Echec et mat, ma Reine !
2 ème Epoque : Chapitre I
Enfance
Tour de Haute Sorcellerie, Palanthas, fin de l'automne
Shandra se laissa glisser le long des barreaux de son lit et tomba assise sur son postérieur rebondit. Constatant qu'il n'y avait personne autour d'elle, elle conclut que pleurer ne lui aurait servit à rien et roula sur le ventre pour se mettre à quatre pattes. Elle trottina de son mieux jusqu'à la porte de la chambre d'un de ses pères et s'appuya dessus pour se mettre debout. En équilibre instable sur des membres peu coopératifs, le fillette cahota quelques pas avant que la porte ne la prenne par traîtrise et ne s'ouvre, la laissant sans appui. Elle vacilla un instant et se sentit partir en avant. Alors qu'elle réfléchissait à quel registre de pleurs utiliser pour exprimer l'extrême mécontentement que lui provoquait la disparition de la porte et sa rencontre sauvage avec le sol, deux mains fines se glissèrent sous ses aisselles et la hissèrent à hauteur d'yeux d'un adulte. La petit visage sérieux de Shandra observa un instant l'adulte qui l'avait soulevé et constatant qu'il s'agissait de "Papa", se permis quelques sanglots à fendre le cœur d'une pierre.
"Papa" eut un petit rire et la berça contre son cœur.
- Allons mademoiselle, arrêtes ça, tu ne t'es pas fait mal. s'amusa-t-il
Une seconde voix s'éleva derrière "Papa".
- Ce petit monstre est aussi manipulateur que toi ! Ca promet pour l'avenir...J'anticipe déjà des problèmes de garçons à n'en plus finir...
Shandra remua dans les bras de "Papa" et tendit ses petits membres vers "P'pa".
L'elfe récupéra la gamine au vol alors qu'elle échappait à la prise de Raistlin.
- Heureusement pour elle, elle a ton physique. Contra le Maître de la Tour.
La fillette voulut exprimer son désaccord mais ne put contraindre sa gorge à émettre autre chose que "Frgeee"
- Elle n'a pas l'air très d'accord. Ricana Dalamar.
- Mouai... Ben je ne crois pas qu'a huit mois je sortais de mon berceau pour aller cavaler partout.
Dalamar reposa la fillette qui se débattait et les deux hommes la regardèrent ramper vers la porte qui menait au labo. La suivant de près pour l'empêcher de faire des bêtises, ils s'amusèrent de ses tentatives d'attraper un cordon de velours qui pendouillait d'une étagère et durent la sauver d'une cornue qu'un coup de tête aveugle dans une table précipita à terre.
Fermement, Raistlin repris sa fille dans ses bras et plongea son regard d'or liquide dans les prunelles d'ébène.
- Le labo n'est pas encore un endroit pour toi ma chérie ; dans six ou sept ans si tu veux, mais là, c'est vraiment trop tôt.
Shandra lança un regard déçu au magnifique terrain de jeux que son père lui ôtait, mais elle se promit qu'elle y reviendrait pour jouer avant longtemps.
******************
La Tour, sept ans plus tard.
Shandra s'assit, boudeuse, à sa table. Son coquard avait quasiment disparu sous les soins de "P'pa" et l'engueulade si redoutée n'avait pas eut lieu ; "Papa" s'était contenté de lire le mot que l'institutrice de la fillette lui avait fait parvenir et avait émis quelques mots dans une langue qu'elle ne connaissait pas. "P'pa" lui avait dit qu'il s'agissait de draconien et Shandra l'avait cru sur parole. Pour la petite fille de huit ans aux cheveux blancs, ses pères étaient les détenteurs de toute la connaissance du monde.
Lorsque, la veille, plusieurs de ses camarades de classe avaient insulté ses parents, la petite fille leur avait sauté dessus et avait mis en pratique quelques unes des technique que "Tante Pyra" lui avait montrée. La maîtresse n'avait pas apprécié qu'une gosse fiche une peignée à trois adolescents et avait demandée à voir ses parents. Shandra craignait ce qu'elle allait bien pouvoir dire à ses pères mais ne pouvait rien faire.
Elle soupira et sortit de son sac son cahier et sa plume. La maîtresse passa dans les rangs et inspecta le travail qu'elle avait donné à faire à la maison et distribua bon et mauvais point. Shandra glissa le bon point dans la petite boite qu'elle réservait à cet effet et sourit. Allons, la journée n'allait peut-être pas être si mauvaise que cela après tout.
Midi sonna et les élèves sortirent leur déjeuner de leur sac. Shandra englouti le sien et attendit anxieusement l'arrivée de ses parents. L'habituel brouhaha des enfants se calma soudain et une vague de peur mêlée de curiosité balaya la petite salle de classe. Shandra sourit et sauta de son siège.
- Papas !
La maîtresse se leva à son tour et s'approcha de sorciers avec une visible aversion.
Raistlin et Dalamar rabattirent leurs capuchons et s'avancèrent dans la salle.
- Madame... Saluèrent-ils
- Messires ?
- Je suis Raistlin Majere, le Maître de la Tour de Haute Sorcellerie de Palanthas, et voici Dalamar, Maître des Robes Noires de Wayreth.
Un certain flottement parcouru la pièce.
- Lequel de vous est le père de Shandra ?
Les deux mages sourirent
- Tous les deux, madame.
La maîtresse ouvrit de grands yeux étonnés mais ce repris assez vite.
- Je vois...une histoire d'adoption, sûrement. Grinça-t-elle méchamment.
Raistlin fronça les sourcils.
- Pouvons-nous savoir pour quelle raison vous nous avez convoqués ?
- Votre fille s'est battue avec plusieurs de ses camarades. Expliqua le professeur en désignant trois adolescent assez amochés.
Dalamar s'approcha des gamins qui reculèrent jusqu'au mur.
- Puis-je savoir ce que vous lui avez raconté pour qu'elle se mette en colère ? Shandra ressemble beaucoup trop à sa mère pour exploser de cette façon.
L'un des gamins, visiblement le chef de la petite bande pris son courage à deux mains et bafouilla.
- Nous ne lui av...avons rien di...dit. Rien f..fait. Elle nous a attaquée sans rais..on.
- C'est pas vrai ! P'pa ! Il ment. Il vous a traité de couple de limaces purulentes et de nains des ravins dégénérés ! Et ils m'ont traités de bâtarde sans père ! S'emporta la fillette.
- Est-ce vrai ? Gronda à son tour Raistlin.
- Nous n'avons rien fait ! S'entêta le garçon.
La maîtresse s'interposa.
- Votre fille n'a fait que poser des problèmes depuis son arrivée ici. Elle ne suis pas les cours, elle est souvent dans la lune, et elle se targue de parler aux oiseaux ! Et des événements étranges se sont produits également. Le vieux puits asséché depuis des décennies c'est remit à fournir de l'eau, les feux sont parfois incontrôlables, et le bac à sable est plus proche d'un marécage que d'une plage ! Maintenant que je vois qui sont les parents de la petite tout s'explique, mais vous comprendrez que je ne peux pas la garder ici plus longtemps. Elle représente une menace pour les autres élèves.
Les deux archimages jetèrent un regard consterné sur leur fille qui avait toutes les peines du monde à retenir ses larmes.
- Pardonnez-moi, mais elle à toujours eut d'excellentes notes. Argumenta l'elfe. Et si elle est parfois dans la lune, c'est à cause de son hérédité elfique, elle entends "réellement" les oiseaux ! Quand aux bouleversements dont vous faites états, je ne vois pas en quoi elle pourrait être responsable. Depuis trois ans, vous auriez dut nous avertir.
- Je ne pensait pas que cette...bât...fillette puisse en être la cause, jusqu'à maintenant.
- Vous prétendez qu'elle aurait utilisée de la magie, comme "ça" ? Demanda Raistlin d'une voix faussement douce en claquant des doigts.
- Qu'est ce que j'y connaît, moi, à cette monstruosité. S'emporta la maîtresse avant de porter la main à sa bouche de confusion.
Shandra éclata en sanglot et se jeta dans les bras de Dalamar.
Un petit tic nerveux agita les lèvres de l'elfe et une colère froide envahit l'humain.
- Bien, je crois comprendre. Résuma l'archimage d'une voix polaire. Shandra est une bâtarde, une sang-mêlé, et la fille de magiciens. C'est cela plutôt qu'autre chose qui vous chiffonne, plus que ses résultats ou ses relations avec ses camarades. Je me trompe ?
Le professeur ne répondit pas mais releva la tête avec défit.
- Alors histoire d'enfoncer le clou, ma chère. Sachez que Dalamar et moi sommes les parents biologiques de cette petite. Sans la moindre histoire d'adoption. Grinça l'archimage avec une sourde satisfaction au mouvement de recul de la femme.
- C'est répugnant !
Raist haussa un sourcil et claqua des mains. Les affaires de Shand se volatilisèrent et il prit la main libre de sa fille qui continuait à sangloter.
Les deux hommes et leur enfant sortirent avec dignité.
Avec un accent sylvanesti à couper au couteau, Dalamar ajouta avant de partir.
- Que j'entende, ne serait-ce qu'une fois, que vous avez de nouveau fait preuve de racisme envers un enfant, "madame", et je vous jure que vous saurez de première main pourquoi je porte la robe noire.
- Cette institution est noble, magicien. Elle se doit de demeurer pure ! Répondit le professeur d'un ton insultant.
Un roulement de tonnerre se fit entendre et un éclair déchira le ciel d'un bleu céruléen comme Shandra jetait un regard mauvais à son ex-maitresse.
Les deux archimages échangèrent un regard amusé mais n'ajoutèrent rien.
Prenant la fillette entre eux, ils s'éloignèrent rapidement.
- Je ne crois pas qu'il y ait une autre école à Palanthas. Soupira Dalamar.
- Je suis désolée. S'excusa Shandra.
Raist s'accroupit devant elle et lui souleva gentiment le menton entre ses doigts.
- C'est pourtant un magnifique exemple des raisons qui nous ont fait te mettre dans une école "normale" et non dans une école de magie. Petit un, la magie, tu ne trouvera pas meilleur professeur que nous, petit deux, tu te dois d'apprendre à vivre en société. La Tour n'est pas ce qu'on appelle un centre d'échanges sociaux. L'archimage se releva. Et tu viens d'apprendre une bonne leçon.
- Ne pas juger les gens sur leur pedigree ?
- Oui, et puis ?
- Ne pas montrer mes talent d'élémentaliste ?
- Exact. Maintenant, tu sais pourquoi nous t'avions prévenus.
Shand soupira et se serra un peu plus entre ses pères qui la prirent par les épaules.
- Bien, et maintenant, où allons nous te mettre ?
Dalamar réfléchit un instant.
- Il reste l'école de Temple.
Raistlin ouvrit de grands yeux et éclata d'un chaud rire de gorge.
- Excellent. Allons t'inscrire de suite. J'ai hâte de voir la panique que nous allons causer.
Les deux hommes se mirent en chemin, leur enfant jouant autour d'eux comme n'importe quelle fillette de huit ans se promenant avec ses parents.
Dalamar s'avança jusqu'à la guérite du garde et le secoua doucement. L'homme, au trois-quarts endormis ouvrit un œil et manqua choir de son siège en voyant l'elfe noir se pencher vers lui.
- Que...Que voulez-vous ? Bafouilla-t-il
- L'école s'il vous plaît, mon brave.
Encore un peu ahuri, il pointa la doigt vers le Nord.
- Par..Par là...
- Merci, mon ami. Remercia l'elfe en lui tapotant l'épaule avant de s'éloigner.
Raistlin dissimula un sourire et prononça quelques mots en agitant les doigts. Avec un "plop", deux petits médaillons tombèrent dans sa main. Il en donna un à l'elfe et passa l'autre autour de son cou.
- Allons d'abord voir Crysania. Proposa-t-il. Je lui doit bien ça.
Dalamar accepta et chacun repris une main de la fillette avant de rentre dans l'enceinte du Temple. Protégés par les médaillons, les deux hommes ne ressentirent qu'une légère gène.
Tout autour d'eux, les prêtres vêtus de neige et d'azur leur jetaient des regard mi-paniqués, mi-curieux.
Dalamar entre le premier dans les bâtiments du Temple et fit signe aux autres de le suivre. Ils marchèrent pendant plusieurs minutes.
Enfin ils atteignirent la lourde porte de bronze qui les intéressaient.
Dalamar toqua et les deux mage entrèrent avec leur rejeton lorsqu'on les y invita.
Crysania releva les yeux des livres de compte qu'elle épluchait en s'ennuyant au dernier degré et retint un petit cri en voyant ses visiteurs. Les deux mages rabattirent poliment leurs capuchons et la saluèrent.
Se remettant laborieusement de sa surprise, la Révérée Prêtresse se leva et leur serra la main.
- Dalamar... et Raistlin ! Je ne croyais jamais te revoir. Comment allez vous tous les deux ?
- Très bien. Remercia Raist de la voix la plus douce et la plus mélodieuse que Crysania n'ait jamais entendue dans sa bouche.
- Tu m'a l'air en grande forme.
- Absolument.
L'archimage se tourna et poussa Shandra de derrière son dos devant la prêtresse.
Le fillette se rencognât le plus près possible de son père et tendit la main à la jeune femme sans toutefois lâcher la robe de l'archimage.
- Bonjour madame. Je m'appelle Shandra
Crysania fixa un instant la fillette avant de revenir au visage de Raistlin.
- Ta fille ?
- Exact.
Un petit quelque chose la chiffonnait. Elle mit enfin le doigt dessus.
- Quelle elfe à put la mettre au monde ?
Raistlin rit gentiment et s'expliqua.
- C'est moi qui l'est mise au monde. Dalamar est son père.
La prêtresse manque s'étouffer de surprise.
- QUOI ? C'est quoi encore cette nouveauté ?
Les deux mages rirent plus fort et Shandra repoussa les deux mèches d'ébène qui lui tombaient dans les yeux.
- C'est assez compliqué. S'excusa le maître des robes noires en désignant les fauteuils.
Crysania lui fit signe de la tête et tout trois s'assirent, Shandra sur les genoux de Raist.
Deux heures plus tard, Crysania émettait un long sifflement émerveillé.
- Eh bien dites moi ! En voilà une belle histoire. Je connaissais un peu les aboutissants puisque j'ai dut m'occuper de Valoran, mais je ne m'attendais pas à "ça". Pyra...c'est bien le nom que vous donnez à la prêtresse de Varune ?
Raistlin haussa un sourcil.
- Heu.. oui...
- Bien elle ne m'avait pas dit tout cela.
- Elle ne nous a jamais dit non plus qu'elle était prêtresse ! Râla un peu Dalamar.
Shandra intervint pour la première fois dans la conversation.
- Il suffisait de lui demander !
- Tu le savais ?
- Ben oui, je lui ai demandé de me parler de sa famille.
Les deux archimages échangèrent un regard effondré.
- Et bien je crois que nous aurons une petit conversation tous les trois...En dehors de ça, est-ce que Shand peut suivre les cours de l'école du Temple ?
La prêtresse sourit avec chaleur.
- Mais bien entendu ! Je sens que tu va te plaire ici !
Trois alouettes se perchèrent sur le bord de la fenêtre et chantèrent à plein poumons leur agrément.
Shandra s'illumina et ses yeux d'ébène pailletés d'or s'enflammèrent.
2 ème Epoque : Chapitre II
Règlement de Comptes
Palanthas, sept ans plus tard.
Shandra descendit lentement les marches de pierre et repoussa un Autre-mort avec un geste irrité. Elle sortit de la Tour en grommelant et claqua la porte derrière elle. L'adolescente eut un geste obscène en direction des fenêtres du labo puis jeta son sac sur son épaule et partit pour l'Ecole du Temple.
En chemin, elle s'arrêta devant l'étale d'un tailleur et resta un instant muette d'admiration devant l'une des magnifiques robes qui s'offraient aux regards des passants dans la vitrine.. Elle soupira et une bouffé de contrariété monta jusqu'à elle. Ses pères avaient beaux êtres parmi les plus puissants mages de Krynn, ils étaient infoutus de comprendre quoi que ce soit aux émois adolescents de leur fille. Lord Delon organisait un bal pour le solstice d'été et elle aurait bien voulu y assister. Mais comme ses chers et vénérés parents, plus protecteurs qu'un troupeaux de mères juives, ne voulaient pas qu'elle sorte sans que l'un d'eux, au moins, soit présent pour lui tenir la main, et comme il était de plus hautement improbable que l'un deux soit invité, Shandra se retrouvait exclue de la fête avant même d'avoir demandé la permission à ses géniteurs. Elle avait pourtant quatorze ans ! A son âge, nombre de ses amies étaient déjà fiancées, ou avaient au moins un petit ami. Elle, elle se voyait mal invitant un garçon à la Tour et le présenter à ses pères, s'il ne mourrait pas de peur en traversant le Bois de Shoikan, il s'enfuirait certainement en courant en rencontrant Raistlin ou Dalamar. Elle craignait tellement que son ascendance lui cause des problèmes, qu'elle évitait de donner son nom de famille, préférant y substituer celui de son homologue aux cheveux rouges; elle avait même supplié Crysania de l'inscrire juste sous son prénom.
Shandra haussa les épaules et quitta la devanture du magasin. D'un geste rageur, elle remit son sac sur l'épaule et gagna le Temple. Elle s'arrêta devant la petite guérite du garde et hésita. Rejetant une bouffée de culpabilité, elle tourna les talons et courut vers le marché. Elle espérait de tout cœur que ses parents - et surtout Raistlin - comprendraient qu'elle ne supportait plus la gentillesse doucereuse des prêtres et que les cours de religion qu'on lui assenait à longueur de jours pour "diminuer l'influence néfaste que les géniteurs de cette pauvre petite peuvent avoir sur elle " commençaient sérieusement à la gonfler.
Shandra sourit pour la première fois depuis des semaines et gagna la Place du Marché. Avisant un combat de coq, elle se décida à miser une pièce sur l'un des deux gallinacés. Son regard dériva un instant autour d'elle et elle frissonna en apercevant le doigt ténébreux de la Tour entre deux bâtiments. Elle haussa une fois de plus les épaules : non seulement ses pères n'avaient que peu de chance d'apprendre son escapade (elle voyait mal les prêtres de Paladine venir se plaindre de son absence à la Tour) mais de toute façon, ils s'en ficheraient probablement complètement.
*************************
Tour de Haute Sorcellerie
L'âme en peine revint à la Tour en quatrième vitesse et se présenta au Maître.
- Qu'y a t il ? Demanda une voix grinçante et agacée.
- Maîtresse Shandra n'est pas allé à l'Ecole du Temple, Maître. Elle a fait demi-tour et a préféré aller s'amuser au marché. "Dit" le mort-vivant.
Raistlin releva la tête du parchemin qu'il étudiait. Il eut une moue irrité et posa la feuille devant lui. Ses yeux devinrent un instant vitreux. Dalamar répondit à sa convocation mentale et vint le rejoindre dans son étude.
Encore une fois, l'apprenti demeura frappé en voyant le visage de son maître. Si, en tant qu'elfe, le temps n'avait que peu de prise sur lui, il n'en avait guère plus sur son maître. Bien que proche de la cinquantaine, ses seules concessions au temps étaient de légères pattes d'oie, nées d'années d'étude sur de mauvais parchemins sous une lumière trop faible et une petite ride de contrariété, creusée par les soucis et Shandra, (surtout Shandra d'ailleurs !), qui lui barrait le front.
- Que ce passe-t-il ?
- Shand se met à sécher les cours !
Dalamar leva au ciel un regard excédé, soupira bruyamment de contrariété et se laissa lourdement tomber dans le plus proche fauteuil.
- Une petite discussion entre quat'z'yeux ne sera visiblement pas du luxe.
Raist plia le parchemin qu'il lisait et appuya sa tête sur sa main.
- Elle a grandit si vite... Je ne sais pas quoi faire. Si on l'engueule, elle va se plaindre qu'on ne lui laisse aucune liberté, mais si on dit rien, qui sait quelle bêtise elle fera ensuite...
- Laissons lui une chance de s'expliquer, alors. Ta fille est parfois assez déroutante !
- Ma fille, hein ? C'est marrant cette faculté que tu as de ne te réclamer d'elle que lorsqu'elle est adorable. Tu es quand même pour quelque chose dans son existence, il semble.
- Ma contribution à été des plus minimes.
- Mais si appréciée. Sourit chaleureusement l'archimage.
L'elfe détourna la tête, mal à l'aise. Si les attentions de Raistlana ne l'avaient, en fin de compte, pas trop dérangées, celles de Raistlin le faisaient davantage grincer des dents.
Raistlin soupira de résignation devant le replis de son apprenti et n'ajouta rien. Il se tourna vers l'âme en peine et lui ordonna de reprendre sa surveillance.
*********************
Shandra encourageait fébrilement le petit coq hargneux sur lequel elle avait misée.
Elle poussa un petit cri de triomphe lorsque son champion jeta le challenger au sol et partit récupérer le fruit de son pari.
Plus libre qu'elle ne l'avait jamais été, l'adolescente ne sentit pas l'âme en peine qui lui filait le train mettre en déroute les deux jeunes voleurs qui l'avait prise pour cible, pas plus qu'elle se s'aperçut de l'effet nettement refroidissant qu'elle eut sur deux ou trois maquereaux en quête de chair fraîche.
Elle passa d'une boutique à l'autre, essayant vêtements et bijoux à tour de bras, s'acheta des petits gâteaux au miel, assista avec plaisir à plusieurs spectacle de rues...non sans toutefois fugitivement regretter que ses pères ne soient pas avec elle.
Avec étonnement, elle s'aperçut que la nuit approchait à grands pas. Avec appréhension, elle chercha une excuse crédible à son retard en courant vers la Tour.
Elle s'engouffra dans les Bois de Shoikan, saluant au passage les morts-vivants qui les peuplaient et se glissa dans le hall d'entrée. Elle gravit les étages qui la séparaient de sa chambre quatre à quatre et s'y engouffra en coup de vent. Elle se lava et se changea le plus vite possible et, courant toujours, gagna la salle à manger. Elle en entrouvrit la porte et se glissa à l'intérieur. Elle referma derrière elle et s'assit à sa place.
Ses pères l'attendaient pour dîner. Leurs visages étaient fermés et "P'pa" semblait particulièrement mécontent.
Shandra se fit toute petite et entama en réprimant une grimace le dîner largement carbonisé d'avoir attendu trop longtemps , attendant que l'un de ses géniteurs parle.
Un silence pesant s'abattit sur la pièce.
Ils mangèrent sans plus bruit que celui, outrageusement amplifié, des couverts s'entrechoquant.
De plus en plus gênée, Shand retint difficilement des larmes de rage et de confusion mêlées.
Finalement, ses pères posèrent leurs couverts.
- Tu n'as rien à nous dire ?
Shand soupira intérieurement. Si habituellement Dalamar était le plus conciliant de ses deux pères, il devenait un véritable Dragon sur les questions d'étiquette.
- Je suis désolée, je n'ai pas vu l'heure. Je discutais avec des amis...
- Oh, et tu n'as pas pensé que nous nous inquiéterions ?
- C'est nouveau ça ! Souffla-t-elle si bas qu'ils crurent avoir mal entendus.
- Shandra Majere, je n'apprécia guère ce genre d'insinuations ! Fulmina l'elfe en perdant totalement son calme. Je n'apprécie pas plus que tu sèches les cours pour aller faire la mariole sur le marché et qu'en plus tu nous mentes. Si c'est ce dont tu as besoin pour comprendre ce que signifient les termes autorité parentale et respect, je t'emmènerais moi-même à l'école et j'irais te chercher. Juste histoire que tu ne te perdes pas en chemin. siffla-t-il, venimeux
Shandra releva la tête, les yeux brillants de larmes de rage difficilement contenues.
- Qu'est ce que ça peut bien te faire que j'aille à cette foutue école de toute façon ! Ce n'est qu'un moyen commode que vous avez trouvés pour ne pas m'avoir dans les pattes ! Je n'y retournerais pas. Je n'ai plus rien à y apprendre. Je veux vivre ma vie, faire ce que je veux et ne pas avoir à obéir aux ordres ineptes de deux mages déplumés qui de toute façon ne s'occupent plus de moi depuis des mois ! Je sais bien que je ne suis qu'un accident regrettable, mais ce n'est pas la peine de me le faire sentir de manière aussi palpable. Je sais que vous ne m'aimez guère et que vous préférez passer votre temps le nez sur des grimoires à moitié moisis, mais ne m'empêchez pas de me faire des amis. Vous croyez que c'est simple d'être votre rejeton ?.
Les deux mages restèrent un instant sidérés par l'explosion décousue de leur fille.
Soudain, et sans qu'il puisse se retenir, Dalamar la gifla à lui en retourner la tête. Shandra s'écrasa au sol. Elle jeta un regard incrédule et désespéré à l'elfe et s'enfuie en courant, ses sanglots laissant un silence pesant derrière elle.
Raistlin ne put détacher son regard horrifié de son élève.
Il se reprit.
- Mais tu es malade ! Pourquoi l'avoir frappée ?
- Je...ne sais pas. Balbutia l'elfe, choqué par son propre geste.
- Bon sang, moi aussi j'ai été blessé par ses paroles, mais ce n'est pas une raison ! Ce n'est qu'une enfant !
Dalamar baissa la tête, la colère se le disputant à la honte.
- J'irais m'excuser...
- Nous allons surtout mettre les choses à plat tous les trois. Ses accusations n'étaient pas toutes dénuées de fondement. Nous l'avons un peu négligée ces derniers mois.
Dalamar soupira à se fendre l'âme et jeta un regard un peu perdu à Raistlin.
- Comme j'aimerais que Pyra soit là...
************************
Shandra claqua la porte de sa chambre derrière elle et se jeta sur son lit en sanglotant. Sa joue la brûlait encore, mais c'était moins la douleur que la stupéfaction et le choc d'avoir raison qui l'anéantissaient.
Jamais encore un de ses pères ne l'avait frappé... jusqu'à ce jour. Elle avait parfois été grondée, comme n'importe quel enfant, mais elle n'aurait jamais pensée que l'un de ses géniteurs puisse en arriver à cette extrémité.
Certes, elle avait été dure avec eux, plus dure qu'elle n'en avait eut l'intention, mais le geste de l'elfe la confortait dans l'idée qu'elle ne s'était pas si trompée que cela.
La jeune fille essuya ses larmes, fouilla sous son lit et en extirpa un vieux sac usé. Elle y enfourna quelques affaires et traça un idéogramme sur le sol. Elle se plaça au milieu et articula le sort idoine. La réalité se troubla autours d'elle. Une seconde et une légère sensation de désorientation plus tard, elle se retrouvait devant les Bois de Shoikan. Etouffant un dernier sanglot, une bouffée de remord et un frisson de crainte, elle mit son petit sac sur son épaule, repoussa la mèche de nuit qui lui tomba dans l'œil et s'enfuit en courant.
************************
Raistlin et Dalamar s'arrêtèrent devant la porte de leur fille et l'archimage toqua doucement.
Aucune réponse ne lui parvint.
- Shand ?
Personne ne répondit.
- Shandra ?!
Un horrible doute lui effleura l'esprit.
Il tourna la poignée et entra, l'elfe sur les talons..
- Shandra ? Où te caches-tu ?
Ils balayèrent la pièce du regard et s'arrêtèrent, un peu hébétés, devant le pentacle tracé à la craie.
Raist se pencha et effleura le cercle. Il ferma les yeux et murmura.
Il se releva un instant plus tard, un juron sur les lèvres.
- Quoi ?
- Elle est partie !
- Comment ?
- Elle à fait une fugue, Stupide !
L'elfe en resta comme de ronds de flancs.
- C'est pas de ma faute !
- C'est moi qui l'ai giflé peut-être. Raistlin savait qu'il était injuste, mais il avait besoin de passer ses nerfs sur quelqu'un. Il faut la retrouver avant qu'elle ne fasse des bêtises ou qu'il ne lui arrive des bricoles. Le cercle l'a menée à l'extérieur de la Tour. Elle peut être n'importe où dans Palanthas. Ca va être jouissif pour la retrouver encore !
- Teklon...
L'archimage rendit un regard vide à l'elfe.
- L'âme en peine qui lui court le train depuis quatorze ans !
- Ah paske ça a un nom ?!
L'elfe lui lança un regard de travers.
- 'scuze, c'est nerveux.
L'apprenti appela le mort-vivant qui se matérialisa intantanément devant eux.
- Cherche Shandra. Lui fut-il ordonné. Et informe nous au plus vite.
L'âme désincarnée "cilla" sous l'ordre cru mais obéit, il n'était pas question de désobéir.
************************
Shandra Majere s'enfonçait dans un quartier de la ville qu'elle ne connaissait pas et elle dut bientôt se rendre à l'évidence. Elle était complètement perdue.
Elle avala sa salive et chercha un point de repère.
Mais dans le quartier fangeux où elle s'était avancée, ni la Tour, ni la Bibliothèque, ni le Temple n'étaient visibles.
Elle étouffa un gémissement de crainte et resserra son manteau autour d'elle.
En cet instant, elle eut atrocement conscience de ce qu'elle était : une fillette, perdue au milieu d'un quartier mal famé, sans la moindre protection, cible toute désignée pour tout ce que le coin comptait de brigands, voleurs et patin couffin.
Elle ravala un sanglot, désespérant de ce sortir de ce guêpier.
Une dizaine de types sortirent d'une taverne, visiblement pas mal éméchés. Ils s'approchèrent d'elle. Elle se retint de courir mais accéléra le pas, espérant que les hommes ne la verraient pas.
Ses espoirs furent déçus et ils la rattrapèrent.
************************
Teklon retint un hoquet avant de ce souvenir qu'il ne pouvait en émettre. Il hésita un instant entre venir en aide à Shandra ou prévenir ses pères.
Il choisit d'obéir aux ordres et se volatilisa.
************************
Raistlin et Dalamar jetèrent leur cape sur leurs épaules et d'un mot se téléportèrent au lieu indiqué par l'âme en peine.
************************
Shandra recula. Elle serra son petit sac contre elle et sentit bientôt le mur de briques lui mordre le dos. Elle tenta de se reprendre et se réfugia derrière un masque d'orgueil farouche.
- Tenez les gars ! Regardez le beau petit lot qui c'est perdu par chez nous...Comme c'est dommage... Alors ma beauté, on fait du tourisme ou on cherche les émotions fortes. Gloussa le types, très content de son pauvre trait d'esprit.
- Mais c'est un joli petit sac, que tu as là. Ajouta un deuxième avant de le lui arracher des mains et de l'éventrer à l'aide d'un gros couteaux de marin.
- Soit bien gentille avec nous et nous te laisserons peut-être repartir... Ricana un troisième d'une voix obscène.
Shandra se recroquevilla sur elle-même. La peur la paralysant totalement. Elle se laissa glisser le long du mur, incapable de se défendre comme sa marraine le lui avait apprit..
Le premier des hommes la saisit rudement par le bras et l'instinct prit le dessus. Un crépitement bleuté jaillit dans l'atmosphère.
Le type la lâcha en criant et elle se heurta violemment la tête contre le mur. Un voile noir passa devant ses yeux et elle lutta de toutes ses forces contre l'inconscience.
L'homme tenait sa main brûlée jusqu'à l'os contre lui. Il eut un rictus désagréable.
- Sorcière...gronda l'une des brute en tirant son couteau.
Un mouvement apparut à l'extrême du champs de vision de l'adolescente. La dague chauffa brusquement et le voleur lâcha l'arme qui tomba au sol. Elle s'affaissa en une petite flaque de métal fondu.
Shandra tourna la tête, sachant déjà ce qu'elle allait voir.
Une envie de meurtre luisant dans le regard, prêts à arracher le cœur des agresseurs de leur fille avec les dent, les deux archimages lui firent signe de venir vers eux.
Profitant du flottement que l'apparition impromptue des deux mages avait causé, elle se dégagea et se jeta dans les bras de Raistlin.
- Papas ! Pleura-t-elle soulagée.
Ses pères tentèrent de la réconforter en lui murmurant quelques paroles à voix basse.
Rond comme un ornithorynque branché sur un pipeline de tequila, le chef de la petite bande ne réalisa pas immédiatement qui étaient les deux hommes en robe de gonzesses qui venaient les empêcher de s'amuser.
- Hé les p'tits gars, les parents de la p'tite pute sont là ! Allez mes mignons, allongez le fric... Ricana-t-il.
Raistlin haussa un sourcil et rabattit son capuchon sur ses épaules.
Les hommes se dégrisèrent instantanément.
L'archimage entama d'un voix délibérément forte un sort très visuel à défaut d'être très destructeur et les petites frappes s'égaillèrent dans les ruelles avoisinantes en poussant des hurlements de yorkshires cocaïnomane en pleine crise de manque...
Dalamar ramassa les affaires éparpillées au sol de sa fille et Raistlin prit les deux amours de sa vie par les épaules pour ramener tout le monde, sain et sauf, à la maison.
Dalamar posa le sac éventré sur le lit et s'y assit. Il fit un signe à la fillette qui vint le rejoindre, la tête basse.
Raistlin s'assit de l'autre côté.
- Shandra, nous t'aimons ! Nous ne savons peut-être pas toujours comment te le monter, mais tu es l'être le plus important de notre vie.
Shandra lança un regard immense et très humide à ses pères.
- Plus que votre Art ?
Les deux hommes de figèrent.
Le regard de Shand était maintenant si plein d'espoir, si désespéré du désir d'être aimé que les deux robes noires au cœur pourtant plus glacé que l'haleine d'un dragon blanc se sentirent fondre.
- Je ne veux pas te mentir Shandra. Tu sais ce que représente la Magie pour moi. Mais je t'aime au moins autant que mon Art... Murmura Raistlin.
Dalamar acquiesça de la tête
- Je sais que ce n'est pas la réponse que tu voulais entendre, ma chérie. Mais je me refuse à te mentir.
Shandra se redressa. Plus que n'importe qui elle savait ce que représentait la magie dans la vie de ses pères. Sans prévenir, elle se jeta dans les bras de sa mère et sanglota de joie à perdre haleine. Dalamar se rapprocha et la réconforta de son mieux.
A partir de là, la scène devint exagérément lacrymatoire...
2 ème Epoque : Chapitre III
Régence
Il soupira de contrariété et frappa du plat de la main le serviteur qui venait de lui tirer les cheveux.
Il posa la lourde couronne d'onyx et de platine sur sa tête et revêtit le lourd mantel pourpre symbole de sa charge.
Le Régent ouvrit le petit coffret que lui présenta un page et avec une répugnance manifeste, referma les épaisses menottes d'acier autour de ses poignets. Un sourire dur passa sur ses lèvres. Bientôt, les infamantes marque de sa servitude disparaîtraient, la Reine serait morte, et il aurait treize années devant lui pour éduquer la Princesse héritière à se convenance, ou pour la faire disparaître si elle se révélait intraitable. Il pouvait arriver tant de chose à un jeune enfant...accidents, maladies infantiles, fanatiques religieux ou politiques...
Hamelet se frotta les mains puis enfila les bottes à hauts talons qui lui permettaient de tricher sur sa petite taille. Quitte à être le Régent, autant avoir l'air majestueux !
Le front énergique, la mâchoire carrée, le regard clair et ouvert, l'homme laissait espérer honnêteté, force de caractère et une incorruptibilité totale. Malheureusement, le prince consort était plus sournois, vicieux, chafouin et mesquin que toute la Cour Impériale réunie...au grand désespoir des Conseillers, qui tentaient désespérément depuis un an de tenir les rênes du pouvoir et de limités les appétits du Régent...de façon assez catastrophique d'ailleurs...
L'homme suivit son page et attendit un signe du Sénéchal avant d'entrer dans la Salle du Conseil. Il marque le temps d'arrêt exigé par le protocole et se dirigea vers le trône.
En grinçant des dents, il s'assit sur l'inconfortable siège de cuir tendu placé à côté. Il leva la main gauche où étincela une bague d'argent en forme de tête de chacal et le chambellan entama la lecture de l'ordre du jour.
Hamelet laissa son regard dériver sur le visage de ses conseillers. Le Seigneur des Marches Hautes, Sologno, écoutait le chambellan avec un mécontentement visible, son homologue du nord, Dame Padora, se fichait complètement de ce qui se disait, trop occupée à faire du charme au seigneur Jamin d'Uri, Dame Solita et Dame Loiska, comme à leur bonne habitude prenaient fébrilement des notes, le seigneur Corado somnolait sur son siège et le jeune Comte Isby reluquait les gardes de la porte. Le Régent retint un sourire ironique à la vue de se ramassis hétéroclite d'incapables héréditaires et eut beaucoup de mal à ne pas laisser voir à quel point il se gargarisait de la situation. Il continua son petit passage en revue pas les Maîtres de Guildes et finis par le Maître Mage du palais.
Le vieux Sandor dormait, confortablement assis dans un profond fauteuil. Hamelet l'observa un instant puis passa au petit apprenti du mage avant de revenir au vieillard. Il réprima un mouvement de recul en apercevant la profondeur et l'implacabilité du regard que le mage lui lança soudain. Cela ne dura qu'une seconde et il ne dut la certitude de ce qu'il venait de voir qu'au goût désagréable de bile qui lui était remonté dans la bouche.
Le chambellan se tut et Sologno, doyen du conseil, prit la parole à son tour. Il entama un long discourt sur la nécessité d'ouvrir l'Empire aux royaumes extérieurs, puis, profitant qu'il avait la parole, entassa plaintes et réclamations auprès du trône sur, dans le plus grand désordre, la mauvaise qualité des récoltes, la météo, les serfs qui ne faisaient pas leur travail et de la stupidité du trône -- à savoir Hamelet lui-même -- d'avoir ordonné la diminution des prélèvements sur le travail annuel des serfs. Bref, il argua que tout ce qui n'allait pas dans le Royaume était la faute du Régent de près ou de loin.
L'époux de la Reine écouta distraitement le vieillard et prit mentalement une note. L'homme était vieux et son cœur ne devait pas être très solide. Il faudrait qu'il songe à lui envoyer un Garde Noir...
Sologno se rassit et un autre seigneur se leva à son tour. Hamelet réprima le gémissement d'ennui que les bavardages de ses conseillers lui procurait et afficha un petit sourire froid et digne, en tout point royal.
Au bout de deux bonnes heures, le Régent en avait des crampes au visage, se demandait si des escarres pouvaient apparaîtrent en moins d'une demi journée et faillit sauter au cou de Lord Isby pour l'embrasser lorsqu'il se tut enfin, pas forcement dans cet ordre.
Il remercia les Pairs du Royaume de leur irremplaçable participation au sort de l'Empire et leur promis d'éplucher scrupuleusement leurs réclamations et conseils puis mis au vote les résolutions du Conseil précédent, appuyant lourdement sur les points les plus ineptes et les plus abscons pour pouvoir faire passer en douceurs les textes qui l'intéressaient vraiment et se réservant de tout façon l'ultime décision sur les points fondamentaux de l'exercice du pouvoir. Le Régent ne souhaitait pas que sa prise de pouvoir puisse être trop flagrante avant que de s'être réellement assis sur le trône, mais il voulait la main mise sur l'état.
Enfin vint le tour des Maîtres de Guilde. Hamelet se carra de nouveau sur son siège et serra les dents. Il eut toutes les peines du monde à ne pas s'enfuir en courant durant les trois longues heures suivantes et ne dut son salut que dans les sujets même des réclamations apportées à l'attention du trône, elles étaient pour la plupart si baroques et farfelus que même le vieux Sandor eut des difficultés à conserver son sérieux : ce jour là, la palme revint au Maître des Agriculteurs du Comté d'Ousouf, qui passa tout de même près de quarante minutes à exposer les chiffres de la dernière épidémie de grippe contracté par les musaraignes de son territoire, et cela, avec un sérieux inébranlable.
Le Régent soupira de satisfaction quand cette torture journalière arriva enfin à son terme. Il se prit à rêver aux remaniements qu'il ordonnerait lorsqu'il serait couronné pendant que son sénéchal remerciait les Conseillers.
Oh, bien sûr, il faudrait abattre cette fichue tradition matriarcale, mais quand les conseillers et le peuple se seraient rendus comptes de l'incapacité de la Reine, de la Princesse, et de toutes les femelles de la lignée royale à gouverner, il faudrait bien qu'une décision soit prise et une tête couronnée, la sienne serait alors leur seul choix plausible.
Le Conseil se dispersa enfin. Quelques menues décisions avaient été prises et rendues à la convenance des vieux barbons pendant que les ordres du Régent seraient, eux, divulgués sous décret royal.
Le jeune homme quitta la salle du conseil et croisa Sandor dans le couloir. Il ne vit pas le regard méditatif que le vieux mage posa sur sa nuque, pas plus que l'inquiétude qui brillait au fond de ses prunelles laiteuses.
Il rejoignit la salle qui servait de dressing depuis près de six cent ans aux Impératrices de Varune et ôta son mantel de cour. Un page le prit et le rangea pendant qu'il ceignait le baudrier que lui présenta un autre serviteur. Il rajouta par dessus la mante d'or et de gueules, ridicule pour des épaules d'hommes, exigée par la tradition.
A grands pas, il parcourut l'aile ancestrale du Vieux Palais et gagna la Cour de Justice du Nouveau Palais.
Il glissa à moitié dans l'étroit escalier de quartz, se rattrapa comme il put au mur, et voua aux gémonies Alathéa IV, la Reine assez folle pour avoir fait construire un palais de quartz bleu. Si l'effet rendu par cette sucrerie était stupéfiant, digne des plus belles envolées lyriques de contes de fée, ce fichu palais était si mal conçut qu'il était difficile d'y loger plus de trois papillons.
Hamelet parvint sans dommage devant la lourde porte de bronze de la salle et deux gardes l'ouvrirent devant lui. Elle grinça de façon sinistre.
Le Régent gagna dignement son siège et s'y assis. Il songea fugitivement que si tout dans le palais avait été conçut pour le décorum, l'architecte avait du sécher les cours sur le confort et la fonctionnalité ,et il grimaça à la maltraitance de son postérieur.
- Faites entrer les justiciables. Ordonna-t-il.
Deux hommes entrèrent en se jetant un regard mauvais. Ils mirent un genoux à terre et sans se relever, exposèrent l'un après l'autre leurs griefs.
Le Régent s'effondra intérieurement de désespoir. Qu'avait-il à battre qu'un étalon se soit enfuis de son pré et ait couvert la jument du plaignant !
Il pria silencieusement toutes les divinités qui pouvaient l'entendre de lui permettre de survivre à tout cela et tenta d'apaiser les esprits des deux paysans. Il ordonna que le propriétaire de l'entier verse une amende à la couronne pour vagabondage d'animaux domestiques et débouta le plaignant de sa demande de dommages et intérêts, arguant du fait que le poulain à naître serait un dédommagement suffisamment substantiel.
Les deux hommes se retirèrent en grommelant et d'autres prirent leur place. Pendant d'interminables moments, les plaignants égrainèrent leurs petits conflits mesquins, leurs petites disputes stupides et le Régent se sentit bientôt près à hurler de frustration.
Enfin, le chambellan signifia la fin des audiences et il se leva en réprimant un gémissement de douleur.
Assez soudainement, il se demanda pourquoi il avait un jour choisit d'épouser Méléria et de faire sien cet Empire souterrain.
Il quitta le Nouveau Palais et gagna les Appartements de la Reine en passant par les jardins. Son regard dériva sur l'océan de vie qui s'étalait à ses pieds. Les buissons se paraient du vert tendre du printemps et les fleurs épanouissaient leurs somptueuses colores multicolores vers le ciel, sans se douter un instant que la voûte céleste n'était qu'une couche de basalte de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur et que ce n'était pas la douce atmosphère de l'extérieur qui pesait sur ses feuilles mais des dizaines de milliers de tonnes de roches, maintenus en l'état par les seuls sorts des mages d'antan et par la volonté d'une Reine, morte depuis des siècles.
Il leva les yeux et chercha à distinguer quelque chose à travers les improbables veines de quartz translucides qui apportaient jusqu'à ce pays égaré la lumière d'un soleil qu'il n'avait pas vu depuis plus de vingt ans.
Le régent repris sa marche et se glissa dans l'aile du Palais réservé à la Famille Impériale. Il traversa la Galerie des Portraits et rentra chez lui. Une femme, qui devait être assez jeune, lui sourit. Le sourire de la Reine était emplit d'un épuisement effrayant. Les chairs amaigries, la peau d'une malsaine couleur jaunâtre tendue sur des muscles imperceptibles, des cernes épais soulignant des yeux où ne subsistaient aucune couleur, profondément enfoncés dans leurs orbites, la faisaient paraître bien plus âgée que ses trente-cinq ans. Elle repoussa une mèche d'un auburn terne dont il n'était pas difficile de deviner que la couleur en était artificielle et tendit une main faible vers son époux.
- Mon ami, vous êtes bien courageux de tenir mon rôle.
- Ma mie, vous savez que votre santé est mon principal intérêt. Répondit le Régent tout en ambiguïté en embrassant les cheveux plats.
- Comment se porte cette chère Dévadoris, aujourd'hui ?
- Comme toujours mon ami, comme toujours. Soupira Méléria.
Le Régent quitta son épouse sur une dernière caresse indifférente et se mit à la recherche de sa fille. Il la trouva dans le petit patio, fort occupée à faire des bouquets de brindilles et de fleurs coupées. Sa nourrice fit mine de se lever mais le Régent lui fit signe de se rasseoir. Il jeta un regard froid, dépourvu de toute affection à l'enfant et l'observa jouer un instant. La fillette ramassa une brindille qui lui échappa des mains et resta une seconde avant de se pencher lentement pour la récupérer. Elle rata le végétal de plusieurs centimètres et dut utiliser ses deux mains et une bonne demi-douzaine de tentatives pour circonvenir le jouet. Hamelet eut un rictus satisfait. L'enfant n'avait aucune coordination, ne savait même pas parler et ne s'intéressait qu'à ses bouquets. Dans un recoin torturé de sa vilaine âme, l'homme calculait à quel accident regrettable une enfant âgée de six ans et retardée pouvait succomber, et quel retombées sa disparition aurait sur la santé mentale, déjà chancelante de la Reine.
Une petite voix se fit jour dans son esprit.
- La tuer n'est peut-être pas une bonne idée...L'éduquer pour être totalement dépendante de toi serait déjà plus intelligent...et plus utile pour légitimer ton accession au trône...
Le Régent retint un sursaut et jeta un regard incrédule autour de lui.
- Qui êtes-vous. Souffla-t-il. Où vous cachez vous ?
- Viens à moi, et tu le sauras...
Le Régent sentit sa curiosité prendre le pas sur la prudence.
- Où puis-je vous trouver ?
- Va dans les cachots du Vieux Palais. Dans l'ancienne salle de torture. De là, je guiderais tes pas...
Le Régent n'hésita qu'un instant, attiré malgré lui par une force qu'il ne contrôlait pas.
Il quitta le patio, abandonnant la fillette, et ne vit pas le regard sombre et intense, étrangement adulte de l'enfant, et où ne subsistait aucune maladresse.
Obéissant à la sombre voix qui le guidait, il gagna les souterrains puants du vieux palais.
Une torche dans une main, la poignée d'une épée dans l'autre, il s'enfonça dans le boyaux noir et étroit.
Il déchira nombre de toiles d'araignées, épaisses comme des parchemins, et dérangea leurs propriétaires, larges comme une main.
Enfin, il parvint à se frayer un chemin jusqu'à une pauvre porte de bois, si vieille qu'elle en était toute craquelée. Il aperçut les sceaux de cire qui fermaient la porte et reconnus la marque de Kamara, première Reine de Varune, celle là même qui, sentant la mort venir, avait liée son âme à la Voûte, la protégeant et la renforçant de son implacable volonté.
Sur un ordre de la voix, il ouvrit l'huis et se glissa à l'intérieur. Il referma la porte derrière lui et balaya la pièce des yeux.
Au fond de la petite chambre reposait, sur un dais couvert de poussière et d'un épais liquide sombre et séché, une statuette de métal.
Il s'approcha de l'autel et détailla la sculpture.
Haute de près de trois pieds, elle représentait un dragon à cinq têtes. La finesse de la sculpture était telle qu'il pouvait distinguer l'expression du regard de chacune des têtes, les écailles avaient été taillées une a une dans des pierres précieuses et incrustées dans la masse du métal. La faible lueur de la torche se reflétait dedans à l'infini, créant des jeux d'ombres et de couleurs s'étalant sur les mur comme autant de taches d'un sang coloré et non-humain. Le Régent resta de longues minutes paralysé par le spectacle, hypnotisé par les couleurs changeantes et mouvantes que la déesse offrait à ses yeux.
Les yeux de la statuette s'illuminèrent d'un feu intérieur qui n'avait rien à voir avec la torche.
- Qui êtes vous ?
- Takhisis.
- Déesse ! Gémit l'humain en se jetant à genoux.
- Lève-toi, humain. Je n'ai que faire d'adoration gémissante et pleurnicharde. Je t'ai choisit pour être pour être mon Elu entre tous. Tu m'obéiras, et tu verras tes rêves les plus fous exhaussés. Tu seras le Roi de cet Empire, tu règneras sans partage... Mais tu devras faire quelque chose pour moi.
Une lueur de totale dévotion brilla dans le regard d'Hamelet.
- Oui déesse, je t'appartiens...Que veux-tu que je fasse ?
- Tu vas préparer ma venue sur Krynn. Deux fois déjà, j'ai été empêché de revenir par la faute d'un impudent. Je compte sur toi pour lui faire rendre gorge. Tu devras me fournir puissance, pouvoir, ainsi que l'homme que je t'indiquerai. Je veux du sang, un sang vif et puissant. Je vais revenir en ce monde et le ployer à mon vouloir. Tu seras le Seigneur de ce monde neuf. Choisis de me servir, ou péris.
Un frisson glacé parcouru l'échine du Régent. Il avala péniblement sa salive et s'inclina plus bas encore.
- Je suis à vos ordres, Ô, ma Reine...
Les yeux de la statuette brillèrent d'un éclat plus vif et malsain.
NdA: Un gros bisou à : Belifa, Cal Sam, Debranjo, Gibergeon, Tree, Corado, Baroc (mon chouchou !), Maisse, Brink, Champagne, Uri, Rif, Vandor, Sologno, Loiska, Jawad, Tritonon, Roxelane, Quelus, Leonora, Padora, Ousouf, Ougandine, Jamin, Isby, Solita, Hamelet, Biguine et ceux dont j'ai oublié les noms.
Ainsi qu'aux couples : Sandor et Théo, César et Cap Nord, et Tino (qui lui est tout seul, le pauv'vieux!) .
Sans oublier Ilka, Michelle et Claire, ainsi que tous les autres moniteurs de Taine et Pitou. (Ils se reconnaîtront s'il tombent un jour sur cette page)
2 ème Epoque : Chapitre IV
Myraël
Extrême est du Sylvanesti
Le petit garçon se glissa prudemment hors des ruines de ce qui avait été sa maison. Il courut silencieusement le long du cimetière improvisé où il avait enterré ses parents -- un simple trou dans le sol qu'il avait réussi, dieu sait comment, à boucher -- et entra sous le couvert de la foret. Ses pieds nus foulaient le sol couvert de mousses sans bruit aucun et ses vêtements en lambeaux s'accrochaient parfois aux ronces. Il s'accroupi et ramassa toutes les mûres qu'il put trouver. Il en mangea une petite partie sur place et continua son petit tour journalier. Il grimpa dans un vieux pommier et ramassa quelques pommes ridées de l'automne précédent. Ils les enveloppa soigneusement dans les restes de sa chemises avant de retourner chez lui. Il passa devant un noyer qu'il n'avait pas encore repéré jusque là et collecta tous le fruits qu'il put trouver. Un bruit éclata derrière lui et le petit elfe s'enfuit avec son maigre butin aussi vite qu'une volée de moineaux effarouchés.
Il courut aussi vite que ses petites jambes épuisées pouvaient le porter et regagna sa maison. Il se glissa par le petit trou que les planches carbonisées avaient laissées libre en s'écroulant et étala ses trésors devant lui. Consciencieusement, il mit les noix de côté, entreposa les pommes au sec et englouti les quelques mures qui lui restaient pour son déjeuner. Il se fit une raison et prit le dernier biscuit qui lui restait. Il le posa sur la langue et le laissa fondre. Des larmes lui montèrent aux yeux, ces biscuits étaient les derniers que sa maman avait fait avant que le village soit attaqué, il y avait plus d'un mois maintenant. Elle les avait mis à refroidir sur le bord de la fenêtre lorsque des cris de terreur avaient envahis le petit bourg. Des humains étaient sortis de la foret. Ivres de vin de miel et de carnages, ils avaient consciencieusement massacrés la petite trentaine de colons elfes avant de mettre le feu aux pauvres maisons de planches. Myraël avait longtemps pleuré. Sa mère l'avait caché dans le petit cellier de la cabane et avait fuit devant les attaquants. Les hommes l'avait tué sans prendre la peine de réfléchir avant de brûler la maison. Un poutre écroulée avait protégé le réduit et Myraël s'en était miraculeusement sortit indemne, seul survivant des pionniers.
Le petit elfe essuya ses larmes et se pelotonna sous la couverture déchirée qu'il avait réussi à sauver des flammes. Il ferma les yeux et s'endormit. Dehors, le soleil se leva sur le village mort
************************
Dalérion secoua sans aménité ses hommes et s'attira leurs reproches bon enfants. Il plia sa tente sans se soucier de la pluie qui coulait sur le visage de son second qui refusait catégoriquement de se lever et roula le tout sur le troussequin de sa selle. Il battit le briquet et un feu ronfla bientôt au milieu des braises encore rougeoyantes de la veille.
Valenth, Talenth et Queris émergèrent en râlant de leur tente et se partagèrent les taches ménagères avec l'excellence de l'habitude. Famanos consentit enfin à se lever à son tour et traîna sa jambe boiteuse jusqu'aux chevaux qu'il étrilla sommairement avant de les harnacher.
Une délicieuse odeur de porridge chaud envahit l'atmosphère et les cinq elfes se retrouvèrent autour du feu pour le petit déjeuner.
************************
Myraël fut réveillé par le grondement de son estomac vide. Il sortit de son abris et se couvrit de sa couverture pour se protéger sommairement de la pluie fine qui s'infiltrait partout. Il jeta un regard un peu hagard autour de lui et ce rendit compte qu'il avait dut dormir au moins vingt quatre heures. Une odeur fascinante lui chatouilla les narines et lui fit monter l'eau à la bouche. Quelque part, pas loin du village ravagé, quelqu'un faisait cuire du porridge. L'enfant se mordit les lèvres. Il avait tellement faim qu'il pourrait manger n'importe quoi mais la peur de rencontrer des humains le clouait sur place. Son estomac gronda de nouveau, balayant toute réticence. Prudemment, il se faufila au milieu des arbres. Il aperçut bientôt un petit campement. Sa vue était rendue trouble par la faim et ses forces déclinantes ne lui permettaient pas de distinguer clairement les cinq hommes réunis autours du feu. Une petite bouffée de joie embrasa le cœur du garçonnet. Lorsque les adultes seraient partis, avec un peu de chance, il pourrait récupérer les braises encore chaude et les rapporter jusqu'à sa maison.
Myraël avisa les chevaux et se glissa dans le fourrés vers eux. Il supposa être assez silencieux et aussi ne vit-il pas Dalérion relever le nez de son bol en fronçant les sourcils, pas plus qu'il ne vit les elfes se préparer à l'encercler. Il parvint aux montures et ouvrit délicatement les fontes de l'un d'eux lorsqu'une poigne de fer lui emprisonna l'épaule.
L'enfant glapi de surprise et se laissa tomber au sol. Il se roula en boule, attendant que les coups pleuvent.
Famanos lâcha le petit elfe famélique avec un sursaut et recula d'un pas.
- Je ne lui ai pas fait de mal ! Ce défendit-il en voyant Dalérion prêt à l'engueuler.
Valenth se rapprocha de l'enfant.
- Il est très mal en point 'Lèr. Il est anémié et couvert de plaies. Il faut le soigner et le nourrir. Je ne sais qui sont ses parents, mais il mérites une sacrée correction !
Dalérion hocha le tête et se pencha à son tour sur le gamin.
- Petit ? Nous ne te voulons pas de mal...Où sont tes parents ?
Myraël releva timidement les yeux en entendant parler elfique.
- Petit, comment t'appelles tu ? Quel age as-tu ? Demanda encore le chef de la petite troupe.
Myraël tenta d'articuler quelque chose mais les muscles de sa gorge, qui n'avaient pas servit depuis plus d'un mois refusèrent de coopérer. Il refis un tentative qui fut plus convaincante.
- Myraël... j'ai huit ans. Coassa-t-il d'une voix à peine audible.
Queris souleva l'enfant dans ses bras et l'emporta vers le feu. Famanos lui servit un grand bol de porridge tiède et très liquide que l'orphelin engloutit d'une traite. Talenth et Valenth revinrent des montures avec leurs trousses de premiers soins et pansèrent les plaies du petit enfant. Les cinq elfes se renfrognèrent considérablement lorsqu'il virent l'état de saleté du petit, l'usure de ses vêtements, et les brûlures à demi refermées qui constellaient son torse maigre. Les jumeaux abandonnèrent leur opérations médicales et ordonnèrent à Quéris et Famanos de leur rapporter de l'eau à faire chauffer. Un bain ne serait pas de trop avant toute tentative de soin !
Les deux elfes soupirèrent bien un peu, mais plus par habitude de râler que par réel ennui.
Myraël lança un regard perdu autour de lui. Un rien de panique fleurissant au fond de son regard.
Enfin, il fut lavé, habillé de propre et soigné.
Dalérion revint à la charge.
- Où sont tes parents ?
L'enfant lui jeta un petit regard triste et doux.
- Avec les autres gens du village...
- Où est le village ?
- Par là. Expliqua le petit en tendant un doigt vers la forêt.
- Tu veux bien nous guider ?
- Oui.
Myraël se leva et les guida vers les restes du village.
Dalérion entendit Valenth hoqueter d'horreur devant le spectacle d'apocalypse que leur livraient les carcasses éventrées de petites maisons.
Très pale, il se retourna vers l'enfant dont il n'avait pas lâché la main.
- Où sont les habitants ?
- Par là.
- Montre moi.
Il suivit le petit qui s'arrêta devant un grand trou rebouché de frais.
- Ils sont là.
Incrédule, Famanos dévisagea l'enfant.
- Tout le village ?
- Oui.
- Où sont tes parents ?
- Ils sont là.
- Et tes frères et sœurs ?
- Ils sont là.
- Les femmes et les enfants...
- Ils sont là.
Myraël ne ressentait rien. Au delà de la douleur, il s'était contenté d'emmener les grands qui voulaient voir ses parents.
Il leva les yeux sur l'adulte qui lui broyait la main dans un étreinte d'acier.
- Vous me faites mal à la main. Constata-t-il presque avec indifférence.
Dalérion lui jeta un regard horrifié avant de le soulever de terre et de le serrer dans ses bras.
- Oh, pardon, mon petit, je ne savais pas...
Myraël ne bougea pas, indifférent.
Il lança un regard triste à Valenth qui pleurait comme un enfant.
- Pourquoi pleure-t-il ?
- Il pleure sur les morts. Explique Talenth, le cœur au bord des lèvres.
- Oh...
Dalérion haussa l'enfant jusqu'au niveau de son regard.
- Depuis quand vis-tu tout seul ?
- Un mois.
- Que c'est-il passé ? Pourquoi un village d'elfes installé si près de la frontière ?
- Les humains. Je ne sais pas.
Daltra-ha-hanka-shillestalérion se sut que faire. En désespoir de cause, il décida d'emmener l'enfant avec lui.
Laissant le charnier derrière eux, ils s'éloignèrent.
Myraël ne quitta pas des yeux son village ravagé. Bien longtemps après qu'il ait disparus derrière les frondaisons qui se refermaient autour d'eux, il n'avait toujours pas cillé.
************************
Quelques semaines plus tard
Pyra s'étira lourdement selon sa bonne habitude et bailla, laissant apercevoir des dents de petit carnassier.
Elle descendit ses étriers, les ajustas et rassemblant les rênes, se hissa en selle. Les yeux encore plein de langueur, elle flatta l'encolure de Lance D' Acier deuxième du nom et bailla encore. Elle effleura les flancs de la jument des genoux et l'équidé partit d'un pas élastique propre à dévorer les lieues.
- Pyra !
La jeune femme se retourna lentement et braqua son regard de glace sur le jeune homme qui l'interpellait.
- Qu'est ce que tu fais ? Où vas-tu ?
- Et bien je m'en vais, tu vois. Expliqua-t-elle d'un voix d'une voix nonchalante.
- Tu ne peux pas partir, et moi dans tout ça !
- Toi ? Mais tu as remplis ton rôle mon vieux. Insista-t-elle comme si elle parlait à un demeuré.
- Quoi ? Tu me plaques comme ça ! C'est inadmissible ! Tu es à moi, je ne vais pas te laisser partir comme ça !
Pyra eut un soupir irrité. Cela lui arrivait parfois, elle tombait sur des hommes qui croyait que si elle leur ouvrait sa couche, il pouvait se permettre de lui imposer leur présence envahissante.
- Ecoute vieux. Tu a été un amant correct, maintenant je me suis lassée, alors je m'en vais. Si cela ne te convient pas, c'est pareil. Je t'avais prévenu dès le départ que je n'était pas du genre à m'accrocher, ne viens pas te plaindre.
- Tu ne peux !
- Je suis un mage, je fais ce que je veux.
- Tu as dit que tu m'aimais !
- J'ai dis que j'appréciais ta compagnie.
- C'est la même chose.
- Pas vraiment. Maintenant enlève toi de mon chemin. Grinça-t-elle d'une voix mauvaise.
L'homme pâlit et se recula précipitamment. Pyra claqua de la langue et sa jument partit au petit trot, laissant derrière elle son amant d'une nuit.
Elle attendit d'avoir atteint la route et se pencha en avant. Elle enfouit son visage dans la crinière de sa monture et serra les mollets. Les muscles de la bête de contractèrent entre ses cuisses et elle partit au galop. En quelques foulées, la jument de bataille parvint à sa pleine vitesse et La magicienne s'amusa de voir Sharn et Eka traîner lamentablement la langue derrière elles.
Elle se redressa et ferma ses doigts sur ses rênes. La jument se rassembla puis passa au petit trot.
Vers le milieu de la matinée, Pyra entendit des bruits de bataille loin devant elle. Egine quitta son épaule et vola lourdement aux renseignements. Quelques instants plus tard, le fils d'Egon revint se poser sur le pommeau de la selle.
Pyra se tourna vers ses familiers.
- Des elfes en mauvaise posture...on y va ?
************************
Tour de Palanthas
Shandra jongla efficacement avec les récipient qu'elle tenait et parvint à les apporter près de la cheminée sans en renverser une goutte. Elle disposa les foies sur l'aire de travail et les nettoya consciencieusement. Elle consulta l'épais grimoire qui reposait sur une déserte et écrasa les organes. Elle contempla un instant le résultat obtenu et grimaça. Elle plongea la main dans un bol et en sortit trois foies de pigeons. Elle les écrasât à leurs tour et les rajouta à sa préparation. Elle mit le tout de coté et relit un fois encore ses instructions. Satisfaite, elle déboucha un flacon et en versa le contenu dans un large bol. De petites billes blanches nageant dans un épais liquide vert-jaune passèrent au pilon avant de rejoindre les foies. Elle marmonna quelque chose dessus en agitant les mains et versa le tout dans un récipient de terre qu'elle plaça dans de l'eau bouillonnante. Elle s'occupa ensuite des insectes carapassonnés que son père lui avait recommandé. Elle prit un maillet et les écrasa énergiquement sans plus de façon. Elle jeta la pulpe obtenue dans un grand chaudron et le mis sur le feu. Elle touilla longtemps. Enfin, quand elle eut obtenue une belle couleur de cuir neuf, elle sortit le tout du feu et le filtra soigneusement.
L'adolescente jeta une pincée de cristaux blancs pulvérisés dans le mélange et hocha la tête de satisfaction. Elle récupéra le récipient en terre et démoula son contenu. Le dessus avait prit une magnifique couleur dorée qui la ravi.
Elle le plaça sur un plat d'argent et versa autour le filtrat. Elle attrapa au vol un énorme couteau et une cuillère et emporta le tout à l'examen de ses pères.
Debout devant eux, dansant d'un pied sur l'autre, elle attendit leur verdict avec impatience.
- Comment appelles-tu cela ? demanda Raistlin en portant un morceau de la préparation à sa bouche.
- Gâteau de foies blonds de volailles à la bisque de homard.
- Excellent ma chère...Excellent...
Shandra se retint de se gargariser de satisfaction. Il faudrait qu'elle remercie Pyra de lui avoir apprit à cuisiner la prochaine fois qu'elle la verrait, ce qui ne devrait tarder. Après tout, la magicienne n'avait qu'un mois de retard...
************************
Est du Sylvanesti
Dalérion aida rapidement Myraël à monter dans un arbre et dégaina son épée. Il eut à peine le temps de parer une première attaque qu'un second brigand le prenait à revers. Il se protégea comme il put et entendit un glapissement de douleur sur sa droite. Valenth se porta au secours de son jumeau et repoussa ses agresseurs. La quinzaine d'humains qui les attaquait eut l'air surprise par leur résistance. Les hommes repartirent à la charge et Dalérion vit Famanos s'effondrer dans une gerbe de sang. La bouche sèche et la rage au cœur, il sut que sans un miracle, ils ne s'en sortiraient pas.
Un bruit de galop résonna. Il tourna fugitivement la tête et aperçut une jument de bataille charger vers eux. Pas réellement à fond de train, pas non plus au canter, l'allure de la bête ne pouvait être qualifiée autrement que de meurtrière et de délibérée.
Une boule de feu balaya un homme pendant qu'un autre s'embrochait sur une épaisse lame d'acier brute.
Dalérion remercia les dieux de l'arrivée d'un sauveur.
Avisant la profonde plaie qui lui barrait la poitrine et la mare de sang qui s'élargissait à ses pieds, le frère de Dalamar décida qu'il pouvait, en toute quiétude, sombrer dans l'inconscience...
2 ème Epoque : Chapitre V
Seuils
D'un lourd revers, Koran décapita proprement un brigand avant que de s'enfoncer dans la poitrine d'un autre.
Pyra rengaina l'épée et incanta lourdement. Les voleurs survivants tournèrent vers elle un regard terrifié et s'enfuirent en courant.
La magicienne démonta et se porta au secours de Dalérion. L'elfe n'était pas sérieusement blessé alors elle se contenta de lui bander sommairement la poitrine et s'approcha de Famanos. L'elfe dégingandé baignait dans une marre de sang et Quéris tentait tant bien que mal d'arrêter l'hémorragie. Pyra le poussa rudement et posa une main sur l'épaule déchiquetée qui n'était plus reliée au torse que par quelques lambeaux de chairs. La pierre passa au blanc et la plaie de se referma sous le regard incrédule des trois elfes conscients.
Pyra enveloppa le blessé dans sa cape et ordonna d'une voix sèche qu'un campement soit monté au plus vite.
Un peu abasourdis, Valenth et Quéris obéirent, laissant Talenth et la sorcière s'occuper de Famanos et Dalérion.
************************
Shandra fit rapidement sa vaisselle et rejoint son père dans le labo. Elle s'assit, nerveuse, sur sa chaise et attendit.
Raistlin farfouilla un peu dans les étagères et en tira un petit parchemin. Il le déroula, le colla sous le nez de sa fille et l'enjoignit à l'étudier avec attention.
************************
Dalérion s'étrangla à moitié en avalant l'immonde potion que quelqu'un lui faisait couler dans la gorge. Il se débattit et parvint à repousser les mains de Quéris.
- Lèr, tu dois boire ça !
- Mais c'est répugnant. Ce plaignit-t-il
- Va dire ça à Pyra.
- Pyra ?
- Salut, mon chou. Je t'avais bien dit que nous nous reverrions.
L'elfe jeta un regard un peu hébété à la jeune femme.
- Pyra ?
- Bra-vo ! Tu connais mon nom ! Quel exploit !
- Ne soit pas mauvaise...
- Pardon. On passaient dans le coin avec les bébés. Expliqua-t-elle en désignant ses familiers. Alors quand...
- LE PETIT !
- Quoi le petit ?
- Quéris, où est Myraël.
L'elfe se tapa le front.
- Et merde....
Il se leva et courut vers un arbre. Il grimpa rapidement dedans sous le regard dubitatif de Pyra.
- Le petit ? Redemanda-t-elle.
- Un petit elfe orphelin que nous avons rencontrés il y a quelques décades.
Quéris parvint à convaincre l'enfant et le garçonnet le suivit. Une fois au sol, il se colla contre sa jambe et refusa de bouger, totalement paniqué à la vue de l'humaine.
- ???
- Son village à été détruis par des humains.
La jeune femme s'avança vers le petit garçon terrifié et s'accroupit à sa hauteur.
- Salut, poussin. Moi je m'appelle Pyra. Je suis une vieille amie de Dalérion. Tu veux venir voir comment va Famanos ? Il doit être complètement guérit maintenant.
- Il est mort madame...
- Non mon chou. J'ai pour habitude de ne pas laisser mourir mes amis.
L'elfe releva un peu la tête et la rebaissa très vite sous le regard acier de la magicienne. Il se sera un peu plus contre Quéris et lui quémanda de l'aide du regard.
- Tu peux faire confiance à Pyra. S'il n'y avait qu'un seul humain sur cette planète à qui tu puisses faire confiance, ce serait elle.
- Pourquoi vous portez la robe noire ? S'enhardit-il à demander.
- Cela me va mieux au teint. Plaisanta la sorcière.
- Oh...D'accord...
Pyra lança un regard effondré à Dalérion.
- Il a vécut très seul, fillette, il est un peu sauvage. Et tout le monde ne goûte pas tes plaisanteries..
- Barbares !
- Oui Pyra. Moi aussi je t'aime.
La magicienne leva les yeux au ciel.
- Ah, les hommes ! Imita Talenth avant que Pyra puisse le dire elle-même.
La jeune femme jeta un regard scandalisé au guerrier et se drapa dans les lambeaux de sa dignité outragée pour aller voir Famanos.
************************
Shand tenta de calmer les battements désordonnés de son cœur et tendit les mains devant elle. Articulant péniblement les difficiles syllabes su sort d'invocation, ses doigts tracèrent des courbes harmonieuses, dansèrent et sautèrent dans l'air autour d'un axe qu'elle était seule à voir.
- ....Kalosllastrin hishamnyoasti. Acheva-t-elle.
Rien ne se produisit.
L'adolescente baissa la tête devant son père et ses épaules s'affaissèrent.
- Je ne suis décidément bonne à rien...
- Raistlin se pencha en avant. Le sort que tu vient d'essayer est très compliqué, Dalamar à bien mis quinze jours avant de réussir à le lancer sans qu'il lui saute à la figure.
- Mais je suis ta fille !
- Shand, il est des plus probable que ton Don interfère en partie avec l'Art. Ce n'est qu'une question de travail. La rassura-t-il.
L'adolescente s'approcha du fauteuil de son père et hésita. Elle aurait bien voulu se pelotonner dans son giron, comme quand elle était petite, bercé par les battements du cœur de l'archimage et l'odeur des douces fragrances des ingrédients de sort, mais elle avait quatorze ans et l'adolescente hésitait entre la femme et l'enfant.
Comprenant son souhait muet, Raistlin recula un peu sa chaise et tendit lui tendit les bras en une douce invite.
La femme en devenir disparut pour ne laisser la place qu'a l'enfant. Elle se nicha contre lui et le serra contre elle.
- Je t'aime, papa. Murmura-t-elle.
Le sourire de Raistlin s'effaça, remplacé par une douleur terrible et incompréhensible. Il avala péniblement sa salive et serra sa fille contre lui dans une attitude protectrice.
Dalamar les trouva enlacés. L'impression d'horreur qui jouait toujours au fond des prunelles de son maître le glaça jusqu'au tréfonds de l'âme.
************************
Pyra finit son bandage et claqua des doigts. La visage de Famanos perdit sa fixité malsaine et il s'ébroua comme un jeune chiot.
- Que...?
- Tu es réparé. Je vais finir par croire que je ne sert qu'a ça, la réparation des guerriers et mages cassés. Je devrais peut-être ouvrit trois-quatre succursales par ci-par là, je me ferais du pognon. Grommela la jeune femme.
Myraël avait observé la scène avec attention et sans lâcher la main de Quéris.
- Myraël, mon chou, que dirais-tu d'un grand bol de soupe ?
Plusieurs estomac vides signifièrent bruyamment leur accord avec cette proposition tout ce qu'il y a de raisonnable.
Le petit garçon leva son regard clair vers la magicienne.
- Merci, tante Pyra.
- Et c'est repartit. Soupira-t-elle en prenant le garçonnet dans ses bras.
- Quoi donc ?
- Pourquoi TOUS les enfants finissent-ils par m'appeler "Tante Pyra" ?
************************
Tour de Palanthas milieu de la nuit.
Shandra se redressa sur un cri silencieux.
Elle ouvrit ses couvertures et se leva.
La pièce tourna autours d'elle et elle dut se raccrocher aux baldaquins pour ne pas tomber.
Son vertige cessa enfin, et elle ôta sa chemise de nuit pour en essuyer son corps tremper de sueur.
Une migraine sourde lui martelait le cerveau. Elle enfila une chemise de nuit propre et descendit à la cuisine.
La jeune fille se servit un grand verre de potion et dut utiliser ses deux mains pour le porter à sa bouche tant elle tremblait. Une violente douleur lui arqua le corps et son verre s'écrasa au sol comme un coup de tonnerre colossal s'écrasait sur la Tour.
Quelques pierres tombèrent dans la cour lorsqu'un nouvel éclair ébranla le lieu.
Du feu embrasa les orbite de Shandra et elle se recroquevilla, inconsciente, sur la carrelage de la cuisine.
Raistlin se réveilla en sursaut. Le même pressentiment qui l'avait glacé dans l'après-midi lui serrant le cœur.
Il passa une robe de chambre sur son corps nu et dévala les escaliers jusqu'à la chambre de sa fille. Il ouvrit la porte à la volée et, constatant l'absence de l'enfant pâlit dangereusement.
Un éclair toucha la Tour qui trembla sur ses fondations. Se contraignant au calme, il cherche mentalement la présence de Shandra. Il toucha sa signature physique mais pas sa présence mentale.
La bouche soudain très sèche, il courut à la cuisine.
Devant le spectacle qui s'offrit à lui, il eut à se rappeler comment respirer.
Shandra gisait sur le dos, les doigts crochetant l'air devant elle comme des serres, du sang coulant de sa bouche.
La Tour trembla de nouveau et Raistlin mis quelques secondes avant de comprendre que ce n'était pas un éclair qui l'avait touché, mais qu'un séisme prenait son épicentre juste sous ses pieds.
Shandra se convulsa et du sang coula de ses yeux. Une langue de feu envahit la cheminée, naissant des braises mourantes de la veille et l'homme put voir s'agiter des liquides dans leurs bouteilles.
Laissant l'Archimage prendre le pas sur le Père, Raistlin envoya une convocation mentale d'une sécheresse inouïe à son apprenti. Dalamar dévala l'escalier à son tour. Les yeux encore embrumés de sommeil et une réflexion désagréable sur la langue, il rejoignit son maître. Se figeant devant la scène surréaliste qui s'offrait à lui, il laissa lui aussi sa personnalité de parade prendre les commandes et put à nouveau réfléchir rationnellement et s'agenouilla de l'autre côté de la fillette pendant que Raistlin tentait de l'empêcher de se mordre la langue.
- Ramenons là dans sa chambre.
L'archimage acquiesça de la tête et l'elfe put voir le considérable effort qu'il devait fournir pour maintenir les boucliers magiques qu'il avait dressé à la hâte autours de l'enfant.
Dehors, orage et séisme se calmaient doucement.
************************
Dalamar plaça quelques protections autour de la chambre et Raistlin laissa s'effondrer ses boucliers avec un soulagement non dissimulé.
Il s'assit sur le lit et ausculta rapidement la fillette.
La respiration trop rapide et sifflante, les muscles tétanisés, les yeux révulsés, Shandra gémit de peur et ses pères lui prirent les mains.
Elle étaient brûlantes.
************************
Hamelet s'agenouilla devant la statuette.
- Ma Reine... Le Conseil va se réunir. L'état de santé de ma femme a encore empiré...
- Elle ne mourra pas avant que je l'ai décidé.
L'homme tiqua. Il voulait régner. Quel quant soit le prix.
- Ma Reine...
- Je veux une vie. Prouve moi ta loyauté.
Le Régent se raidit.
- Bien ma Reine.
2 ème Epoque : Chapitre VI
Emergence
Tour de Haute Sorcellerie de Palanthas, milieu de la nuit.
Raistlin quitta la chambre et remonta dans son labo en laissant sa fille aux bons soins de son père.
Là, à l'abri des regards indiscrets, il se permit de s'effondrer en larmes. Cela dura peu de temps et il se reprit vite.
L'archimage ravagea le laboratoire encombré et inventoria les potions et onguents dont il pensait avoir besoin. Il les téléporta au fur et à mesure dans la chambre de l'enfant et retourna auprès de la malade.
Dalamar tissait boucliers sur boucliers autours de la chambre et renforçait les protections déjà existantes. Il finit en disposant de lourdes tentures ornées de runes tout autour de la pièce avant de ce tourner vers son maître qui mélangeait soigneusement diverses potions et remarqua ses yeux rouges.
Le Maître de la Tour prépara du thé et y versa un relaxant musculaire. Il fit boire la tasse à Shandra et épongea son front luisant de sueur.
Très vite, l'enfant se détendit et sa respiration s'apaisa.
Les deux mages soupirèrent de soulagement et s'assirent sur un canapé que Dalamar avait rapproché.
- Qu'est ce qu'elle à ? Questionna l'elfe.
- Je ne sais pas trop...Je pense que son don d'élémentaliste est entré en résonance avec son don magique et que le tout à échappé à son contrôle...
- Qu'est ce qu'on peut faire ? Elle ne va jamais tenir !
- Je ne sais pas...Commençons par traiter les symptômes. Peut-être que si on arrive à la soulager suffisamment elle arrivera à récupérer son contrôle d'elle-même...
- Et si elle n'y arrive pas ?
L'archimage plongea ses yeux d'or dans le regard d'ébène si semblable à celui de Shandra.
- Alors il faudra songer à une solution plus...radicale.
L'elfe hoqueta d'horreur et blêmit complètement.
- Raist... Souffla-t-il.
Shandra gémit et balaya la pièce d'un regard qui ne voyait rien.
- Papa...papa... Appela-t-elle d'une voix perdue.
Les deux hommes s'assirent de part et d'autre de leur enfant et lui prirent les mains.
- Nous sommes là ma chérie. Nous sommes là. Ne t'inquiètes pas, calme toi...Tout va bien se passer.
L'adolescente ferma les yeux et du sang coula sur ses joues.
- J'ai mal...Ca me brûle..
- Où ma chérie. Demanda Dalamar d'une voix douce, contrastant avec la colère impuissante qui convulsait ses traits.
- Partout...mes jambes...mes bras... Je veux mourir ! Sanglota-t-elle dans un cri de souffrances insupportables.
Raistlin ouvrit une petite fiole de cuivre scellée au plomb et versa deux gouttes de liquide ambré dans le reste de thé. Il releva la tête de l'enfant qui cria de douleur au mouvement qui lui était imposé et la fit boire. Très vite, les mouvements de Shandra se ralentirent et elle s'endormit.
- Que lui as-tu donné ?
- Du Cal-Sam.
- QUOI ?!
- Du calme, je ne lui en ai donné que deux gouttes. Ce ne sera pas trop dangereux.
Dalamar grinça des dents. Le Cal-Sam était un poison extrêmement dangereux mais aux vertus thérapeutiques puissantes...quand on savait le préparer et le doser. Une erreur dans les quarante-sept distillations et filtrations du produit signifiait la mort assurée.
Dalamar se rassit sur le sofa, tremblant de tous ses membres et se prit la tête dans les mains.
- Oh Raist, si elle meure...Je ne le supporterais pas. Je ne veux pas la perdre ! Elle est tout ce que j'ai !
L'archimage accusa le coup mais tut le coup au cœur que lui avait donné la réflexion de l'elfe et s'assit à côté de lui.
- Elle vivra, ne t'inquiète pas, elle vivra. Je te le promet.
Dalamar releva la tête et planta ses yeux dans l'or liquide qui lui faisait face.
- Il faut que tu es raison Shalafi, il le faut.
Raistlin se tut. Devant le regard désespéré de l'elfe, il voulu passer un bras autour de ses épaules pour le serre contre lui. Avant de le toucher, il suspendit son geste et referma ses bras sur lui-même. Il s'éloigna de Dalamar et s'assit à l'autre bout du sofa, sachant pertinemment que sa marque d'affection serait repoussée avec dégoût.
- Désolé. Murmura-t-il en se rencognant sur lui-même.
************************
Ouest du Sylvanesti, milieu de la nuit.
Pyra bougea un peu sous sa couverture et se réveilla, dérangée par la présence incongrus d'un corps chaud contre le sien. Elle allait engueuler vertement Sharn ou Ekalaka quand elle reconnu le petit Myraël. L'enfant s'était glissé dans son sac de couchage pendant son sommeil et dormait maintenant avec un sourire abandonné aux lèvres.
La jeune femme hésita une seconde à le réveiller et à l'envoyer aux pelotes lorsqu'une voix douce lui parvint.
- En un mois, c'est la première fois qu'il ne fait pas de cauchemar...
- Je ne suis pas un oreiller, Quéris.
- Ce gosse t'adore, Pyra. Tous les gosses t'adorent. Il a perdu sa famille. Que dirais-tu de t'occuper de lui ?
Pyra se redressa et le garçonnet se serra davantage contre elle.
- Je doute que l'éducation d'une Robe Noire soit très recommandée pour un elfe.
- Il ne peut pas rester avec des guerriers, pas à son âge. Il se fera tuer, ou nous fera tuer. Contra Dalérion qui les avaient rejoints. Tu as les capacités pour le protéger, l'élever et surtout l'aimer. Ne m'as tu pas dit que tu avais aidé mon frère avec sa fille ?
- Shandra était bébé. Et c'était à la Tour. Pas au milieu de nulle part !
- Ce gosse n'a nulle part où aller...
- Ramènes le au Sylvanesti !
Dalérion fut soudain très gêné et Quéris lui lança un regard inquisiteur.
- Qu'est ce que tu as oublié de nous dire ?
- Ben... J'ai de la famille au palais de Sylvanost...et j'ai bien peur que le trône ne voit d'un très mauvais œil que ses pionniers aient été massacrés...ou plutôt qu'il reste un témoin assez gênant.
- Que veux-tu dire ?
- Le Trône a prit la décision d'implanter des colons sans en référer au Conseil. Si ça avait réussi, le Trône aurait put s'en enorgueillir, mais comme ça à foiré, le Conseil pourrait utiliser la situation pour déstabiliser le pouvoir au Sylvanesti, et au Qualinesti par la même occasion. Un témoin est donc dangereux...s'il reste en vie...C'est cela ? Demanda Pyra.
Dalérion ce contenta de hocher la tête.
- J'ai repoussé le plus possible notre retour à Sylvanost, mais je doit aller faire mon rapport...
- Et tu veux que je m'occupe du gamin.
- Je ne vois pas à qui demander autrement.
Pyra soupira et observa l'enfant endormit dans son giron. Une petite fibre qui n'avait pas vibrée depuis près de vingt-cinq ans vint se rappeler à son bon souvenir.
- Ca va, ça va...Je vais m'en occuper de ce petit monstre...
Dalérion soupira de soulagement.
- Dalérion ? Demanda Quéris d'une voix glacée. Faudra qu'on ai une petite conversation tous ensembles... Rapport à la loyauté, au mensonge, ce genre de choses...
L'elfe haussa un sourcil.
- Si...si tu veux...Ca peut peut-être attendre demain matin ?
- C'est cela, c'est cela.
************************
Tour de Haute Sorcellerie
Dalamar releva la tête et fixa un instant son maître. Il ne savait comment réagir. Son corps appelait de toute ses forces les bras de Raistlin, mais son éducation et son esprit en refusaient jusqu'à l'idée. Il frémit et étouffa un sanglot. Toute sa vie foutait le camps. Shandra était mourante et il ne se rendait compte que maintenant de la cruauté inconsciente dont il avait fait preuve avec Raistlin au cours de toutes ces années.
Son regard revint à Shandra. La respiration de l'adolescente était profonde et régulière quoiqu'un peu lente et ses traits n'étaient plus déformés par la douleur. Il renforça une fois de plus les boucliers magiques qui isolaient la Tour du reste du monde et revint cette fois à Raistlin.
************************
Varune, Palais Impérial
Hamelet lisait les procès verbaux d'arrestation de ces quinze derniers jours. Enfin, il sembla trouver ce qu'il cherchait et un sourire pervers éclaira ses traits.
- Hamelet, mon ami. N'est-il pas l'heure de vous coucher. Demanda la voix faible de la Reine.
- J'arrive ma chère. Juste quelques ordres à donner.
Le Régent quitta la chambre et fit signe à un garde. La femme s'approcha.
- Allez me cherche le Sénéchal.
Le garde claqua des talons et partit en courant. Le Sénéchal rejoint le Régent dans son bureau.
- Majesté ?
- Le Comte Tritonon, je veux que l'enquête soit diligentée au maximum. Les nobles n'ont eut que trop l'occasion d'utiliser leur rangs pour se protéger. Je veux faire un exemple et restaurer le prestige de la couronne auprès des petites gens...
- A vos ordres, Majesté...
************************
Tour de Palanthas
Dalamar hésitait.
Il connaissait bien le regard que Raistlin lui offrait. Indifférent à tout, mort, froid, sans plus d'expression que celui d'un bulot mort.
Il s'aperçut que son maître avait tout simplement autant besoin que lui de réconfort. Pour la première fois depuis des années, l'elfe se rappela quelque chose qu'il s'était empressé d'oublier lorsque Raistlana était redevenue un homme, que quoique cela lui coûte, ils étaient liés par l'enfant qui se tordait de douleur dans son lit, et que cet enfant n'était pas que l'expression d'une idiosyncrasie de leur part.
L'elfe arrêta de considérer son maître comme une ex-amante et ne vit plus que comme l'ami à la fidélité absolu qu'il était devenu. L'homme l'accordait si rarement qu'il était facile d'oublier qu'il pouvait le faire, encore plus rarement que son affection, mais quand il le faisait, c'était d'une manière si indéfectible que cela en devenait dangereux. Un sourire triste glissa sur les lèvres de l'elfe. Quoi qu'il fasse, de n'importe quelle manière qu'il puisse changer, Raistlin resterait toujours absolu dans ses émotions. Il devait faire avec. Après tout il ne valait guère mieux, à rester bloqué sur des positions qu'il savaient aberrantes depuis près de quinze ans.
Il se rapprocha de l'homme prostré et glissa ses bras autours de sa taille.
Avec un sursaut étonné, l'archimage quitta la position fœtale qu'il avait adopté et Dalamar en profit pour poser résolument sa tête au creux de son épaule.
Une odeur de musc, de rose et de poussière, qu'il connaissait bien lui monta au narines et il ferma les yeux. Il se serra un peu plus contre le corps chaux qu'il n'avait pas touché depuis quatorze ans et soupira.
- Je vous aime tant tous les deux...Vous êtes tout ce qui me reste.
Raistlin se figea de surprise. Si Shandra avait toujours été un lien puissant entre eux, c'était bien la première fois que Dalamar le faisait ainsi réellement entrer dans son existence.
L'archimage serra timidement l'elfe contre lui et un bien être qu'il ne connaissait plus l'envahi.
Shandra continuait à dormir.
Le soleil se leva sur la Tour ébranlée.
************************
Varune
Des coups retentirent à la porte et le maître d'hôtel entrouvrit la porte. Des soldats l'ouvrirent d'un coup de pied et entrèrent en bon ordre.
- Comte Tritonon ?
- Dans sa chambre, au premier étage, sur la droite... Bégaya le vieux serviteur.
- On y va les gars !
Deux soldats grimpèrent les marches quatre à quatre, extirpèrent le Comte de ses appartements et le traînèrent au pied de leur supérieur.
- Colonel, voilà le prisonnier.
- PRISONNIER ! Releva un jeune homme dégingandé en entrant dans le hall à son tour.
- Monsieur ?
- Gibergeon, le Comte Tritonon est mon oncle.
- Votre oncle est accusé de divers crimes et délits. Son procès se tiendra dans un jour ou deux au Palais. Vous serrez informé des dispositions à prendre. Vous devrez répondre aux enquêteurs de la Couronne. Bonne journée Monseigneur. Finit le colonel en traînant le Comte par le col de sa chemise.
************************
Tour de Palanthas.
Les cloches du Temple sonnèrent. Raistlin se réveilla en sursaut, étonné du poids qui reposait sur son torse. Dalamar râla et ouvrit les yeux à son tour. Ils s'entreregardèrent, ne sachant comment réagir à leur étreinte imprévue.
Une voix rauque et faible leur parvint.
- J'avais finit par croire qu'il n'y avait rien entre vous et que je n'était définitivement qu'un boulet...
- Shandra ! Crièrent -ils ensemble avec soulagement.
L'adolescente grimaça et repris son souffle.
- Moins fort, pitié...
Les deux hommes sourirent et utilisèrent cette excuse pour se séparer. Ils vinrent au chevet de leur enfant.
- Comment te sens-tu ? Chuchota Raistlin
- Aussi épuisée et affamée qu'une louve qui aurait mis bas douze petits. Répondit pareillement l'enfant en reprenant l'une des expressions favorites de Pyra.
- Tu nous a fait tellement peur.
- Pardon...
- Ce n'est pas grave. L'important c'est que tu ailles mieux.
Shandra releva les yeux et sa nature irrévérencieuse reprit le dessus malgré son épuisement.
- Je trouve que ce n'est pas trop cher payé si ça à permis de vous remettre dans le même lit.
Les deux hommes rougirent comme des pivoines et échangèrent un regard scandalisé.
- Je m'étais toujours demandé pourquoi mes parents faisaient chambres à part, mais maintenant, je suis rassurée. Acheva-t-elle sur une quinte de toux.
Les deux mages parvinrent à reprendre leur sang froid.
Les oreilles encore un peu rouge, Dalamar aida sa fille à se redresser et lui fint boire un peu d'eau.
- Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, ma chère. Tu es trop jeune pour connaître certains aspects de la vie...
Shandra lança un drôle de regard à Raistlin qui continua.
- Quoi, on peut toujours rêver à l'hypothétique innocence de ses enfants non ?
- Tu es encore très faible et personne ne peut savoir si tu ne va pas faire d'autre crise. Tu dois te reposer.
- Oui maman...
- C'est lui ta mère, je te rappelles. Releva l'elfe.
Raistlin lança un regard courroucé aux deux marioles que son sourire radieux démentait totalement.
Il embrassa l'enfant sur le front et appela une âme en peine.
- Reste avec elle et Dalamar. Ordonna-t-il à Teklon
Le mort vivant s'inclina et prit place au pied du lit.
- Que vas-tu faire ? Demanda l'apprenti.
- Fouiller dans les vieux grimoires si je ne trouve pas quelque chose pouvant aider Shand.
L'adolescente insolente disparue, ne laissant la place qu'a une petite fille désemparée et désolée.
- Je suis navrée, je ne voulait pas vous embêter.
Raistlin revint vers elle.
- Tu ne nous embêtes jamais. Tu es ma fille, je t'aime, fin de l'histoire. Coupa-t-il définitivement , le regard farouche.
Shandra sourit timidement avant de se rallonger.
2 ème Epoque : Chapitre VII
Générations
Tour de Palanthas, le même jour.
Raistlin quitta la chambre et gagna le labo.
Dalamar aida Shand à se rallonger et la borda tendrement.
Tu as faim ?
Oh oui !
Tu as toujours faim ! Accusa gentiment l'elfe avant de s'éclipser vers la cuisine.
Il en revint quelques minutes plus tard avec un plateau chargé à raz bord de tous les mets préférés de l'adolescente.
Je devrais être plus souvent malade.
Idiote !
L'adolescente lançait un regard impudent à son père lorsqu'une convulsion la prie totalement au dépourvue, lui arquant le corps sur la literie. L'elfe posa son plateau et couru vers elle. Il la maintint de son mieux pour l'empêcher de se blesser et attendit.
Les boucliers placés autours de la pièce explosèrent les uns après les autres et un langue de feu sortie de nulle part fracassa les vitres.
La fabuleuse quantité d'énergie magique accumulée dans la pièce et contenue jusque là par les barrières fut dispersée au quatre vent.
Le corps épuisé de l'enfant s'effondra sur les draps.
Des larmes silencieuses coulèrent.
Pardon, pardon, je n'ai pas fait exprès.
Sa voix se faisait de plus en plus hystérique.
Dalamar la secoua doucement et la serra contre lui. Shand se calma graduellement et finit par s'endormir, totalement épuisée.
L'elfe la tint contre lui jusqu'à ce que son cœur se fut apaisé.
'Dalamar ?'
Ce n'est rien Shalafi. Une petite convulsion sans commune mesure avec ses exploits de la nuit.
Un soupir mental de soulagement lui parvint.
'Veille bien sur elle, mon ami. J'ai peut-être trouvé quelque chose.'
************************
Dalamar borda une fois encore la jeune fille.
Une voix mentale chercha à l'atteindre et il saisit le fil de communication au vol.
'Dalamar ? Qu'est-ce que c'est que ce bordel dans ta Tour ?' Questionna Justarius avec irritation.
'Ce n'est rien ... '
'RIEN ? ! On la sentit de Wayreth, malgré les boucliers ! Qu'est-ce que tu trafiques ?' S'insurgea Dunbar.
'Cela ne vous regarde en rien.' Grinça l'elfe. 'Je fais ce que je veux chez moi.'
'Dalamar tu...'
Une 4e présence se mêla à la conversation et Dalamar frémit.
"Non, pas maintenant. "
'J'ai trouvé, Dalamar. Je sais pas ce qu'elle a, mais je sais comment la soigner.'
'Qui s'est incrusté dans la communication ?' Demanda Justarius acerbe.
'Tien, salut Justarius, ça va ma biche ?' Demanda Raistlin avec une candeur artificielle emprunté à Pyra.
'Qui ?...'
'Shalafi !' Gémit Dalamar.
Un silence mental présent répondit du côté de Wayreth.
- 'Raistlin ?' Souffle à le maître des robes blanches.
- Le seul et unique ma poule.
- Tu devras te présenter, toi et ton Shalafi, à Wayreth et ce, dès demain. Grinça Dunbar.
- Certainement pas, coupa Raistlin d'une voix polaire. Notre fille est malade et nous allons certainement pas la laisser seule pour faire plaisir à de vieux croûtons qui se fiche totalement de la situation. Et de toute façon, je n'ai rien à vous dire, et aucun compte à vous rentre.
- Tu utilises le nous de majesté maintenant ?
Un silence édifiant répondit au robe rouge.
- Il serait toutefois judicieux que vous veniez nous voir, tous les trois. Temporisa le robe blanche.
- Nous verrons. Répondit hâtivement Dalamar avant de couper la conversation.
L' elfe se leva avec la ferme intention de me dire à Raistlin sinon le fond de sa pensée. Il buta littéralement dans son maître qui avait eu le temps de descendre de son nid d'aigle.
Avant qu'il ait pu dire un mot , son Shalafi lui colla un vieux grimoires poussiéreus sous le nez.
- Istar, 55 ans avant le Cataclysme. Le rejeton demi elfe de deux magiciens, souffrant de convulsions, perte de contrôle, fièvre... Les parents ont soigné les symptômes et placé l'enfant dans une bulle de magie morte le temps que l'enfant regagne son contrôle. Le sort de la bulle est avec, il fonctionne, il n'y a plus qu'à le lancer.
L' elfe soupira et un doux sourire fleuri sur ses lèvres.
- tu sais que je devrais te massacrer... Nous étions pourtant convenu de taire ton existence à Wayreth.
L'archimage haussa les épaules.
- je m'en fiche, Dalamar. Que je vous ai Shand et toi, le reste m'est totalement indifférent. Et de toute façon, que veux-tu qu'ils fassent ? Ton poste de chef des robes noires ne m'intéresse pas . continua-t-il imperturbable mais un sourire mutin au fond des yeux. Et j'ai appris ma leçon. Je sais où est ma place.
L'elfe leva les yeux au ciel.
- Ah, les hommes, soupira-il dans une évidente imitation de Pyra.
****************************
Solace, deux jours plus tard.
l'adolescent entendit le galop de ses frères mais ne releva pas le nez de son grimoire. Il se recroquevilla un peu plus sur lui-même et ferma les oreilles aux cris des autres jeunes.
Sturm, le benjamin sauta près de son frère, lâcha l'épée d'entraînement qu'il tenait et se jeta sur Palin. Il lui arracha son grimoire des mains et le feuilleta rapidement.
- quel plaisir prends-tu à apprendre de tels idioties poussiéreuses ?
Palin lui lança un regard agacé.
- le même que toi à t'agiter avec ce grand couteau émoussé que tu appelles épée.
Sturm lança un regard vide à son cadet. Palin se leva et arracha le livre des mains de son aîné. Avec un regard mauvais, il s'éloigna un peu et se rassit sur une grosse pierre. Tanin se rapprocha de lui à son tour. De trois ans son aîné, le plus vieux des trois frères avaient le caractère aussi bouillant que sa mère mais sans la tempérance née de l'expérience.
- Cesse de d'escrimer sur ce bouquin. Tu as encore le temps de devenir un bon guerrier si tu t'y mets. Laisse tomber la magie...
Du haut de ces quinze ans, Palin de s'en laissa pas compter.
- Tanin, si je te demandais de laisser tomber ton rêve de devenir chevalier solamnique parce que tu risques de te faire tuer. Ferais-tu ?
- Je t'éclaterai de rire au nez. Ce rêve, c'est ma vie!
- Alors souffres que devenir magicien soit le rêve de la mienne.
- Ce n'est pas pareil, la magie n'a rien de réelle, et Oncle Raistlin...
- Fût le plus puissant est le plus fabuleux mage de Krynn. Je ne sais pas quelles erreurs ont faits Caramon, le Conclave , où je ne sais qui, mais tout n'est pas entièrement de sa faute. Et père m'a dit qu'oncle Raistlin s'était racheté en faisant la plus belle chose qui soit au monde. Même mère a été d'accord.
- C'est quoi ?
- Je ne sais pas. Mais je crois que nos parents en savent plus sur le devenir d'oncle Raistlin qu'ils ne veulent bien nous en dire.
- Tu crois ?
- Je sais que Dalamar, le chef des robes noires est venu ici et qu'il y est restée près d'un mois avec deux autres sorciers. C'est le vieux d'un Enzo qui me l'a dit.
Les deux plus vieux haussèrent les épaules et se détournèrent.
- Qu'est-ce que ça peut bien faire. Oncle Raistlin est mort et la magie n'a déjà que trop fait souffrir notre famille. Tu devrais renoncer. Conclut Sturm en s'éloignant.
- Il a raison, tu sais. Ne donne pas plus d'inquiétude à nos parents qu'ils n'en ont déjà.
Palin resta seul. La rage au cœur et les larmes aux yeux. Ses ongles entamèrent la paume de sa main et du sang coula.
- Je te jure, oncle Raistlin, où que tu sois, que je serai un grand magicien ! J'en fait le serment devant toi.
Il releva le nez, la mâchoires serrées en une attitude belliqueuse. Il rouvrit son grimoire à la page choisie et se replongea plus profondément encore dans son étude.
****************************
Tanis retint un cri de frustration et quitta la chambre de Gilthas en claquant la porte. Le gamin avait décidément le chic pour le mettre en boule. Il passa devant deux gardes qui eurent plus que du mal pour faire disparaître le sourire sardonique qui fleurissait sur leur visage.
Il sortit de la maison de quartz rose qu'il partageait avec sa femme et son fils et s'éloigna en grinçant des dents. Allez à Solace, avec son état de santé ! Gil ne se rendait vraiment compte de rien. Le demi elfe recouvra difficilement son calme. Il pouvait comprendre que son fils ne supporte plus de vivre enfermé, mais c'était pour son propre bien.
Il se souvint avec une boule dans la gorge, de la peur que les fièvres de son enfant lui avait causé. Faible et facilement malade, des fièvres articulaires l'avaient cloué au lit tous les hivers jusqu'à ses douze ans sans que la médecine des elfes puisses autre chose pour lui que le maintenir en vie.
Tanis baissa la tête et s'appuya contre un énorme chêne. Toute sa vie, il se souviendrait du petit corps de son fils, âgé d'à peine un an, se tordant de douleur, hurlant de souffrance, réclamant une aide que personne ne parvenait à lui accorder.
Ses yeux s'humidifièrent.
Ayant recouvré un semblant de calme, il se décida rejoindre son fils.
Gilthas boudait. Ses parents ne pouvait s'empêcher de le mettre dans un cocon, et il ne le supportait plus. Bien sur qu'ils faisaient cela pour son bien, il le comprenait, mais la soif de découverte et de vie du jeune homme ne voulaient plus de ces contraintes.
Palin allait fêter ses quinze ans et il ne pouvait même pas aller à Solace pour assister à la fête! Le Qualinesti n'était pas si loin que cela, que diable ! Et l'été était magnifique. Il se leva et ses articulations grincèrent. Il eut une grimace. Bon, il craquait plus que vieille paire de bottes, mais il pouvait monter. Et une escorte d'un ou deux guerrier lui aurait suffi.
Il s'appuya au pourtour de la fenêtre et vit son père revenir vers le domicile familial. Il se força à arborer un masque impassible. Il repoussa à ses mèches blondes en arrière et ses prunelles bleu étincelèrent d'acier. Il s'assit sur son lit et ouvrit un livre. Lui aussi avait du sang humain dans les veines, et pour une fois, il allait lui servir. Cette race à la vie courte était connue pour être plus bornée qu'un mulet mort.
Tanis rentra chez lui et tomba nez à nez avec sa femme. Comme toujours quand il voyait, sa beauté le coupa le souffle. Son cœur se serra. La princesse elfe avait le physique d'une adolescente. Quant à lui, le sang humain qui coulait dans ses veines lui semblait un peu plus froid chaque jour. Il frémi en pensant que bientôt viendrait le temps de sa déchéance alors que sa femme resterait toujours belle et jeune.
Il chassa les idées noires qui le taraudaient et enlaça sa femme. Il l'embrassa dans le cou et se laissa envelopper par la douce odeur de jasmin qui se dégageait de ses cheveux.
- tu sors ?
- Mon frère veut me voir...
- Je ne savais pas que Porthios était revenu.
- Il ne reste pas. Un groupe de guerriers est venu lui apporter un message d'Alhana. Le Sylvanesti s'agite.
Tanis secoua la tête en soupirant.
- les vieux barbons veulent que le Qualinesti rentre dans le giron du Sylvanesti mais ils grimpent aux murs dès qu'il est question de les rapprocher. Ça va mal finir...
- Tu as discuté avec Gil ? I
- l veut aller à Solace. Grinça le demi elfe
Laurana sourit.
- J'ai un peu discuté avec les guerriers qui ont apporté le message. Ils n'ont rien à faire et ne rentrent pas au Sylvanesti avant un moment.
Tanis releva la tête comme un cheval sentant l'avoine.
- Et tu veux qu'ils escortent le petit ! ? C'est hors de question ! Sa santé...
- ...Est aussi bonne que nous pourrions espérer. Laisse le y aller . Il a bien mérité de s'amuser un peu .
La jeune femme se nicha contre son mari et lui fit des mamours.
- Allons... Fait lui plaisir... Et puis s'il n'est pas la on pourra toujours trouver de quoi occuper nos soirées...
Le regard du demi elfe se fit brillant.
- évidemment, si tu me prends par les sentiments... Et Caramon n'a pas eut de nos nouvelles depuis longtemps. Sa fille doit être née. Ce serait normal de lui envoyer un présent. Continua-t-il avec le plus grand sérieux du monde.
- Naturellement. Acquiesça gravement la princesse.
- Et il serait bon pour notre fil qu'il apprenne les dures réalités de la vie...
- Bien entendu.
- Et tu te fous de moi.
- Absolument. Répondit-elle du même ton posé et sérieux.
Le demi elfe sourit et l'embrassa sur le front. Il leva les yeux au ciel et se dirigea vers la porte de son fils.
La jeune femme sourit à son tour et compta.
- Quatre... Trois... Deux... Un...
- PAPA, TU POURRAIS FRAPPER ! cria Gilthas scandalisé.
Laurana eut un petit rire de gorge et partit voir Porthios. La petite scène lui avait remonté le moral.
Tanis évita la botte que lui lança son fils et du faire un effort pour contenir l'hilarité qui menaçaient de rompre son joli effet.
- Gilthas, nous avons bien réfléchit avec ta mère.
L'adolescent lui lança un regard suspicieux.
- tu iras à Solace.
L'adolescent ne dit rien mais fronça les sourcils.
- Cinq guerriers vont t'escorter.
Gilthas lança un regard dur à son père, et ne dit rien, attendant qu'il s'explique.
- il n'y a pas de piège. Tu vas aller à Solace assister à l'anniversaire de Palin, tu restes quelques jours, tu demandes des nouvelles de la petite famille Majere, tu offres le bibelot prévu pour le nouveau rejeton et tu rentres, toujours escorté par les guerriers.
Gilthas jubilait intérieurement, mais il se refusait à le laisser voir son père.
Le demi elfe se impatienta.
- Ca te convient ou pas ?
- Je parts quand ?
- Demain.
- Ca me convient.
Tanis soupira de soulagement. Décidément, il ne comprendrait rien aux adolescents.
************************
Raistlin lança le sort idoine autours de sa fille et un cocon de lumière dorée l'entoura.
L'adolescente tenta expérimentalement de se déplacer dans la pièce. Le cocon la suivi et un sourire radieux éclaira son visage fin. Pour la première fois depuis des semaines, elle ne sentait pas la pression des énergies extérieures lui pourrir la vie.
Une cloche d'argent sonna en haut de la Tour et deux âmes en peine se précipitèrent vers le Maître.
- Dame Pyra vient de franchir le portail. Elle est accompagnée d'un jeune Elfe. Devons-nous les escorter jusqu'ici ?
- Ma foi, elle est en progrès, elle n'est guère qu'un mois de retard sur la date qu'elle nous avez fixée.
Dalamar sourit et aida Shandra à revêtir quelque chose de décent
Pyra escalada rapidement les degrés de pierre jusqu'à la chambre de Shand et poussa devant elle Myraël.
Le petit garçon repéra instantanément Shandra et lui lança un sourire timide.
- Tu nous avez cachée ça, je comprends mieux pourquoi ne te voyions que si rarement.
- Arrêtes tes conneries, ce gosse m'a été confiée par ton frère.
Dalamar ouvrit de grands yeux et de la colère passa sur ses traits.
Pyra se retourna vers Shandra.
- marrante ta nouvelle aura, ça sert à quoi.
Raistlin se pencha vers le jeune garçon qui eut un mouvement de recul.
- Le Conclave veut nous voir...Informa-t-il Pyra.
- Les pauvres...
*************************
Gilthas chaussa ses bottes et enfila sa cape de voyage. Il jeta un dernier coup d'œil au sac qu'il avait préparé et sortit de sa chambre. Son père le serra dans ses bras et l'embrassa sur le front. Sa mère fit de même.
Il sortirent et le jeune elfe se mit en selle. Il fut reconnaissant à ses parents de lui avoir évité des embrassades publiques.
Le chef de la petite troupe d'elfes qui allaient l'escorter approcha sa monture de la sienne.
Il lui tendit la main et la serra. Avec un sourire franc, il se présenta.
- Bonjour le Gilthas. Nous devons partir de suite si nous voulons tenir le planning. Tu peux m'appeler Dalérion.
2 ème Epoque : Chapitre VIII
Instruction
Varune, Salle du Trône
Un frémissement parcourut la salle et nombreux sont ceux qui ployèrent l'échine, le ventre liquéfié par la présence du Régent.
Le quadragénaire renvoya ses cheveux en arrière et s'assit. La Cour de Justice allait débuter.
Bien des décennies s'étaient écoulées depuis qu'un crime suffisamment atroce ait été perpétré et demande l'intervention du Trône.
Le prévenu entra dans la pièce.
Enchaîné de la tête au pieds, couvert de meurtrissures témoignant de la vigueur des enquêteurs, le Comte Tritonon lança un regard impudent, vide de tout remord au Régent.
Le Sénéchal prit la parole.
- Comte Tritonon Kh'aa Fandos, vous êtes accusé de meurtres, tortures, violences physiques et mentales sur mineurs. Vous avez avoué de plus, détournements de fonds sur vos Marches, abus de pouvoirs, utilisation illégale du droit de cuissage, vente d'enfants à marchands d'esclaves de l'Extérieur...Entre autre choses. Qu'avez vous à répondre.
L'homme se redressa et cracha par terre.
- Coupable.
L'assistance gronda. Le régent fit un signe de la main et des piquiers de mirent discrètement en position.
************************
Tour de Palanthas.
Shandra sortit de son bain et s'entortilla dans l'épaisse serviette que lui tendit Pyra.
On frappa à la porte et la rouquine ouvrit à Dalamar. L'elfe posa des vêtements sur une petite table.
Pyra s'en approcha et les déplia avec précaution. Elle siffla d'admiration.
Bon sang ! C'est magnifique.
Shandra s'avança à son tour et put voir les atours que ses pères avaient préparés pour elle.
Toute en soie, chaînée d'or et de cuivre créant une moirure somptueuse à chaque mouvement du tissu, la robe de dessus était dans les tons vieil ors rehaussée de vert tendre et des sequins d'or en marquaient la taille. La robe de dessous, plus simple, était d'un chaud ton bronze et de la fine dentelle sur la gorge, rendait un peu plus décent le décolleté plongeant de la robe de dessus.
- C'est joli...
- Le Conclave doit en avoir pour son argent, ma chérie.
L'humeur de la jeune fille s'assombrit.
- Je suis navrée.
- Arrête d'être navrée. Cracha Pyra , acerbe.
Shand sursauta, piquée au vif et allait répondre vertement lorsqu'elle vit les sourires amusés des deux adultes. Elle détourna la tête d'un mouvement faussement hautain, mais ne put s'empêcher de retourner au tas de vêtements.
Elle finit de déplier la robe de dessus, stupéfiante dans sa coupe finalement étonnamment simple, puis s'extasia sur les petites bottines de peau avant de lancer un regard noir à son père devant les sous-vêtements de dentelle.
Pyra en resta comme deux ronds de flancs.
- Elle est pas un peu jeune pour ce genre de petites choses ?
- Je n'y suis pour rien. Se défendit Dalamar. C'est sa mère qui a choisit le tout ! Si ça ne te plait pas, va te plaindre à Raist.
- Oh, moi je m'en fout, mais je trouve que ça fait un peu "sautez-moi-dessus-tout-de-suite".
- C'est superbe. Coupa Shand.
- Si ça te plait...Je trouve quand même que si ta mère à ce genre de fantasme, elle pourrait porter ces fanfreluches elle-même.
Shandra lança un sourire radieux à sa marraine mais n'ajouta rien.
Elle allait commencer à s'habiller quand elle se souvint d'un détail.
- Père ?
- Oui, ma chérie ?
- Dehors !
Oui, ma chérie !
************************
Le sénéchal repris sa lecture. Pendant de longues minutes, crimes et exactions du noble furent étalées au vues et sus de tous. La foule s'agitait de plus en plus. Plusieurs délicats s'évanouirent, vaincus par la chaleur étouffante, animale, qui montait des spectateurs. Les femmes étaient livides, les enfants pleuraient.
Enfin le Sénéchal se tut.
Le Régent se tourna vers le criminel.
- Vous plaidez toujours coupable ?
- Oui. Grimaça le noble avec une jouissance visible, sûr qu'il était que ce jugement n'était qu'une mascarade de plus.
Le visage du Régent se fit de pierre.
Son neveu, Gibergeon, pâlit atrocement.
Alors en coupable tu seras puni. Par la Couronne, nous, Hamelet de Varune, Régent de Varune, Représentant de son Altesse Impériale, la Reine Méléria de Varune, condamnons Tritonon Kh'aa Fandos, Comte des Marches de Fandos à être déchus de ses titres qui serons remis à son neveu, Gibergeon Kh'aa Nylas. Le Coupable sera de plus, roué, écorché vif, émasculé, écartelé et enfin pendu jusqu'à ce que mort s'en suive. Son cadavre sera jeté dans le Désert de Sable, afin que chacun sache que jamais le Trône ne laissera un crime, quel qu'il soit et contre qui que se soit, impunis. Le nom de Tritonon Kh'aa Fandos sera porté dans les livres d'histoire comme porteur du Dédain Impérial. Aucun rite funéraire ne pourra être prodigué aux restes du coupable, si tant est qu'il y en ait. Le Régent tapa sur la bras du Trône. Que le coupable soit emmené au supplice.
Un silence de mort envahi la salle.
************************
Raistlin arpentait la pièce de long en large. L'archimage avait troqué son habituelle robe de lin, un peu usée au entournures et rapiécée de partout, pour une magnifique chose d'épaisse soir noire rehaussée de délicats filigranes d'argent. Sa longue crinière blanche était taillée de frais et retombait librement sur ses épaules.
Il sursauta lorsque son apprenti se racla la gorge pour signaler sa présence. Un masque de calme impassible glissa sur son visage.
- Ne joues pas ce jeu là avec moi, Raistlin Majere !
Je m'entraînais juste...
Bien sûr, on va dire ça...
L'archimage laissa son regard dériver autour de lui avant de revenir sur l'elfe. La robe qu'il portait, jumelle de la sienne, ouverte sur le torse de bronze le mettait furieusement en valeur.
Raistlin se mordit la lèvre, écarta vigoureusement des pensées par franchement dans l'air du temps et avala péniblement sa salive.
'Ca doit être le stress...' Ce dit-il en s'éloignant pour tenter de reprendre son calme et de dissimuler les preuves flagrantes de son intérêt pour l'elfe du regard inquisiteur de ce dernier.
Crois-tu qu'il va se passer ? demanda-t--il pour se changer les idées
Justarius et Dunbar vont probablement me passer un savon pour ne leur avoir rien dit, ils essayeront probablement d'attenter à ta vie alors reste sur tes gardes. Ce que je crains le plus, c'est qu'ils tentent de nous prendre Shandra.
Nous sommes arrivés aux mêmes conclusions...
M'ENLEVER A VOUS, POURQUOI ? Cria la jeune fille qui avait prit la conversation en cours de route.
Allons, garde ton calme. Lui intima Pyra avec plus de rudesse dans la voix qu'elle n'en avait jamais eut pour la jeune fille.
Tu es notre fille tout simplement, et ta capture représenterai un magnifique moyen de pression pour un Conclave qui fait probablement sous lui depuis deux semaines qu'il a appris la présence de ta mère.
Mais c'est idiot !
L'idiotie n'est pas l'apanage des chevaliers solamniques, ma chérie.
C'est de ma faute...
Les deux hommes haussèrent les épaules de concert.
Raistlin fit tourner sa fille pour l'avoir face à lui et l'observa longuement des pieds à la tête.
Il modifia l'emplacement de certaines coutures, remonta les épaules, ajusta la taille...
Quand il eut terminé, la jeune fille était stupéfiante et même Pyra ne put retenir un sifflement d'admiration.
Je te dois des excuses, Raist. Elle est magnifique...Et personne ne peut se tromper sur son âge !
C'était un peu le but de l'opération.
Dalamar s'approcha à son tour. Solennellement, il passa autour du cou de sa fille un pendentif. Une larme d'ambre se nicha sur la gorge de l'adolescente. L'elfe lui tendit ensuite un bracelet et des boucles d'oreilles du même matériau et l'aida à les mettre. Il recula à son tour.
Ils appartenaient à ma mère. J'ai un certain nombre de grief envers mon frère, mais comme nous n'avons pas de sœur, il a préféré me les faire parvenir plutôt que de les voir perdre; il n'a jamais été du genre à se marier...
Shandra baissa les cils et rougit légèrement. Une petite flamme irrévérencieuse apparut dans son regard.
Les trois adultes éclatèrent de rire. Myraël choisit ce moment pour entrer dans la pièce. Pyra s'approcha de lui et le souleva dans ses bras.
Bien, pendant que notre famille infernale va faire le mariolle à Wayreth, que dirais-tu d'aller en ville faire un peu de lèche-vitrine. Tu aimes les crêpes ?
L'enfant hocha vigoureusement la tête avant de se remettre à sucer son pouce.
************************
Le Comte était livide. Tous pensaient qu'il s'en sortirait avec une vague réprimande et une amende. Mais une telle sentence ! Une joie mauvaise gonfla au cœur de la foule et un tonnerre d'acclamations fusa en direction du trône.
Le régent retint un sourire satisfait.
La sentence est exécutoire dans une heure, le temps que les bourreaux préparent leur matériel.
Le condamné se réveilla enfin.
NON, VOUS NE POUVEZ PAS FAIRE CELA ! SEULE LA REINE PEUT ORDONNER UNE EXECUTION ! VOUS N'ETES QU'UN INTRIGANT. NOUS AURONS TA PEAU ! Hurla-t-il.
Hamelet fit un geste et l'homme, hurlant et gesticulant, fut emmené en cellule.
Envoyez lui un prêtre, qu'il puisse méditer sur ses péchés. Concéda le Régent, magnanime.
La foule ne l'en acclama que davantage.
************************
Justarius, assis à son bureau de la Tour de Wayreth, fixait sans les voir les pages jaunies d'un épais livre d'histoire.
On toqua à sa porte et il sursauta si fort que son ouvrage chut au sol. Il se leva, le ramassa et prit le temps de se donner une contenance.
Il ouvrit la porte.
Un de ses apprentis dansait d'un pieds sur l'autre, visiblement très mal à l'aise.
- Maître, ils sont là...
Le Chef du Conclave tressaillit.
- Où ?
- En bas, dans le Grand Hall.
- Qu'ils montent dans la Salle du Conclave.
Tous les trois ?
Tous les trois.
L'apprenti s'inclina brièvement et s'éclipsa.
Le robe rouge referma la porte, et, constatant que ses mains tremblaient, il se versa un grand verre d'alcool fort. Il l'englouti cul-sec et s'appuya sur le meuble de châtaigner. Il soupira bruyamment et pris son courage à deux mains.
- C'est moi qui l'ai voulu.
************************
Palin était tout joyeux. Il avait fêté son seizième anniversaire, même Gilthas était venu, son père avait dut faire la leçon à ses frères car ils lui fichaient une paix royale, même sa mère semblait s'être fait une raison quand à son choix de carrière.
La vie était merveilleuse.
2 ème Epoque : Chapitre IX
Jugements
Tour de Haute Sorcellerie, Wayreth
Escortés par un apprenti de chaque ordre depuis leur entrée dans la foret, les deux archimages avaient les pires difficultés à retenir leur hilarité.
Dalamar croisa le regard de Raistlin et pouffa. Il transforma bien vite son rire en quinte de toux et s'amusa davantage du bond terrifié des trois jeunes gens à ce bruit incongrus.
La situation menaçant de leur échapper des mains, les archimages endossèrent leur personnalité de parade : hauteur, distance et un rien de mépris pour l'elfe, cruel cynisme et froideur polaire pour Raistlin.
Shandra les vit se caparaçonner et leur lança un regard mi-inquiet, mi-étonné. Un battement de paupière apaisant des deux hommes la rassurèrent. Le Jeu commençait. A son tour, elle se retrancha derrière une attitude calme, posée et souriante.
Ils entrèrent dans le Grand Hall. Les trois apprentis leur demandèrent de patienter quelques instants et s'éclipsèrent.
Shandra eut tout le temps de s'extasier devant la Tour sous les regards intérieurement attendris de ses pères.
Enfin, un jeune homme portant la robe rouge s'approcha d'eux. Visiblement terrifié, il faisait des efforts méritoires pour ne pas le monter.
- Si vous voulez bien me suivre, le Conclave vous attends la-haut.
La petite famille suivit, bien inutilement d'ailleurs, son guide et entra dans la grande salle ronde qui permettait aux mages de haut rang de se réunir.
Assis dans de lourds fauteuils de bois massif, les archimages réunis en cercle autour des deux archimages noirs et de leur fille faisaient plus penser à un tribunal qu'à autre chose.
- 'Allons, hardis les enfants ! Ils ne m'ont pas encore remplacés.' Pensa Dalamar en voyant le siège du Maître des Robes Noires vide.
Raistlin fronça les sourcils - et s'amusa du mouvement de recul de plusieurs des mages - en constatant qu'aucun siège n'avait été prévu pour eux. D'une pensée, il intima l'ordre à Dalamar d'aller prendre sa place puis, le plus tranquillement du monde, il alla se placer devant deux des archimages assit sur les sièges à la droite de celui de Dalamar. Il avait été femme, et bien des choses lui avaient été enseignées pendant cette période. Si son "oeil noir" n'avait pas la force de celui de Pyra, le long regard qui ne cillait pas qu'il dédia aux mages eut l'effet escompté. Ils se levèrent d'un bond et leur laissèrent la place, à lui et à sa fille.
- Merci infiniment ! Les remercia-t-il sur un ton qui aurait congelé un troupeau de dragons rouge en vol.
Un flottement passa dans l'assistance.
Justarius se racla la gorge, tous les regards convergèrent vers lui.
- Dalamar, le conseil s'est réuni pour toi. Que tu nous ai caché la présence de Raistlin pendant de si longs mois mets en doute ton application et ton dévouement vis-à-vis du Conclave. Si tu n'as pas d'explication suffisamment plausible, nous serons dans l'obligation de te retirer ton poste de Chef des Robes Noires.
Dalamar n'esquissa pas un geste. Rien dans son maintien ne trahis sa colère. Il se leva à son tour et dédia à l'auguste assemblée un sourire carnassier.
- Me voilà rassuré, je pensais naïvement qu'un cercle si ouvert intellectuellement était dépourvu de sentiment tels que la mesquinerie ,mais je vois qu'il n'en est rien. Finalement l'élitisme forcené de ce cercle n'en a que camouflé la bigoterie et la bêtise.
L'assemblée entière s'agita et l'elfe leva les mains pour demander le calme.
Raistlin retint un rugissement de rire .
- 'C'est un discours politique Shandra. Laissons le s'amuser. 'Informa-t-il sa fille d'une pensée.
- ' Que va-t-il leur dire ? '
- 'Mais tout ma chérie, absolument tout ! Et de la manière la plus insupportable et la plus choquante possibles pour eux. C'est toute la raison de ta présence ici. Regards les coups d'œil qu'ils te jettent . Ils ne savent pas qui tu es. Tous pensaient que c'est un apprenti qui nous accompagnerait, pas une jeune fille belle à damner un saint, visiblement demi elfe et qui ne ressemble... Ils ont peur... et si tu savais ce que c'est bon!'
Shandra lança un regard madré à son père.
- 'Ah, les mages !' conclut-elle, aveugle au regard scandalisé que lui jetèrent ses pères.
********************
Varune, Cour Intérieure du Palais / Anciennes salles de tortures
L'exécution dura longtemps. Les bourreaux connaissaient leur affaire. Le comte Tritonon mit plus de dix heures à mourir. Ses cris réjouirent énormément le peuple.
Hamelet de Varune referma la lourde porte derrière lui. Il battit le briquet et s'avança dans le tunnel obscur. un flamboiement salua son arrivée et les yeux de la statuette s'illuminèrent.
- Alors ? Quel effet cela fait-il de décider de la vie bande ou de la mort d'un homme.
Le régent se rengorgea de.
- Atroce, c'est atroce. Quelle jouissance... demandez-moi ce que vous voulez ma Reine ! Je vous appartiens.
********************
Dalamar attendit un instant de plus que le brouhaha se soit calmé.
- Justarius, tu parles de longs mois, mais cela fait près de quinze ans que Raistlin a quitté les Abysses. Demande à Crysania, c'est elle qui l'a soigné quand il est revenu. Ajouta-t-il pour prévenir le rugissement de protestation de l'archimage rouge.
Il se tourna vers Raistlin.
- Me permets-tu de faire un petit compte-rendu des événements, mon chéri ?
Plusieurs mages s'étouffèrent à moitié, Raistlin aussi mais pas pour la même raison.
- Fais mon chou, fais... Répondit-il en imitant le ton subjectif de Pyra.
- Bien, pour commencer, Raist est donc revenu il y a quinze ans, en très mauvais état. Comme je ne savais pas quoi faire, j'ai demandé de l'aide à Crysania qui l'a soigné. Quand il s'est réveillé, nous avons constatés qu'il ne se souvenait de rien. D'un commun accord, nous avons décidés de lui taire son passé en espérant le "remettre dans le droit chemin". Cela à relativement bien fonctionné, jusqu'au moment où la curiosité de chaton nouveau né dont il sait faire preuve s'est réveillée. Comme je lui refusait toute information un tant soit peu précise, il m'a drogué et s'est rendu à la Bibliothèque. Astinus lui a fourni un compte-rendu non expurgé de sa vie, ce qu'il a supporté très moyen. Moyen au point de s'en ouvrir les veines. Nous l'avons sauvé de justesse...
Un tollé général s'éleva. Dunbar sauta par dessus son fauteuil.
- Et tu veux nous faire croire ça ? Il porte toujours la robe noire il me semble.
- Quel rapport ? Demanda Dalamar, piqué.
Raistlin se leva avant que Dalamar ne s'énerve. Il lui posa une main sur l'épaule.
- Il m'appartient de répondre, mon ami.
Il s'approcha de Dunbar et releva ses manches. Sur ses poignets, de profondes cicatrices blanches barraient les chairs, visibles témoins de sa tentative de suicide.
Dunbar ferma la bouche avec un bruit audible et se rassit.
Justarius, qui avait put lui aussi voir les marques, avala sa salive.
Raistlin se rassit.
Dalamar reprit.
- Puis, nous sommes devenus amis, et non plus maître et élève, j'ai été convoqué ici pour "l'affaire des golems", nous y sommes allés tous les deux, et sur le chemin de Leynav, des golems nous ont attaqués. Un sort inachevé de ma part c'est combiné à celui de Raistlin et menaçait de faire de gros dégâts. Pyra, présente sur les lieux a réussi tant bien que mal à contenir le sort et seul Raistlin à eut à en subir les effets. Je dois dire d'ailleurs qu'il est bien plus sexy en femme qu'en homme et je peux vous certifier que la transformation a été des plus complète. Mais ce n'est pas notre propos. Ne me laisser pas digresser comme ça, voulez vous ! Ajouta l'elfe en réponse aux regards incrédules de l'assistance.
- Pour faire court. Reprit-il. Disons que nous nous sommes mit en chasse, que nous avons fait la connaissance de Pyra, que nous avons eut d'édifiantes conversations avec elle et que Raist à plus ou moins décidé de tester les petites choses affriolantes dont le sort l'avait doté, que voyant que je n'appréciait que très moyen de le voir faire joujou avec Valoran -- dont nous ne connaissions alors pas le rôle -- il a, sur les mises en garde de Pyra, choisit de passer à des essais plus...heu... physiques en me prenant comme "testeur"...
Un rugissement de rire naquit derrière l'elfe qui se retourna. Effondré sur son fauteuil, un très vieux robe blanche se gondolait. Il parvint à reprendre en partie son sérieux et essuya les larmes de rire qui coulaient sur ses joues.
- Attends, je résume : Raistlin Majere a été transformé en gonzesse somptueuse, tu était jaloux comme un pou qu'il aille voir ailleurs, et tu lui ai passé dessus ! L'hilarité du vieillard le repris.
Raistlin intervint, aveugle aux regard exorbités que lui lançait l'assemblée.
- Ce n'est pas tout à fait juste, Debranjo. C'est moi qui lui ai fait du rentre-dedans. Pas l'inverse.
- Heu...C'était à la limite du viol, quand même, hein...Lui rappela Dalamar.
- Ca n'a pas eut l'air de te déplaire sur le coup.
- Entre Pyra et toi qui passiez votre temps à vous agiter sous mon nez dans des tenues pas spécialement pudiques, comment voulais-tu que cela ne finisse pas par me mettre le feu au sang !
Debranjo redoubla d'hilarité et s'étrangla à moitié. Un de ses voisins dut lui taper dans le dos pour le calmer.
Justarius se prit la tête dans les mains.
Cette session devait être un tribunal exceptionnel, et cela tournait à la farce ! Il soupira, ce demandant ce qu'ils allaient encore subir.
************************
Dans les Abysses, la Reine de Toutes les Couleurs et d'Aucune se permit un sourire satisfait.
- Des enfants.
- Quoi ? Demanda Hamelet, troublé.
- Je veux que tu m'apporte des enfants. Leur force m'ouvrira un passage cers Krynn.
L'homme s'agenouilla.
- Nomme les, Ô ma Reine.
Une jubilation cruelle fit éclater de rire la Déesse.
Frissonnant, Sargonnas essuya la flaque de bière qui s'était répandue sur ses vêtements. Une pointe de peur étreignit son cœur immortel.
************************
- Bien, reprenons. Après avoir fait mumuse entre les couvertures, nous nous sommes quand même mis au boulot, après tout c'est pour ça qu'on nous paye. Nous avons réussi à circonvenir les golems et nous nous sommes lancés dans une opération de nettoyage à grande échelle. Ce que nous ne savions pas, c'est que: Petit un, Valoran était un agent de la Reine Noire; petit deux, qu'il en pinçait pour Raist et qu'il était près à tout pour l'avoir; et enfin petit trois, que Raist attendait un enfant.
Un ange passa. Tous les regards convergèrent vers Raistlin qui se leva et fit signe à Shandra de l'imiter. Il lui prit la main et la présenta.
- Mes chers confrères, Notre fille, Shandra. Finit-il avec un sourire doux à l'elfe avant que son masque impassible ne revienne en place.
Shandra se fendit d'une élégante révérence.
- Messires...
Ils se rassirent.
Dalamar continua.
- Nous sommes donc tombés dans un piège, Raist à été enlevé, affaibli qu'il l'était par sa grossesse et le combat que nous venions de mener. J'ai été gravement blessé et toute l'opération c'est fini en fiasco. Pyra m'a soignée, et nous nous sommes mit à la recherche de Raist et Valoran. Comme ils étaient protégés par un bouclier, nous n'arrivions pas à les trouver.
Il se tut et Raistlin reprit à son tour.
- Je me suis réveillé enchaîné et bâillonné, Valoran a utilisé une statuette-sangsue pour me vider de toute magie, ce qui a parfaitement fonctionné. Comme j'était plus impuissant qu'un poussin nouveau-né, il en a profité pour tenter de me violer. Les traits de l'archimage exprimèrent une terreur rétrospective aussi violente que fugitive. Une de ses voisines lui lança un regard compatissant et lui tapota le bras. Il la remercia d'un sourire triste. Je ne sais toujours pas comment j'y ai échappé, mentit-il, mais Valoran a été assommé pendant l'échange de coups. Comme il ne m'avait pas enlevé mon arme, je me suis libéré et j'ai tenté de fuir. Je me suis retrouvé nez à nez avec un dragon rouge métamorphosé en familier ai été repris. Valoran m'a battu comme plâtre et Amiel m'a informé que j'attendais Shandra. A partir de ce moment là, Valoran a totalement changé d'attitude envers moi et a été très gentil. C'est lui qui m'a fait sortit du bouclier, ce qui a permit à Dalamar et Pyra de me retrouver.
Nous nous sommes précipités et avons attaqué. Valoran a refusé d'obéir à la Reine pour protéger Shandra. Amiel a repris sa vrai forme et a tué les autres familiers de Valoran qui est devenu fou de douleur. Pyra a tenté une attaque suicide en plantant une épée dans le crane du bestiau avant de s'effondrer grièvement blessée. Raist a invoqué un orage monstrueux. Un éclair à foudroyé le dragon et lui a grillé le cerveau. Finalement, nous avons soignés Pyra, elle a endormit Raist pendant cinq mois pour éviter que le bébé ne souffre du choc en retour puis Raist a accouché chez son frère avant de reprendre une forme plus virile quand Shand avait dix-huit mois. Voilà.
Justarius balaya l'assemblé du regard. Nulle part il ne voyait la peur, la répulsion ou la haine qui existaient avant le récit de Dalamar. Tous les mages étaient, qui amusé, qui attendri, qui incrédule...
Dunbar se leva.
- Je dois dire, que lorsque vous êtes arrivés ici, je m'attendais au pire. Mais maintenant...Je ne sais plus. En quinze ans nous n'avons pas entendus parler de vous, et personnellement, j'apprécierais assez que cela continue. De toute façon, aucun de nous n'est de taille à lutter contre vous. Je vote pour le maintient de Dalamar à ses fonctions. Le cas de Raistlin ne peut être régit par le Conclave. Puisque Paladine lui-même lui a donné une seconde chance, qui sommes nous pour arguer du contraire...
Les mages assemblés approuvèrent bruyamment .
Justarius n'eut plus qu'a s'incliner.
Il fit une dernière tentative.
- Votre fille dispose d'un potentiel fabuleux, il serait dommage qu'elle n'apprenne pas à s'en servir. Wayreth sera toujours l'endroit idéal pour cela. Insinua-t-il avec autant de délicatesse qu'un éléphant ivre dansant le sirtaki dans un temple de Mishakal.
Raistlin et Dalamar allaient répondre vertement quand Shandra les devança.
- Je vous remercie, Maître du Conclave, mais mes pères et l'Ecole du Temple de Paladine me dispensent toute l'éducation qu'il m'est nécessaire. Et je ne conçoit pas de quitter ma famille si jeune.
Justarius baissa la tête, totalement vaincu.
- Puisque tout est réglé, nous allons nous retirer. Sourit Dalamar.
************************
Varune, Tour de Sandor, Maître Mage Impérial.
- Oncle Sandor ? Demanda timidement le jeune homme.
- Oui Estéhaulan ?
- J'ai fait un rêve bizarre...
- Quel genre ?
- J'ai vu une femme, rousse, très grande, avec des yeux gris acier, accompagnée d'un loup, d'une panthère et d'un corbeau. Sur le flanc, elle avait une épée d'acier grossier. A ses côtés, j'ai également vu deux hommes, un brun et un aux cheveux blancs. Celui aux cheveux noirs avait des oreilles bizarre, pointues...
Le vieux mage fronça les sourcils, se leva et posa une main sur le front de son arrière-arrière-arrière...petit neveu.
- Je ne crois pas que ce soit un rêve, mon petit.
- Quoi ?
- Une précognition plutôt.
Le jeune homme pencha la tête sur la côté, attendant une explication.
2 ème Epoque : Chapitre X
Garde Noire
Varune
Le régent arpenta nerveusement la chambre d'auberge qu'il avait, anonymement, loué. Il jeta un coup d'œil à la clepsydre et lâcha un juron fumant. Il se dirigea vers ses fontes et en sortit une flasque de voyage. Il engloutit une grande gorgée du vin de miel qu'elle contenait et alla s'asseoir à la petite table de noyer. Il ouvrit un livre devant lui . une impression oppressante lui glaça la nuque et une peur irraisonnée lui mordit les entrailles.
Il se retourna.
Les ombres de la pièce se firent plus denses et s'approchèrent de l'homme. Il combattit l'instinct qui lui ordonnait de prendre la fuite et attendit extérieurement impassible que se concrétisent les ténèbres qu'il avait invoqué.
Une longue silhouette sortit de nulle part et planta son regard dans celui du Régent. Aucune servilité, aucune envie de plaire me luisaient dans ses yeux gris acier. Le nouveau venu dans rejeta une mèche bleutée derrière son épaule et annexa d'autorité la seconde chaise de la pièce.
Le régent se raidit et retint les paroles offensées qu'il avait sur la langue.
- Vous êtes seul ? Demanda le régent.
- Non.
L'homme, tout d'ébène vêtus eut un petit geste de la main. Les ténèbres accouchèrent de huit autres formes sombres. Deux elfes s'appuyèrent contre la seule porte de la pièce, trois des quatre humains restants annexèrent le lit tandis qu'un demi-elfe et le dernier humain s'assirent dos au mur. Le seul nain de la petite troupe prit place près de la fenêtre.
Le Régent avala péniblement sa salive. Le Chef de la Garde Noire se permit un sourire froid.
Je suis Ripper. Se présenta-t-il.
Hamelet sursauta devant le surnom, son malaise augmentant. Il se contenta d'acquiescer de la tête.
Voici Sypher, Taradon, Baxter et Lebannon. Reprit-t-il en présentant les humain. Les elfes sont Apher et Exers, le demi-elfe, Hicks et le nain Chelinox.
Les huit Gardes ne saluèrent même pas le Régent de la tête, se contentant de le fixer sans la moindre émotion.
L'époux de la Reine s'agita sur son siège et se pencha pour sortir un parchemin de son sac. En se redressant, il eut la surprise de voir les neuf hommes d'élite du royaume, une arme à la main et près à lui sauter dessus.
Ripper rengaina son arme si vite que Hamelet ne put voir où il la rangeait.
Pensez à nous prévenir avant de balader vos mains partout. Il serait regrettable que vous vous mangiez neuf fois cinq pouces d'acier. Nous serions bien sûr très, très, désolés après, mais vous, vous seriez très, très, mort. Ce qui serait dommage... Enfin pour vous. Expliqua le Chef de la Garde avec rictus carnassier.
Le Régent ne supporta plus guère le temps supérieur de l'homme.
Vous vous oubliez, Ripper ! Cracha-t-il comme une insulte.
Les Gardes se tendirent, leur chef eut un geste d'apaisement.
Je suis et je reste à votre Régent. Votre existence est conditionnée par mon bon vouloir. Un mot de ma part, et vous serez traqués jusqu'aux confins des Abysses et mis à mort de la plus horribles façon.
Comme vous avez fait exécuter le comte Tritonon ?
Le Régent, se permit un sourire froid son tour.
- Je m'entraînais juste avant de passer aux choses sérieuses.
Un éclair obscur voila le regard de Ripper.
- Rares sont ceux qui ont eut le cran de me parler sur ce ton. Plus rares encore sont ceux qui y ont survécu. Toutefois, vous nous avez engagé. Que voulez-vous ?
Hamelet déroula lentement le parchemin qu'il avait sorti. Le Ripper se pencha en avant et ses hommes s'approchèrent. Une longue, très longue liste de noms et d'adresses s'étalait sur le rouleau.
- Voilà ce que je veux. Vous prendrez ce qu'il vous faut en armes, matériels et en hommes, aux frais du trône. Je veux que vous enleviez ces enfants.
Ripper lance un regard lourd au Régent.
- Qu'allez vous faire d'eux ?
- Aucun mal. Ils seront précieux pour mener des discussions diplomatiques avec la surface. Une bonne partie d'entre eux a de plus été sélectionnée par le Temple. Ce sont des enfants de familles pauvres, sans espoir d'améliorer leurs conditions. Servir la Dame devrait les amenés à vous suivre.
Le Chef de la Garde leva un sourcil, pas du tout dupe des excuses bidons du Régent.
- Les enfants soulignés en priorité je présume ?
- Exact.
- Vous les voulez vivants
- Vivant, en bon état, est capable de parler et de se déplacer eux-mêmes.
Ripper acquiesça de la tête.
- Combien ?
- 5000 par tête.
Le Régent s'étouffa à moitié.
- 1000.
- 4800.
- 1500.
- 4500.
- 2000. Grinça le Régent comme si on lui arrachait une dent.
- 4000.
- 3000.
- 3000, ça me va. Accepta Ripper.
Les deux hommes topèrent là et le Chef de la Garde rangea le parchemin dans une poche de son manteau. Il se leva.
- Je veux cinquante de vos meilleurs hommes. Des hommes de confiance. Prévenez-les qu'à la moindre incartade de leur part, ils seront exécutés sans préavis. Je veux des vivres pour un mois et soixante personnes. Un cheval de monte et un de bât par tête, je veux que ces hommes soient armés et capables de se défendre, je veux également dix longueurs de racines de brink, une avance sur salaire de 10% et deux milles de mieux par homme pour les faux frais.
Le Régent s'insurgea.
- Vous voulez pas un mage en plus tant qu'on y ai? Je peux demander à Sandor de venir avec vous aussi !
- Merci, mais ça, j'ai. Et oncle Sandor ne serait pas ravi que je le dérange pour ça.
Hamelet releva la tête avec suspicion.
- Que voulez vous dire par "Oncle Sandor" ?
- Vous occupez pas...
Le Régent pesta encore quelques instant mais finit par céder.
- Très bien, quand partez vous ?
- Combien vous faut-il pour nous fournir ?
- Une semaine.
- Alors nous partirons dans dix jours? Qu'hommes et matériel nous attendent à l'entrée de L'Allée de la Reine, à l'aube.
Le Régent nota les dispositions prises sur un petit calepin.
- Dernière chose, Vous devez être revenu ici, avec les enfants d'ici un an.
- Très bien.
Comme si cela marquait le fin de la discussion, les neuf Gardes reculèrent dans les ombres. Un instant plus tard, le Régent était seul.
Il mit quelques secondes pour s'assurer que tout le monde avait quitté la pièce et sortit un médaillon de sous sa tunique. Il le serra fort dans sa main.
- Ma Reine, c'est fait. Murmura-t-il. Et les premiers enfants sont à votre disposition.
Dans sa paume, le bijou tiédit.
************************
Abysses.
Takhisis se frottait les mains de satisfaction. Les premiers enfants qui lui avaient été sacrifiés avaient augmentés son pouvoir d'une façon qu'elle n'avait jamais imaginée, et elle se sentait assez forte pour réveiller quelques uns de ses serviteurs ailés. Elle s'abîma si bien dans la localisation des rares dragons suffisamment puissants pour la servir de façon utile qu'elle ne repéra pas la présence de Sargonnas.
Le Consort de la Reine fronça les sourcils. Les choses prenaient une tournure qu'il n'aimait pas du tout. Ravager la surface de Krynn, d'accord, c'était même l'un de ses sports favoris; mais ce débrouiller pour ce mettre à dos les plus puissants mages de Krynn et les Héros de la Lance, c'était déjà beaucoup plus moyen comme programme. A croire que la Reine avait une mémoire sélective. Elle aurait pourtant dut se rappeler comment Raistlin avait faillit la vaincre. Alors avec une demi-douzaine de mages de ce niveau ! Le Dieu-condor se passa les méninges à la débroussailleuse en quête d'une idée intelligente. Enfin, un petit éclair ce fit jour. L'idée était tellement retorse qu'il se demanda fugitivement si un certain dragon de platine n'avait pas le même but que lui en cet instant précis. Quelques secondes supplémentaires de réflexions l'assurèrent de la possible validité d'une telle hypothèse.
- NUITARI ! VIENS LA !
L'ombre fugitive de la lune noire se matérialisa devant lui.
- Quoi encore !
- J'ai besoin de ton aide.
- Pour ?
- Aider plusieurs de tes petits protégés.
- C'est nouveau ça...
- Raistlin et Dalamar ça te dit quelque chose ?
Le petite lune se voilà.
- Qu'est ce qui leur arrive encore ?
- Takhisis...
- ENCORE ?! Mais elle va pas les lâcher, non ! Que veux-tu que je fasse ?
- Tu sais les sorts qui pesaient sur Raistlin, les yeux, la santé, tout ça...
- Oui.
- J'aimerais que tu les réactivent? Juste quelques minutes. Ajouta-t-il avant que la petite déesse de la magie noire ne grimpe aux rideaux. Ces deux sorts sont plus ou moins rattachés à Takhisis dans son esprit. S'il se met à glavioter ses poumons de nouveau et à ravoir des visions, il devrait en déduire que la Vieille fait des siennes, non ?
- T'as trouvé ça tout seul ? Je suis impressionnée...
- T'es d'accord ?
- Ca marche...Mais en échange, je veux que tu fiche la paix à deux-trois personnes...
************************
Hicks grommelait dans sa barbe en s'éloignant de l'auberge. Il râlait tant et si bien qu'il se prit les pieds dans une racine et manqua s'étaler au sol. Ripper lui lança un sourire affectueux et l'aida à reprendre son équilibre.
Le jeune demi-elfe dégagea son bras avec colère et pesta à voix basse.
- Allons, qu'est ce qui te chagrine ?
- Les enfants...
- ...
- Je veux bien tuer, massacrer, empoisonner et voler qui tu veux, mais m'en prendre à des enfants ! Là je dis non ! Pour qui tu me prends à la fin, un monstre ?
Ripper soupira.
- Hicks...
Le demi-elfe refusa de croiser son regard.
- Declan...
Hicks leva timidement les yeux.
- Ripper...Hariel, tu dois me comprendre. Je ne peux pas faire de mal à un enfant ...
Le Chef de La Garde Noire jeta un regard à ses troupes.
- Vous êtes tous de son avis ?
Chelinox jeta un coup d'œil à son chef et lissa machinalement sa barbe châtaigne. Il s'avança un peu sur ses courte pattes.
- Je crois pouvoir parler pour tous. Si la sécurité des enfants est garantie et que tu ne laisses le Régent les utiliser que comme otages, et à la condition expresse que ce soit nous qui nous occupions d'eux, nous te suivons.
- Tout le monde est d'accord avec Floyd ?
Les sept opinèrent du bonnet.
- Et toi Declan ?
Hicks se balança d'un pied sur l'autre.
- Pas le moindre mal, hein ?
- Promis.
- Vrai ?
- Tu sais ce que vaut ma parole, demi-elfe...
Declan rougit.
- Très bien, je marche avec vous.
************************
Tour de Palanthas.
Raistlin et Dalamar revenait de Wayreth, bras dessus - bras dessous et hilares. Il firent signe à leur fille de les devancer et l'adolescente se rua dans la Tour pour sauter dans les bras de sa marraine dès qu'elle le put.
- Alors, comment ça c'est passé ? Questionna la princesse.
- Génial, tout bonnement génial. Mes pères ont été absolument fabuleux. La moitié des mages se pissaient dessus de rire, l'autre moitié hallucinait complètement...
- Le plus marrant, ça à quand même été la réaction de Justarius. Le pauv'vieux, il ne savait même plus où se mettre... Rigola Raistlin.
- C'est triste, hein ? Ajouta Dalamar.
- Je crois que j'arriverai à m'en remettre.
- Tu sais quel est ton problème, Shalafi ? Quelque part, tu as un mauvais fond.
- Et si tu savais ce que c'est bon...
Pyra se tapa le front d'un main et secoua la tête en riant.
- Tu vois, Myraël, ces deux types sont parmi les plus puissant individus cette foutue planète, et ils se conduisent comme des gamins. Tu est plus responsable qu'eux...
Raistlin jeta un regard scandalisé à la rouquine et s'appétait à répondre crûment lorsque qu'une douleur aiguë le plia en deux. Une violente quinte de toux lui déchira les poumons et il tomba à genoux.
Il toussa pendant de longues minutes.
Dalamar c'était porté près de lui et le soutenait de son mieux.
Paralysée, Shandra observait la scène surréaliste.
Enfin la quinte se calma et elle s'approcha de ses pères.
Pyra aida Raist à se redresser et tous purent voir le sang qui maculait le sol.
L'archimage tremblait convulsivement. Il leva les yeux sur sa fille et un petit cri d'horreur franchit ses lèvres tachées.
- Mes yeux ! Gémit-il
- Raist ? Qu'y a-t-il ?
- Mes yeux, mes yeux !...Ca recommence !
Pyra lança un coup d'œil interdit à Dalamar qui avait furieusement pâlit. Il lui fit un petit signe qui signifiait "plus tard" et revint à son maître.
Shandra se leva et prit le verre d'eau que Miraël était allé cherché. Elle le tendit à son père qui l'engloutit avidement.
Enfin, les tremblements de l'archimage se calmèrent.
- C'est finit.
- Mais qu'est ce qui t'es arrivé ?
- Je ne sais pas Pyra. Tout ce que je sais, c'est que ma santé déplorable était un payement à la Reine pour mon Art. Je croyait m'en être affranchit depuis le temps, mais...
- Ce serait dut à un regain d'activité de la Reine ?
- C'est possible.
- Où bien...
- Tout est possible, Pyra. Avec cette folle, tout est possible...
2 ème Epoque : Chapitre XI
Varune, sa vie, son œuvre...
(on s'en fout, Sandor !)
Varune, Tour du Maître Mage
Estéhaulan s'effondra un peu plus sur son siège. Il y avait deux choses qu'il détestait dans la vie. Les banquets qui duraient des heures et où des troupeaux de femelles en chaleurs lui faisait du charme en espérant lui mettre le grappin dessus, ses épaisses boucles rousses et ses doux yeux violets leurs faisant toujours un effet bœuf. Et les cours d'histoire d'oncle Sandor...
- 'Surtout les cours d'histoire d'oncle Sandor !' Ce décida-t-il devant l'arbre généalogique impérial.
- Nous disions donc que Varune Kh'aa Anthée, alors voleuse de son état, et son époux, Keleb Kh'aa Arawn, assassin de la guilde, accompagnés d'un petit millier de personnes quittèrent la surface et la Guerre des Dragon pour se réfugier ici. Les mages qui les avaient accompagnés et qui ne supportaient plus les restrictions de leurs ordres se spécialisèrent, et en quelques années ils furent capables d'ensorceler la Voûte pour en assurer la résistance et la cohésion. Les terramanciens créèrent les veines de quartz qui nous apportent la lumière du jour. Les hydromages appelèrent des torrents souterrains et créèrent le Lac et le Désert, les aethermanciens créèrent les courants qui nous assurent de l'air frais, et les pyromages firent jaillir le magma pour nous réchauffer. En vingt ans, l'Empire était viable et une nouvelle génération voyait le jour sous la surface. Varune fut couronnée en 3371 avant le Cataclysme, soit vingt ans avant sa mort, et Kamara, sa fille fut la seconde de nos Reines.
************************
Varune, Près de L'Allée de la Reine, Dix jours plus tard, Une heure avant l'aube.
Baxter secouait doucement Apher par l'épaule. Il sourit en le voyant arquer le dos comme un chat avant de se nicher plus étroitement entre les bras d'Exers. Il le secoua un peu plus rudement et l'elfe ouvrit les yeux. Instantanément, une dague se matérialisa dans sa paume et sous la gorge de l'humain.
- Connard ! Gémit Apher en remettant sa dague sous son oreiller.
- Encore de bonne humeur au réveil, toi ! Allez Sirdal, réveille Kilwan. Ripper nous veut au rapport dans une heure. Je vais réveiller les autres. Déclara le second d'Hariel en se relevant.
- Et tu nous réveille maintenant ?!
- Ce sont les ordres d'Hariel. Nous savons tous à quel point Exers peut être joueur au réveil. Ricana-t-il.
Une botte poursuivie Baxter jusque dehors.
************************
Sandor continuait son cour, imperturbable aux regard suppliants de son élève.
- A sa mort, la Guerre de l'Opale opposa ses filles Miranda et Arasha. Elles moururent en 3105 avec leurs époux dans une explosion qui rasa le premier Palais, sans avoir réussit à vider leur querelle. La guerre s'arrêta d'elle même, puisque Arasha n'avait pas de fille mais un fils, Chaël et c'est Alathéa Ière qui monta sur le trône. Les deux lignées impériales coexistèrent sans incidents jusqu'en 329 où Merine, l'impératrice de l'époque, épousa Domenic, le descendant d'Arasha et accessoirement mon père. Les deux lignées se croisèrent une fois encore lorsque notre précédente Reine, Sélianna épousa Darral, le dernier de la lignée bâtarde issue de Domenic et de sa maîtresse, Shaya...
Estéhaulan fit un effort méritoire pour ne pas hurler.
- Oncle Sandor, c'est très intéressant tout ça, mais en quoi ça me concerne. Tous ces gens sont morts depuis des cycles, je ne verrais jamais la surface, alors à quoi cela peut bien me servir...
Le vieux mage lui lança un regard qui ne cillait pas.
- Tu vis à Varune. Tu me remplaceras probablement quand je ne serais plus Maître Mage alors tu te dois de savoir tout cela pour les enseigner aux prochaines générations de rejetons impériaux.
- Vu comment est partie Dévadoris, je me demande si c'est vraiment la peine...
- J'ai entendu, 'Lan !
Le jeune homme haussa les épaules et s'abîma dans l'étude de l'arbre généalogique honnit.
- Dis...Pourquoi c'est Méléria qui est sur le trône en ce moment ? Elle n'est pas vraiment à sa place et il y a du monde pour la remplacer...
Sandor retint un petit sourire satisfait, il avait réussit à emmener le gamin là où il voulait.
************************
Hicks observait l'habituel échange d'aménités entre ses deux amis depuis le battant de sa tente et rit doucement.
Baxter leva les mains au ciel.
- Ah, les elfes !
Une seconde botte hargneuse le poursuivit, lancée cette fois par Declan.
************************
- Je ne sais si je dois te le dire...
- Je suis ton apprenti, non ?
- C'est pas une excuse...Jure de ne rien dire !
- Juré, sur les Puissances et la Dame.
- Bien. Vanda, l'aînée, est morte en 357 PC(1), soit un an avant Sélianna, Dévadoris, qui avait été l'une de mes apprenties, était partie pour la surface en 353 et n'est jamais revenue, Hariel est un mâle, Damon Sadric et Varzil également, Cassandra dirige l'armée et n'aurait jamais voulue la quitter pour faire mumuse avec les courtisans, il vaut mieux d'ailleurs, sinon y aurait eut des morts.... Dersandre à disparue, officiellement on ne sait ni où, ni comment. Comme pour Dévadoris en fait...
- Et officieusement, tu sais où elles sont ?
- J'ai eut des nouvelles... Avoua le vieux mage en restant dans le vague.
- Et Fiorel et Faeryl ?
- Les jumeaux ? Ils élèvent des chevaux dans le Désert. Et jamais Faeryl ne voudrait quitter son frère...
************************
Ripper passa en revue le tenue de sa petite troupe.
- Messieurs, exceptionnellement nous allons travailler avec des troupes régulières. Soyez corrects avec eux, ne cherchez pas la bagarre, mais ne vous laissez pas marcher sur les pieds. N'oubliez pas que quelque soit leur lignée, leur rang ou leur pedigree, vous êtes d'un rang supérieur au leur. Ils vous doivent le respect et l'obéissance. N'oubliez pas non plus qui vous êtes ni quelle est notre réputation. Je sais que vous avez rejoint la Garde pour être libre de vos mouvements...Aussi, Exers, Apher, cela me dérange de vous demander cela, mais vous devrez mettre la pédale douce sur vos jeux...le terme était peut-être mal choisit. S'excusa l'homme devant les coup d'œil hilares que lui jetèrent ses hommes.
Les deux elfes esquissèrent un sourire.
- Bah, ne t'inquiètes pas, on se fera passer pour frères. Ca limitera les questions...
- Si vous voulez. Les soldats qui vont nous rejoindre sont titrés, mais ce ne sont que des bouseux à la morale étriquée. Hicks, tu as la permission de te monter aussi hautain, mystérieux et méprisant que tu veux, Chelinox...Floyd, je te parle !
Le nain reporta son attention sur son patron et parvint à prendre l'air confus.
- Joue ton rôle de roquet agressif et borné, ça fait toujours bien dans le paysage. Sypher et Taradon, vous êtes préposés à l'intendance. Baxter, tu feras le tampon entre le chef des bouseux et nous. Des questions ?
Kilwan leva la main.
- Qui s'occuperas des enfants ?
- Il y aura au moins trois élèves mages parmi eux. Vous vous en occuperez tous les deux, Sirdal et toi.
Declan renâcla.
- Ils auront probablement besoin d'un soutient culinaire et médical...Declan ? Cela te gênerait-il ?
- Bien sur que non ! S'emporta le demi-elfe en haussant les épaules.
Ripper se tut et observa pensivement sa petite troupe. Un élan d'affection lui réchauffa le cœur. Devant lui, la seule vraie famille qu'il ait jamais eut, et qu'il ait jamais désiré attendait ses ordres dans une confiance si totale qu'elle confinait à l'adoration.
- Rompez !
Les huit hommes rejoignirent leurs tentes et les démontèrent.
Hariel resta seul devant les braises rougeoyantes du foyer.
************************
Estéhaulan laissa son regard dériver par la fenêtre. La Voûte obscurcissait les jardins en cette heure matinale et les veines de quartz ne charriaient encore qu'une infime lumière...Probablement l'une des lunes...
- Tu crois que je verrai un jour la surface ?
- C'est possible. Eluda Sandor.
Comme son père adoptif semblait en veine de confessions, le jeune homme osa poser la question qui lui brûlait la langue depuis des années.
- Oncle... Comment elle était ma mère ?
Sandor soupira bruyamment.
- Très belle, avec un caractère de cochon, très vive et intelligente et d'un optimisme à toute épreuve. Elle a été mon apprentie pendant quelques temps, avant que de disparaître à ta naissance...
- J'aurais aimé la rencontrer...
- Tu l'a vu...
- QUOI ? Je ne l'ai jamais rencontrée !
- Je sais, c'eût été dur, et je n'ai pas dit que tu l'avait rencontrée, j'ai dit que tu l'avais vu.
Estéhaulan resta un instant estomaqué.
- Si c'est un plaisanterie, c'est pas drôle...
- C'est pourtant la vérité. Mais laissons ça de côté. Reprenons les exercices pour le contrôle des précognitions...
Le jeune homme jeta un regard mauvais à son maître mais s'exécuta.
************************
Allée de la Reine, milieu de la matinée.
La Garde Noire perçut la présence de la cinquantaine d'hommes du Régent bien avant que de les voir.
Ils s'avancèrent au pas et entrèrent dans le campement.
Un gradé glapit avec toute la délicatesse d'un sergent instructeur.
- Gaaarde à vouuuus !! Bande de moules !
Les hommes se levèrent péniblement et tentèrent tout aussi laborieusement de se ranger en bon ordre.
Ripper présenta un sourire froid et arrêta sa monture.
Sans bouger les lèvres, il chuchota à ses hommes.
- Et ce sont des troupes d'élites ! Je ne voudrait pas voir les autres.
- T'avais qu'a demander à ta sœur. Répondit pareillement Baxter.
- On est un peu en froid tous les deux.
La Garde Noire se déploya derrière Hariel, prenant automatiquement une formation en diamant et ils attendirent les ordres, ne jetant pas même un regard au ramassis hétéroclite de "combattants" que leurs fournissait le Trône.
Sur un signe imperceptible de leur chef pour tout autre qu'eux, les Gardes démontèrent.
Ripper compta mentalement jusqu'à dix pour se calmer et s'adressa à celui des soldats qui paraissait le plus gradé.
- Lieutenant ? Où est votre Chef ?
- Le...Le général Mariathon dort encore, monsieur.
- Eh bien, allez le réveiller !
- Monseigneur, la troupe...
- Je m'en occupe. Autant que nous fassions connaissance de suite. Allez me chercher la tortue paresseuse qui dirige "ça"!
Le lieutenant s'inclina et courut vers une tente somptueuse montée un peu à l'écart.
- Un Kh'aa Dian. Je déteste les Kh'aa Dian. Grommela Baxter lorsque le général s'approcha, visiblement outragé d'avoir été dérangé.
- Quel est donc ce tapage. Que voulez vous ?
- Le Régent ne vous à pas informé.
- Nous sommes sensés attendre ici la Garde Noire et nous mettre sous ses ordres. Renifla-t-il avec dégoût.
Ripper eut un sourire méchant.
- Nous SOMMES la Garde Noire. Je prends le commandement de votre unité. Faites démonter le camp et débrouillez-vous pour que vos hommes ressemblent à quelque chose. Ils ne vont certainement pas faire mourir de peur qui que ce soit comme ça. De rire sûrement, mais ce n'est pas le but recherché. Nous partons dans une heure. La surface ne nous attendras pas.
Le Général resta un instant ahuri avant de dévisager chacun des neuf Gardes.
Ses hommes furent tout aussi abasourdis.
Devant eux se tenaient la Troupe d'Elite qui cristallisait depuis près de vingt cinq siècles des rivières de sang, des milliers de morts, des centaines de meurtres et de vols de grande envergure...Et ils n'étaient que neuf ! Plusieurs hommes chuchotèrent en reconnaissant un nain et des elfes, races qui n'existait à Varune que dans les livres d'histoire et d'anatomie comparée.
Mariathon se reprit et se rebella.
- Je n'ai pas à suivre vos ordres. Vous ne pouvez être ceux que vous dites. Les ordres du Régent sont ma priorité. Prouvez vos dire si vous voulez que j'obéisse !
Ripper soupira d'agacement.
- Dois-je vous rappeler les termes de notre contrat ? Soit vous obéissez, soit vous mourrez.
- Vous n'oserez pas assassiner un Général et un membre de la Famille Dian ! Affirma platement Mariathon.
Hariel eut un geste infime et Lebannon dégaina sa hache de guerre. Avant que quiconque n'ait eut le temps de réagir, le fil de l'arme rougit et la tête du Général roula dans la poussière.
Hariel se tourna vers le lieutenant.
- Capitaine ?...
- Heu...Rif, Monsieur.
- Capitaine Rif, veuillez faire suivre mes ordres je vous prie.
- A...A vos ordres, Monsieur ?
- Ripper, tout simplement. Mon nom, comme celui de mes hommes est un titre en lui même.
- Bien monsie..Ripper. Accepta le capitaine fraîchement nommé en claquant des talons.
Rif rassembla ses hommes et leur distribua leurs ordres.
Une heure plus tard, la colonne de cavaliers entrait dans le tunnel étroit qui les mèneraient à la surface.
Ripper eut un sourire sans joie lorsque la lumière du soleil que leur apportait le quartz disparut et qu'il fallut allumer des torches.
************************
- C'est assez pour aujourd'hui Estéhaulan. Nous allons voir autre chose. Elle devrait être prête à cette heure.
- Elle ? Qui ?
- Mon arrière-arrière-arrière... petite nièce.
- L'Héritière ?
- Elle à six ans depuis hier. Il est tant pour elle de commencer son apprentissage de la magie.
Le jeune homme eut une petite moue irrité. Il n'avait pas vraiment envie de devoir partager les attentions de son maître avec une gamine retardée.
Il alla tout de même chercher l'enfant dans les appartements impériaux la ramena à Sandor.
- Bonjour Deva, je suis ton oncle Sandor. Lui, c'est nom apprenti, 'Lan. Veux-tu que nous commencions.
- Oui oncle Sandor. Je veux bien. Lui répondit l'enfant d'une petite voix fluette.
Estéhaulan lança un regard interloqué à la petite fille qui lui tendit les bras pour qu'il la porte jusqu'à sa chaise.
2 ème Epoque : Chapitre I
Enfance
Tour de Haute Sorcellerie, Palanthas, fin de l'automne
Shandra se laissa glisser le long des barreaux de son lit et tomba assise sur son postérieur rebondit. Constatant qu'il n'y avait personne autour d'elle, elle conclut que pleurer ne lui aurait servit à rien et roula sur le ventre pour se mettre à quatre pattes. Elle trottina de son mieux jusqu'à la porte de la chambre d'un de ses pères et s'appuya dessus pour se mettre debout. En équilibre instable sur des membres peu coopératifs, le fillette cahota quelques pas avant que la porte ne la prenne par traîtrise et ne s'ouvre, la laissant sans appui. Elle vacilla un instant et se sentit partir en avant. Alors qu'elle réfléchissait à quel registre de pleurs utiliser pour exprimer l'extrême mécontentement que lui provoquait la disparition de la porte et sa rencontre sauvage avec le sol, deux mains fines se glissèrent sous ses aisselles et la hissèrent à hauteur d'yeux d'un adulte. La petit visage sérieux de Shandra observa un instant l'adulte qui l'avait soulevé et constatant qu'il s'agissait de "Papa", se permis quelques sanglots à fendre le cœur d'une pierre.
"Papa" eut un petit rire et la berça contre son cœur.
- Allons mademoiselle, arrêtes ça, tu ne t'es pas fait mal. s'amusa-t-il
Une seconde voix s'éleva derrière "Papa".
- Ce petit monstre est aussi manipulateur que toi ! Ca promet pour l'avenir...J'anticipe déjà des problèmes de garçons à n'en plus finir...
Shandra remua dans les bras de "Papa" et tendit ses petits membres vers "P'pa".
L'elfe récupéra la gamine au vol alors qu'elle échappait à la prise de Raistlin.
- Heureusement pour elle, elle a ton physique. Contra le Maître de la Tour.
La fillette voulut exprimer son désaccord mais ne put contraindre sa gorge à émettre autre chose que "Frgeee"
- Elle n'a pas l'air très d'accord. Ricana Dalamar.
- Mouai... Ben je ne crois pas qu'a huit mois je sortais de mon berceau pour aller cavaler partout.
Dalamar reposa la fillette qui se débattait et les deux hommes la regardèrent ramper vers la porte qui menait au labo. La suivant de près pour l'empêcher de faire des bêtises, ils s'amusèrent de ses tentatives d'attraper un cordon de velours qui pendouillait d'une étagère et durent la sauver d'une cornue qu'un coup de tête aveugle dans une table précipita à terre.
Fermement, Raistlin repris sa fille dans ses bras et plongea son regard d'or liquide dans les prunelles d'ébène.
- Le labo n'est pas encore un endroit pour toi ma chérie ; dans six ou sept ans si tu veux, mais là, c'est vraiment trop tôt.
Shandra lança un regard déçu au magnifique terrain de jeux que son père lui ôtait, mais elle se promit qu'elle y reviendrait pour jouer avant longtemps.
******************
La Tour, sept ans plus tard.
Shandra s'assit, boudeuse, à sa table. Son coquard avait quasiment disparu sous les soins de "P'pa" et l'engueulade si redoutée n'avait pas eut lieu ; "Papa" s'était contenté de lire le mot que l'institutrice de la fillette lui avait fait parvenir et avait émis quelques mots dans une langue qu'elle ne connaissait pas. "P'pa" lui avait dit qu'il s'agissait de draconien et Shandra l'avait cru sur parole. Pour la petite fille de huit ans aux cheveux blancs, ses pères étaient les détenteurs de toute la connaissance du monde.
Lorsque, la veille, plusieurs de ses camarades de classe avaient insulté ses parents, la petite fille leur avait sauté dessus et avait mis en pratique quelques unes des technique que "Tante Pyra" lui avait montrée. La maîtresse n'avait pas apprécié qu'une gosse fiche une peignée à trois adolescents et avait demandée à voir ses parents. Shandra craignait ce qu'elle allait bien pouvoir dire à ses pères mais ne pouvait rien faire.
Elle soupira et sortit de son sac son cahier et sa plume. La maîtresse passa dans les rangs et inspecta le travail qu'elle avait donné à faire à la maison et distribua bon et mauvais point. Shandra glissa le bon point dans la petite boite qu'elle réservait à cet effet et sourit. Allons, la journée n'allait peut-être pas être si mauvaise que cela après tout.
Midi sonna et les élèves sortirent leur déjeuner de leur sac. Shandra englouti le sien et attendit anxieusement l'arrivée de ses parents. L'habituel brouhaha des enfants se calma soudain et une vague de peur mêlée de curiosité balaya la petite salle de classe. Shandra sourit et sauta de son siège.
- Papas !
La maîtresse se leva à son tour et s'approcha de sorciers avec une visible aversion.
Raistlin et Dalamar rabattirent leurs capuchons et s'avancèrent dans la salle.
- Madame... Saluèrent-ils
- Messires ?
- Je suis Raistlin Majere, le Maître de la Tour de Haute Sorcellerie de Palanthas, et voici Dalamar, Maître des Robes Noires de Wayreth.
Un certain flottement parcouru la pièce.
- Lequel de vous est le père de Shandra ?
Les deux mages sourirent
- Tous les deux, madame.
La maîtresse ouvrit de grands yeux étonnés mais ce repris assez vite.
- Je vois...une histoire d'adoption, sûrement. Grinça-t-elle méchamment.
Raistlin fronça les sourcils.
- Pouvons-nous savoir pour quelle raison vous nous avez convoqués ?
- Votre fille s'est battue avec plusieurs de ses camarades. Expliqua le professeur en désignant trois adolescent assez amochés.
Dalamar s'approcha des gamins qui reculèrent jusqu'au mur.
- Puis-je savoir ce que vous lui avez raconté pour qu'elle se mette en colère ? Shandra ressemble beaucoup trop à sa mère pour exploser de cette façon.
L'un des gamins, visiblement le chef de la petite bande pris son courage à deux mains et bafouilla.
- Nous ne lui av...avons rien di...dit. Rien f..fait. Elle nous a attaquée sans rais..on.
- C'est pas vrai ! P'pa ! Il ment. Il vous a traité de couple de limaces purulentes et de nains des ravins dégénérés ! Et ils m'ont traités de bâtarde sans père ! S'emporta la fillette.
- Est-ce vrai ? Gronda à son tour Raistlin.
- Nous n'avons rien fait ! S'entêta le garçon.
La maîtresse s'interposa.
- Votre fille n'a fait que poser des problèmes depuis son arrivée ici. Elle ne suis pas les cours, elle est souvent dans la lune, et elle se targue de parler aux oiseaux ! Et des événements étranges se sont produits également. Le vieux puits asséché depuis des décennies c'est remit à fournir de l'eau, les feux sont parfois incontrôlables, et le bac à sable est plus proche d'un marécage que d'une plage ! Maintenant que je vois qui sont les parents de la petite tout s'explique, mais vous comprendrez que je ne peux pas la garder ici plus longtemps. Elle représente une menace pour les autres élèves.
Les deux archimages jetèrent un regard consterné sur leur fille qui avait toutes les peines du monde à retenir ses larmes.
- Pardonnez-moi, mais elle à toujours eut d'excellentes notes. Argumenta l'elfe. Et si elle est parfois dans la lune, c'est à cause de son hérédité elfique, elle entends "réellement" les oiseaux ! Quand aux bouleversements dont vous faites états, je ne vois pas en quoi elle pourrait être responsable. Depuis trois ans, vous auriez dut nous avertir.
- Je ne pensait pas que cette...bât...fillette puisse en être la cause, jusqu'à maintenant.
- Vous prétendez qu'elle aurait utilisée de la magie, comme "ça" ? Demanda Raistlin d'une voix faussement douce en claquant des doigts.
- Qu'est ce que j'y connaît, moi, à cette monstruosité. S'emporta la maîtresse avant de porter la main à sa bouche de confusion.
Shandra éclata en sanglot et se jeta dans les bras de Dalamar.
Un petit tic nerveux agita les lèvres de l'elfe et une colère froide envahit l'humain.
- Bien, je crois comprendre. Résuma l'archimage d'une voix polaire. Shandra est une bâtarde, une sang-mêlé, et la fille de magiciens. C'est cela plutôt qu'autre chose qui vous chiffonne, plus que ses résultats ou ses relations avec ses camarades. Je me trompe ?
Le professeur ne répondit pas mais releva la tête avec défit.
- Alors histoire d'enfoncer le clou, ma chère. Sachez que Dalamar et moi sommes les parents biologiques de cette petite. Sans la moindre histoire d'adoption. Grinça l'archimage avec une sourde satisfaction au mouvement de recul de la femme.
- C'est répugnant !
Raist haussa un sourcil et claqua des mains. Les affaires de Shand se volatilisèrent et il prit la main libre de sa fille qui continuait à sangloter.
Les deux hommes et leur enfant sortirent avec dignité.
Avec un accent sylvanesti à couper au couteau, Dalamar ajouta avant de partir.
- Que j'entende, ne serait-ce qu'une fois, que vous avez de nouveau fait preuve de racisme envers un enfant, "madame", et je vous jure que vous saurez de première main pourquoi je porte la robe noire.
- Cette institution est noble, magicien. Elle se doit de demeurer pure ! Répondit le professeur d'un ton insultant.
Un roulement de tonnerre se fit entendre et un éclair déchira le ciel d'un bleu céruléen comme Shandra jetait un regard mauvais à son ex-maitresse.
Les deux archimages échangèrent un regard amusé mais n'ajoutèrent rien.
Prenant la fillette entre eux, ils s'éloignèrent rapidement.
- Je ne crois pas qu'il y ait une autre école à Palanthas. Soupira Dalamar.
- Je suis désolée. S'excusa Shandra.
Raist s'accroupit devant elle et lui souleva gentiment le menton entre ses doigts.
- C'est pourtant un magnifique exemple des raisons qui nous ont fait te mettre dans une école "normale" et non dans une école de magie. Petit un, la magie, tu ne trouvera pas meilleur professeur que nous, petit deux, tu te dois d'apprendre à vivre en société. La Tour n'est pas ce qu'on appelle un centre d'échanges sociaux. L'archimage se releva. Et tu viens d'apprendre une bonne leçon.
- Ne pas juger les gens sur leur pedigree ?
- Oui, et puis ?
- Ne pas montrer mes talent d'élémentaliste ?
- Exact. Maintenant, tu sais pourquoi nous t'avions prévenus.
Shand soupira et se serra un peu plus entre ses pères qui la prirent par les épaules.
- Bien, et maintenant, où allons nous te mettre ?
Dalamar réfléchit un instant.
- Il reste l'école de Temple.
Raistlin ouvrit de grands yeux et éclata d'un chaud rire de gorge.
- Excellent. Allons t'inscrire de suite. J'ai hâte de voir la panique que nous allons causer.
Les deux hommes se mirent en chemin, leur enfant jouant autour d'eux comme n'importe quelle fillette de huit ans se promenant avec ses parents.
Dalamar s'avança jusqu'à la guérite du garde et le secoua doucement. L'homme, au trois-quarts endormis ouvrit un œil et manqua choir de son siège en voyant l'elfe noir se pencher vers lui.
- Que...Que voulez-vous ? Bafouilla-t-il
- L'école s'il vous plaît, mon brave.
Encore un peu ahuri, il pointa la doigt vers le Nord.
- Par..Par là...
- Merci, mon ami. Remercia l'elfe en lui tapotant l'épaule avant de s'éloigner.
Raistlin dissimula un sourire et prononça quelques mots en agitant les doigts. Avec un "plop", deux petits médaillons tombèrent dans sa main. Il en donna un à l'elfe et passa l'autre autour de son cou.
- Allons d'abord voir Crysania. Proposa-t-il. Je lui doit bien ça.
Dalamar accepta et chacun repris une main de la fillette avant de rentre dans l'enceinte du Temple. Protégés par les médaillons, les deux hommes ne ressentirent qu'une légère gène.
Tout autour d'eux, les prêtres vêtus de neige et d'azur leur jetaient des regard mi-paniqués, mi-curieux.
Dalamar entre le premier dans les bâtiments du Temple et fit signe aux autres de le suivre. Ils marchèrent pendant plusieurs minutes.
Enfin ils atteignirent la lourde porte de bronze qui les intéressaient.
Dalamar toqua et les deux mage entrèrent avec leur rejeton lorsqu'on les y invita.
Crysania releva les yeux des livres de compte qu'elle épluchait en s'ennuyant au dernier degré et retint un petit cri en voyant ses visiteurs. Les deux mages rabattirent poliment leurs capuchons et la saluèrent.
Se remettant laborieusement de sa surprise, la Révérée Prêtresse se leva et leur serra la main.
- Dalamar... et Raistlin ! Je ne croyais jamais te revoir. Comment allez vous tous les deux ?
- Très bien. Remercia Raist de la voix la plus douce et la plus mélodieuse que Crysania n'ait jamais entendue dans sa bouche.
- Tu m'a l'air en grande forme.
- Absolument.
L'archimage se tourna et poussa Shandra de derrière son dos devant la prêtresse.
Le fillette se rencognât le plus près possible de son père et tendit la main à la jeune femme sans toutefois lâcher la robe de l'archimage.
- Bonjour madame. Je m'appelle Shandra
Crysania fixa un instant la fillette avant de revenir au visage de Raistlin.
- Ta fille ?
- Exact.
Un petit quelque chose la chiffonnait. Elle mit enfin le doigt dessus.
- Quelle elfe à put la mettre au monde ?
Raistlin rit gentiment et s'expliqua.
- C'est moi qui l'est mise au monde. Dalamar est son père.
La prêtresse manque s'étouffer de surprise.
- QUOI ? C'est quoi encore cette nouveauté ?
Les deux mages rirent plus fort et Shandra repoussa les deux mèches d'ébène qui lui tombaient dans les yeux.
- C'est assez compliqué. S'excusa le maître des robes noires en désignant les fauteuils.
Crysania lui fit signe de la tête et tout trois s'assirent, Shandra sur les genoux de Raist.
Deux heures plus tard, Crysania émettait un long sifflement émerveillé.
- Eh bien dites moi ! En voilà une belle histoire. Je connaissais un peu les aboutissants puisque j'ai dut m'occuper de Valoran, mais je ne m'attendais pas à "ça". Pyra...c'est bien le nom que vous donnez à la prêtresse de Varune ?
Raistlin haussa un sourcil.
- Heu.. oui...
- Bien elle ne m'avait pas dit tout cela.
- Elle ne nous a jamais dit non plus qu'elle était prêtresse ! Râla un peu Dalamar.
Shandra intervint pour la première fois dans la conversation.
- Il suffisait de lui demander !
- Tu le savais ?
- Ben oui, je lui ai demandé de me parler de sa famille.
Les deux archimages échangèrent un regard effondré.
- Et bien je crois que nous aurons une petit conversation tous les trois...En dehors de ça, est-ce que Shand peut suivre les cours de l'école du Temple ?
La prêtresse sourit avec chaleur.
- Mais bien entendu ! Je sens que tu va te plaire ici !
Trois alouettes se perchèrent sur le bord de la fenêtre et chantèrent à plein poumons leur agrément.
Shandra s'illumina et ses yeux d'ébène pailletés d'or s'enflammèrent.
2 ème Epoque : Chapitre II
Règlement de Comptes
Palanthas, sept ans plus tard.
Shandra descendit lentement les marches de pierre et repoussa un Autre-mort avec un geste irrité. Elle sortit de la Tour en grommelant et claqua la porte derrière elle. L'adolescente eut un geste obscène en direction des fenêtres du labo puis jeta son sac sur son épaule et partit pour l'Ecole du Temple.
En chemin, elle s'arrêta devant l'étale d'un tailleur et resta un instant muette d'admiration devant l'une des magnifiques robes qui s'offraient aux regards des passants dans la vitrine.. Elle soupira et une bouffé de contrariété monta jusqu'à elle. Ses pères avaient beaux êtres parmi les plus puissants mages de Krynn, ils étaient infoutus de comprendre quoi que ce soit aux émois adolescents de leur fille. Lord Delon organisait un bal pour le solstice d'été et elle aurait bien voulu y assister. Mais comme ses chers et vénérés parents, plus protecteurs qu'un troupeaux de mères juives, ne voulaient pas qu'elle sorte sans que l'un d'eux, au moins, soit présent pour lui tenir la main, et comme il était de plus hautement improbable que l'un deux soit invité, Shandra se retrouvait exclue de la fête avant même d'avoir demandé la permission à ses géniteurs. Elle avait pourtant quatorze ans ! A son âge, nombre de ses amies étaient déjà fiancées, ou avaient au moins un petit ami. Elle, elle se voyait mal invitant un garçon à la Tour et le présenter à ses pères, s'il ne mourrait pas de peur en traversant le Bois de Shoikan, il s'enfuirait certainement en courant en rencontrant Raistlin ou Dalamar. Elle craignait tellement que son ascendance lui cause des problèmes, qu'elle évitait de donner son nom de famille, préférant y substituer celui de son homologue aux cheveux rouges; elle avait même supplié Crysania de l'inscrire juste sous son prénom.
Shandra haussa les épaules et quitta la devanture du magasin. D'un geste rageur, elle remit son sac sur l'épaule et gagna le Temple. Elle s'arrêta devant la petite guérite du garde et hésita. Rejetant une bouffée de culpabilité, elle tourna les talons et courut vers le marché. Elle espérait de tout cœur que ses parents - et surtout Raistlin - comprendraient qu'elle ne supportait plus la gentillesse doucereuse des prêtres et que les cours de religion qu'on lui assenait à longueur de jours pour "diminuer l'influence néfaste que les géniteurs de cette pauvre petite peuvent avoir sur elle " commençaient sérieusement à la gonfler.
Shandra sourit pour la première fois depuis des semaines et gagna la Place du Marché. Avisant un combat de coq, elle se décida à miser une pièce sur l'un des deux gallinacés. Son regard dériva un instant autour d'elle et elle frissonna en apercevant le doigt ténébreux de la Tour entre deux bâtiments. Elle haussa une fois de plus les épaules : non seulement ses pères n'avaient que peu de chance d'apprendre son escapade (elle voyait mal les prêtres de Paladine venir se plaindre de son absence à la Tour) mais de toute façon, ils s'en ficheraient probablement complètement.
*************************
Tour de Haute Sorcellerie
L'âme en peine revint à la Tour en quatrième vitesse et se présenta au Maître.
- Qu'y a t il ? Demanda une voix grinçante et agacée.
- Maîtresse Shandra n'est pas allé à l'Ecole du Temple, Maître. Elle a fait demi-tour et a préféré aller s'amuser au marché. "Dit" le mort-vivant.
Raistlin releva la tête du parchemin qu'il étudiait. Il eut une moue irrité et posa la feuille devant lui. Ses yeux devinrent un instant vitreux. Dalamar répondit à sa convocation mentale et vint le rejoindre dans son étude.
Encore une fois, l'apprenti demeura frappé en voyant le visage de son maître. Si, en tant qu'elfe, le temps n'avait que peu de prise sur lui, il n'en avait guère plus sur son maître. Bien que proche de la cinquantaine, ses seules concessions au temps étaient de légères pattes d'oie, nées d'années d'étude sur de mauvais parchemins sous une lumière trop faible et une petite ride de contrariété, creusée par les soucis et Shandra, (surtout Shandra d'ailleurs !), qui lui barrait le front.
- Que ce passe-t-il ?
- Shand se met à sécher les cours !
Dalamar leva au ciel un regard excédé, soupira bruyamment de contrariété et se laissa lourdement tomber dans le plus proche fauteuil.
- Une petite discussion entre quat'z'yeux ne sera visiblement pas du luxe.
Raist plia le parchemin qu'il lisait et appuya sa tête sur sa main.
- Elle a grandit si vite... Je ne sais pas quoi faire. Si on l'engueule, elle va se plaindre qu'on ne lui laisse aucune liberté, mais si on dit rien, qui sait quelle bêtise elle fera ensuite...
- Laissons lui une chance de s'expliquer, alors. Ta fille est parfois assez déroutante !
- Ma fille, hein ? C'est marrant cette faculté que tu as de ne te réclamer d'elle que lorsqu'elle est adorable. Tu es quand même pour quelque chose dans son existence, il semble.
- Ma contribution à été des plus minimes.
- Mais si appréciée. Sourit chaleureusement l'archimage.
L'elfe détourna la tête, mal à l'aise. Si les attentions de Raistlana ne l'avaient, en fin de compte, pas trop dérangées, celles de Raistlin le faisaient davantage grincer des dents.
Raistlin soupira de résignation devant le replis de son apprenti et n'ajouta rien. Il se tourna vers l'âme en peine et lui ordonna de reprendre sa surveillance.
*********************
Shandra encourageait fébrilement le petit coq hargneux sur lequel elle avait misée.
Elle poussa un petit cri de triomphe lorsque son champion jeta le challenger au sol et partit récupérer le fruit de son pari.
Plus libre qu'elle ne l'avait jamais été, l'adolescente ne sentit pas l'âme en peine qui lui filait le train mettre en déroute les deux jeunes voleurs qui l'avait prise pour cible, pas plus qu'elle se s'aperçut de l'effet nettement refroidissant qu'elle eut sur deux ou trois maquereaux en quête de chair fraîche.
Elle passa d'une boutique à l'autre, essayant vêtements et bijoux à tour de bras, s'acheta des petits gâteaux au miel, assista avec plaisir à plusieurs spectacle de rues...non sans toutefois fugitivement regretter que ses pères ne soient pas avec elle.
Avec étonnement, elle s'aperçut que la nuit approchait à grands pas. Avec appréhension, elle chercha une excuse crédible à son retard en courant vers la Tour.
Elle s'engouffra dans les Bois de Shoikan, saluant au passage les morts-vivants qui les peuplaient et se glissa dans le hall d'entrée. Elle gravit les étages qui la séparaient de sa chambre quatre à quatre et s'y engouffra en coup de vent. Elle se lava et se changea le plus vite possible et, courant toujours, gagna la salle à manger. Elle en entrouvrit la porte et se glissa à l'intérieur. Elle referma derrière elle et s'assit à sa place.
Ses pères l'attendaient pour dîner. Leurs visages étaient fermés et "P'pa" semblait particulièrement mécontent.
Shandra se fit toute petite et entama en réprimant une grimace le dîner largement carbonisé d'avoir attendu trop longtemps , attendant que l'un de ses géniteurs parle.
Un silence pesant s'abattit sur la pièce.
Ils mangèrent sans plus bruit que celui, outrageusement amplifié, des couverts s'entrechoquant.
De plus en plus gênée, Shand retint difficilement des larmes de rage et de confusion mêlées.
Finalement, ses pères posèrent leurs couverts.
- Tu n'as rien à nous dire ?
Shand soupira intérieurement. Si habituellement Dalamar était le plus conciliant de ses deux pères, il devenait un véritable Dragon sur les questions d'étiquette.
- Je suis désolée, je n'ai pas vu l'heure. Je discutais avec des amis...
- Oh, et tu n'as pas pensé que nous nous inquiéterions ?
- C'est nouveau ça ! Souffla-t-elle si bas qu'ils crurent avoir mal entendus.
- Shandra Majere, je n'apprécia guère ce genre d'insinuations ! Fulmina l'elfe en perdant totalement son calme. Je n'apprécie pas plus que tu sèches les cours pour aller faire la mariole sur le marché et qu'en plus tu nous mentes. Si c'est ce dont tu as besoin pour comprendre ce que signifient les termes autorité parentale et respect, je t'emmènerais moi-même à l'école et j'irais te chercher. Juste histoire que tu ne te perdes pas en chemin. siffla-t-il, venimeux
Shandra releva la tête, les yeux brillants de larmes de rage difficilement contenues.
- Qu'est ce que ça peut bien te faire que j'aille à cette foutue école de toute façon ! Ce n'est qu'un moyen commode que vous avez trouvés pour ne pas m'avoir dans les pattes ! Je n'y retournerais pas. Je n'ai plus rien à y apprendre. Je veux vivre ma vie, faire ce que je veux et ne pas avoir à obéir aux ordres ineptes de deux mages déplumés qui de toute façon ne s'occupent plus de moi depuis des mois ! Je sais bien que je ne suis qu'un accident regrettable, mais ce n'est pas la peine de me le faire sentir de manière aussi palpable. Je sais que vous ne m'aimez guère et que vous préférez passer votre temps le nez sur des grimoires à moitié moisis, mais ne m'empêchez pas de me faire des amis. Vous croyez que c'est simple d'être votre rejeton ?.
Les deux mages restèrent un instant sidérés par l'explosion décousue de leur fille.
Soudain, et sans qu'il puisse se retenir, Dalamar la gifla à lui en retourner la tête. Shandra s'écrasa au sol. Elle jeta un regard incrédule et désespéré à l'elfe et s'enfuie en courant, ses sanglots laissant un silence pesant derrière elle.
Raistlin ne put détacher son regard horrifié de son élève.
Il se reprit.
- Mais tu es malade ! Pourquoi l'avoir frappée ?
- Je...ne sais pas. Balbutia l'elfe, choqué par son propre geste.
- Bon sang, moi aussi j'ai été blessé par ses paroles, mais ce n'est pas une raison ! Ce n'est qu'une enfant !
Dalamar baissa la tête, la colère se le disputant à la honte.
- J'irais m'excuser...
- Nous allons surtout mettre les choses à plat tous les trois. Ses accusations n'étaient pas toutes dénuées de fondement. Nous l'avons un peu négligée ces derniers mois.
Dalamar soupira à se fendre l'âme et jeta un regard un peu perdu à Raistlin.
- Comme j'aimerais que Pyra soit là...
************************
Shandra claqua la porte de sa chambre derrière elle et se jeta sur son lit en sanglotant. Sa joue la brûlait encore, mais c'était moins la douleur que la stupéfaction et le choc d'avoir raison qui l'anéantissaient.
Jamais encore un de ses pères ne l'avait frappé... jusqu'à ce jour. Elle avait parfois été grondée, comme n'importe quel enfant, mais elle n'aurait jamais pensée que l'un de ses géniteurs puisse en arriver à cette extrémité.
Certes, elle avait été dure avec eux, plus dure qu'elle n'en avait eut l'intention, mais le geste de l'elfe la confortait dans l'idée qu'elle ne s'était pas si trompée que cela.
La jeune fille essuya ses larmes, fouilla sous son lit et en extirpa un vieux sac usé. Elle y enfourna quelques affaires et traça un idéogramme sur le sol. Elle se plaça au milieu et articula le sort idoine. La réalité se troubla autours d'elle. Une seconde et une légère sensation de désorientation plus tard, elle se retrouvait devant les Bois de Shoikan. Etouffant un dernier sanglot, une bouffée de remord et un frisson de crainte, elle mit son petit sac sur son épaule, repoussa la mèche de nuit qui lui tomba dans l'œil et s'enfuit en courant.
************************
Raistlin et Dalamar s'arrêtèrent devant la porte de leur fille et l'archimage toqua doucement.
Aucune réponse ne lui parvint.
- Shand ?
Personne ne répondit.
- Shandra ?!
Un horrible doute lui effleura l'esprit.
Il tourna la poignée et entra, l'elfe sur les talons..
- Shandra ? Où te caches-tu ?
Ils balayèrent la pièce du regard et s'arrêtèrent, un peu hébétés, devant le pentacle tracé à la craie.
Raist se pencha et effleura le cercle. Il ferma les yeux et murmura.
Il se releva un instant plus tard, un juron sur les lèvres.
- Quoi ?
- Elle est partie !
- Comment ?
- Elle à fait une fugue, Stupide !
L'elfe en resta comme de ronds de flancs.
- C'est pas de ma faute !
- C'est moi qui l'ai giflé peut-être. Raistlin savait qu'il était injuste, mais il avait besoin de passer ses nerfs sur quelqu'un. Il faut la retrouver avant qu'elle ne fasse des bêtises ou qu'il ne lui arrive des bricoles. Le cercle l'a menée à l'extérieur de la Tour. Elle peut être n'importe où dans Palanthas. Ca va être jouissif pour la retrouver encore !
- Teklon...
L'archimage rendit un regard vide à l'elfe.
- L'âme en peine qui lui court le train depuis quatorze ans !
- Ah paske ça a un nom ?!
L'elfe lui lança un regard de travers.
- 'scuze, c'est nerveux.
L'apprenti appela le mort-vivant qui se matérialisa intantanément devant eux.
- Cherche Shandra. Lui fut-il ordonné. Et informe nous au plus vite.
L'âme désincarnée "cilla" sous l'ordre cru mais obéit, il n'était pas question de désobéir.
************************
Shandra Majere s'enfonçait dans un quartier de la ville qu'elle ne connaissait pas et elle dut bientôt se rendre à l'évidence. Elle était complètement perdue.
Elle avala sa salive et chercha un point de repère.
Mais dans le quartier fangeux où elle s'était avancée, ni la Tour, ni la Bibliothèque, ni le Temple n'étaient visibles.
Elle étouffa un gémissement de crainte et resserra son manteau autour d'elle.
En cet instant, elle eut atrocement conscience de ce qu'elle était : une fillette, perdue au milieu d'un quartier mal famé, sans la moindre protection, cible toute désignée pour tout ce que le coin comptait de brigands, voleurs et patin couffin.
Elle ravala un sanglot, désespérant de ce sortir de ce guêpier.
Une dizaine de types sortirent d'une taverne, visiblement pas mal éméchés. Ils s'approchèrent d'elle. Elle se retint de courir mais accéléra le pas, espérant que les hommes ne la verraient pas.
Ses espoirs furent déçus et ils la rattrapèrent.
************************
Teklon retint un hoquet avant de ce souvenir qu'il ne pouvait en émettre. Il hésita un instant entre venir en aide à Shandra ou prévenir ses pères.
Il choisit d'obéir aux ordres et se volatilisa.
************************
Raistlin et Dalamar jetèrent leur cape sur leurs épaules et d'un mot se téléportèrent au lieu indiqué par l'âme en peine.
************************
Shandra recula. Elle serra son petit sac contre elle et sentit bientôt le mur de briques lui mordre le dos. Elle tenta de se reprendre et se réfugia derrière un masque d'orgueil farouche.
- Tenez les gars ! Regardez le beau petit lot qui c'est perdu par chez nous...Comme c'est dommage... Alors ma beauté, on fait du tourisme ou on cherche les émotions fortes. Gloussa le types, très content de son pauvre trait d'esprit.
- Mais c'est un joli petit sac, que tu as là. Ajouta un deuxième avant de le lui arracher des mains et de l'éventrer à l'aide d'un gros couteaux de marin.
- Soit bien gentille avec nous et nous te laisserons peut-être repartir... Ricana un troisième d'une voix obscène.
Shandra se recroquevilla sur elle-même. La peur la paralysant totalement. Elle se laissa glisser le long du mur, incapable de se défendre comme sa marraine le lui avait apprit..
Le premier des hommes la saisit rudement par le bras et l'instinct prit le dessus. Un crépitement bleuté jaillit dans l'atmosphère.
Le type la lâcha en criant et elle se heurta violemment la tête contre le mur. Un voile noir passa devant ses yeux et elle lutta de toutes ses forces contre l'inconscience.
L'homme tenait sa main brûlée jusqu'à l'os contre lui. Il eut un rictus désagréable.
- Sorcière...gronda l'une des brute en tirant son couteau.
Un mouvement apparut à l'extrême du champs de vision de l'adolescente. La dague chauffa brusquement et le voleur lâcha l'arme qui tomba au sol. Elle s'affaissa en une petite flaque de métal fondu.
Shandra tourna la tête, sachant déjà ce qu'elle allait voir.
Une envie de meurtre luisant dans le regard, prêts à arracher le cœur des agresseurs de leur fille avec les dent, les deux archimages lui firent signe de venir vers eux.
Profitant du flottement que l'apparition impromptue des deux mages avait causé, elle se dégagea et se jeta dans les bras de Raistlin.
- Papas ! Pleura-t-elle soulagée.
Ses pères tentèrent de la réconforter en lui murmurant quelques paroles à voix basse.
Rond comme un ornithorynque branché sur un pipeline de tequila, le chef de la petite bande ne réalisa pas immédiatement qui étaient les deux hommes en robe de gonzesses qui venaient les empêcher de s'amuser.
- Hé les p'tits gars, les parents de la p'tite pute sont là ! Allez mes mignons, allongez le fric... Ricana-t-il.
Raistlin haussa un sourcil et rabattit son capuchon sur ses épaules.
Les hommes se dégrisèrent instantanément.
L'archimage entama d'un voix délibérément forte un sort très visuel à défaut d'être très destructeur et les petites frappes s'égaillèrent dans les ruelles avoisinantes en poussant des hurlements de yorkshires cocaïnomane en pleine crise de manque...
Dalamar ramassa les affaires éparpillées au sol de sa fille et Raistlin prit les deux amours de sa vie par les épaules pour ramener tout le monde, sain et sauf, à la maison.
Dalamar posa le sac éventré sur le lit et s'y assit. Il fit un signe à la fillette qui vint le rejoindre, la tête basse.
Raistlin s'assit de l'autre côté.
- Shandra, nous t'aimons ! Nous ne savons peut-être pas toujours comment te le monter, mais tu es l'être le plus important de notre vie.
Shandra lança un regard immense et très humide à ses pères.
- Plus que votre Art ?
Les deux hommes de figèrent.
Le regard de Shand était maintenant si plein d'espoir, si désespéré du désir d'être aimé que les deux robes noires au cœur pourtant plus glacé que l'haleine d'un dragon blanc se sentirent fondre.
- Je ne veux pas te mentir Shandra. Tu sais ce que représente la Magie pour moi. Mais je t'aime au moins autant que mon Art... Murmura Raistlin.
Dalamar acquiesça de la tête
- Je sais que ce n'est pas la réponse que tu voulais entendre, ma chérie. Mais je me refuse à te mentir.
Shandra se redressa. Plus que n'importe qui elle savait ce que représentait la magie dans la vie de ses pères. Sans prévenir, elle se jeta dans les bras de sa mère et sanglota de joie à perdre haleine. Dalamar se rapprocha et la réconforta de son mieux.
A partir de là, la scène devint exagérément lacrymatoire...
2 ème Epoque : Chapitre III
Régence
Il soupira de contrariété et frappa du plat de la main le serviteur qui venait de lui tirer les cheveux.
Il posa la lourde couronne d'onyx et de platine sur sa tête et revêtit le lourd mantel pourpre symbole de sa charge.
Le Régent ouvrit le petit coffret que lui présenta un page et avec une répugnance manifeste, referma les épaisses menottes d'acier autour de ses poignets. Un sourire dur passa sur ses lèvres. Bientôt, les infamantes marque de sa servitude disparaîtraient, la Reine serait morte, et il aurait treize années devant lui pour éduquer la Princesse héritière à se convenance, ou pour la faire disparaître si elle se révélait intraitable. Il pouvait arriver tant de chose à un jeune enfant...accidents, maladies infantiles, fanatiques religieux ou politiques...
Hamelet se frotta les mains puis enfila les bottes à hauts talons qui lui permettaient de tricher sur sa petite taille. Quitte à être le Régent, autant avoir l'air majestueux !
Le front énergique, la mâchoire carrée, le regard clair et ouvert, l'homme laissait espérer honnêteté, force de caractère et une incorruptibilité totale. Malheureusement, le prince consort était plus sournois, vicieux, chafouin et mesquin que toute la Cour Impériale réunie...au grand désespoir des Conseillers, qui tentaient désespérément depuis un an de tenir les rênes du pouvoir et de limités les appétits du Régent...de façon assez catastrophique d'ailleurs...
L'homme suivit son page et attendit un signe du Sénéchal avant d'entrer dans la Salle du Conseil. Il marque le temps d'arrêt exigé par le protocole et se dirigea vers le trône.
En grinçant des dents, il s'assit sur l'inconfortable siège de cuir tendu placé à côté. Il leva la main gauche où étincela une bague d'argent en forme de tête de chacal et le chambellan entama la lecture de l'ordre du jour.
Hamelet laissa son regard dériver sur le visage de ses conseillers. Le Seigneur des Marches Hautes, Sologno, écoutait le chambellan avec un mécontentement visible, son homologue du nord, Dame Padora, se fichait complètement de ce qui se disait, trop occupée à faire du charme au seigneur Jamin d'Uri, Dame Solita et Dame Loiska, comme à leur bonne habitude prenaient fébrilement des notes, le seigneur Corado somnolait sur son siège et le jeune Comte Isby reluquait les gardes de la porte. Le Régent retint un sourire ironique à la vue de se ramassis hétéroclite d'incapables héréditaires et eut beaucoup de mal à ne pas laisser voir à quel point il se gargarisait de la situation. Il continua son petit passage en revue pas les Maîtres de Guildes et finis par le Maître Mage du palais.
Le vieux Sandor dormait, confortablement assis dans un profond fauteuil. Hamelet l'observa un instant puis passa au petit apprenti du mage avant de revenir au vieillard. Il réprima un mouvement de recul en apercevant la profondeur et l'implacabilité du regard que le mage lui lança soudain. Cela ne dura qu'une seconde et il ne dut la certitude de ce qu'il venait de voir qu'au goût désagréable de bile qui lui était remonté dans la bouche.
Le chambellan se tut et Sologno, doyen du conseil, prit la parole à son tour. Il entama un long discourt sur la nécessité d'ouvrir l'Empire aux royaumes extérieurs, puis, profitant qu'il avait la parole, entassa plaintes et réclamations auprès du trône sur, dans le plus grand désordre, la mauvaise qualité des récoltes, la météo, les serfs qui ne faisaient pas leur travail et de la stupidité du trône -- à savoir Hamelet lui-même -- d'avoir ordonné la diminution des prélèvements sur le travail annuel des serfs. Bref, il argua que tout ce qui n'allait pas dans le Royaume était la faute du Régent de près ou de loin.
L'époux de la Reine écouta distraitement le vieillard et prit mentalement une note. L'homme était vieux et son cœur ne devait pas être très solide. Il faudrait qu'il songe à lui envoyer un Garde Noir...
Sologno se rassit et un autre seigneur se leva à son tour. Hamelet réprima le gémissement d'ennui que les bavardages de ses conseillers lui procurait et afficha un petit sourire froid et digne, en tout point royal.
Au bout de deux bonnes heures, le Régent en avait des crampes au visage, se demandait si des escarres pouvaient apparaîtrent en moins d'une demi journée et faillit sauter au cou de Lord Isby pour l'embrasser lorsqu'il se tut enfin, pas forcement dans cet ordre.
Il remercia les Pairs du Royaume de leur irremplaçable participation au sort de l'Empire et leur promis d'éplucher scrupuleusement leurs réclamations et conseils puis mis au vote les résolutions du Conseil précédent, appuyant lourdement sur les points les plus ineptes et les plus abscons pour pouvoir faire passer en douceurs les textes qui l'intéressaient vraiment et se réservant de tout façon l'ultime décision sur les points fondamentaux de l'exercice du pouvoir. Le Régent ne souhaitait pas que sa prise de pouvoir puisse être trop flagrante avant que de s'être réellement assis sur le trône, mais il voulait la main mise sur l'état.
Enfin vint le tour des Maîtres de Guilde. Hamelet se carra de nouveau sur son siège et serra les dents. Il eut toutes les peines du monde à ne pas s'enfuir en courant durant les trois longues heures suivantes et ne dut son salut que dans les sujets même des réclamations apportées à l'attention du trône, elles étaient pour la plupart si baroques et farfelus que même le vieux Sandor eut des difficultés à conserver son sérieux : ce jour là, la palme revint au Maître des Agriculteurs du Comté d'Ousouf, qui passa tout de même près de quarante minutes à exposer les chiffres de la dernière épidémie de grippe contracté par les musaraignes de son territoire, et cela, avec un sérieux inébranlable.
Le Régent soupira de satisfaction quand cette torture journalière arriva enfin à son terme. Il se prit à rêver aux remaniements qu'il ordonnerait lorsqu'il serait couronné pendant que son sénéchal remerciait les Conseillers.
Oh, bien sûr, il faudrait abattre cette fichue tradition matriarcale, mais quand les conseillers et le peuple se seraient rendus comptes de l'incapacité de la Reine, de la Princesse, et de toutes les femelles de la lignée royale à gouverner, il faudrait bien qu'une décision soit prise et une tête couronnée, la sienne serait alors leur seul choix plausible.
Le Conseil se dispersa enfin. Quelques menues décisions avaient été prises et rendues à la convenance des vieux barbons pendant que les ordres du Régent seraient, eux, divulgués sous décret royal.
Le jeune homme quitta la salle du conseil et croisa Sandor dans le couloir. Il ne vit pas le regard méditatif que le vieux mage posa sur sa nuque, pas plus que l'inquiétude qui brillait au fond de ses prunelles laiteuses.
Il rejoignit la salle qui servait de dressing depuis près de six cent ans aux Impératrices de Varune et ôta son mantel de cour. Un page le prit et le rangea pendant qu'il ceignait le baudrier que lui présenta un autre serviteur. Il rajouta par dessus la mante d'or et de gueules, ridicule pour des épaules d'hommes, exigée par la tradition.
A grands pas, il parcourut l'aile ancestrale du Vieux Palais et gagna la Cour de Justice du Nouveau Palais.
Il glissa à moitié dans l'étroit escalier de quartz, se rattrapa comme il put au mur, et voua aux gémonies Alathéa IV, la Reine assez folle pour avoir fait construire un palais de quartz bleu. Si l'effet rendu par cette sucrerie était stupéfiant, digne des plus belles envolées lyriques de contes de fée, ce fichu palais était si mal conçut qu'il était difficile d'y loger plus de trois papillons.
Hamelet parvint sans dommage devant la lourde porte de bronze de la salle et deux gardes l'ouvrirent devant lui. Elle grinça de façon sinistre.
Le Régent gagna dignement son siège et s'y assis. Il songea fugitivement que si tout dans le palais avait été conçut pour le décorum, l'architecte avait du sécher les cours sur le confort et la fonctionnalité ,et il grimaça à la maltraitance de son postérieur.
- Faites entrer les justiciables. Ordonna-t-il.
Deux hommes entrèrent en se jetant un regard mauvais. Ils mirent un genoux à terre et sans se relever, exposèrent l'un après l'autre leurs griefs.
Le Régent s'effondra intérieurement de désespoir. Qu'avait-il à battre qu'un étalon se soit enfuis de son pré et ait couvert la jument du plaignant !
Il pria silencieusement toutes les divinités qui pouvaient l'entendre de lui permettre de survivre à tout cela et tenta d'apaiser les esprits des deux paysans. Il ordonna que le propriétaire de l'entier verse une amende à la couronne pour vagabondage d'animaux domestiques et débouta le plaignant de sa demande de dommages et intérêts, arguant du fait que le poulain à naître serait un dédommagement suffisamment substantiel.
Les deux hommes se retirèrent en grommelant et d'autres prirent leur place. Pendant d'interminables moments, les plaignants égrainèrent leurs petits conflits mesquins, leurs petites disputes stupides et le Régent se sentit bientôt près à hurler de frustration.
Enfin, le chambellan signifia la fin des audiences et il se leva en réprimant un gémissement de douleur.
Assez soudainement, il se demanda pourquoi il avait un jour choisit d'épouser Méléria et de faire sien cet Empire souterrain.
Il quitta le Nouveau Palais et gagna les Appartements de la Reine en passant par les jardins. Son regard dériva sur l'océan de vie qui s'étalait à ses pieds. Les buissons se paraient du vert tendre du printemps et les fleurs épanouissaient leurs somptueuses colores multicolores vers le ciel, sans se douter un instant que la voûte céleste n'était qu'une couche de basalte de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur et que ce n'était pas la douce atmosphère de l'extérieur qui pesait sur ses feuilles mais des dizaines de milliers de tonnes de roches, maintenus en l'état par les seuls sorts des mages d'antan et par la volonté d'une Reine, morte depuis des siècles.
Il leva les yeux et chercha à distinguer quelque chose à travers les improbables veines de quartz translucides qui apportaient jusqu'à ce pays égaré la lumière d'un soleil qu'il n'avait pas vu depuis plus de vingt ans.
Le régent repris sa marche et se glissa dans l'aile du Palais réservé à la Famille Impériale. Il traversa la Galerie des Portraits et rentra chez lui. Une femme, qui devait être assez jeune, lui sourit. Le sourire de la Reine était emplit d'un épuisement effrayant. Les chairs amaigries, la peau d'une malsaine couleur jaunâtre tendue sur des muscles imperceptibles, des cernes épais soulignant des yeux où ne subsistaient aucune couleur, profondément enfoncés dans leurs orbites, la faisaient paraître bien plus âgée que ses trente-cinq ans. Elle repoussa une mèche d'un auburn terne dont il n'était pas difficile de deviner que la couleur en était artificielle et tendit une main faible vers son époux.
- Mon ami, vous êtes bien courageux de tenir mon rôle.
- Ma mie, vous savez que votre santé est mon principal intérêt. Répondit le Régent tout en ambiguïté en embrassant les cheveux plats.
- Comment se porte cette chère Dévadoris, aujourd'hui ?
- Comme toujours mon ami, comme toujours. Soupira Méléria.
Le Régent quitta son épouse sur une dernière caresse indifférente et se mit à la recherche de sa fille. Il la trouva dans le petit patio, fort occupée à faire des bouquets de brindilles et de fleurs coupées. Sa nourrice fit mine de se lever mais le Régent lui fit signe de se rasseoir. Il jeta un regard froid, dépourvu de toute affection à l'enfant et l'observa jouer un instant. La fillette ramassa une brindille qui lui échappa des mains et resta une seconde avant de se pencher lentement pour la récupérer. Elle rata le végétal de plusieurs centimètres et dut utiliser ses deux mains et une bonne demi-douzaine de tentatives pour circonvenir le jouet. Hamelet eut un rictus satisfait. L'enfant n'avait aucune coordination, ne savait même pas parler et ne s'intéressait qu'à ses bouquets. Dans un recoin torturé de sa vilaine âme, l'homme calculait à quel accident regrettable une enfant âgée de six ans et retardée pouvait succomber, et quel retombées sa disparition aurait sur la santé mentale, déjà chancelante de la Reine.
Une petite voix se fit jour dans son esprit.
- La tuer n'est peut-être pas une bonne idée...L'éduquer pour être totalement dépendante de toi serait déjà plus intelligent...et plus utile pour légitimer ton accession au trône...
Le Régent retint un sursaut et jeta un regard incrédule autour de lui.
- Qui êtes-vous. Souffla-t-il. Où vous cachez vous ?
- Viens à moi, et tu le sauras...
Le Régent sentit sa curiosité prendre le pas sur la prudence.
- Où puis-je vous trouver ?
- Va dans les cachots du Vieux Palais. Dans l'ancienne salle de torture. De là, je guiderais tes pas...
Le Régent n'hésita qu'un instant, attiré malgré lui par une force qu'il ne contrôlait pas.
Il quitta le patio, abandonnant la fillette, et ne vit pas le regard sombre et intense, étrangement adulte de l'enfant, et où ne subsistait aucune maladresse.
Obéissant à la sombre voix qui le guidait, il gagna les souterrains puants du vieux palais.
Une torche dans une main, la poignée d'une épée dans l'autre, il s'enfonça dans le boyaux noir et étroit.
Il déchira nombre de toiles d'araignées, épaisses comme des parchemins, et dérangea leurs propriétaires, larges comme une main.
Enfin, il parvint à se frayer un chemin jusqu'à une pauvre porte de bois, si vieille qu'elle en était toute craquelée. Il aperçut les sceaux de cire qui fermaient la porte et reconnus la marque de Kamara, première Reine de Varune, celle là même qui, sentant la mort venir, avait liée son âme à la Voûte, la protégeant et la renforçant de son implacable volonté.
Sur un ordre de la voix, il ouvrit l'huis et se glissa à l'intérieur. Il referma la porte derrière lui et balaya la pièce des yeux.
Au fond de la petite chambre reposait, sur un dais couvert de poussière et d'un épais liquide sombre et séché, une statuette de métal.
Il s'approcha de l'autel et détailla la sculpture.
Haute de près de trois pieds, elle représentait un dragon à cinq têtes. La finesse de la sculpture était telle qu'il pouvait distinguer l'expression du regard de chacune des têtes, les écailles avaient été taillées une a une dans des pierres précieuses et incrustées dans la masse du métal. La faible lueur de la torche se reflétait dedans à l'infini, créant des jeux d'ombres et de couleurs s'étalant sur les mur comme autant de taches d'un sang coloré et non-humain. Le Régent resta de longues minutes paralysé par le spectacle, hypnotisé par les couleurs changeantes et mouvantes que la déesse offrait à ses yeux.
Les yeux de la statuette s'illuminèrent d'un feu intérieur qui n'avait rien à voir avec la torche.
- Qui êtes vous ?
- Takhisis.
- Déesse ! Gémit l'humain en se jetant à genoux.
- Lève-toi, humain. Je n'ai que faire d'adoration gémissante et pleurnicharde. Je t'ai choisit pour être pour être mon Elu entre tous. Tu m'obéiras, et tu verras tes rêves les plus fous exhaussés. Tu seras le Roi de cet Empire, tu règneras sans partage... Mais tu devras faire quelque chose pour moi.
Une lueur de totale dévotion brilla dans le regard d'Hamelet.
- Oui déesse, je t'appartiens...Que veux-tu que je fasse ?
- Tu vas préparer ma venue sur Krynn. Deux fois déjà, j'ai été empêché de revenir par la faute d'un impudent. Je compte sur toi pour lui faire rendre gorge. Tu devras me fournir puissance, pouvoir, ainsi que l'homme que je t'indiquerai. Je veux du sang, un sang vif et puissant. Je vais revenir en ce monde et le ployer à mon vouloir. Tu seras le Seigneur de ce monde neuf. Choisis de me servir, ou péris.
Un frisson glacé parcouru l'échine du Régent. Il avala péniblement sa salive et s'inclina plus bas encore.
- Je suis à vos ordres, Ô, ma Reine...
Les yeux de la statuette brillèrent d'un éclat plus vif et malsain.
NdA: Un gros bisou à : Belifa, Cal Sam, Debranjo, Gibergeon, Tree, Corado, Baroc (mon chouchou !), Maisse, Brink, Champagne, Uri, Rif, Vandor, Sologno, Loiska, Jawad, Tritonon, Roxelane, Quelus, Leonora, Padora, Ousouf, Ougandine, Jamin, Isby, Solita, Hamelet, Biguine et ceux dont j'ai oublié les noms.
Ainsi qu'aux couples : Sandor et Théo, César et Cap Nord, et Tino (qui lui est tout seul, le pauv'vieux!) .
Sans oublier Ilka, Michelle et Claire, ainsi que tous les autres moniteurs de Taine et Pitou. (Ils se reconnaîtront s'il tombent un jour sur cette page)
2 ème Epoque : Chapitre IV
Myraël
Extrême est du Sylvanesti
Le petit garçon se glissa prudemment hors des ruines de ce qui avait été sa maison. Il courut silencieusement le long du cimetière improvisé où il avait enterré ses parents -- un simple trou dans le sol qu'il avait réussi, dieu sait comment, à boucher -- et entra sous le couvert de la foret. Ses pieds nus foulaient le sol couvert de mousses sans bruit aucun et ses vêtements en lambeaux s'accrochaient parfois aux ronces. Il s'accroupi et ramassa toutes les mûres qu'il put trouver. Il en mangea une petite partie sur place et continua son petit tour journalier. Il grimpa dans un vieux pommier et ramassa quelques pommes ridées de l'automne précédent. Ils les enveloppa soigneusement dans les restes de sa chemises avant de retourner chez lui. Il passa devant un noyer qu'il n'avait pas encore repéré jusque là et collecta tous le fruits qu'il put trouver. Un bruit éclata derrière lui et le petit elfe s'enfuit avec son maigre butin aussi vite qu'une volée de moineaux effarouchés.
Il courut aussi vite que ses petites jambes épuisées pouvaient le porter et regagna sa maison. Il se glissa par le petit trou que les planches carbonisées avaient laissées libre en s'écroulant et étala ses trésors devant lui. Consciencieusement, il mit les noix de côté, entreposa les pommes au sec et englouti les quelques mures qui lui restaient pour son déjeuner. Il se fit une raison et prit le dernier biscuit qui lui restait. Il le posa sur la langue et le laissa fondre. Des larmes lui montèrent aux yeux, ces biscuits étaient les derniers que sa maman avait fait avant que le village soit attaqué, il y avait plus d'un mois maintenant. Elle les avait mis à refroidir sur le bord de la fenêtre lorsque des cris de terreur avaient envahis le petit bourg. Des humains étaient sortis de la foret. Ivres de vin de miel et de carnages, ils avaient consciencieusement massacrés la petite trentaine de colons elfes avant de mettre le feu aux pauvres maisons de planches. Myraël avait longtemps pleuré. Sa mère l'avait caché dans le petit cellier de la cabane et avait fuit devant les attaquants. Les hommes l'avait tué sans prendre la peine de réfléchir avant de brûler la maison. Un poutre écroulée avait protégé le réduit et Myraël s'en était miraculeusement sortit indemne, seul survivant des pionniers.
Le petit elfe essuya ses larmes et se pelotonna sous la couverture déchirée qu'il avait réussi à sauver des flammes. Il ferma les yeux et s'endormit. Dehors, le soleil se leva sur le village mort
************************
Dalérion secoua sans aménité ses hommes et s'attira leurs reproches bon enfants. Il plia sa tente sans se soucier de la pluie qui coulait sur le visage de son second qui refusait catégoriquement de se lever et roula le tout sur le troussequin de sa selle. Il battit le briquet et un feu ronfla bientôt au milieu des braises encore rougeoyantes de la veille.
Valenth, Talenth et Queris émergèrent en râlant de leur tente et se partagèrent les taches ménagères avec l'excellence de l'habitude. Famanos consentit enfin à se lever à son tour et traîna sa jambe boiteuse jusqu'aux chevaux qu'il étrilla sommairement avant de les harnacher.
Une délicieuse odeur de porridge chaud envahit l'atmosphère et les cinq elfes se retrouvèrent autour du feu pour le petit déjeuner.
************************
Myraël fut réveillé par le grondement de son estomac vide. Il sortit de son abris et se couvrit de sa couverture pour se protéger sommairement de la pluie fine qui s'infiltrait partout. Il jeta un regard un peu hagard autour de lui et ce rendit compte qu'il avait dut dormir au moins vingt quatre heures. Une odeur fascinante lui chatouilla les narines et lui fit monter l'eau à la bouche. Quelque part, pas loin du village ravagé, quelqu'un faisait cuire du porridge. L'enfant se mordit les lèvres. Il avait tellement faim qu'il pourrait manger n'importe quoi mais la peur de rencontrer des humains le clouait sur place. Son estomac gronda de nouveau, balayant toute réticence. Prudemment, il se faufila au milieu des arbres. Il aperçut bientôt un petit campement. Sa vue était rendue trouble par la faim et ses forces déclinantes ne lui permettaient pas de distinguer clairement les cinq hommes réunis autours du feu. Une petite bouffée de joie embrasa le cœur du garçonnet. Lorsque les adultes seraient partis, avec un peu de chance, il pourrait récupérer les braises encore chaude et les rapporter jusqu'à sa maison.
Myraël avisa les chevaux et se glissa dans le fourrés vers eux. Il supposa être assez silencieux et aussi ne vit-il pas Dalérion relever le nez de son bol en fronçant les sourcils, pas plus qu'il ne vit les elfes se préparer à l'encercler. Il parvint aux montures et ouvrit délicatement les fontes de l'un d'eux lorsqu'une poigne de fer lui emprisonna l'épaule.
L'enfant glapi de surprise et se laissa tomber au sol. Il se roula en boule, attendant que les coups pleuvent.
Famanos lâcha le petit elfe famélique avec un sursaut et recula d'un pas.
- Je ne lui ai pas fait de mal ! Ce défendit-il en voyant Dalérion prêt à l'engueuler.
Valenth se rapprocha de l'enfant.
- Il est très mal en point 'Lèr. Il est anémié et couvert de plaies. Il faut le soigner et le nourrir. Je ne sais qui sont ses parents, mais il mérites une sacrée correction !
Dalérion hocha le tête et se pencha à son tour sur le gamin.
- Petit ? Nous ne te voulons pas de mal...Où sont tes parents ?
Myraël releva timidement les yeux en entendant parler elfique.
- Petit, comment t'appelles tu ? Quel age as-tu ? Demanda encore le chef de la petite troupe.
Myraël tenta d'articuler quelque chose mais les muscles de sa gorge, qui n'avaient pas servit depuis plus d'un mois refusèrent de coopérer. Il refis un tentative qui fut plus convaincante.
- Myraël... j'ai huit ans. Coassa-t-il d'une voix à peine audible.
Queris souleva l'enfant dans ses bras et l'emporta vers le feu. Famanos lui servit un grand bol de porridge tiède et très liquide que l'orphelin engloutit d'une traite. Talenth et Valenth revinrent des montures avec leurs trousses de premiers soins et pansèrent les plaies du petit enfant. Les cinq elfes se renfrognèrent considérablement lorsqu'il virent l'état de saleté du petit, l'usure de ses vêtements, et les brûlures à demi refermées qui constellaient son torse maigre. Les jumeaux abandonnèrent leur opérations médicales et ordonnèrent à Quéris et Famanos de leur rapporter de l'eau à faire chauffer. Un bain ne serait pas de trop avant toute tentative de soin !
Les deux elfes soupirèrent bien un peu, mais plus par habitude de râler que par réel ennui.
Myraël lança un regard perdu autour de lui. Un rien de panique fleurissant au fond de son regard.
Enfin, il fut lavé, habillé de propre et soigné.
Dalérion revint à la charge.
- Où sont tes parents ?
L'enfant lui jeta un petit regard triste et doux.
- Avec les autres gens du village...
- Où est le village ?
- Par là. Expliqua le petit en tendant un doigt vers la forêt.
- Tu veux bien nous guider ?
- Oui.
Myraël se leva et les guida vers les restes du village.
Dalérion entendit Valenth hoqueter d'horreur devant le spectacle d'apocalypse que leur livraient les carcasses éventrées de petites maisons.
Très pale, il se retourna vers l'enfant dont il n'avait pas lâché la main.
- Où sont les habitants ?
- Par là.
- Montre moi.
Il suivit le petit qui s'arrêta devant un grand trou rebouché de frais.
- Ils sont là.
Incrédule, Famanos dévisagea l'enfant.
- Tout le village ?
- Oui.
- Où sont tes parents ?
- Ils sont là.
- Et tes frères et sœurs ?
- Ils sont là.
- Les femmes et les enfants...
- Ils sont là.
Myraël ne ressentait rien. Au delà de la douleur, il s'était contenté d'emmener les grands qui voulaient voir ses parents.
Il leva les yeux sur l'adulte qui lui broyait la main dans un étreinte d'acier.
- Vous me faites mal à la main. Constata-t-il presque avec indifférence.
Dalérion lui jeta un regard horrifié avant de le soulever de terre et de le serrer dans ses bras.
- Oh, pardon, mon petit, je ne savais pas...
Myraël ne bougea pas, indifférent.
Il lança un regard triste à Valenth qui pleurait comme un enfant.
- Pourquoi pleure-t-il ?
- Il pleure sur les morts. Explique Talenth, le cœur au bord des lèvres.
- Oh...
Dalérion haussa l'enfant jusqu'au niveau de son regard.
- Depuis quand vis-tu tout seul ?
- Un mois.
- Que c'est-il passé ? Pourquoi un village d'elfes installé si près de la frontière ?
- Les humains. Je ne sais pas.
Daltra-ha-hanka-shillestalérion se sut que faire. En désespoir de cause, il décida d'emmener l'enfant avec lui.
Laissant le charnier derrière eux, ils s'éloignèrent.
Myraël ne quitta pas des yeux son village ravagé. Bien longtemps après qu'il ait disparus derrière les frondaisons qui se refermaient autour d'eux, il n'avait toujours pas cillé.
************************
Quelques semaines plus tard
Pyra s'étira lourdement selon sa bonne habitude et bailla, laissant apercevoir des dents de petit carnassier.
Elle descendit ses étriers, les ajustas et rassemblant les rênes, se hissa en selle. Les yeux encore plein de langueur, elle flatta l'encolure de Lance D' Acier deuxième du nom et bailla encore. Elle effleura les flancs de la jument des genoux et l'équidé partit d'un pas élastique propre à dévorer les lieues.
- Pyra !
La jeune femme se retourna lentement et braqua son regard de glace sur le jeune homme qui l'interpellait.
- Qu'est ce que tu fais ? Où vas-tu ?
- Et bien je m'en vais, tu vois. Expliqua-t-elle d'un voix d'une voix nonchalante.
- Tu ne peux pas partir, et moi dans tout ça !
- Toi ? Mais tu as remplis ton rôle mon vieux. Insista-t-elle comme si elle parlait à un demeuré.
- Quoi ? Tu me plaques comme ça ! C'est inadmissible ! Tu es à moi, je ne vais pas te laisser partir comme ça !
Pyra eut un soupir irrité. Cela lui arrivait parfois, elle tombait sur des hommes qui croyait que si elle leur ouvrait sa couche, il pouvait se permettre de lui imposer leur présence envahissante.
- Ecoute vieux. Tu a été un amant correct, maintenant je me suis lassée, alors je m'en vais. Si cela ne te convient pas, c'est pareil. Je t'avais prévenu dès le départ que je n'était pas du genre à m'accrocher, ne viens pas te plaindre.
- Tu ne peux !
- Je suis un mage, je fais ce que je veux.
- Tu as dit que tu m'aimais !
- J'ai dis que j'appréciais ta compagnie.
- C'est la même chose.
- Pas vraiment. Maintenant enlève toi de mon chemin. Grinça-t-elle d'une voix mauvaise.
L'homme pâlit et se recula précipitamment. Pyra claqua de la langue et sa jument partit au petit trot, laissant derrière elle son amant d'une nuit.
Elle attendit d'avoir atteint la route et se pencha en avant. Elle enfouit son visage dans la crinière de sa monture et serra les mollets. Les muscles de la bête de contractèrent entre ses cuisses et elle partit au galop. En quelques foulées, la jument de bataille parvint à sa pleine vitesse et La magicienne s'amusa de voir Sharn et Eka traîner lamentablement la langue derrière elles.
Elle se redressa et ferma ses doigts sur ses rênes. La jument se rassembla puis passa au petit trot.
Vers le milieu de la matinée, Pyra entendit des bruits de bataille loin devant elle. Egine quitta son épaule et vola lourdement aux renseignements. Quelques instants plus tard, le fils d'Egon revint se poser sur le pommeau de la selle.
Pyra se tourna vers ses familiers.
- Des elfes en mauvaise posture...on y va ?
************************
Tour de Palanthas
Shandra jongla efficacement avec les récipient qu'elle tenait et parvint à les apporter près de la cheminée sans en renverser une goutte. Elle disposa les foies sur l'aire de travail et les nettoya consciencieusement. Elle consulta l'épais grimoire qui reposait sur une déserte et écrasa les organes. Elle contempla un instant le résultat obtenu et grimaça. Elle plongea la main dans un bol et en sortit trois foies de pigeons. Elle les écrasât à leurs tour et les rajouta à sa préparation. Elle mit le tout de coté et relit un fois encore ses instructions. Satisfaite, elle déboucha un flacon et en versa le contenu dans un large bol. De petites billes blanches nageant dans un épais liquide vert-jaune passèrent au pilon avant de rejoindre les foies. Elle marmonna quelque chose dessus en agitant les mains et versa le tout dans un récipient de terre qu'elle plaça dans de l'eau bouillonnante. Elle s'occupa ensuite des insectes carapassonnés que son père lui avait recommandé. Elle prit un maillet et les écrasa énergiquement sans plus de façon. Elle jeta la pulpe obtenue dans un grand chaudron et le mis sur le feu. Elle touilla longtemps. Enfin, quand elle eut obtenue une belle couleur de cuir neuf, elle sortit le tout du feu et le filtra soigneusement.
L'adolescente jeta une pincée de cristaux blancs pulvérisés dans le mélange et hocha la tête de satisfaction. Elle récupéra le récipient en terre et démoula son contenu. Le dessus avait prit une magnifique couleur dorée qui la ravi.
Elle le plaça sur un plat d'argent et versa autour le filtrat. Elle attrapa au vol un énorme couteau et une cuillère et emporta le tout à l'examen de ses pères.
Debout devant eux, dansant d'un pied sur l'autre, elle attendit leur verdict avec impatience.
- Comment appelles-tu cela ? demanda Raistlin en portant un morceau de la préparation à sa bouche.
- Gâteau de foies blonds de volailles à la bisque de homard.
- Excellent ma chère...Excellent...
Shandra se retint de se gargariser de satisfaction. Il faudrait qu'elle remercie Pyra de lui avoir apprit à cuisiner la prochaine fois qu'elle la verrait, ce qui ne devrait tarder. Après tout, la magicienne n'avait qu'un mois de retard...
************************
Est du Sylvanesti
Dalérion aida rapidement Myraël à monter dans un arbre et dégaina son épée. Il eut à peine le temps de parer une première attaque qu'un second brigand le prenait à revers. Il se protégea comme il put et entendit un glapissement de douleur sur sa droite. Valenth se porta au secours de son jumeau et repoussa ses agresseurs. La quinzaine d'humains qui les attaquait eut l'air surprise par leur résistance. Les hommes repartirent à la charge et Dalérion vit Famanos s'effondrer dans une gerbe de sang. La bouche sèche et la rage au cœur, il sut que sans un miracle, ils ne s'en sortiraient pas.
Un bruit de galop résonna. Il tourna fugitivement la tête et aperçut une jument de bataille charger vers eux. Pas réellement à fond de train, pas non plus au canter, l'allure de la bête ne pouvait être qualifiée autrement que de meurtrière et de délibérée.
Une boule de feu balaya un homme pendant qu'un autre s'embrochait sur une épaisse lame d'acier brute.
Dalérion remercia les dieux de l'arrivée d'un sauveur.
Avisant la profonde plaie qui lui barrait la poitrine et la mare de sang qui s'élargissait à ses pieds, le frère de Dalamar décida qu'il pouvait, en toute quiétude, sombrer dans l'inconscience...
2 ème Epoque : Chapitre V
Seuils
D'un lourd revers, Koran décapita proprement un brigand avant que de s'enfoncer dans la poitrine d'un autre.
Pyra rengaina l'épée et incanta lourdement. Les voleurs survivants tournèrent vers elle un regard terrifié et s'enfuirent en courant.
La magicienne démonta et se porta au secours de Dalérion. L'elfe n'était pas sérieusement blessé alors elle se contenta de lui bander sommairement la poitrine et s'approcha de Famanos. L'elfe dégingandé baignait dans une marre de sang et Quéris tentait tant bien que mal d'arrêter l'hémorragie. Pyra le poussa rudement et posa une main sur l'épaule déchiquetée qui n'était plus reliée au torse que par quelques lambeaux de chairs. La pierre passa au blanc et la plaie de se referma sous le regard incrédule des trois elfes conscients.
Pyra enveloppa le blessé dans sa cape et ordonna d'une voix sèche qu'un campement soit monté au plus vite.
Un peu abasourdis, Valenth et Quéris obéirent, laissant Talenth et la sorcière s'occuper de Famanos et Dalérion.
************************
Shandra fit rapidement sa vaisselle et rejoint son père dans le labo. Elle s'assit, nerveuse, sur sa chaise et attendit.
Raistlin farfouilla un peu dans les étagères et en tira un petit parchemin. Il le déroula, le colla sous le nez de sa fille et l'enjoignit à l'étudier avec attention.
************************
Dalérion s'étrangla à moitié en avalant l'immonde potion que quelqu'un lui faisait couler dans la gorge. Il se débattit et parvint à repousser les mains de Quéris.
- Lèr, tu dois boire ça !
- Mais c'est répugnant. Ce plaignit-t-il
- Va dire ça à Pyra.
- Pyra ?
- Salut, mon chou. Je t'avais bien dit que nous nous reverrions.
L'elfe jeta un regard un peu hébété à la jeune femme.
- Pyra ?
- Bra-vo ! Tu connais mon nom ! Quel exploit !
- Ne soit pas mauvaise...
- Pardon. On passaient dans le coin avec les bébés. Expliqua-t-elle en désignant ses familiers. Alors quand...
- LE PETIT !
- Quoi le petit ?
- Quéris, où est Myraël.
L'elfe se tapa le front.
- Et merde....
Il se leva et courut vers un arbre. Il grimpa rapidement dedans sous le regard dubitatif de Pyra.
- Le petit ? Redemanda-t-elle.
- Un petit elfe orphelin que nous avons rencontrés il y a quelques décades.
Quéris parvint à convaincre l'enfant et le garçonnet le suivit. Une fois au sol, il se colla contre sa jambe et refusa de bouger, totalement paniqué à la vue de l'humaine.
- ???
- Son village à été détruis par des humains.
La jeune femme s'avança vers le petit garçon terrifié et s'accroupit à sa hauteur.
- Salut, poussin. Moi je m'appelle Pyra. Je suis une vieille amie de Dalérion. Tu veux venir voir comment va Famanos ? Il doit être complètement guérit maintenant.
- Il est mort madame...
- Non mon chou. J'ai pour habitude de ne pas laisser mourir mes amis.
L'elfe releva un peu la tête et la rebaissa très vite sous le regard acier de la magicienne. Il se sera un peu plus contre Quéris et lui quémanda de l'aide du regard.
- Tu peux faire confiance à Pyra. S'il n'y avait qu'un seul humain sur cette planète à qui tu puisses faire confiance, ce serait elle.
- Pourquoi vous portez la robe noire ? S'enhardit-il à demander.
- Cela me va mieux au teint. Plaisanta la sorcière.
- Oh...D'accord...
Pyra lança un regard effondré à Dalérion.
- Il a vécut très seul, fillette, il est un peu sauvage. Et tout le monde ne goûte pas tes plaisanteries..
- Barbares !
- Oui Pyra. Moi aussi je t'aime.
La magicienne leva les yeux au ciel.
- Ah, les hommes ! Imita Talenth avant que Pyra puisse le dire elle-même.
La jeune femme jeta un regard scandalisé au guerrier et se drapa dans les lambeaux de sa dignité outragée pour aller voir Famanos.
************************
Shand tenta de calmer les battements désordonnés de son cœur et tendit les mains devant elle. Articulant péniblement les difficiles syllabes su sort d'invocation, ses doigts tracèrent des courbes harmonieuses, dansèrent et sautèrent dans l'air autour d'un axe qu'elle était seule à voir.
- ....Kalosllastrin hishamnyoasti. Acheva-t-elle.
Rien ne se produisit.
L'adolescente baissa la tête devant son père et ses épaules s'affaissèrent.
- Je ne suis décidément bonne à rien...
- Raistlin se pencha en avant. Le sort que tu vient d'essayer est très compliqué, Dalamar à bien mis quinze jours avant de réussir à le lancer sans qu'il lui saute à la figure.
- Mais je suis ta fille !
- Shand, il est des plus probable que ton Don interfère en partie avec l'Art. Ce n'est qu'une question de travail. La rassura-t-il.
L'adolescente s'approcha du fauteuil de son père et hésita. Elle aurait bien voulu se pelotonner dans son giron, comme quand elle était petite, bercé par les battements du cœur de l'archimage et l'odeur des douces fragrances des ingrédients de sort, mais elle avait quatorze ans et l'adolescente hésitait entre la femme et l'enfant.
Comprenant son souhait muet, Raistlin recula un peu sa chaise et tendit lui tendit les bras en une douce invite.
La femme en devenir disparut pour ne laisser la place qu'a l'enfant. Elle se nicha contre lui et le serra contre elle.
- Je t'aime, papa. Murmura-t-elle.
Le sourire de Raistlin s'effaça, remplacé par une douleur terrible et incompréhensible. Il avala péniblement sa salive et serra sa fille contre lui dans une attitude protectrice.
Dalamar les trouva enlacés. L'impression d'horreur qui jouait toujours au fond des prunelles de son maître le glaça jusqu'au tréfonds de l'âme.
************************
Pyra finit son bandage et claqua des doigts. La visage de Famanos perdit sa fixité malsaine et il s'ébroua comme un jeune chiot.
- Que...?
- Tu es réparé. Je vais finir par croire que je ne sert qu'a ça, la réparation des guerriers et mages cassés. Je devrais peut-être ouvrit trois-quatre succursales par ci-par là, je me ferais du pognon. Grommela la jeune femme.
Myraël avait observé la scène avec attention et sans lâcher la main de Quéris.
- Myraël, mon chou, que dirais-tu d'un grand bol de soupe ?
Plusieurs estomac vides signifièrent bruyamment leur accord avec cette proposition tout ce qu'il y a de raisonnable.
Le petit garçon leva son regard clair vers la magicienne.
- Merci, tante Pyra.
- Et c'est repartit. Soupira-t-elle en prenant le garçonnet dans ses bras.
- Quoi donc ?
- Pourquoi TOUS les enfants finissent-ils par m'appeler "Tante Pyra" ?
************************
Tour de Palanthas milieu de la nuit.
Shandra se redressa sur un cri silencieux.
Elle ouvrit ses couvertures et se leva.
La pièce tourna autours d'elle et elle dut se raccrocher aux baldaquins pour ne pas tomber.
Son vertige cessa enfin, et elle ôta sa chemise de nuit pour en essuyer son corps tremper de sueur.
Une migraine sourde lui martelait le cerveau. Elle enfila une chemise de nuit propre et descendit à la cuisine.
La jeune fille se servit un grand verre de potion et dut utiliser ses deux mains pour le porter à sa bouche tant elle tremblait. Une violente douleur lui arqua le corps et son verre s'écrasa au sol comme un coup de tonnerre colossal s'écrasait sur la Tour.
Quelques pierres tombèrent dans la cour lorsqu'un nouvel éclair ébranla le lieu.
Du feu embrasa les orbite de Shandra et elle se recroquevilla, inconsciente, sur la carrelage de la cuisine.
Raistlin se réveilla en sursaut. Le même pressentiment qui l'avait glacé dans l'après-midi lui serrant le cœur.
Il passa une robe de chambre sur son corps nu et dévala les escaliers jusqu'à la chambre de sa fille. Il ouvrit la porte à la volée et, constatant l'absence de l'enfant pâlit dangereusement.
Un éclair toucha la Tour qui trembla sur ses fondations. Se contraignant au calme, il cherche mentalement la présence de Shandra. Il toucha sa signature physique mais pas sa présence mentale.
La bouche soudain très sèche, il courut à la cuisine.
Devant le spectacle qui s'offrit à lui, il eut à se rappeler comment respirer.
Shandra gisait sur le dos, les doigts crochetant l'air devant elle comme des serres, du sang coulant de sa bouche.
La Tour trembla de nouveau et Raistlin mis quelques secondes avant de comprendre que ce n'était pas un éclair qui l'avait touché, mais qu'un séisme prenait son épicentre juste sous ses pieds.
Shandra se convulsa et du sang coula de ses yeux. Une langue de feu envahit la cheminée, naissant des braises mourantes de la veille et l'homme put voir s'agiter des liquides dans leurs bouteilles.
Laissant l'Archimage prendre le pas sur le Père, Raistlin envoya une convocation mentale d'une sécheresse inouïe à son apprenti. Dalamar dévala l'escalier à son tour. Les yeux encore embrumés de sommeil et une réflexion désagréable sur la langue, il rejoignit son maître. Se figeant devant la scène surréaliste qui s'offrait à lui, il laissa lui aussi sa personnalité de parade prendre les commandes et put à nouveau réfléchir rationnellement et s'agenouilla de l'autre côté de la fillette pendant que Raistlin tentait de l'empêcher de se mordre la langue.
- Ramenons là dans sa chambre.
L'archimage acquiesça de la tête et l'elfe put voir le considérable effort qu'il devait fournir pour maintenir les boucliers magiques qu'il avait dressé à la hâte autours de l'enfant.
Dehors, orage et séisme se calmaient doucement.
************************
Dalamar plaça quelques protections autour de la chambre et Raistlin laissa s'effondrer ses boucliers avec un soulagement non dissimulé.
Il s'assit sur le lit et ausculta rapidement la fillette.
La respiration trop rapide et sifflante, les muscles tétanisés, les yeux révulsés, Shandra gémit de peur et ses pères lui prirent les mains.
Elle étaient brûlantes.
************************
Hamelet s'agenouilla devant la statuette.
- Ma Reine... Le Conseil va se réunir. L'état de santé de ma femme a encore empiré...
- Elle ne mourra pas avant que je l'ai décidé.
L'homme tiqua. Il voulait régner. Quel quant soit le prix.
- Ma Reine...
- Je veux une vie. Prouve moi ta loyauté.
Le Régent se raidit.
- Bien ma Reine.
2 ème Epoque : Chapitre VI
Emergence
Tour de Haute Sorcellerie de Palanthas, milieu de la nuit.
Raistlin quitta la chambre et remonta dans son labo en laissant sa fille aux bons soins de son père.
Là, à l'abri des regards indiscrets, il se permit de s'effondrer en larmes. Cela dura peu de temps et il se reprit vite.
L'archimage ravagea le laboratoire encombré et inventoria les potions et onguents dont il pensait avoir besoin. Il les téléporta au fur et à mesure dans la chambre de l'enfant et retourna auprès de la malade.
Dalamar tissait boucliers sur boucliers autours de la chambre et renforçait les protections déjà existantes. Il finit en disposant de lourdes tentures ornées de runes tout autour de la pièce avant de ce tourner vers son maître qui mélangeait soigneusement diverses potions et remarqua ses yeux rouges.
Le Maître de la Tour prépara du thé et y versa un relaxant musculaire. Il fit boire la tasse à Shandra et épongea son front luisant de sueur.
Très vite, l'enfant se détendit et sa respiration s'apaisa.
Les deux mages soupirèrent de soulagement et s'assirent sur un canapé que Dalamar avait rapproché.
- Qu'est ce qu'elle à ? Questionna l'elfe.
- Je ne sais pas trop...Je pense que son don d'élémentaliste est entré en résonance avec son don magique et que le tout à échappé à son contrôle...
- Qu'est ce qu'on peut faire ? Elle ne va jamais tenir !
- Je ne sais pas...Commençons par traiter les symptômes. Peut-être que si on arrive à la soulager suffisamment elle arrivera à récupérer son contrôle d'elle-même...
- Et si elle n'y arrive pas ?
L'archimage plongea ses yeux d'or dans le regard d'ébène si semblable à celui de Shandra.
- Alors il faudra songer à une solution plus...radicale.
L'elfe hoqueta d'horreur et blêmit complètement.
- Raist... Souffla-t-il.
Shandra gémit et balaya la pièce d'un regard qui ne voyait rien.
- Papa...papa... Appela-t-elle d'une voix perdue.
Les deux hommes s'assirent de part et d'autre de leur enfant et lui prirent les mains.
- Nous sommes là ma chérie. Nous sommes là. Ne t'inquiètes pas, calme toi...Tout va bien se passer.
L'adolescente ferma les yeux et du sang coula sur ses joues.
- J'ai mal...Ca me brûle..
- Où ma chérie. Demanda Dalamar d'une voix douce, contrastant avec la colère impuissante qui convulsait ses traits.
- Partout...mes jambes...mes bras... Je veux mourir ! Sanglota-t-elle dans un cri de souffrances insupportables.
Raistlin ouvrit une petite fiole de cuivre scellée au plomb et versa deux gouttes de liquide ambré dans le reste de thé. Il releva la tête de l'enfant qui cria de douleur au mouvement qui lui était imposé et la fit boire. Très vite, les mouvements de Shandra se ralentirent et elle s'endormit.
- Que lui as-tu donné ?
- Du Cal-Sam.
- QUOI ?!
- Du calme, je ne lui en ai donné que deux gouttes. Ce ne sera pas trop dangereux.
Dalamar grinça des dents. Le Cal-Sam était un poison extrêmement dangereux mais aux vertus thérapeutiques puissantes...quand on savait le préparer et le doser. Une erreur dans les quarante-sept distillations et filtrations du produit signifiait la mort assurée.
Dalamar se rassit sur le sofa, tremblant de tous ses membres et se prit la tête dans les mains.
- Oh Raist, si elle meure...Je ne le supporterais pas. Je ne veux pas la perdre ! Elle est tout ce que j'ai !
L'archimage accusa le coup mais tut le coup au cœur que lui avait donné la réflexion de l'elfe et s'assit à côté de lui.
- Elle vivra, ne t'inquiète pas, elle vivra. Je te le promet.
Dalamar releva la tête et planta ses yeux dans l'or liquide qui lui faisait face.
- Il faut que tu es raison Shalafi, il le faut.
Raistlin se tut. Devant le regard désespéré de l'elfe, il voulu passer un bras autour de ses épaules pour le serre contre lui. Avant de le toucher, il suspendit son geste et referma ses bras sur lui-même. Il s'éloigna de Dalamar et s'assit à l'autre bout du sofa, sachant pertinemment que sa marque d'affection serait repoussée avec dégoût.
- Désolé. Murmura-t-il en se rencognant sur lui-même.
************************
Ouest du Sylvanesti, milieu de la nuit.
Pyra bougea un peu sous sa couverture et se réveilla, dérangée par la présence incongrus d'un corps chaud contre le sien. Elle allait engueuler vertement Sharn ou Ekalaka quand elle reconnu le petit Myraël. L'enfant s'était glissé dans son sac de couchage pendant son sommeil et dormait maintenant avec un sourire abandonné aux lèvres.
La jeune femme hésita une seconde à le réveiller et à l'envoyer aux pelotes lorsqu'une voix douce lui parvint.
- En un mois, c'est la première fois qu'il ne fait pas de cauchemar...
- Je ne suis pas un oreiller, Quéris.
- Ce gosse t'adore, Pyra. Tous les gosses t'adorent. Il a perdu sa famille. Que dirais-tu de t'occuper de lui ?
Pyra se redressa et le garçonnet se serra davantage contre elle.
- Je doute que l'éducation d'une Robe Noire soit très recommandée pour un elfe.
- Il ne peut pas rester avec des guerriers, pas à son âge. Il se fera tuer, ou nous fera tuer. Contra Dalérion qui les avaient rejoints. Tu as les capacités pour le protéger, l'élever et surtout l'aimer. Ne m'as tu pas dit que tu avais aidé mon frère avec sa fille ?
- Shandra était bébé. Et c'était à la Tour. Pas au milieu de nulle part !
- Ce gosse n'a nulle part où aller...
- Ramènes le au Sylvanesti !
Dalérion fut soudain très gêné et Quéris lui lança un regard inquisiteur.
- Qu'est ce que tu as oublié de nous dire ?
- Ben... J'ai de la famille au palais de Sylvanost...et j'ai bien peur que le trône ne voit d'un très mauvais œil que ses pionniers aient été massacrés...ou plutôt qu'il reste un témoin assez gênant.
- Que veux-tu dire ?
- Le Trône a prit la décision d'implanter des colons sans en référer au Conseil. Si ça avait réussi, le Trône aurait put s'en enorgueillir, mais comme ça à foiré, le Conseil pourrait utiliser la situation pour déstabiliser le pouvoir au Sylvanesti, et au Qualinesti par la même occasion. Un témoin est donc dangereux...s'il reste en vie...C'est cela ? Demanda Pyra.
Dalérion ce contenta de hocher la tête.
- J'ai repoussé le plus possible notre retour à Sylvanost, mais je doit aller faire mon rapport...
- Et tu veux que je m'occupe du gamin.
- Je ne vois pas à qui demander autrement.
Pyra soupira et observa l'enfant endormit dans son giron. Une petite fibre qui n'avait pas vibrée depuis près de vingt-cinq ans vint se rappeler à son bon souvenir.
- Ca va, ça va...Je vais m'en occuper de ce petit monstre...
Dalérion soupira de soulagement.
- Dalérion ? Demanda Quéris d'une voix glacée. Faudra qu'on ai une petite conversation tous ensembles... Rapport à la loyauté, au mensonge, ce genre de choses...
L'elfe haussa un sourcil.
- Si...si tu veux...Ca peut peut-être attendre demain matin ?
- C'est cela, c'est cela.
************************
Tour de Haute Sorcellerie
Dalamar releva la tête et fixa un instant son maître. Il ne savait comment réagir. Son corps appelait de toute ses forces les bras de Raistlin, mais son éducation et son esprit en refusaient jusqu'à l'idée. Il frémit et étouffa un sanglot. Toute sa vie foutait le camps. Shandra était mourante et il ne se rendait compte que maintenant de la cruauté inconsciente dont il avait fait preuve avec Raistlin au cours de toutes ces années.
Son regard revint à Shandra. La respiration de l'adolescente était profonde et régulière quoiqu'un peu lente et ses traits n'étaient plus déformés par la douleur. Il renforça une fois de plus les boucliers magiques qui isolaient la Tour du reste du monde et revint cette fois à Raistlin.
************************
Varune, Palais Impérial
Hamelet lisait les procès verbaux d'arrestation de ces quinze derniers jours. Enfin, il sembla trouver ce qu'il cherchait et un sourire pervers éclaira ses traits.
- Hamelet, mon ami. N'est-il pas l'heure de vous coucher. Demanda la voix faible de la Reine.
- J'arrive ma chère. Juste quelques ordres à donner.
Le Régent quitta la chambre et fit signe à un garde. La femme s'approcha.
- Allez me cherche le Sénéchal.
Le garde claqua des talons et partit en courant. Le Sénéchal rejoint le Régent dans son bureau.
- Majesté ?
- Le Comte Tritonon, je veux que l'enquête soit diligentée au maximum. Les nobles n'ont eut que trop l'occasion d'utiliser leur rangs pour se protéger. Je veux faire un exemple et restaurer le prestige de la couronne auprès des petites gens...
- A vos ordres, Majesté...
************************
Tour de Palanthas
Dalamar hésitait.
Il connaissait bien le regard que Raistlin lui offrait. Indifférent à tout, mort, froid, sans plus d'expression que celui d'un bulot mort.
Il s'aperçut que son maître avait tout simplement autant besoin que lui de réconfort. Pour la première fois depuis des années, l'elfe se rappela quelque chose qu'il s'était empressé d'oublier lorsque Raistlana était redevenue un homme, que quoique cela lui coûte, ils étaient liés par l'enfant qui se tordait de douleur dans son lit, et que cet enfant n'était pas que l'expression d'une idiosyncrasie de leur part.
L'elfe arrêta de considérer son maître comme une ex-amante et ne vit plus que comme l'ami à la fidélité absolu qu'il était devenu. L'homme l'accordait si rarement qu'il était facile d'oublier qu'il pouvait le faire, encore plus rarement que son affection, mais quand il le faisait, c'était d'une manière si indéfectible que cela en devenait dangereux. Un sourire triste glissa sur les lèvres de l'elfe. Quoi qu'il fasse, de n'importe quelle manière qu'il puisse changer, Raistlin resterait toujours absolu dans ses émotions. Il devait faire avec. Après tout il ne valait guère mieux, à rester bloqué sur des positions qu'il savaient aberrantes depuis près de quinze ans.
Il se rapprocha de l'homme prostré et glissa ses bras autours de sa taille.
Avec un sursaut étonné, l'archimage quitta la position fœtale qu'il avait adopté et Dalamar en profit pour poser résolument sa tête au creux de son épaule.
Une odeur de musc, de rose et de poussière, qu'il connaissait bien lui monta au narines et il ferma les yeux. Il se serra un peu plus contre le corps chaux qu'il n'avait pas touché depuis quatorze ans et soupira.
- Je vous aime tant tous les deux...Vous êtes tout ce qui me reste.
Raistlin se figea de surprise. Si Shandra avait toujours été un lien puissant entre eux, c'était bien la première fois que Dalamar le faisait ainsi réellement entrer dans son existence.
L'archimage serra timidement l'elfe contre lui et un bien être qu'il ne connaissait plus l'envahi.
Shandra continuait à dormir.
Le soleil se leva sur la Tour ébranlée.
************************
Varune
Des coups retentirent à la porte et le maître d'hôtel entrouvrit la porte. Des soldats l'ouvrirent d'un coup de pied et entrèrent en bon ordre.
- Comte Tritonon ?
- Dans sa chambre, au premier étage, sur la droite... Bégaya le vieux serviteur.
- On y va les gars !
Deux soldats grimpèrent les marches quatre à quatre, extirpèrent le Comte de ses appartements et le traînèrent au pied de leur supérieur.
- Colonel, voilà le prisonnier.
- PRISONNIER ! Releva un jeune homme dégingandé en entrant dans le hall à son tour.
- Monsieur ?
- Gibergeon, le Comte Tritonon est mon oncle.
- Votre oncle est accusé de divers crimes et délits. Son procès se tiendra dans un jour ou deux au Palais. Vous serrez informé des dispositions à prendre. Vous devrez répondre aux enquêteurs de la Couronne. Bonne journée Monseigneur. Finit le colonel en traînant le Comte par le col de sa chemise.
************************
Tour de Palanthas.
Les cloches du Temple sonnèrent. Raistlin se réveilla en sursaut, étonné du poids qui reposait sur son torse. Dalamar râla et ouvrit les yeux à son tour. Ils s'entreregardèrent, ne sachant comment réagir à leur étreinte imprévue.
Une voix rauque et faible leur parvint.
- J'avais finit par croire qu'il n'y avait rien entre vous et que je n'était définitivement qu'un boulet...
- Shandra ! Crièrent -ils ensemble avec soulagement.
L'adolescente grimaça et repris son souffle.
- Moins fort, pitié...
Les deux hommes sourirent et utilisèrent cette excuse pour se séparer. Ils vinrent au chevet de leur enfant.
- Comment te sens-tu ? Chuchota Raistlin
- Aussi épuisée et affamée qu'une louve qui aurait mis bas douze petits. Répondit pareillement l'enfant en reprenant l'une des expressions favorites de Pyra.
- Tu nous a fait tellement peur.
- Pardon...
- Ce n'est pas grave. L'important c'est que tu ailles mieux.
Shandra releva les yeux et sa nature irrévérencieuse reprit le dessus malgré son épuisement.
- Je trouve que ce n'est pas trop cher payé si ça à permis de vous remettre dans le même lit.
Les deux hommes rougirent comme des pivoines et échangèrent un regard scandalisé.
- Je m'étais toujours demandé pourquoi mes parents faisaient chambres à part, mais maintenant, je suis rassurée. Acheva-t-elle sur une quinte de toux.
Les deux mages parvinrent à reprendre leur sang froid.
Les oreilles encore un peu rouge, Dalamar aida sa fille à se redresser et lui fint boire un peu d'eau.
- Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, ma chère. Tu es trop jeune pour connaître certains aspects de la vie...
Shandra lança un drôle de regard à Raistlin qui continua.
- Quoi, on peut toujours rêver à l'hypothétique innocence de ses enfants non ?
- Tu es encore très faible et personne ne peut savoir si tu ne va pas faire d'autre crise. Tu dois te reposer.
- Oui maman...
- C'est lui ta mère, je te rappelles. Releva l'elfe.
Raistlin lança un regard courroucé aux deux marioles que son sourire radieux démentait totalement.
Il embrassa l'enfant sur le front et appela une âme en peine.
- Reste avec elle et Dalamar. Ordonna-t-il à Teklon
Le mort vivant s'inclina et prit place au pied du lit.
- Que vas-tu faire ? Demanda l'apprenti.
- Fouiller dans les vieux grimoires si je ne trouve pas quelque chose pouvant aider Shand.
L'adolescente insolente disparue, ne laissant la place qu'a une petite fille désemparée et désolée.
- Je suis navrée, je ne voulait pas vous embêter.
Raistlin revint vers elle.
- Tu ne nous embêtes jamais. Tu es ma fille, je t'aime, fin de l'histoire. Coupa-t-il définitivement , le regard farouche.
Shandra sourit timidement avant de se rallonger.
2 ème Epoque : Chapitre VII
Générations
Tour de Palanthas, le même jour.
Raistlin quitta la chambre et gagna le labo.
Dalamar aida Shand à se rallonger et la borda tendrement.
Tu as faim ?
Oh oui !
Tu as toujours faim ! Accusa gentiment l'elfe avant de s'éclipser vers la cuisine.
Il en revint quelques minutes plus tard avec un plateau chargé à raz bord de tous les mets préférés de l'adolescente.
Je devrais être plus souvent malade.
Idiote !
L'adolescente lançait un regard impudent à son père lorsqu'une convulsion la prie totalement au dépourvue, lui arquant le corps sur la literie. L'elfe posa son plateau et couru vers elle. Il la maintint de son mieux pour l'empêcher de se blesser et attendit.
Les boucliers placés autours de la pièce explosèrent les uns après les autres et un langue de feu sortie de nulle part fracassa les vitres.
La fabuleuse quantité d'énergie magique accumulée dans la pièce et contenue jusque là par les barrières fut dispersée au quatre vent.
Le corps épuisé de l'enfant s'effondra sur les draps.
Des larmes silencieuses coulèrent.
Pardon, pardon, je n'ai pas fait exprès.
Sa voix se faisait de plus en plus hystérique.
Dalamar la secoua doucement et la serra contre lui. Shand se calma graduellement et finit par s'endormir, totalement épuisée.
L'elfe la tint contre lui jusqu'à ce que son cœur se fut apaisé.
'Dalamar ?'
Ce n'est rien Shalafi. Une petite convulsion sans commune mesure avec ses exploits de la nuit.
Un soupir mental de soulagement lui parvint.
'Veille bien sur elle, mon ami. J'ai peut-être trouvé quelque chose.'
************************
Dalamar borda une fois encore la jeune fille.
Une voix mentale chercha à l'atteindre et il saisit le fil de communication au vol.
'Dalamar ? Qu'est-ce que c'est que ce bordel dans ta Tour ?' Questionna Justarius avec irritation.
'Ce n'est rien ... '
'RIEN ? ! On la sentit de Wayreth, malgré les boucliers ! Qu'est-ce que tu trafiques ?' S'insurgea Dunbar.
'Cela ne vous regarde en rien.' Grinça l'elfe. 'Je fais ce que je veux chez moi.'
'Dalamar tu...'
Une 4e présence se mêla à la conversation et Dalamar frémit.
"Non, pas maintenant. "
'J'ai trouvé, Dalamar. Je sais pas ce qu'elle a, mais je sais comment la soigner.'
'Qui s'est incrusté dans la communication ?' Demanda Justarius acerbe.
'Tien, salut Justarius, ça va ma biche ?' Demanda Raistlin avec une candeur artificielle emprunté à Pyra.
'Qui ?...'
'Shalafi !' Gémit Dalamar.
Un silence mental présent répondit du côté de Wayreth.
- 'Raistlin ?' Souffle à le maître des robes blanches.
- Le seul et unique ma poule.
- Tu devras te présenter, toi et ton Shalafi, à Wayreth et ce, dès demain. Grinça Dunbar.
- Certainement pas, coupa Raistlin d'une voix polaire. Notre fille est malade et nous allons certainement pas la laisser seule pour faire plaisir à de vieux croûtons qui se fiche totalement de la situation. Et de toute façon, je n'ai rien à vous dire, et aucun compte à vous rentre.
- Tu utilises le nous de majesté maintenant ?
Un silence édifiant répondit au robe rouge.
- Il serait toutefois judicieux que vous veniez nous voir, tous les trois. Temporisa le robe blanche.
- Nous verrons. Répondit hâtivement Dalamar avant de couper la conversation.
L' elfe se leva avec la ferme intention de me dire à Raistlin sinon le fond de sa pensée. Il buta littéralement dans son maître qui avait eu le temps de descendre de son nid d'aigle.
Avant qu'il ait pu dire un mot , son Shalafi lui colla un vieux grimoires poussiéreus sous le nez.
- Istar, 55 ans avant le Cataclysme. Le rejeton demi elfe de deux magiciens, souffrant de convulsions, perte de contrôle, fièvre... Les parents ont soigné les symptômes et placé l'enfant dans une bulle de magie morte le temps que l'enfant regagne son contrôle. Le sort de la bulle est avec, il fonctionne, il n'y a plus qu'à le lancer.
L' elfe soupira et un doux sourire fleuri sur ses lèvres.
- tu sais que je devrais te massacrer... Nous étions pourtant convenu de taire ton existence à Wayreth.
L'archimage haussa les épaules.
- je m'en fiche, Dalamar. Que je vous ai Shand et toi, le reste m'est totalement indifférent. Et de toute façon, que veux-tu qu'ils fassent ? Ton poste de chef des robes noires ne m'intéresse pas . continua-t-il imperturbable mais un sourire mutin au fond des yeux. Et j'ai appris ma leçon. Je sais où est ma place.
L'elfe leva les yeux au ciel.
- Ah, les hommes, soupira-il dans une évidente imitation de Pyra.
****************************
Solace, deux jours plus tard.
l'adolescent entendit le galop de ses frères mais ne releva pas le nez de son grimoire. Il se recroquevilla un peu plus sur lui-même et ferma les oreilles aux cris des autres jeunes.
Sturm, le benjamin sauta près de son frère, lâcha l'épée d'entraînement qu'il tenait et se jeta sur Palin. Il lui arracha son grimoire des mains et le feuilleta rapidement.
- quel plaisir prends-tu à apprendre de tels idioties poussiéreuses ?
Palin lui lança un regard agacé.
- le même que toi à t'agiter avec ce grand couteau émoussé que tu appelles épée.
Sturm lança un regard vide à son cadet. Palin se leva et arracha le livre des mains de son aîné. Avec un regard mauvais, il s'éloigna un peu et se rassit sur une grosse pierre. Tanin se rapprocha de lui à son tour. De trois ans son aîné, le plus vieux des trois frères avaient le caractère aussi bouillant que sa mère mais sans la tempérance née de l'expérience.
- Cesse de d'escrimer sur ce bouquin. Tu as encore le temps de devenir un bon guerrier si tu t'y mets. Laisse tomber la magie...
Du haut de ces quinze ans, Palin de s'en laissa pas compter.
- Tanin, si je te demandais de laisser tomber ton rêve de devenir chevalier solamnique parce que tu risques de te faire tuer. Ferais-tu ?
- Je t'éclaterai de rire au nez. Ce rêve, c'est ma vie!
- Alors souffres que devenir magicien soit le rêve de la mienne.
- Ce n'est pas pareil, la magie n'a rien de réelle, et Oncle Raistlin...
- Fût le plus puissant est le plus fabuleux mage de Krynn. Je ne sais pas quelles erreurs ont faits Caramon, le Conclave , où je ne sais qui, mais tout n'est pas entièrement de sa faute. Et père m'a dit qu'oncle Raistlin s'était racheté en faisant la plus belle chose qui soit au monde. Même mère a été d'accord.
- C'est quoi ?
- Je ne sais pas. Mais je crois que nos parents en savent plus sur le devenir d'oncle Raistlin qu'ils ne veulent bien nous en dire.
- Tu crois ?
- Je sais que Dalamar, le chef des robes noires est venu ici et qu'il y est restée près d'un mois avec deux autres sorciers. C'est le vieux d'un Enzo qui me l'a dit.
Les deux plus vieux haussèrent les épaules et se détournèrent.
- Qu'est-ce que ça peut bien faire. Oncle Raistlin est mort et la magie n'a déjà que trop fait souffrir notre famille. Tu devrais renoncer. Conclut Sturm en s'éloignant.
- Il a raison, tu sais. Ne donne pas plus d'inquiétude à nos parents qu'ils n'en ont déjà.
Palin resta seul. La rage au cœur et les larmes aux yeux. Ses ongles entamèrent la paume de sa main et du sang coula.
- Je te jure, oncle Raistlin, où que tu sois, que je serai un grand magicien ! J'en fait le serment devant toi.
Il releva le nez, la mâchoires serrées en une attitude belliqueuse. Il rouvrit son grimoire à la page choisie et se replongea plus profondément encore dans son étude.
****************************
Tanis retint un cri de frustration et quitta la chambre de Gilthas en claquant la porte. Le gamin avait décidément le chic pour le mettre en boule. Il passa devant deux gardes qui eurent plus que du mal pour faire disparaître le sourire sardonique qui fleurissait sur leur visage.
Il sortit de la maison de quartz rose qu'il partageait avec sa femme et son fils et s'éloigna en grinçant des dents. Allez à Solace, avec son état de santé ! Gil ne se rendait vraiment compte de rien. Le demi elfe recouvra difficilement son calme. Il pouvait comprendre que son fils ne supporte plus de vivre enfermé, mais c'était pour son propre bien.
Il se souvint avec une boule dans la gorge, de la peur que les fièvres de son enfant lui avait causé. Faible et facilement malade, des fièvres articulaires l'avaient cloué au lit tous les hivers jusqu'à ses douze ans sans que la médecine des elfes puisses autre chose pour lui que le maintenir en vie.
Tanis baissa la tête et s'appuya contre un énorme chêne. Toute sa vie, il se souviendrait du petit corps de son fils, âgé d'à peine un an, se tordant de douleur, hurlant de souffrance, réclamant une aide que personne ne parvenait à lui accorder.
Ses yeux s'humidifièrent.
Ayant recouvré un semblant de calme, il se décida rejoindre son fils.
Gilthas boudait. Ses parents ne pouvait s'empêcher de le mettre dans un cocon, et il ne le supportait plus. Bien sur qu'ils faisaient cela pour son bien, il le comprenait, mais la soif de découverte et de vie du jeune homme ne voulaient plus de ces contraintes.
Palin allait fêter ses quinze ans et il ne pouvait même pas aller à Solace pour assister à la fête! Le Qualinesti n'était pas si loin que cela, que diable ! Et l'été était magnifique. Il se leva et ses articulations grincèrent. Il eut une grimace. Bon, il craquait plus que vieille paire de bottes, mais il pouvait monter. Et une escorte d'un ou deux guerrier lui aurait suffi.
Il s'appuya au pourtour de la fenêtre et vit son père revenir vers le domicile familial. Il se força à arborer un masque impassible. Il repoussa à ses mèches blondes en arrière et ses prunelles bleu étincelèrent d'acier. Il s'assit sur son lit et ouvrit un livre. Lui aussi avait du sang humain dans les veines, et pour une fois, il allait lui servir. Cette race à la vie courte était connue pour être plus bornée qu'un mulet mort.
Tanis rentra chez lui et tomba nez à nez avec sa femme. Comme toujours quand il voyait, sa beauté le coupa le souffle. Son cœur se serra. La princesse elfe avait le physique d'une adolescente. Quant à lui, le sang humain qui coulait dans ses veines lui semblait un peu plus froid chaque jour. Il frémi en pensant que bientôt viendrait le temps de sa déchéance alors que sa femme resterait toujours belle et jeune.
Il chassa les idées noires qui le taraudaient et enlaça sa femme. Il l'embrassa dans le cou et se laissa envelopper par la douce odeur de jasmin qui se dégageait de ses cheveux.
- tu sors ?
- Mon frère veut me voir...
- Je ne savais pas que Porthios était revenu.
- Il ne reste pas. Un groupe de guerriers est venu lui apporter un message d'Alhana. Le Sylvanesti s'agite.
Tanis secoua la tête en soupirant.
- les vieux barbons veulent que le Qualinesti rentre dans le giron du Sylvanesti mais ils grimpent aux murs dès qu'il est question de les rapprocher. Ça va mal finir...
- Tu as discuté avec Gil ? I
- l veut aller à Solace. Grinça le demi elfe
Laurana sourit.
- J'ai un peu discuté avec les guerriers qui ont apporté le message. Ils n'ont rien à faire et ne rentrent pas au Sylvanesti avant un moment.
Tanis releva la tête comme un cheval sentant l'avoine.
- Et tu veux qu'ils escortent le petit ! ? C'est hors de question ! Sa santé...
- ...Est aussi bonne que nous pourrions espérer. Laisse le y aller . Il a bien mérité de s'amuser un peu .
La jeune femme se nicha contre son mari et lui fit des mamours.
- Allons... Fait lui plaisir... Et puis s'il n'est pas la on pourra toujours trouver de quoi occuper nos soirées...
Le regard du demi elfe se fit brillant.
- évidemment, si tu me prends par les sentiments... Et Caramon n'a pas eut de nos nouvelles depuis longtemps. Sa fille doit être née. Ce serait normal de lui envoyer un présent. Continua-t-il avec le plus grand sérieux du monde.
- Naturellement. Acquiesça gravement la princesse.
- Et il serait bon pour notre fil qu'il apprenne les dures réalités de la vie...
- Bien entendu.
- Et tu te fous de moi.
- Absolument. Répondit-elle du même ton posé et sérieux.
Le demi elfe sourit et l'embrassa sur le front. Il leva les yeux au ciel et se dirigea vers la porte de son fils.
La jeune femme sourit à son tour et compta.
- Quatre... Trois... Deux... Un...
- PAPA, TU POURRAIS FRAPPER ! cria Gilthas scandalisé.
Laurana eut un petit rire de gorge et partit voir Porthios. La petite scène lui avait remonté le moral.
Tanis évita la botte que lui lança son fils et du faire un effort pour contenir l'hilarité qui menaçaient de rompre son joli effet.
- Gilthas, nous avons bien réfléchit avec ta mère.
L'adolescent lui lança un regard suspicieux.
- tu iras à Solace.
L'adolescent ne dit rien mais fronça les sourcils.
- Cinq guerriers vont t'escorter.
Gilthas lança un regard dur à son père, et ne dit rien, attendant qu'il s'explique.
- il n'y a pas de piège. Tu vas aller à Solace assister à l'anniversaire de Palin, tu restes quelques jours, tu demandes des nouvelles de la petite famille Majere, tu offres le bibelot prévu pour le nouveau rejeton et tu rentres, toujours escorté par les guerriers.
Gilthas jubilait intérieurement, mais il se refusait à le laisser voir son père.
Le demi elfe se impatienta.
- Ca te convient ou pas ?
- Je parts quand ?
- Demain.
- Ca me convient.
Tanis soupira de soulagement. Décidément, il ne comprendrait rien aux adolescents.
************************
Raistlin lança le sort idoine autours de sa fille et un cocon de lumière dorée l'entoura.
L'adolescente tenta expérimentalement de se déplacer dans la pièce. Le cocon la suivi et un sourire radieux éclaira son visage fin. Pour la première fois depuis des semaines, elle ne sentait pas la pression des énergies extérieures lui pourrir la vie.
Une cloche d'argent sonna en haut de la Tour et deux âmes en peine se précipitèrent vers le Maître.
- Dame Pyra vient de franchir le portail. Elle est accompagnée d'un jeune Elfe. Devons-nous les escorter jusqu'ici ?
- Ma foi, elle est en progrès, elle n'est guère qu'un mois de retard sur la date qu'elle nous avez fixée.
Dalamar sourit et aida Shandra à revêtir quelque chose de décent
Pyra escalada rapidement les degrés de pierre jusqu'à la chambre de Shand et poussa devant elle Myraël.
Le petit garçon repéra instantanément Shandra et lui lança un sourire timide.
- Tu nous avez cachée ça, je comprends mieux pourquoi ne te voyions que si rarement.
- Arrêtes tes conneries, ce gosse m'a été confiée par ton frère.
Dalamar ouvrit de grands yeux et de la colère passa sur ses traits.
Pyra se retourna vers Shandra.
- marrante ta nouvelle aura, ça sert à quoi.
Raistlin se pencha vers le jeune garçon qui eut un mouvement de recul.
- Le Conclave veut nous voir...Informa-t-il Pyra.
- Les pauvres...
*************************
Gilthas chaussa ses bottes et enfila sa cape de voyage. Il jeta un dernier coup d'œil au sac qu'il avait préparé et sortit de sa chambre. Son père le serra dans ses bras et l'embrassa sur le front. Sa mère fit de même.
Il sortirent et le jeune elfe se mit en selle. Il fut reconnaissant à ses parents de lui avoir évité des embrassades publiques.
Le chef de la petite troupe d'elfes qui allaient l'escorter approcha sa monture de la sienne.
Il lui tendit la main et la serra. Avec un sourire franc, il se présenta.
- Bonjour le Gilthas. Nous devons partir de suite si nous voulons tenir le planning. Tu peux m'appeler Dalérion.
2 ème Epoque : Chapitre VIII
Instruction
Varune, Salle du Trône
Un frémissement parcourut la salle et nombreux sont ceux qui ployèrent l'échine, le ventre liquéfié par la présence du Régent.
Le quadragénaire renvoya ses cheveux en arrière et s'assit. La Cour de Justice allait débuter.
Bien des décennies s'étaient écoulées depuis qu'un crime suffisamment atroce ait été perpétré et demande l'intervention du Trône.
Le prévenu entra dans la pièce.
Enchaîné de la tête au pieds, couvert de meurtrissures témoignant de la vigueur des enquêteurs, le Comte Tritonon lança un regard impudent, vide de tout remord au Régent.
Le Sénéchal prit la parole.
- Comte Tritonon Kh'aa Fandos, vous êtes accusé de meurtres, tortures, violences physiques et mentales sur mineurs. Vous avez avoué de plus, détournements de fonds sur vos Marches, abus de pouvoirs, utilisation illégale du droit de cuissage, vente d'enfants à marchands d'esclaves de l'Extérieur...Entre autre choses. Qu'avez vous à répondre.
L'homme se redressa et cracha par terre.
- Coupable.
L'assistance gronda. Le régent fit un signe de la main et des piquiers de mirent discrètement en position.
************************
Tour de Palanthas.
Shandra sortit de son bain et s'entortilla dans l'épaisse serviette que lui tendit Pyra.
On frappa à la porte et la rouquine ouvrit à Dalamar. L'elfe posa des vêtements sur une petite table.
Pyra s'en approcha et les déplia avec précaution. Elle siffla d'admiration.
Bon sang ! C'est magnifique.
Shandra s'avança à son tour et put voir les atours que ses pères avaient préparés pour elle.
Toute en soie, chaînée d'or et de cuivre créant une moirure somptueuse à chaque mouvement du tissu, la robe de dessus était dans les tons vieil ors rehaussée de vert tendre et des sequins d'or en marquaient la taille. La robe de dessous, plus simple, était d'un chaud ton bronze et de la fine dentelle sur la gorge, rendait un peu plus décent le décolleté plongeant de la robe de dessus.
- C'est joli...
- Le Conclave doit en avoir pour son argent, ma chérie.
L'humeur de la jeune fille s'assombrit.
- Je suis navrée.
- Arrête d'être navrée. Cracha Pyra , acerbe.
Shand sursauta, piquée au vif et allait répondre vertement lorsqu'elle vit les sourires amusés des deux adultes. Elle détourna la tête d'un mouvement faussement hautain, mais ne put s'empêcher de retourner au tas de vêtements.
Elle finit de déplier la robe de dessus, stupéfiante dans sa coupe finalement étonnamment simple, puis s'extasia sur les petites bottines de peau avant de lancer un regard noir à son père devant les sous-vêtements de dentelle.
Pyra en resta comme deux ronds de flancs.
- Elle est pas un peu jeune pour ce genre de petites choses ?
- Je n'y suis pour rien. Se défendit Dalamar. C'est sa mère qui a choisit le tout ! Si ça ne te plait pas, va te plaindre à Raist.
- Oh, moi je m'en fout, mais je trouve que ça fait un peu "sautez-moi-dessus-tout-de-suite".
- C'est superbe. Coupa Shand.
- Si ça te plait...Je trouve quand même que si ta mère à ce genre de fantasme, elle pourrait porter ces fanfreluches elle-même.
Shandra lança un sourire radieux à sa marraine mais n'ajouta rien.
Elle allait commencer à s'habiller quand elle se souvint d'un détail.
- Père ?
- Oui, ma chérie ?
- Dehors !
Oui, ma chérie !
************************
Le sénéchal repris sa lecture. Pendant de longues minutes, crimes et exactions du noble furent étalées au vues et sus de tous. La foule s'agitait de plus en plus. Plusieurs délicats s'évanouirent, vaincus par la chaleur étouffante, animale, qui montait des spectateurs. Les femmes étaient livides, les enfants pleuraient.
Enfin le Sénéchal se tut.
Le Régent se tourna vers le criminel.
- Vous plaidez toujours coupable ?
- Oui. Grimaça le noble avec une jouissance visible, sûr qu'il était que ce jugement n'était qu'une mascarade de plus.
Le visage du Régent se fit de pierre.
Son neveu, Gibergeon, pâlit atrocement.
Alors en coupable tu seras puni. Par la Couronne, nous, Hamelet de Varune, Régent de Varune, Représentant de son Altesse Impériale, la Reine Méléria de Varune, condamnons Tritonon Kh'aa Fandos, Comte des Marches de Fandos à être déchus de ses titres qui serons remis à son neveu, Gibergeon Kh'aa Nylas. Le Coupable sera de plus, roué, écorché vif, émasculé, écartelé et enfin pendu jusqu'à ce que mort s'en suive. Son cadavre sera jeté dans le Désert de Sable, afin que chacun sache que jamais le Trône ne laissera un crime, quel qu'il soit et contre qui que se soit, impunis. Le nom de Tritonon Kh'aa Fandos sera porté dans les livres d'histoire comme porteur du Dédain Impérial. Aucun rite funéraire ne pourra être prodigué aux restes du coupable, si tant est qu'il y en ait. Le Régent tapa sur la bras du Trône. Que le coupable soit emmené au supplice.
Un silence de mort envahi la salle.
************************
Raistlin arpentait la pièce de long en large. L'archimage avait troqué son habituelle robe de lin, un peu usée au entournures et rapiécée de partout, pour une magnifique chose d'épaisse soir noire rehaussée de délicats filigranes d'argent. Sa longue crinière blanche était taillée de frais et retombait librement sur ses épaules.
Il sursauta lorsque son apprenti se racla la gorge pour signaler sa présence. Un masque de calme impassible glissa sur son visage.
- Ne joues pas ce jeu là avec moi, Raistlin Majere !
Je m'entraînais juste...
Bien sûr, on va dire ça...
L'archimage laissa son regard dériver autour de lui avant de revenir sur l'elfe. La robe qu'il portait, jumelle de la sienne, ouverte sur le torse de bronze le mettait furieusement en valeur.
Raistlin se mordit la lèvre, écarta vigoureusement des pensées par franchement dans l'air du temps et avala péniblement sa salive.
'Ca doit être le stress...' Ce dit-il en s'éloignant pour tenter de reprendre son calme et de dissimuler les preuves flagrantes de son intérêt pour l'elfe du regard inquisiteur de ce dernier.
Crois-tu qu'il va se passer ? demanda-t--il pour se changer les idées
Justarius et Dunbar vont probablement me passer un savon pour ne leur avoir rien dit, ils essayeront probablement d'attenter à ta vie alors reste sur tes gardes. Ce que je crains le plus, c'est qu'ils tentent de nous prendre Shandra.
Nous sommes arrivés aux mêmes conclusions...
M'ENLEVER A VOUS, POURQUOI ? Cria la jeune fille qui avait prit la conversation en cours de route.
Allons, garde ton calme. Lui intima Pyra avec plus de rudesse dans la voix qu'elle n'en avait jamais eut pour la jeune fille.
Tu es notre fille tout simplement, et ta capture représenterai un magnifique moyen de pression pour un Conclave qui fait probablement sous lui depuis deux semaines qu'il a appris la présence de ta mère.
Mais c'est idiot !
L'idiotie n'est pas l'apanage des chevaliers solamniques, ma chérie.
C'est de ma faute...
Les deux hommes haussèrent les épaules de concert.
Raistlin fit tourner sa fille pour l'avoir face à lui et l'observa longuement des pieds à la tête.
Il modifia l'emplacement de certaines coutures, remonta les épaules, ajusta la taille...
Quand il eut terminé, la jeune fille était stupéfiante et même Pyra ne put retenir un sifflement d'admiration.
Je te dois des excuses, Raist. Elle est magnifique...Et personne ne peut se tromper sur son âge !
C'était un peu le but de l'opération.
Dalamar s'approcha à son tour. Solennellement, il passa autour du cou de sa fille un pendentif. Une larme d'ambre se nicha sur la gorge de l'adolescente. L'elfe lui tendit ensuite un bracelet et des boucles d'oreilles du même matériau et l'aida à les mettre. Il recula à son tour.
Ils appartenaient à ma mère. J'ai un certain nombre de grief envers mon frère, mais comme nous n'avons pas de sœur, il a préféré me les faire parvenir plutôt que de les voir perdre; il n'a jamais été du genre à se marier...
Shandra baissa les cils et rougit légèrement. Une petite flamme irrévérencieuse apparut dans son regard.
Les trois adultes éclatèrent de rire. Myraël choisit ce moment pour entrer dans la pièce. Pyra s'approcha de lui et le souleva dans ses bras.
Bien, pendant que notre famille infernale va faire le mariolle à Wayreth, que dirais-tu d'aller en ville faire un peu de lèche-vitrine. Tu aimes les crêpes ?
L'enfant hocha vigoureusement la tête avant de se remettre à sucer son pouce.
************************
Le Comte était livide. Tous pensaient qu'il s'en sortirait avec une vague réprimande et une amende. Mais une telle sentence ! Une joie mauvaise gonfla au cœur de la foule et un tonnerre d'acclamations fusa en direction du trône.
Le régent retint un sourire satisfait.
La sentence est exécutoire dans une heure, le temps que les bourreaux préparent leur matériel.
Le condamné se réveilla enfin.
NON, VOUS NE POUVEZ PAS FAIRE CELA ! SEULE LA REINE PEUT ORDONNER UNE EXECUTION ! VOUS N'ETES QU'UN INTRIGANT. NOUS AURONS TA PEAU ! Hurla-t-il.
Hamelet fit un geste et l'homme, hurlant et gesticulant, fut emmené en cellule.
Envoyez lui un prêtre, qu'il puisse méditer sur ses péchés. Concéda le Régent, magnanime.
La foule ne l'en acclama que davantage.
************************
Justarius, assis à son bureau de la Tour de Wayreth, fixait sans les voir les pages jaunies d'un épais livre d'histoire.
On toqua à sa porte et il sursauta si fort que son ouvrage chut au sol. Il se leva, le ramassa et prit le temps de se donner une contenance.
Il ouvrit la porte.
Un de ses apprentis dansait d'un pieds sur l'autre, visiblement très mal à l'aise.
- Maître, ils sont là...
Le Chef du Conclave tressaillit.
- Où ?
- En bas, dans le Grand Hall.
- Qu'ils montent dans la Salle du Conclave.
Tous les trois ?
Tous les trois.
L'apprenti s'inclina brièvement et s'éclipsa.
Le robe rouge referma la porte, et, constatant que ses mains tremblaient, il se versa un grand verre d'alcool fort. Il l'englouti cul-sec et s'appuya sur le meuble de châtaigner. Il soupira bruyamment et pris son courage à deux mains.
- C'est moi qui l'ai voulu.
************************
Palin était tout joyeux. Il avait fêté son seizième anniversaire, même Gilthas était venu, son père avait dut faire la leçon à ses frères car ils lui fichaient une paix royale, même sa mère semblait s'être fait une raison quand à son choix de carrière.
La vie était merveilleuse.
2 ème Epoque : Chapitre IX
Jugements
Tour de Haute Sorcellerie, Wayreth
Escortés par un apprenti de chaque ordre depuis leur entrée dans la foret, les deux archimages avaient les pires difficultés à retenir leur hilarité.
Dalamar croisa le regard de Raistlin et pouffa. Il transforma bien vite son rire en quinte de toux et s'amusa davantage du bond terrifié des trois jeunes gens à ce bruit incongrus.
La situation menaçant de leur échapper des mains, les archimages endossèrent leur personnalité de parade : hauteur, distance et un rien de mépris pour l'elfe, cruel cynisme et froideur polaire pour Raistlin.
Shandra les vit se caparaçonner et leur lança un regard mi-inquiet, mi-étonné. Un battement de paupière apaisant des deux hommes la rassurèrent. Le Jeu commençait. A son tour, elle se retrancha derrière une attitude calme, posée et souriante.
Ils entrèrent dans le Grand Hall. Les trois apprentis leur demandèrent de patienter quelques instants et s'éclipsèrent.
Shandra eut tout le temps de s'extasier devant la Tour sous les regards intérieurement attendris de ses pères.
Enfin, un jeune homme portant la robe rouge s'approcha d'eux. Visiblement terrifié, il faisait des efforts méritoires pour ne pas le monter.
- Si vous voulez bien me suivre, le Conclave vous attends la-haut.
La petite famille suivit, bien inutilement d'ailleurs, son guide et entra dans la grande salle ronde qui permettait aux mages de haut rang de se réunir.
Assis dans de lourds fauteuils de bois massif, les archimages réunis en cercle autour des deux archimages noirs et de leur fille faisaient plus penser à un tribunal qu'à autre chose.
- 'Allons, hardis les enfants ! Ils ne m'ont pas encore remplacés.' Pensa Dalamar en voyant le siège du Maître des Robes Noires vide.
Raistlin fronça les sourcils - et s'amusa du mouvement de recul de plusieurs des mages - en constatant qu'aucun siège n'avait été prévu pour eux. D'une pensée, il intima l'ordre à Dalamar d'aller prendre sa place puis, le plus tranquillement du monde, il alla se placer devant deux des archimages assit sur les sièges à la droite de celui de Dalamar. Il avait été femme, et bien des choses lui avaient été enseignées pendant cette période. Si son "oeil noir" n'avait pas la force de celui de Pyra, le long regard qui ne cillait pas qu'il dédia aux mages eut l'effet escompté. Ils se levèrent d'un bond et leur laissèrent la place, à lui et à sa fille.
- Merci infiniment ! Les remercia-t-il sur un ton qui aurait congelé un troupeau de dragons rouge en vol.
Un flottement passa dans l'assistance.
Justarius se racla la gorge, tous les regards convergèrent vers lui.
- Dalamar, le conseil s'est réuni pour toi. Que tu nous ai caché la présence de Raistlin pendant de si longs mois mets en doute ton application et ton dévouement vis-à-vis du Conclave. Si tu n'as pas d'explication suffisamment plausible, nous serons dans l'obligation de te retirer ton poste de Chef des Robes Noires.
Dalamar n'esquissa pas un geste. Rien dans son maintien ne trahis sa colère. Il se leva à son tour et dédia à l'auguste assemblée un sourire carnassier.
- Me voilà rassuré, je pensais naïvement qu'un cercle si ouvert intellectuellement était dépourvu de sentiment tels que la mesquinerie ,mais je vois qu'il n'en est rien. Finalement l'élitisme forcené de ce cercle n'en a que camouflé la bigoterie et la bêtise.
L'assemblée entière s'agita et l'elfe leva les mains pour demander le calme.
Raistlin retint un rugissement de rire .
- 'C'est un discours politique Shandra. Laissons le s'amuser. 'Informa-t-il sa fille d'une pensée.
- ' Que va-t-il leur dire ? '
- 'Mais tout ma chérie, absolument tout ! Et de la manière la plus insupportable et la plus choquante possibles pour eux. C'est toute la raison de ta présence ici. Regards les coups d'œil qu'ils te jettent . Ils ne savent pas qui tu es. Tous pensaient que c'est un apprenti qui nous accompagnerait, pas une jeune fille belle à damner un saint, visiblement demi elfe et qui ne ressemble... Ils ont peur... et si tu savais ce que c'est bon!'
Shandra lança un regard madré à son père.
- 'Ah, les mages !' conclut-elle, aveugle au regard scandalisé que lui jetèrent ses pères.
********************
Varune, Cour Intérieure du Palais / Anciennes salles de tortures
L'exécution dura longtemps. Les bourreaux connaissaient leur affaire. Le comte Tritonon mit plus de dix heures à mourir. Ses cris réjouirent énormément le peuple.
Hamelet de Varune referma la lourde porte derrière lui. Il battit le briquet et s'avança dans le tunnel obscur. un flamboiement salua son arrivée et les yeux de la statuette s'illuminèrent.
- Alors ? Quel effet cela fait-il de décider de la vie bande ou de la mort d'un homme.
Le régent se rengorgea de.
- Atroce, c'est atroce. Quelle jouissance... demandez-moi ce que vous voulez ma Reine ! Je vous appartiens.
********************
Dalamar attendit un instant de plus que le brouhaha se soit calmé.
- Justarius, tu parles de longs mois, mais cela fait près de quinze ans que Raistlin a quitté les Abysses. Demande à Crysania, c'est elle qui l'a soigné quand il est revenu. Ajouta-t-il pour prévenir le rugissement de protestation de l'archimage rouge.
Il se tourna vers Raistlin.
- Me permets-tu de faire un petit compte-rendu des événements, mon chéri ?
Plusieurs mages s'étouffèrent à moitié, Raistlin aussi mais pas pour la même raison.
- Fais mon chou, fais... Répondit-il en imitant le ton subjectif de Pyra.
- Bien, pour commencer, Raist est donc revenu il y a quinze ans, en très mauvais état. Comme je ne savais pas quoi faire, j'ai demandé de l'aide à Crysania qui l'a soigné. Quand il s'est réveillé, nous avons constatés qu'il ne se souvenait de rien. D'un commun accord, nous avons décidés de lui taire son passé en espérant le "remettre dans le droit chemin". Cela à relativement bien fonctionné, jusqu'au moment où la curiosité de chaton nouveau né dont il sait faire preuve s'est réveillée. Comme je lui refusait toute information un tant soit peu précise, il m'a drogué et s'est rendu à la Bibliothèque. Astinus lui a fourni un compte-rendu non expurgé de sa vie, ce qu'il a supporté très moyen. Moyen au point de s'en ouvrir les veines. Nous l'avons sauvé de justesse...
Un tollé général s'éleva. Dunbar sauta par dessus son fauteuil.
- Et tu veux nous faire croire ça ? Il porte toujours la robe noire il me semble.
- Quel rapport ? Demanda Dalamar, piqué.
Raistlin se leva avant que Dalamar ne s'énerve. Il lui posa une main sur l'épaule.
- Il m'appartient de répondre, mon ami.
Il s'approcha de Dunbar et releva ses manches. Sur ses poignets, de profondes cicatrices blanches barraient les chairs, visibles témoins de sa tentative de suicide.
Dunbar ferma la bouche avec un bruit audible et se rassit.
Justarius, qui avait put lui aussi voir les marques, avala sa salive.
Raistlin se rassit.
Dalamar reprit.
- Puis, nous sommes devenus amis, et non plus maître et élève, j'ai été convoqué ici pour "l'affaire des golems", nous y sommes allés tous les deux, et sur le chemin de Leynav, des golems nous ont attaqués. Un sort inachevé de ma part c'est combiné à celui de Raistlin et menaçait de faire de gros dégâts. Pyra, présente sur les lieux a réussi tant bien que mal à contenir le sort et seul Raistlin à eut à en subir les effets. Je dois dire d'ailleurs qu'il est bien plus sexy en femme qu'en homme et je peux vous certifier que la transformation a été des plus complète. Mais ce n'est pas notre propos. Ne me laisser pas digresser comme ça, voulez vous ! Ajouta l'elfe en réponse aux regards incrédules de l'assistance.
- Pour faire court. Reprit-il. Disons que nous nous sommes mit en chasse, que nous avons fait la connaissance de Pyra, que nous avons eut d'édifiantes conversations avec elle et que Raist à plus ou moins décidé de tester les petites choses affriolantes dont le sort l'avait doté, que voyant que je n'appréciait que très moyen de le voir faire joujou avec Valoran -- dont nous ne connaissions alors pas le rôle -- il a, sur les mises en garde de Pyra, choisit de passer à des essais plus...heu... physiques en me prenant comme "testeur"...
Un rugissement de rire naquit derrière l'elfe qui se retourna. Effondré sur son fauteuil, un très vieux robe blanche se gondolait. Il parvint à reprendre en partie son sérieux et essuya les larmes de rire qui coulaient sur ses joues.
- Attends, je résume : Raistlin Majere a été transformé en gonzesse somptueuse, tu était jaloux comme un pou qu'il aille voir ailleurs, et tu lui ai passé dessus ! L'hilarité du vieillard le repris.
Raistlin intervint, aveugle aux regard exorbités que lui lançait l'assemblée.
- Ce n'est pas tout à fait juste, Debranjo. C'est moi qui lui ai fait du rentre-dedans. Pas l'inverse.
- Heu...C'était à la limite du viol, quand même, hein...Lui rappela Dalamar.
- Ca n'a pas eut l'air de te déplaire sur le coup.
- Entre Pyra et toi qui passiez votre temps à vous agiter sous mon nez dans des tenues pas spécialement pudiques, comment voulais-tu que cela ne finisse pas par me mettre le feu au sang !
Debranjo redoubla d'hilarité et s'étrangla à moitié. Un de ses voisins dut lui taper dans le dos pour le calmer.
Justarius se prit la tête dans les mains.
Cette session devait être un tribunal exceptionnel, et cela tournait à la farce ! Il soupira, ce demandant ce qu'ils allaient encore subir.
************************
Dans les Abysses, la Reine de Toutes les Couleurs et d'Aucune se permit un sourire satisfait.
- Des enfants.
- Quoi ? Demanda Hamelet, troublé.
- Je veux que tu m'apporte des enfants. Leur force m'ouvrira un passage cers Krynn.
L'homme s'agenouilla.
- Nomme les, Ô ma Reine.
Une jubilation cruelle fit éclater de rire la Déesse.
Frissonnant, Sargonnas essuya la flaque de bière qui s'était répandue sur ses vêtements. Une pointe de peur étreignit son cœur immortel.
************************
- Bien, reprenons. Après avoir fait mumuse entre les couvertures, nous nous sommes quand même mis au boulot, après tout c'est pour ça qu'on nous paye. Nous avons réussi à circonvenir les golems et nous nous sommes lancés dans une opération de nettoyage à grande échelle. Ce que nous ne savions pas, c'est que: Petit un, Valoran était un agent de la Reine Noire; petit deux, qu'il en pinçait pour Raist et qu'il était près à tout pour l'avoir; et enfin petit trois, que Raist attendait un enfant.
Un ange passa. Tous les regards convergèrent vers Raistlin qui se leva et fit signe à Shandra de l'imiter. Il lui prit la main et la présenta.
- Mes chers confrères, Notre fille, Shandra. Finit-il avec un sourire doux à l'elfe avant que son masque impassible ne revienne en place.
Shandra se fendit d'une élégante révérence.
- Messires...
Ils se rassirent.
Dalamar continua.
- Nous sommes donc tombés dans un piège, Raist à été enlevé, affaibli qu'il l'était par sa grossesse et le combat que nous venions de mener. J'ai été gravement blessé et toute l'opération c'est fini en fiasco. Pyra m'a soignée, et nous nous sommes mit à la recherche de Raist et Valoran. Comme ils étaient protégés par un bouclier, nous n'arrivions pas à les trouver.
Il se tut et Raistlin reprit à son tour.
- Je me suis réveillé enchaîné et bâillonné, Valoran a utilisé une statuette-sangsue pour me vider de toute magie, ce qui a parfaitement fonctionné. Comme j'était plus impuissant qu'un poussin nouveau-né, il en a profité pour tenter de me violer. Les traits de l'archimage exprimèrent une terreur rétrospective aussi violente que fugitive. Une de ses voisines lui lança un regard compatissant et lui tapota le bras. Il la remercia d'un sourire triste. Je ne sais toujours pas comment j'y ai échappé, mentit-il, mais Valoran a été assommé pendant l'échange de coups. Comme il ne m'avait pas enlevé mon arme, je me suis libéré et j'ai tenté de fuir. Je me suis retrouvé nez à nez avec un dragon rouge métamorphosé en familier ai été repris. Valoran m'a battu comme plâtre et Amiel m'a informé que j'attendais Shandra. A partir de ce moment là, Valoran a totalement changé d'attitude envers moi et a été très gentil. C'est lui qui m'a fait sortit du bouclier, ce qui a permit à Dalamar et Pyra de me retrouver.
Nous nous sommes précipités et avons attaqué. Valoran a refusé d'obéir à la Reine pour protéger Shandra. Amiel a repris sa vrai forme et a tué les autres familiers de Valoran qui est devenu fou de douleur. Pyra a tenté une attaque suicide en plantant une épée dans le crane du bestiau avant de s'effondrer grièvement blessée. Raist a invoqué un orage monstrueux. Un éclair à foudroyé le dragon et lui a grillé le cerveau. Finalement, nous avons soignés Pyra, elle a endormit Raist pendant cinq mois pour éviter que le bébé ne souffre du choc en retour puis Raist a accouché chez son frère avant de reprendre une forme plus virile quand Shand avait dix-huit mois. Voilà.
Justarius balaya l'assemblé du regard. Nulle part il ne voyait la peur, la répulsion ou la haine qui existaient avant le récit de Dalamar. Tous les mages étaient, qui amusé, qui attendri, qui incrédule...
Dunbar se leva.
- Je dois dire, que lorsque vous êtes arrivés ici, je m'attendais au pire. Mais maintenant...Je ne sais plus. En quinze ans nous n'avons pas entendus parler de vous, et personnellement, j'apprécierais assez que cela continue. De toute façon, aucun de nous n'est de taille à lutter contre vous. Je vote pour le maintient de Dalamar à ses fonctions. Le cas de Raistlin ne peut être régit par le Conclave. Puisque Paladine lui-même lui a donné une seconde chance, qui sommes nous pour arguer du contraire...
Les mages assemblés approuvèrent bruyamment .
Justarius n'eut plus qu'a s'incliner.
Il fit une dernière tentative.
- Votre fille dispose d'un potentiel fabuleux, il serait dommage qu'elle n'apprenne pas à s'en servir. Wayreth sera toujours l'endroit idéal pour cela. Insinua-t-il avec autant de délicatesse qu'un éléphant ivre dansant le sirtaki dans un temple de Mishakal.
Raistlin et Dalamar allaient répondre vertement quand Shandra les devança.
- Je vous remercie, Maître du Conclave, mais mes pères et l'Ecole du Temple de Paladine me dispensent toute l'éducation qu'il m'est nécessaire. Et je ne conçoit pas de quitter ma famille si jeune.
Justarius baissa la tête, totalement vaincu.
- Puisque tout est réglé, nous allons nous retirer. Sourit Dalamar.
************************
Varune, Tour de Sandor, Maître Mage Impérial.
- Oncle Sandor ? Demanda timidement le jeune homme.
- Oui Estéhaulan ?
- J'ai fait un rêve bizarre...
- Quel genre ?
- J'ai vu une femme, rousse, très grande, avec des yeux gris acier, accompagnée d'un loup, d'une panthère et d'un corbeau. Sur le flanc, elle avait une épée d'acier grossier. A ses côtés, j'ai également vu deux hommes, un brun et un aux cheveux blancs. Celui aux cheveux noirs avait des oreilles bizarre, pointues...
Le vieux mage fronça les sourcils, se leva et posa une main sur le front de son arrière-arrière-arrière...petit neveu.
- Je ne crois pas que ce soit un rêve, mon petit.
- Quoi ?
- Une précognition plutôt.
Le jeune homme pencha la tête sur la côté, attendant une explication.
2 ème Epoque : Chapitre X
Garde Noire
Varune
Le régent arpenta nerveusement la chambre d'auberge qu'il avait, anonymement, loué. Il jeta un coup d'œil à la clepsydre et lâcha un juron fumant. Il se dirigea vers ses fontes et en sortit une flasque de voyage. Il engloutit une grande gorgée du vin de miel qu'elle contenait et alla s'asseoir à la petite table de noyer. Il ouvrit un livre devant lui . une impression oppressante lui glaça la nuque et une peur irraisonnée lui mordit les entrailles.
Il se retourna.
Les ombres de la pièce se firent plus denses et s'approchèrent de l'homme. Il combattit l'instinct qui lui ordonnait de prendre la fuite et attendit extérieurement impassible que se concrétisent les ténèbres qu'il avait invoqué.
Une longue silhouette sortit de nulle part et planta son regard dans celui du Régent. Aucune servilité, aucune envie de plaire me luisaient dans ses yeux gris acier. Le nouveau venu dans rejeta une mèche bleutée derrière son épaule et annexa d'autorité la seconde chaise de la pièce.
Le régent se raidit et retint les paroles offensées qu'il avait sur la langue.
- Vous êtes seul ? Demanda le régent.
- Non.
L'homme, tout d'ébène vêtus eut un petit geste de la main. Les ténèbres accouchèrent de huit autres formes sombres. Deux elfes s'appuyèrent contre la seule porte de la pièce, trois des quatre humains restants annexèrent le lit tandis qu'un demi-elfe et le dernier humain s'assirent dos au mur. Le seul nain de la petite troupe prit place près de la fenêtre.
Le Régent avala péniblement sa salive. Le Chef de la Garde Noire se permit un sourire froid.
Je suis Ripper. Se présenta-t-il.
Hamelet sursauta devant le surnom, son malaise augmentant. Il se contenta d'acquiescer de la tête.
Voici Sypher, Taradon, Baxter et Lebannon. Reprit-t-il en présentant les humain. Les elfes sont Apher et Exers, le demi-elfe, Hicks et le nain Chelinox.
Les huit Gardes ne saluèrent même pas le Régent de la tête, se contentant de le fixer sans la moindre émotion.
L'époux de la Reine s'agita sur son siège et se pencha pour sortir un parchemin de son sac. En se redressant, il eut la surprise de voir les neuf hommes d'élite du royaume, une arme à la main et près à lui sauter dessus.
Ripper rengaina son arme si vite que Hamelet ne put voir où il la rangeait.
Pensez à nous prévenir avant de balader vos mains partout. Il serait regrettable que vous vous mangiez neuf fois cinq pouces d'acier. Nous serions bien sûr très, très, désolés après, mais vous, vous seriez très, très, mort. Ce qui serait dommage... Enfin pour vous. Expliqua le Chef de la Garde avec rictus carnassier.
Le Régent ne supporta plus guère le temps supérieur de l'homme.
Vous vous oubliez, Ripper ! Cracha-t-il comme une insulte.
Les Gardes se tendirent, leur chef eut un geste d'apaisement.
Je suis et je reste à votre Régent. Votre existence est conditionnée par mon bon vouloir. Un mot de ma part, et vous serez traqués jusqu'aux confins des Abysses et mis à mort de la plus horribles façon.
Comme vous avez fait exécuter le comte Tritonon ?
Le Régent, se permit un sourire froid son tour.
- Je m'entraînais juste avant de passer aux choses sérieuses.
Un éclair obscur voila le regard de Ripper.
- Rares sont ceux qui ont eut le cran de me parler sur ce ton. Plus rares encore sont ceux qui y ont survécu. Toutefois, vous nous avez engagé. Que voulez-vous ?
Hamelet déroula lentement le parchemin qu'il avait sorti. Le Ripper se pencha en avant et ses hommes s'approchèrent. Une longue, très longue liste de noms et d'adresses s'étalait sur le rouleau.
- Voilà ce que je veux. Vous prendrez ce qu'il vous faut en armes, matériels et en hommes, aux frais du trône. Je veux que vous enleviez ces enfants.
Ripper lance un regard lourd au Régent.
- Qu'allez vous faire d'eux ?
- Aucun mal. Ils seront précieux pour mener des discussions diplomatiques avec la surface. Une bonne partie d'entre eux a de plus été sélectionnée par le Temple. Ce sont des enfants de familles pauvres, sans espoir d'améliorer leurs conditions. Servir la Dame devrait les amenés à vous suivre.
Le Chef de la Garde leva un sourcil, pas du tout dupe des excuses bidons du Régent.
- Les enfants soulignés en priorité je présume ?
- Exact.
- Vous les voulez vivants
- Vivant, en bon état, est capable de parler et de se déplacer eux-mêmes.
Ripper acquiesça de la tête.
- Combien ?
- 5000 par tête.
Le Régent s'étouffa à moitié.
- 1000.
- 4800.
- 1500.
- 4500.
- 2000. Grinça le Régent comme si on lui arrachait une dent.
- 4000.
- 3000.
- 3000, ça me va. Accepta Ripper.
Les deux hommes topèrent là et le Chef de la Garde rangea le parchemin dans une poche de son manteau. Il se leva.
- Je veux cinquante de vos meilleurs hommes. Des hommes de confiance. Prévenez-les qu'à la moindre incartade de leur part, ils seront exécutés sans préavis. Je veux des vivres pour un mois et soixante personnes. Un cheval de monte et un de bât par tête, je veux que ces hommes soient armés et capables de se défendre, je veux également dix longueurs de racines de brink, une avance sur salaire de 10% et deux milles de mieux par homme pour les faux frais.
Le Régent s'insurgea.
- Vous voulez pas un mage en plus tant qu'on y ai? Je peux demander à Sandor de venir avec vous aussi !
- Merci, mais ça, j'ai. Et oncle Sandor ne serait pas ravi que je le dérange pour ça.
Hamelet releva la tête avec suspicion.
- Que voulez vous dire par "Oncle Sandor" ?
- Vous occupez pas...
Le Régent pesta encore quelques instant mais finit par céder.
- Très bien, quand partez vous ?
- Combien vous faut-il pour nous fournir ?
- Une semaine.
- Alors nous partirons dans dix jours? Qu'hommes et matériel nous attendent à l'entrée de L'Allée de la Reine, à l'aube.
Le Régent nota les dispositions prises sur un petit calepin.
- Dernière chose, Vous devez être revenu ici, avec les enfants d'ici un an.
- Très bien.
Comme si cela marquait le fin de la discussion, les neuf Gardes reculèrent dans les ombres. Un instant plus tard, le Régent était seul.
Il mit quelques secondes pour s'assurer que tout le monde avait quitté la pièce et sortit un médaillon de sous sa tunique. Il le serra fort dans sa main.
- Ma Reine, c'est fait. Murmura-t-il. Et les premiers enfants sont à votre disposition.
Dans sa paume, le bijou tiédit.
************************
Abysses.
Takhisis se frottait les mains de satisfaction. Les premiers enfants qui lui avaient été sacrifiés avaient augmentés son pouvoir d'une façon qu'elle n'avait jamais imaginée, et elle se sentait assez forte pour réveiller quelques uns de ses serviteurs ailés. Elle s'abîma si bien dans la localisation des rares dragons suffisamment puissants pour la servir de façon utile qu'elle ne repéra pas la présence de Sargonnas.
Le Consort de la Reine fronça les sourcils. Les choses prenaient une tournure qu'il n'aimait pas du tout. Ravager la surface de Krynn, d'accord, c'était même l'un de ses sports favoris; mais ce débrouiller pour ce mettre à dos les plus puissants mages de Krynn et les Héros de la Lance, c'était déjà beaucoup plus moyen comme programme. A croire que la Reine avait une mémoire sélective. Elle aurait pourtant dut se rappeler comment Raistlin avait faillit la vaincre. Alors avec une demi-douzaine de mages de ce niveau ! Le Dieu-condor se passa les méninges à la débroussailleuse en quête d'une idée intelligente. Enfin, un petit éclair ce fit jour. L'idée était tellement retorse qu'il se demanda fugitivement si un certain dragon de platine n'avait pas le même but que lui en cet instant précis. Quelques secondes supplémentaires de réflexions l'assurèrent de la possible validité d'une telle hypothèse.
- NUITARI ! VIENS LA !
L'ombre fugitive de la lune noire se matérialisa devant lui.
- Quoi encore !
- J'ai besoin de ton aide.
- Pour ?
- Aider plusieurs de tes petits protégés.
- C'est nouveau ça...
- Raistlin et Dalamar ça te dit quelque chose ?
Le petite lune se voilà.
- Qu'est ce qui leur arrive encore ?
- Takhisis...
- ENCORE ?! Mais elle va pas les lâcher, non ! Que veux-tu que je fasse ?
- Tu sais les sorts qui pesaient sur Raistlin, les yeux, la santé, tout ça...
- Oui.
- J'aimerais que tu les réactivent? Juste quelques minutes. Ajouta-t-il avant que la petite déesse de la magie noire ne grimpe aux rideaux. Ces deux sorts sont plus ou moins rattachés à Takhisis dans son esprit. S'il se met à glavioter ses poumons de nouveau et à ravoir des visions, il devrait en déduire que la Vieille fait des siennes, non ?
- T'as trouvé ça tout seul ? Je suis impressionnée...
- T'es d'accord ?
- Ca marche...Mais en échange, je veux que tu fiche la paix à deux-trois personnes...
************************
Hicks grommelait dans sa barbe en s'éloignant de l'auberge. Il râlait tant et si bien qu'il se prit les pieds dans une racine et manqua s'étaler au sol. Ripper lui lança un sourire affectueux et l'aida à reprendre son équilibre.
Le jeune demi-elfe dégagea son bras avec colère et pesta à voix basse.
- Allons, qu'est ce qui te chagrine ?
- Les enfants...
- ...
- Je veux bien tuer, massacrer, empoisonner et voler qui tu veux, mais m'en prendre à des enfants ! Là je dis non ! Pour qui tu me prends à la fin, un monstre ?
Ripper soupira.
- Hicks...
Le demi-elfe refusa de croiser son regard.
- Declan...
Hicks leva timidement les yeux.
- Ripper...Hariel, tu dois me comprendre. Je ne peux pas faire de mal à un enfant ...
Le Chef de La Garde Noire jeta un regard à ses troupes.
- Vous êtes tous de son avis ?
Chelinox jeta un coup d'œil à son chef et lissa machinalement sa barbe châtaigne. Il s'avança un peu sur ses courte pattes.
- Je crois pouvoir parler pour tous. Si la sécurité des enfants est garantie et que tu ne laisses le Régent les utiliser que comme otages, et à la condition expresse que ce soit nous qui nous occupions d'eux, nous te suivons.
- Tout le monde est d'accord avec Floyd ?
Les sept opinèrent du bonnet.
- Et toi Declan ?
Hicks se balança d'un pied sur l'autre.
- Pas le moindre mal, hein ?
- Promis.
- Vrai ?
- Tu sais ce que vaut ma parole, demi-elfe...
Declan rougit.
- Très bien, je marche avec vous.
************************
Tour de Palanthas.
Raistlin et Dalamar revenait de Wayreth, bras dessus - bras dessous et hilares. Il firent signe à leur fille de les devancer et l'adolescente se rua dans la Tour pour sauter dans les bras de sa marraine dès qu'elle le put.
- Alors, comment ça c'est passé ? Questionna la princesse.
- Génial, tout bonnement génial. Mes pères ont été absolument fabuleux. La moitié des mages se pissaient dessus de rire, l'autre moitié hallucinait complètement...
- Le plus marrant, ça à quand même été la réaction de Justarius. Le pauv'vieux, il ne savait même plus où se mettre... Rigola Raistlin.
- C'est triste, hein ? Ajouta Dalamar.
- Je crois que j'arriverai à m'en remettre.
- Tu sais quel est ton problème, Shalafi ? Quelque part, tu as un mauvais fond.
- Et si tu savais ce que c'est bon...
Pyra se tapa le front d'un main et secoua la tête en riant.
- Tu vois, Myraël, ces deux types sont parmi les plus puissant individus cette foutue planète, et ils se conduisent comme des gamins. Tu est plus responsable qu'eux...
Raistlin jeta un regard scandalisé à la rouquine et s'appétait à répondre crûment lorsque qu'une douleur aiguë le plia en deux. Une violente quinte de toux lui déchira les poumons et il tomba à genoux.
Il toussa pendant de longues minutes.
Dalamar c'était porté près de lui et le soutenait de son mieux.
Paralysée, Shandra observait la scène surréaliste.
Enfin la quinte se calma et elle s'approcha de ses pères.
Pyra aida Raist à se redresser et tous purent voir le sang qui maculait le sol.
L'archimage tremblait convulsivement. Il leva les yeux sur sa fille et un petit cri d'horreur franchit ses lèvres tachées.
- Mes yeux ! Gémit-il
- Raist ? Qu'y a-t-il ?
- Mes yeux, mes yeux !...Ca recommence !
Pyra lança un coup d'œil interdit à Dalamar qui avait furieusement pâlit. Il lui fit un petit signe qui signifiait "plus tard" et revint à son maître.
Shandra se leva et prit le verre d'eau que Miraël était allé cherché. Elle le tendit à son père qui l'engloutit avidement.
Enfin, les tremblements de l'archimage se calmèrent.
- C'est finit.
- Mais qu'est ce qui t'es arrivé ?
- Je ne sais pas Pyra. Tout ce que je sais, c'est que ma santé déplorable était un payement à la Reine pour mon Art. Je croyait m'en être affranchit depuis le temps, mais...
- Ce serait dut à un regain d'activité de la Reine ?
- C'est possible.
- Où bien...
- Tout est possible, Pyra. Avec cette folle, tout est possible...
2 ème Epoque : Chapitre XI
Varune, sa vie, son œuvre...
(on s'en fout, Sandor !)
Varune, Tour du Maître Mage
Estéhaulan s'effondra un peu plus sur son siège. Il y avait deux choses qu'il détestait dans la vie. Les banquets qui duraient des heures et où des troupeaux de femelles en chaleurs lui faisait du charme en espérant lui mettre le grappin dessus, ses épaisses boucles rousses et ses doux yeux violets leurs faisant toujours un effet bœuf. Et les cours d'histoire d'oncle Sandor...
- 'Surtout les cours d'histoire d'oncle Sandor !' Ce décida-t-il devant l'arbre généalogique impérial.
- Nous disions donc que Varune Kh'aa Anthée, alors voleuse de son état, et son époux, Keleb Kh'aa Arawn, assassin de la guilde, accompagnés d'un petit millier de personnes quittèrent la surface et la Guerre des Dragon pour se réfugier ici. Les mages qui les avaient accompagnés et qui ne supportaient plus les restrictions de leurs ordres se spécialisèrent, et en quelques années ils furent capables d'ensorceler la Voûte pour en assurer la résistance et la cohésion. Les terramanciens créèrent les veines de quartz qui nous apportent la lumière du jour. Les hydromages appelèrent des torrents souterrains et créèrent le Lac et le Désert, les aethermanciens créèrent les courants qui nous assurent de l'air frais, et les pyromages firent jaillir le magma pour nous réchauffer. En vingt ans, l'Empire était viable et une nouvelle génération voyait le jour sous la surface. Varune fut couronnée en 3371 avant le Cataclysme, soit vingt ans avant sa mort, et Kamara, sa fille fut la seconde de nos Reines.
************************
Varune, Près de L'Allée de la Reine, Dix jours plus tard, Une heure avant l'aube.
Baxter secouait doucement Apher par l'épaule. Il sourit en le voyant arquer le dos comme un chat avant de se nicher plus étroitement entre les bras d'Exers. Il le secoua un peu plus rudement et l'elfe ouvrit les yeux. Instantanément, une dague se matérialisa dans sa paume et sous la gorge de l'humain.
- Connard ! Gémit Apher en remettant sa dague sous son oreiller.
- Encore de bonne humeur au réveil, toi ! Allez Sirdal, réveille Kilwan. Ripper nous veut au rapport dans une heure. Je vais réveiller les autres. Déclara le second d'Hariel en se relevant.
- Et tu nous réveille maintenant ?!
- Ce sont les ordres d'Hariel. Nous savons tous à quel point Exers peut être joueur au réveil. Ricana-t-il.
Une botte poursuivie Baxter jusque dehors.
************************
Sandor continuait son cour, imperturbable aux regard suppliants de son élève.
- A sa mort, la Guerre de l'Opale opposa ses filles Miranda et Arasha. Elles moururent en 3105 avec leurs époux dans une explosion qui rasa le premier Palais, sans avoir réussit à vider leur querelle. La guerre s'arrêta d'elle même, puisque Arasha n'avait pas de fille mais un fils, Chaël et c'est Alathéa Ière qui monta sur le trône. Les deux lignées impériales coexistèrent sans incidents jusqu'en 329 où Merine, l'impératrice de l'époque, épousa Domenic, le descendant d'Arasha et accessoirement mon père. Les deux lignées se croisèrent une fois encore lorsque notre précédente Reine, Sélianna épousa Darral, le dernier de la lignée bâtarde issue de Domenic et de sa maîtresse, Shaya...
Estéhaulan fit un effort méritoire pour ne pas hurler.
- Oncle Sandor, c'est très intéressant tout ça, mais en quoi ça me concerne. Tous ces gens sont morts depuis des cycles, je ne verrais jamais la surface, alors à quoi cela peut bien me servir...
Le vieux mage lui lança un regard qui ne cillait pas.
- Tu vis à Varune. Tu me remplaceras probablement quand je ne serais plus Maître Mage alors tu te dois de savoir tout cela pour les enseigner aux prochaines générations de rejetons impériaux.
- Vu comment est partie Dévadoris, je me demande si c'est vraiment la peine...
- J'ai entendu, 'Lan !
Le jeune homme haussa les épaules et s'abîma dans l'étude de l'arbre généalogique honnit.
- Dis...Pourquoi c'est Méléria qui est sur le trône en ce moment ? Elle n'est pas vraiment à sa place et il y a du monde pour la remplacer...
Sandor retint un petit sourire satisfait, il avait réussit à emmener le gamin là où il voulait.
************************
Hicks observait l'habituel échange d'aménités entre ses deux amis depuis le battant de sa tente et rit doucement.
Baxter leva les mains au ciel.
- Ah, les elfes !
Une seconde botte hargneuse le poursuivit, lancée cette fois par Declan.
************************
- Je ne sais si je dois te le dire...
- Je suis ton apprenti, non ?
- C'est pas une excuse...Jure de ne rien dire !
- Juré, sur les Puissances et la Dame.
- Bien. Vanda, l'aînée, est morte en 357 PC(1), soit un an avant Sélianna, Dévadoris, qui avait été l'une de mes apprenties, était partie pour la surface en 353 et n'est jamais revenue, Hariel est un mâle, Damon Sadric et Varzil également, Cassandra dirige l'armée et n'aurait jamais voulue la quitter pour faire mumuse avec les courtisans, il vaut mieux d'ailleurs, sinon y aurait eut des morts.... Dersandre à disparue, officiellement on ne sait ni où, ni comment. Comme pour Dévadoris en fait...
- Et officieusement, tu sais où elles sont ?
- J'ai eut des nouvelles... Avoua le vieux mage en restant dans le vague.
- Et Fiorel et Faeryl ?
- Les jumeaux ? Ils élèvent des chevaux dans le Désert. Et jamais Faeryl ne voudrait quitter son frère...
************************
Ripper passa en revue le tenue de sa petite troupe.
- Messieurs, exceptionnellement nous allons travailler avec des troupes régulières. Soyez corrects avec eux, ne cherchez pas la bagarre, mais ne vous laissez pas marcher sur les pieds. N'oubliez pas que quelque soit leur lignée, leur rang ou leur pedigree, vous êtes d'un rang supérieur au leur. Ils vous doivent le respect et l'obéissance. N'oubliez pas non plus qui vous êtes ni quelle est notre réputation. Je sais que vous avez rejoint la Garde pour être libre de vos mouvements...Aussi, Exers, Apher, cela me dérange de vous demander cela, mais vous devrez mettre la pédale douce sur vos jeux...le terme était peut-être mal choisit. S'excusa l'homme devant les coup d'œil hilares que lui jetèrent ses hommes.
Les deux elfes esquissèrent un sourire.
- Bah, ne t'inquiètes pas, on se fera passer pour frères. Ca limitera les questions...
- Si vous voulez. Les soldats qui vont nous rejoindre sont titrés, mais ce ne sont que des bouseux à la morale étriquée. Hicks, tu as la permission de te monter aussi hautain, mystérieux et méprisant que tu veux, Chelinox...Floyd, je te parle !
Le nain reporta son attention sur son patron et parvint à prendre l'air confus.
- Joue ton rôle de roquet agressif et borné, ça fait toujours bien dans le paysage. Sypher et Taradon, vous êtes préposés à l'intendance. Baxter, tu feras le tampon entre le chef des bouseux et nous. Des questions ?
Kilwan leva la main.
- Qui s'occuperas des enfants ?
- Il y aura au moins trois élèves mages parmi eux. Vous vous en occuperez tous les deux, Sirdal et toi.
Declan renâcla.
- Ils auront probablement besoin d'un soutient culinaire et médical...Declan ? Cela te gênerait-il ?
- Bien sur que non ! S'emporta le demi-elfe en haussant les épaules.
Ripper se tut et observa pensivement sa petite troupe. Un élan d'affection lui réchauffa le cœur. Devant lui, la seule vraie famille qu'il ait jamais eut, et qu'il ait jamais désiré attendait ses ordres dans une confiance si totale qu'elle confinait à l'adoration.
- Rompez !
Les huit hommes rejoignirent leurs tentes et les démontèrent.
Hariel resta seul devant les braises rougeoyantes du foyer.
************************
Estéhaulan laissa son regard dériver par la fenêtre. La Voûte obscurcissait les jardins en cette heure matinale et les veines de quartz ne charriaient encore qu'une infime lumière...Probablement l'une des lunes...
- Tu crois que je verrai un jour la surface ?
- C'est possible. Eluda Sandor.
Comme son père adoptif semblait en veine de confessions, le jeune homme osa poser la question qui lui brûlait la langue depuis des années.
- Oncle... Comment elle était ma mère ?
Sandor soupira bruyamment.
- Très belle, avec un caractère de cochon, très vive et intelligente et d'un optimisme à toute épreuve. Elle a été mon apprentie pendant quelques temps, avant que de disparaître à ta naissance...
- J'aurais aimé la rencontrer...
- Tu l'a vu...
- QUOI ? Je ne l'ai jamais rencontrée !
- Je sais, c'eût été dur, et je n'ai pas dit que tu l'avait rencontrée, j'ai dit que tu l'avais vu.
Estéhaulan resta un instant estomaqué.
- Si c'est un plaisanterie, c'est pas drôle...
- C'est pourtant la vérité. Mais laissons ça de côté. Reprenons les exercices pour le contrôle des précognitions...
Le jeune homme jeta un regard mauvais à son maître mais s'exécuta.
************************
Allée de la Reine, milieu de la matinée.
La Garde Noire perçut la présence de la cinquantaine d'hommes du Régent bien avant que de les voir.
Ils s'avancèrent au pas et entrèrent dans le campement.
Un gradé glapit avec toute la délicatesse d'un sergent instructeur.
- Gaaarde à vouuuus !! Bande de moules !
Les hommes se levèrent péniblement et tentèrent tout aussi laborieusement de se ranger en bon ordre.
Ripper présenta un sourire froid et arrêta sa monture.
Sans bouger les lèvres, il chuchota à ses hommes.
- Et ce sont des troupes d'élites ! Je ne voudrait pas voir les autres.
- T'avais qu'a demander à ta sœur. Répondit pareillement Baxter.
- On est un peu en froid tous les deux.
La Garde Noire se déploya derrière Hariel, prenant automatiquement une formation en diamant et ils attendirent les ordres, ne jetant pas même un regard au ramassis hétéroclite de "combattants" que leurs fournissait le Trône.
Sur un signe imperceptible de leur chef pour tout autre qu'eux, les Gardes démontèrent.
Ripper compta mentalement jusqu'à dix pour se calmer et s'adressa à celui des soldats qui paraissait le plus gradé.
- Lieutenant ? Où est votre Chef ?
- Le...Le général Mariathon dort encore, monsieur.
- Eh bien, allez le réveiller !
- Monseigneur, la troupe...
- Je m'en occupe. Autant que nous fassions connaissance de suite. Allez me chercher la tortue paresseuse qui dirige "ça"!
Le lieutenant s'inclina et courut vers une tente somptueuse montée un peu à l'écart.
- Un Kh'aa Dian. Je déteste les Kh'aa Dian. Grommela Baxter lorsque le général s'approcha, visiblement outragé d'avoir été dérangé.
- Quel est donc ce tapage. Que voulez vous ?
- Le Régent ne vous à pas informé.
- Nous sommes sensés attendre ici la Garde Noire et nous mettre sous ses ordres. Renifla-t-il avec dégoût.
Ripper eut un sourire méchant.
- Nous SOMMES la Garde Noire. Je prends le commandement de votre unité. Faites démonter le camp et débrouillez-vous pour que vos hommes ressemblent à quelque chose. Ils ne vont certainement pas faire mourir de peur qui que ce soit comme ça. De rire sûrement, mais ce n'est pas le but recherché. Nous partons dans une heure. La surface ne nous attendras pas.
Le Général resta un instant ahuri avant de dévisager chacun des neuf Gardes.
Ses hommes furent tout aussi abasourdis.
Devant eux se tenaient la Troupe d'Elite qui cristallisait depuis près de vingt cinq siècles des rivières de sang, des milliers de morts, des centaines de meurtres et de vols de grande envergure...Et ils n'étaient que neuf ! Plusieurs hommes chuchotèrent en reconnaissant un nain et des elfes, races qui n'existait à Varune que dans les livres d'histoire et d'anatomie comparée.
Mariathon se reprit et se rebella.
- Je n'ai pas à suivre vos ordres. Vous ne pouvez être ceux que vous dites. Les ordres du Régent sont ma priorité. Prouvez vos dire si vous voulez que j'obéisse !
Ripper soupira d'agacement.
- Dois-je vous rappeler les termes de notre contrat ? Soit vous obéissez, soit vous mourrez.
- Vous n'oserez pas assassiner un Général et un membre de la Famille Dian ! Affirma platement Mariathon.
Hariel eut un geste infime et Lebannon dégaina sa hache de guerre. Avant que quiconque n'ait eut le temps de réagir, le fil de l'arme rougit et la tête du Général roula dans la poussière.
Hariel se tourna vers le lieutenant.
- Capitaine ?...
- Heu...Rif, Monsieur.
- Capitaine Rif, veuillez faire suivre mes ordres je vous prie.
- A...A vos ordres, Monsieur ?
- Ripper, tout simplement. Mon nom, comme celui de mes hommes est un titre en lui même.
- Bien monsie..Ripper. Accepta le capitaine fraîchement nommé en claquant des talons.
Rif rassembla ses hommes et leur distribua leurs ordres.
Une heure plus tard, la colonne de cavaliers entrait dans le tunnel étroit qui les mèneraient à la surface.
Ripper eut un sourire sans joie lorsque la lumière du soleil que leur apportait le quartz disparut et qu'il fallut allumer des torches.
************************
- C'est assez pour aujourd'hui Estéhaulan. Nous allons voir autre chose. Elle devrait être prête à cette heure.
- Elle ? Qui ?
- Mon arrière-arrière-arrière... petite nièce.
- L'Héritière ?
- Elle à six ans depuis hier. Il est tant pour elle de commencer son apprentissage de la magie.
Le jeune homme eut une petite moue irrité. Il n'avait pas vraiment envie de devoir partager les attentions de son maître avec une gamine retardée.
Il alla tout de même chercher l'enfant dans les appartements impériaux la ramena à Sandor.
- Bonjour Deva, je suis ton oncle Sandor. Lui, c'est nom apprenti, 'Lan. Veux-tu que nous commencions.
- Oui oncle Sandor. Je veux bien. Lui répondit l'enfant d'une petite voix fluette.
Estéhaulan lança un regard interloqué à la petite fille qui lui tendit les bras pour qu'il la porte jusqu'à sa chaise.
