Echec
et mat, ma Reine !
1ère
Epoque : Chapitre 10
Attaque
Région
de Leynav, fin de l'après-midi.
Raistlin
soupira bruyamment.
"-
Il faudra surveiller le petit…"
"-
Hein ? De quoi tu parles ?" Sursauta l'elfe.
"-
De Palin, idiot ! Avec un don comme le sien, j'ai pas envie de le voir finir
comme ma mère (1) . Et Caramon voudra
probablement l'empêcher d'étudier la magie…"
"-
C'est plus que probable, en effet. Mais qui te dit que ton neveu voudra devenir
magicien ?"
Dalamar
avait lancé la seconde partie de délocalisation et les deux hommes n'étaient
plus qu'a quelques kilomètres de Leynav.
"-
Qu'est ce qui t'a poussé à braver la loi et à quitter le Sylvanesti ?"
Dalamar
ouvrit la bouche et la referma sans émettre un son.
"-
Je vois ce que tu veux dire… Je n'y avais pas pensé."
"-
S'il ne domine pas son don, c'est son don qui le dominera…et il finira par en
mourir."
Un
bruissement de feuilles se fit entendre sur leur gauche mais les deux hommes
n'y firent pas attention.
Le
Chasseur venait de repérer de nouvelles proies.
Il
y avait bientôt une semaine qu'il n'avait pas tué et le besoin se faisait de
plus en plus fort.
Il
suivit un peu les deux hommes le long du chemin de terre battue qui menait au
village jusqu'à ce qu'il soit sûr que ses proies se dirigeait bien là-bas et
qu'elles ne s'égayeraient pas dans la nature dès qu'il aurait le dos tourné,
puis couru ventre à terre prévenir son Seigneur.
L'un
des familiers leva la tête au passage de la créature horriblement contrefaite
mais ne fit rien pour l'arrêter.
Le
Chasseur se glissa dans la caverne.
"-
Groumph!"
"-
Qu'y a-t-il ?"
La
créature expliqua sa découverte dans le langage laid et sans nuance, le seul
que sa gorge mutilé puisse articuler, que ses frères et lui avaient appris.
"-
Des voyageurs en robes ? Quelle couleur ?"
La
bête effleura la robe du mage.
"-
Noire…Que viennent-ils faire dans le coin ? Rassemble la Meute." Fut
ordonné au Chasseur. Tuez-les et rapportez-moi leurs cadavres.
Le
Chasseur gronda de satisfaction et se rua dans les profondeurs de la caverne,
réveillant ses frères et les préparant pour le festin.
La
Meute se mit en chasse.
Aussi
silencieux que la mort, les créatures affamées étaient prêtes à tout.
"-
J'ai adoré ta réaction fasse au bébé, Dalamar. On aurait dit que tu avais peur
qu'il te saute à la figure." Taquinait gentiment Raistlin.
"-
Moque-toi, moque-toi…Ta réaction à toi était un poil débilitante j'ai trouvé. A
baver littéralement devant ce mouflet, lui faire des mamours et des areuh !
areuh ! dans l'oreille… Ridicule !" S'esclaffa l'elfe.
Raistlin
rougit
"-
Ca va hein ! J'ai toujours adoré les bébés, ils sont tellement
affectueux."
"-
C'est nouveau !"
"Quoi
? Que les bébés sont affectueux ?"
"-
Non, que tu aimes les lardons."
"-
Ca a toujours été le cas. Râla l'humain."
"-
Mouai, du moment que c'est pas les tiens…"
Raistlin
lui lança un regard étrange et un sourire moitié sardonique, moitié rêveur
passa fugitivement sur ses traits.
Les
chevaux s'agitèrent un peu.
"-
Que ce passe-t-il ?"
"-
Elles ont peut-être senti un loup." Envisagea l'elfe.
La
jument de Raistlin se cabra à moitié tandis que celle de Dalamar roulait des
yeux effarés. La tête très rejetée en arrière, la jument de bat hennit de peur.
Soudain,
les bêtes se calmèrent.
Encore
tremblantes sur leurs jambes (2) les
pouliches piaffèrent nerveusement.
"-
Là, là, ma belle. Un ours qui est passé sous le vent peut-être ?" Risqua
Raistlin en flattant l'encolure de Dora.
"-
On ferait mieux de ne pas s'attarder plus longtemps que nécessaire dans cette
forêt… Je sais pas pourquoi, mais je ne suis pas tranquille."
L'archimage
acquiesça et claqua de la langue. La jument avança docilement, un léger
tremblement du garrot et l'agitation erratique de ses oreilles trahissants
seuls son inquiétude.
Sans
que rien ne l'ait prévenu, Dora se cabra et hurla.
Le
hennissement fut si strident et terrifié qu'il liquéfia des intestins de
Dalamar.
Raistlin
atterri lourdement dans la poussière.
Une
énorme créature difforme avait sauté à la carotide de la jument et l'égorgea
sans que l'un des deux hommes puisse faire un geste.
La
jument gisait sur le sol, remuant encore faiblement. L'une des bêtes s'arrêta
le temps de laper le sang dégoulinant de la plaie. Le cheval de bat tira comme
une brute sur sa longe et jeta l'elfe à terre.
Dalamar
n'était pas encore relevé qu'une boule de feu s'écrasa sur le monstre qui
s'apprêtait à lui régler son compte.
Les
deux hommes se collèrent dos à dos.
Autour
d'eux, une vingtaine de monstres les encerclait. Deux d'entre eux dévoraient
las carcasses des chevaux pendant qu'un autre, le plus gros, mâchouillait l'une
des pattes de son frère carbonisé.
"-
C'est quoi ces trucs ?" S'enquit l'humain en pesant prudemment sur sa
jambe droite.
"-
Les bestiaux que nous sommes sensés nettoyer. Ta jambe ca va ?"
"-
J'ai du me fouler la cheville en tombant, mais ca ira. Bon sang, je m'appelle
pas Léon…"
"-
Hein ?"
"-
T'occupes. Je crois que nous serions bien inspirer de n'utiliser que des sorts
court et dévastateurs. Le Codex des pyromages, tu le connais ? "
"-
Sur le bout des doigts."
"-
Alors utilise plutôt ça. Je sens une résistance à la magie assez forte pour
bousiller des sorts plus stables. Et n'oublie pas ta dague. Ca peut être
utile."
"-
Téléportation ?"
"-
Pas sans point de référence en tête."
L'elfe
étouffa un juron.
"-
On est mal barré. Ils attendent quoi ?"
"-
Que tu t'énerves et que tu perdes tes moyens !" Répondit sèchement
l'Archimage. "Allez apprenti. Ce n'est pas plus terrible que l'Epreuve.
"
La
voix de Raistlin avait claqué comme un fouet, calmant Dalamar et lui rendant
une bonne partie de son calme.
Sur
un geste imperceptible du Chasseur, la Meute se rua sur eux.
Les
sorts éclatèrent de toute part et les créatures tombèrent comme des mouches.
Dalamar
en tua une à bout portant et le cadavre calciné lui tomba dessus. Le temps
qu'il s'extirpe de sous la masse de chairs informes, Raistlin avait été
entraîné loin de lui par la massa hurlante. Une griffe lui avait labouré le
flanc et la cuisse, mais il continuait à lancer sort sur sort.
L'archimage
serrait les dents. Il espérait que Dalamar n'avait rien et fut soulagé en le
voyant se relever. Tout à son inquiétude pour son ami, il ne vit pas le
Chasseur se jeter sur lui par derrière.
Des
crocs aiguisés comme des lames de rasoir s'enfoncèrent dans son épaule.
La
douleur lui brouilla l'esprit.
Dans
un éclair de lucidité, il lança un sort de protection, pendant que Dalamar
entamait un sort de transformation de la matière, espérant créer un vide
significatif autour de son maître. L'elfe ne put finir son sort, à moitié
assommé en pleine incantation par un autre prédateur. Avant de sombrer dans
l'inconscience, il eut le temps de voir son sort incomplet percuter celui de
Raistlin.
La
réalité vacilla autour de l'archimage.
L'explosion
lumineuse qui suivit le projeta dans les ténèbres.
La
mort lui sembla inéluctable.
Il
ne vit pas les monstres fuir.
*******************
Leynav,
auberge, quelques heures plus tard.
Dalamar
ouvrit les yeux avec difficulté.
Sa
tête lui faisait un mal de chien et quand il voulut tâter son crâne, il
rencontra la texture rêche d'un bandage.
Il
gémit lorsque son dos protesta à un essai de redressement.
"-
Dalamar, c'est bien ça ?"
L'elfe
hocha la tête, attentif à ne pas augmenter la douleur qui lui vrillait le
cerveau.
"-
Que s'est-il passé ?"
"-
Vous avez été attaqués par ces monstres. Vous et votre amie en avez tué une
bonne quinzaine avant d'être assommés. Nous sommes arrivés juste à temps pour
faire fuir les dernières, Valoran et moi. Puis nous vous avons transportés ici,
à l'auberge de Leynav."
"-
Mon ami ?" S'exclama Dalamar en faisant mine de se lever.
"-
…Va très bien, ne vous inquiétez pas. Notre guérisseuse s'occupe d'elle. Elle
ne souffrait que de quelques coupures et contusions. Lorsque l'hémorragie à été
stoppé, elle est sortie de tout danger."
L'elfe
se rallongea, la cervelle encore un peu brumeuse.
"'
Et dire que c'est nous qui étions sensés vous aider." Commença-t-il à voix
basse.
"-
Vous savez maintenant quel est le problème de première main."
"-
Oui, je vois…C'est mon maître qui va être content de pouvoir ce défouler."
"-
Votre maître ?"
"-
L'ami avec lequel je suis venu."
"-
Oh ! Je comprends mieux votre inquiétide. C'est vraiment une bien belle
femme…"
L'elfe
mit une seconde à analyser et à assimiler ce qu'il venait d'entendre.
"-
Vous avez dit quoi ?"
"-
Que votre amie est une bien belle femme…Je ne voulais pas lui manquer de
respect…" Commença-t-il à s'excuser en voyant l'elfe blêmir. "Qu'y
a-t-il ?"
Dalamar
était maintenant livide, un horrible pressentiment lui étreignait le cœur.
"-
Il fait que je le vois."
"-
Vous n'êtes pas en état !"
"-
Je dois le voir, maintenant !"
Valoran
entra dans la petite chambre.
Talion,
debout, les mains sur les épaules de l'elfe, tentait désespérément de lui faire
entendre raison et de l'apaiser
"-
Que ce passe-t-il ?"
"-
Il veut aller voir son amie."
"-
Il n'est pas en état de quitter ce lit pour l'instant."
"-
Dis-le-lui, toi. Il t'écoutera peut-être."
Valoran
se rapprocha du lit et pris le visage de l'elfe entre ses mains avec douceur.
"-
Maître Dalamar ? Calmez-vous s'il vous plaît. Votre amie va très bien. Elle est
tirée d'affaire. Détendez-vous. Ne me forcez pas à vous endormir…"
"-
Mais lâchez-moi !" Glapit l'elfe.
Le
jeune thaumaturge secoua la tête et fouilla dans l'une de ses poches. Il en
sortit une petite fiole de verre et en versa quelques gouttes dans un verre de
vin. Avec l'aide de Talion , il parvint à faire ingurgiter la mixture au
sorcier.
Les
mouvements de l'elfe se firent graduellement plus lents et plus mous.
En
quelques minutes, le somnifère avait fait son travail et il dormait
profondément.
"-
Il s'inquiète vraiment pour elle !" Constata Valoran. "Je ne pensais
pas qu'un mage noir pouvait ce soucier de qui que ce soit. Je lui ai donné
suffisement de produit pour assommer un dragon et il a pourtant mis un moment
avant de se calmer…"
"-
C'est probablement sa compagne."
"-
Possible." Grinça le mage blanc, une infime lueur de jalousie dans le
regard.
********************
Auberge
de Leynav, milieu de la nuit.
Raistlin
somnolait.
Ses
blessures avaient été pensées, il était au chaud et une présence rassurante
qu'il crut reconnaître lui caressa l'épaule.
Avec
un grognement irrité, il l'engueula.
"-
Dalamar, laisse moi dormir !"
Valoran
retira sa main.
Avec
colère, il quitta la pièce.
Notes de l'auteur:
(1) la mère de Raistlin est morte à cause d'un don très puissant mais sauvage qui l'a totalement dominé la laissant incapable de s'occuper d'elle ou de ses enfants. Elle est finalement morte d'épuisement vers les 15 ans des jumeaux.
(2) Pour les ignares, les chevaux, comme les autres équidés, sont des "animaux nobles" , ont ne parle ni de pattes, ni de gueule, mais de jambe et de bouche. C'est la tradition.
Copyright
Asrial 1999-2000
