Echec
et mat, ma Reine !
1ère
Epoque : Chapitre 21
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Dalamar se réveilla en sursaut et une terreur
rétrospective débilitante lui laboura le cerveau.
Il jeta un regard furtif autour de lui et reconnu la
chambre qu'il partageait avec Raistlin dans la caverne de Pyra.
Il se leva et gagna la cuisine.
Accoudés à la table, La jeune femme et Talion
attendaient en silence.
Pyra se leva en voyant l'elfe entrer.
"- Dalamar. J'ai cherché Raist partout… J'ai
bien peur qu'il ne soit…"
"- Vivant. Il est vivant."
"- Dalamar. Je sais combien tu tiens à lui… Je
n'ai pas retrouvé Valoran non plus…"
"- Normal. C'est lui. Il nous a roulé. Il l'a
pris. Il mourra."
"- Quoi ?" Pyra semblait un peu perdu
dans l'emploi approximatif des pronoms.
"- Valoran. C'est lui le maître des golems. Et
il a enlevé Raist. Je l'ai vu l'endormir. Puis j'ai été assommé, je n'ai rien
put faire."
Pyra et Talion observaient le maître des robes
noires totalement ébahis et ne le croyant qu'à moitié.
"- Allons, Dalamar. Je sais que tu ne l'aimes pas,
mais tout de même ! Valoran est un abruti. Il est incapable de distinguer sa
main gauche de son pied droit. Comment aurait-il pu réussir un pareil tour de
force ?"
"- Tu oublies la Reine… Qui y a-t-il de plus
simple pour elle que de circonvenir un gosse comme Valoran. Quelques promesses,
un peu de brosse à reluire et il tombe dans le panneau sans la moindre
difficulté."
Pyra fit une moue dubitative.
"- C'est un robe blanche…"
"- Raistlin l'a portée, je te rappelle, et
réfléchis. Comment les golems pouvaient-ils tout savoir de nos plans, quand
partir, comment réagir à nos attaques, comment nous éviter… Sans toi, nous
serions probablement aussi morts qu'on peut l'être…"
Pyra grimaça.
"- Je te crois…malheureusement. Raist à des
ennuis, de gros ennuis."
"- Au fait, comment a tu fais pour te battre
comme ça tout à l'heure ?"
Pyra leva la main, paume face à l'elfe.
"- Avec ça, et c'était il y a quatre
jours."
"- QUATRE JOURS !"
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Raistlin ouvrit les yeux et une vague de nausée
menaça de lui faire perdre le peu de contrôle qu'il avait encore sur lui-même.
Il tenta de bouger mais ne put dégager ses mains,
prisonnières au-dessus de sa tête. Il tira et le cliquètement métallique d'une
chaîne lui apprit qu'on l'avait attaché.
L'obscurité était totale autour de lui et une longue
quinte de toux le plia en deux lorsque la bouffée de poussière s'échappant des
draps atteignit ses narines, le laissant pantelant et épuisé.
Une douleur familière au fond des poumons l'effraya
plus que tout le reste. Il se frotta le visage contre l'épaule mais le bâillon
tint bon, l'empêchant de recourir à sa magie.
La porte s'ouvrit comme une seconde vague de nausée
lui enlevait le peu de moyen qu'il lui restait. Une larme d'impuissance glissa
sur sa joue.
Un Molosse de Guerre s'approcha, posa un regard
venimeux sur lui et montra les dents. Raistlin sursauta mentalement en
constatant que l'animal n'était pas blanc mais albinos.
Valoran entra à son tour et grattouilla la tête de
l'animal pour le calmer. Son regard se fit vide et l'archimage reconnu
l'expression de Pyra lorsqu'elle conversait en privé avec Sharn ou Ekalaka.
Deux autres Molosses, colossaux ceux-là, suivirent
le mage et vinrent se flanquer de part et d'autre de la porte.
Valoran alluma une petite lampe et referma l'huis.
Raistlin demeura choqué. Le mage portait, non pas
son éternelle robe de lin blanc, mais une pauvre robe noire, si élimée qu'on
voyait au travers par endroit. Mais plus encore que le changement de garde
robe, c'est l'expression du jeune mage qui pétrifia l'archimage. L'aimable
petit sourire doux et un peu timide qui fleurissait habituellement sur ses
lèvres avait disparus, remplacé par un rictus de pur convoitise. Les yeux
cerclés de noir, les pupilles si largement dilatées qu'on ne voyait plus
l'iris, le regard de l'humain brillait d'une flamme inquiétante que l'archimage
ne put interpréter.
Valoran s'assit sur le bord du lit et posa une
petite statuette de la Reine Noire sur la table de nuit. Une petite pierre
grisâtre sur la poitrine de la statue se mit à briller doucement et l'archimage
se sentit drainé de toutes ses énergies magiques.
Valoran patienta quelques minutes.
Quand, enfin, la pierre eut pris une belle couleur
argentée, il ôta le bâillon de Raistlana.
L'archimage était aussi faible qu'un poussin
nouveau-né mais rua dans ses chaînes,
espérant vaguement faire reculer son kidnappeur.
"- Ma chère Raistlana. Je suis désolé que les
choses en soient arrivées là. Amiel m'avait promis que tu serais à moi."
S'expliqua-t-il en lançant un regard affectueux au Molosse qui remua la queue.
"Mais ce n'ai pas tout à fait ce que j'imaginais…"
La femme lui jeta un regard dégoutté.
"- Tu ferais mieux de me relâcher tout de suite
si tu ne veux pas avoir de gros problème de santé. Je doute que Pyra et Dalamar
apprécient tes manigances…Je n'aurais jamais crut que tu sois suffisamment
dégénéré pour créer de tels monstres…Pyra t'a pourtant expliqué de quoi il
retournait. Rends-toi maintenant, et tu auras droit à une mort rapide et sans
douleur."
Le jeune homme eut un sourire rêveur et l'étincelle
indéfinissable reparut dans son regard.
L'archimage la reconnue enfin : La Folie.
Valoran était au bord de la folie. Les dernières
bribes de santé mentales qu'il possédait s'effilochaient rapidement sous
l'action de la Reine. L'archimage ne douta plus un instant de l'implication de
Sa Ténébreuse Majesté dans l'histoire.
Un poing de glace se referma sur ses entrailles.
"- Dalamar est mort." Murmura le fou comme
pour lui-même. "Euthanos lui a arraché le cœur. Pyra est morte consumée
par la magie. Et toi tu es à moi." Finit-il en battant des mains comme un
enfant avant de caresser l'épaule de l'archimage.
Raistlana recula de dégoût sous la caresse, se
refusant à comprendre et à admettre ce que venait de lui révéler Valoran. Il se
rencognât aussi loin du mage que lui permettait la chaîne qui lui entravait les
poignets.
"- Allons, soit gentille ma chérie."
Roucoula Valoran. "Je ne te veux pas de mal…"
Il tira sur la chaîne, forçant Raistlin à se
rapprocher, la raccourcit au maximum puis retourna son attention sur la jeune
femme sans défense.
Il joua un moment avec la cordelette de soie qui
ceignait la taille fine, visiblement à l'écoute d'Amiel.
La colère, puis une volonté absolue crispèrent un
instant son visage et les molosses quittèrent la pièce de mauvaise grâce avec
un reniflement dédaigneux.
La peur lui ôta toutes réactions.
Il ne put qu'émettre un petit couinement de rongeur
pris au piège lorsque Valoran dénoua sa ceinture et dénuda sa poitrine.
Le mage fou le caressa longuement, lentement.
Profitant de la situation suffisamment longtemps pour que la haine puisse enfin
dépasser la terreur.
Lorsque le jeune homme s'allongea sur elle,
Raistlana hurla de rage et eut une pensée désolé pour l'elfe.
Un éclair passa devant ses yeux.
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Dalamar arpentait la pièce avec une impatience
palpable. Talion aiguisait sa lame en silence dans un coin et Sharn, comme Eka,
engloutissaient la viande que venait de leur servir Pyra.
"- Nous n'avons rien trouvé…Que le bâton.
Aucune indication sur l'endroit ou la direction qu'ils ont prise."
Pyra soupira.
"- Dalamar, je ne sais pas comment te dire ça,
mais ça fait tout de même quatre jours. S'il était encore en vie, il nous
aurait fait signe."
L'elfe releva la tête et gronda.
"- Il est vivant. Les Abysses n'ont put avoir
raison de lui, ce n'est pas un mage blanc de quatrième zone qui va y parvenir
!"
"- Il ne veut pas la tuer…Commença doucement
Pyra. Et mieux vaudrait pour elle qu'elle le soit."
L'elfe ouvrit de grands yeux et pâlit au fur et a
mesure qu'il comprenait ce qu'impliquaient les paroles de Pyra.
"- Il ne peut pas faire ça…"
"- J'ai bien peur que si. Mieux vaux qu'elle
soit morte." Répéta la magicienne.
"- PYRA, JE T'INTERDIS…"
"- Tais-toi Dalamar. Tu ne sais pas ce que
c'est qu'un viol." Le coupa Pyra d'une voix très douce qui en disait plus
long qu'une bibliothèque.
L'elfe pâlit davantage et se tut.
"- Le bâton ?"
"- Talion ?"
"- Le bâton ? J'ai toujours entendu dire que ce
genre de machins étaient liés à leur propriétaire. C'est vrai ?"
"- Oui, mais où veux-tu en venir. "
"- Ben, c'est pas possible de tracer la
position du propriétaire à partir du bâton ? Comme vous l'avez fait avec les
pierres ?"
Dalamar se redressa d'un coup.
"- C'est génial Talion. Ca peut marcher."
Pyra secoua la tête en signe de dénégation.
"- Ca ne marchera pas. Pas dans l'état dans
lequel elle est…"
"- Quoi ? Son aura à un peu changer par rapport
à il y a deux mois, mais je suis quand même capable de la suivre !"
"- Je ne parlais pas de ça, Dalamar. Des
bouleversements bien plus important se sont produits dans son organisme… Son
aura a énormément évolué. Vu son
état…" La jeune femme ce tut soudain.
"- Son état ? Quel état ? Elle est malade n'est
ce pas ?"
Pyra discuta un instant en privé avec ses familiers,
grimaça à leur réponse mais fut visiblement convaincue.
"- Dalamar, assieds toi."
L'elfe obéit à contre cœur, dans l'expectative la
plus complète.
Pyra hésita un instant encore puis se jeta à l'eau.
"- Dalamar, Raist est enceinte."
L'archimage ne réagit tout d'abord pas, incapable de
comprendre ce que venait de lui dire la jeune femme.
Talion se leva et colla une grande claque de
bûcheron dans le dos de l'elfe, manquant lui décoller les poumons.
"- Toutes mes félicitations !"
Dalamar accusa enfin le coup et une lueur de
compréhension se fit lentement jour dans son regard.
"- Agru ? Enceinte ? Tu veux dire qu'elle
attends un enfant ?
"- Non, une moissonneuse-batteuse. Releva la
magicienne avec un pauvre humour."
"- Elle porte un bébé ? Je vais être papa
?"
"- Ben, je suppose qu'il est de toi…"
"- C'est pas possible…" Souffla le Maître
des Robes Noires en tournant de l'œil.
Pyra et Talion le regardèrent s'effondrer au sol et
échangèrent une moue amusée.
Le fermier rassit le mage sur sa chaise et lui
tapota les joues. Dalamar reprit conscience et jeta un regard hagard autour de
lui.
"- C'est une plaisanterie, n'est pas ?"
L'elfe enfouit sa tête dans ses mains devant le signe de dénégation de la
magicienne. "Ô mon dieu, il va me tuer…"
"- IL ?" Releva Talion.
"- C'est très compliqué Talion. Jusqu'à
récemment, Raistlana n'était pas une femme." Expliqua Pyra.
Le fermier lui jeta un regard incrédule.
Dalamar paraissait écrasé de culpabilité.
"- Secoues-toi un peu, Elfe, La mère de ton
enfant est dans les ennuis jusqu'au cou. Nous n'avons pas le temps de nous
occuper de tes états d'âme. Trouve quelque chose ! Ou tu les perdra tous les
deux !" Finit la magicienne d'une voix adamantine.
L'elfe sursauta et un frisson lui parcouru l'échine.
"- Elle est au courant ?"
"- Non…"
L'archimage baissa la tête. Plus accablé encore.
De longues minutes s'écoulèrent dans le silence,
juste troublé par le bruit de Sharn et Eka qui finissaient les quartiers de
viandes qu'ils avaient entamés.
"- Pyra ?"
"- Moui."
"- Tu l'as examinée pour être sûre ?"
Demanda Dalamar, une ébauche de plan ce formant dans son petit cerveau.
"- Evidement."
"- Donc tu as touché la "présence" du
bébé ?"
Pyra eu un sourire carnassier.
"- Je me mets en recherche immédiatement."
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Takhisis contacta son agent. Le dragon répondit
instantanément à la convocation.
"- Comment ce déroule les choses ?"
"- Nous l'avons."
"- Apporte-le moi immédiatement." Exigea
la Reine affamée.
"- Valoran ne veut pas la laisser. Il vaut
mieux le laisser jouer un peu avec avant de passer aux choses sérieuses, Ô ma
Reine."
La Reine Noire grinça des dents de dépit.
"- Je me fiche de ce mage. Tue le s'il n'obéît
pas !"
"- Ma Reine, pardonnez-moi, mais il serait
peut-être mal avisé de tuer vos agents. Il peut être encore utile. Et je vous
rappelle que la fille est toujours vivante."
Takhisis balaya l'argument d'un revers dédaigneux de
la main.
"- Cette fille n'est rien. Dalamar m'inquiète
plus."
"- Quoi ? Mais il est mort !" S'exclama le
dragon.
"- Non, il est vivant."
"- Comment ?"
"- Il a été soigné par… Décidément, je crois
que tu as raison, cette fille est dangereuse. Utilise Valoran pour te
débarrasser de ces deux là, et amène moi Raistlin."
Une poussée de puissance à l'état brute troubla le
sort de communication à distance.
"- Qu'est ce que c'était ?" S'enquit la
Reine.
Le front blanc du dragon se plissa de concentration.
"- Il semble que Raistlin ne soit pas aussi
impuissant qu'aurait dut le laisser la statuette-sangsue, ma Reine."
"- Occupe-t'en." Ordonna la Reine en
coupant la communication. "Décidément Raistlin, tu m'étonneras
toujours…."
Et elle se replongea dans l'observation de son
échiquier.
Deux des trois reines noires étaient échec. La troisième
menaçait d'atteindre la ligne de promotion.