. Susan était une personne affectueuse, mais pas démonstrative physiquement. Pas comme ça.
Susan était la gamine de leur groupe. Le petit bout de femme dont ils prenaient tous soin. Celle qu'ils couvraient de manteaux l'hiver pour qu'elle n'attrape pas froid. Celle à qui on expliquait les blagues de cul parce que, aveuglée et assourdie par sa naïveté, elle ne les comprenait pas. Celle qu'on dorlotait, qu'on chouchoutait, qu'on infantilisait parfois parce que Susan disait croire en sa bonne étoile. Celle qu'on savait forte, et qu'on admirait, mais celle qu'on regardait avec la crainte qu'elle se casse en deux.
Susan avait l'âme un peu fragile, mais n'était pas si docile.
Si elle leur racontait son histoire, avec cet homme, ses amis ne la verraient plus comme ça. Et c'était étrange parce qu'elle avait longtemps souhaité qu'ils ne la voient plus comme ça. Mais pas pour ça. Pas comme ça.
Elle avait juste besoin de parler à un ami.
Elle n'arrivait pas à se confier à Lisa.
Wayne était gentil. Il était un confident. Elle et lui étaient un peu pareils... Elle lui faisait confiance.
Le Relais d'Élizabeth. Un établissement de luxe pour les sorciers de passage à Londres. Une clientèle bien différente de celle qui descendait au Chaudron Baveur.
- Wayne..., fit-elle d'une voix tremblante. J'ai besoin de ton aide.
Le froncement de sourcil du jeune-homme s'accentua.
- Oh bien sûr ! Ton toit ! Je m'en occupe dans la semaine !
La semaine passa.
Il pleuvait toujours dans l'appartement de Susan.
OOO
Il lui avait réécrit, un samedi matin de septembre et elle avait accepté de le revoir.
Il assistait à une conférence sur le droit public magique international et avait pris un hôtel. Ils s'étaient vus dans un café. Leurs chevilles s'étaient touchées sous la table. Ils avaient retrouvé leur complicité d'antan durant deux heures.
Deux fabuleuses heures.
Ils avaient quitté la table.
Il l'avait retenue contre lui. Il avait posé ses mains sur sa taille et il l'avait embrassé.
Susan avait longtemps rêvé de son premier baiser.
C'était mieux encore que tout ce qu'elle avait pu espérer.
Ses lèvres avaient parfaitement épousé la forme des siennes. Elles étaient douces contre les siennes. Il les avait mordillées avec envie et elle s'était cambrée lorsque sa bouche s'était posée sur sa gorge. Il l'avait guidé, dans les rues de Londres.
Il pleuvait là aussi.
Sans trop savoir comment, Susan s'était retrouvée dans une chambre d'hôtel, le dos contre un mur, le torse contre son corps. Ils étaient si proches, qu'elle avait senti son érection entre ses jambes. Elle avait remué le bassin, ondulait des hanches, muées d'un instinct étrange. Elle l'avait lu, dans ses livres un peu osés, sans jamais toutefois penser qu'elle le vivrait un jour. Mais le désir avait été brut ce soir-là. Elle se souvenait de cette envie dévorante de le sentir près d'elle, d'être soulagée de cette tension.
Ils s'étaient embrassés.
Elle lui avait dit qu'elle voulait lui faire du bien. Lui faire plaisir. Il avait souri. Il avait dit « enfin ».
Il avait baissé son pantalon. Il avait enlevé son caleçon.
Susan en avait eu le souffle coupé.
Elle avait détourné les yeux de son sexe dressé, incapable de le regarder sans ressentir son coeur cognant trop fort dans sa poitrine et son sang battre dans ses tempes.
Son corps entier lui criait « Alerte, alerte ! Danger, danger ! » et comme à chaque fois, elle ne l'avait pas écouté. Ni lui, ni la petite voix qui lui chuchotait qu'elle ne voulait pas ça.
Il lui avait pris la main et l'avait posé sur son membre tendu.
Susan avait frémi.
Elle avait enlevé sa main.
Elle n'avait su dire pourquoi, mais le malaise s'était emparé d'elle.
Quelque chose n'allait pas. A ce moment-là, elle avait voulu tout arrêter. Elle avait voulu continuer à l'embrasser, à le câliner dans le lit. Elle ne voulait pas ça. Et en même temps... En même temps elle en crevait d'envie. Juste pour savoir. Pour enfin connaître ce que tout le monde connaissait sauf elle.
Mais pas maintenant. Pas comme ça.
Elle aurait dû être à l'aise. Elle le savait au fond d'elle. Alors pourquoi ne l'avait-elle pas été ?
Elle avait hésité.
Arrête de réfléchir, s'était-elle dit.
Elle avait attendu ce moment toute sa vie, après tout... et une occasion comme celle-ci ne se représenterait peut-être plus jamais. Que plus jamais quelqu'un d'autre ne pourrait la désirer, l'aimer. C'était sa chance.
Ça avait été sa seule et unique chance de connaître le désir, le plaisir et l'amour.
Mais il avait tenu sa main si fermement dans la sienne, il avait entamé un mouvement de va-et-vient et Susan n'avait plus osé partir. Elle n'avait plus osé dire non. Elle avait continué puis elle s'était arrêtée.
Il avait appuyé sur ses épaules, une pression franche, loin d'être délicate, mais juste assez pour qu'elle se rappelle que cet homme était, avait été son ami et qu'il ne lui voulait aucun mal, qu'il ne voudrait jamais la blesser. Il la força, toujours en douceur, à descendre le long de son corps et elle s'était exécutée.
Comme un pantin.
Comme un putain de pantin dégoûtant.
Pas comme la justicière féroce qu'elle se disait être.
A genoux devant lui, loin d'être innocente, il l'avait regardé les yeux brillants. Elle avait su bien avant même qu'il ouvre la bouche ce qu'il demanderait qu'elle fasse de la sienne. Il lui avait demandé si c'était ce qu'elle voulait. Si elle voulait le goûter. Le toucher. Le lécher. Le sucer.
Elle l'avait trouvé vulgaire.
Il n'avait jamais parlé comme ça devant elle.
Elle avait pensé que c'était sa seule chance. Sa seule chance de lui montrer qu'elle n'était pas cassée, qu'elle était comme tout le monde.
Alors elle l'avait fait.
Susan aurait aimé qu'on lui parle de l'odeur avant. C'était piquant. Peu engageant.
Elle aurait voulu qu'on lui parle des poils aussi.
Mais que s'était-elle imaginée au juste ?
Ça avait été dégoûtant. Bizarre. Étrange. Brûlant. Elle n'avait pas su quoi faire de ses mains. Elle les avait gardées le long du corps, avant de se décider à en faire quelque chose, puis une autre, jusqu'à finalement se tenir le ventre.
Elle n'avait pas su quoi faire de son corps de façon générale. De sa bouche. De sa langue. Elle avait continué. Elle l'avait avalé. Elle avait réprimé les haut-le-coeur parce que ses mouvements de bassin l'avaient forcé à le prendre davantage entre ses lèvres. Elle s'était fait violence et elle avait pleuré. Elle s'était concentrée pendant de longues minutes sur les traces de rouge à lèvres qu'elle avait laissé sur la peau. Un beau rose poudré, qui laissait l'empreinte de sa bouche autour de lui. Elle avait redouté le prochain coup de reins, qui l'obligerait à dépasser la marques de ses lèvres et à aller plus loin.
Un rouge à lèvres qu'elle avait appliqué avec soin, juste pour lui, et un peu pour elle, parce qu'elle aimait bien sa bouche.
Elle la trouvait jolie.
Après un moment, il avait scellé ses mains derrière sa nuque. Il l'avait emprisonnée contre lui, sur lui. Il s'était arrimé en elle et Susan n'avait pu s'en détacher. Il avait murmuré des mots encourageants, des mots doux, des « continue », des « c'est bon, Susan », qui l'avait meurtri parce que son cerveau à elle pensait « arrête » et « c'est dégueulasse, Susan ».
Elle avait eu mal au dos, aux genoux et à la mâchoire. Elle s'était crispée, tordue, de tous ses muscles, de tous ses os. Elle avait essayé d'ouvrir plus grand. Elle avait essayé de se tenir plus droite. Elle avait essayé d'ignorer la dureté du sol contre ses genoux, les fourmillements, les crampes dans ses cuisses qui remontaient le long de sa colonne vertébrale, ses reins endoloris par la position.
Il avait éjaculé dans sa bouche et elle avait tout recraché.Le liquide chaud et visqueux dans sa gorge l'avait dégoûtée. Il s'était excusé. Elle était allée dans la salle de bain attenante à sa chambre, c'était rincé la bouche.
Une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre fois.
Jusqu'à rester plusieurs minutes, la gueule ouverte en dessous du jet d'eau sans l'avaler.
Elle avait voulu se brosser les dents. Les retirer une à une, les nettoyer et les remettre. Tirer sa langue et la frotter.
Elle ne voulait plus jamais rien avaler.
Elle était sortie de la salle de bain. Elle l'avait trouvé allongé et elle avait renfilé ses chaussures. Elle s'était attendue à ce qu'il lui propose de la toucher mais il n'en fit rien.
Son plaisir à elle n'avait jamais compté.
« Bon bah... C'était sympa », avait-il dit.
La soupe de citrouille de Susan était en train de moisir quelque part dans son appartement.
A vingt ans, on n'était peut-être pas si invincible finalement...
OOO
Susan n'avait jamais su dire « non » parce qu'elle avait peur de l'abandon. Elle avait peur que les gens ne l'aiment plus, se rendent compte qu'elle était une menteuse, un imposteur, inintéressante et terne.
Alors même quand elle n'avait pas envie de faire quelque chose, de parler à quelqu'un ou de sortir, elle se faisait violence. Elle se forçait parce qu'elle avait peur qu'on l'oublie, qu'on la mette de côté et qu'on la jette. Elle était terrifiée à l'idée d'être toute seule, de ne plus pouvoir compter sur ses amis et qu'ils partent loin d'elle.
Elle avait froid rien que d'y penser.
Elle faisait passer les besoins des autres avant les siens. C'était comme ça. Ce n'était pas désintéressé. Ce n'était pas gentil. Ce n'était pas bienveillant. Susan n'était pas quelqu'un de bien de toute façon, pas autant que les gens le pensaient. Ça la faisait crever de s'en rendre compte mais elle avait un coeur en or seulement parce qu'elle le dorait elle-même. Son doux caractère n'était en rien naturel.
Elle ne disait jamais « non ». Elle disait toujours « oui ».
Ce jour-là, elle n'avait rien dit.
Et c'était encore pire.
