Texte écrit rapidement hier sur un téléphone entre deux et trois heures du matin. Aujourd'hui levons tous nos baguettes et nos parapluies en pleurant en silence.

Reposez en paix Robbie Coltrane. Pendant plus de vingt ans, vous avez fait rêver des milliers d'enfants qu'un jour, un géant vienne par une porte pour nous emmener.


Harry avait froid. Son corps était glacé malgré les flammes qu'il savait brûlantes dansant dans l'âtre de la cheminée. Mais les faits étaient là. Harry avait froid. Ses yeux verts fixés la chaise en bois vide sans jamais dériver ailleurs. Pourtant à un moment ou à un autre il devrait le faire. Mais pas maintenant. Pas encore. Il avait conscience du bruit tout autour de lui, sans que ce dernier n'atteigne ses oreilles. A la place, il sentait plus un bourdonnement qu'autre chose.

Mais avant tout, Harry avait froid.

- Merci à vous tous d'être venu. Souffla une voix féminine dans les airs.

- C'est normal professeur. Hagrid est ... était ... Je ... Continua une autre avant de se muer en sanglots.

Il savait qu'il s'agissait d'Hermione pleurant auprès de leur ancienne directrice de maison mais il n'arrivait à regarder ailleurs qu'en direction de la chaise délaissée. A vrai dire, il n'arrivait même pas à les comprendre. Ses pupilles refusaient de regarder ailleurs. Ginny était quelque part avec les enfants. Elle l'avait mis près du feu en sortant du parc.

Après tout c'était elle qui avait lu en première la lettre que l'école avait envoyé quelques jours auparavant. Il s'en souvenait très bien.

Il était rentré et avait trouvé sa femme en larmes dans le salon, un morceau de parchemin bloqué contre sa poitrine. Harry avait réussi à capter son regard, inquiet de savoir ce qui pouvait la mettre dans un tel état. Ses parents ou ses frères avaient-ils eu de graves problèmes ? Le souvenir de Fred était encore bien trop douloureux pour qu'on l'aborde alors perdre encore un membre de cette famille serait un désastre pour eux tous.

Et puis la sentence tomba et à défaut d'avoir un parchemin bloqué contre sa poitrine, Harry avait senti cette dernière se tordre.

« Hagrid est mort. »

Bien évidemment il avait nié en bloc l'annonce. Refusant l'information avec nervosité, il était sorti marcher quelques minutes dehors avant de rentrer en sentant le froid prendre possession de son corps. Ginny l'avait attrapé par les épaules et l'avait soutenu contre elle en lui parlant doucement, les larmes se mêlant à sa voix sans qu'il ne décrypte ces mots.

- Comment tu te sens ? Questionna une voix dans les alentours.

- C'est un choc. Je sais bien que nous ne sommes pas immortels. Mais cela fait toujours mal. A chaque fois.

Il n'arrivait pas à comprendre ce qui se disait. Il n'arrivait pas à décrocher son regard de la chaise qui s'était pliée maintes et maintes fois sous un poids colossal. Sa poitrine lui faisait toujours aussi mal mais rien n'en sortait. A place, il avait froid.

- Harry ?

Son prénom. Restant dans le silence, il perçu une tâche blonde se mettre devant lui. Luna.

Luna qui avait levé un parapluie rose vers le ciel durant la cérémonie dans le parc, soulignant qu'une baguette n'aurait pas suffit.

- Tu sembles encore parti. Ginny va revenir mais en attendant je peux rester avec toi.

Pas de réponse. Juste un bref mouvement du visage. Et Luna qui se place à sa droite. Elle parlait, comblant le silence dans lequel il était et dans lequel il restait malgré tout.

- Ces créatures magiques sont entre de bonnes mains. Norbert est très heureux qu'un homme aussi bon et un être aimant à ce point les animaux aie existé. Il a même dit qu'il avait rarement vu des Scrouts à pétard en aussi bonne forme.

Une bride. Un souvenir. Hagrid avec un dragon. Hagrid avec des Scrouts. Hagrid avec Buck. Hagrid avec un livre effrayant. Hagrid lui ordonnant de l'appeler Monsieur avant de se reprendre.

- Et toi ? Qu'est-ce que tu en pense ?

Penser ? Penser quoi ? Il n'écoutait pas. Il n'en n'avait pas envie. Il était là, assis et dans le froid. Les oreilles bourdonnantes et les yeux fixant une chaise délaissée sans vouloir la quitter ne serait-ce qu'une seconde, comme si elle allait disparaître à son tour.

- Je m'en occupe Luna. Fit une voix plus grave.

Ron. C'était Ron qui venait de se mettre à sa droite. Ron qui posait maladroitement sa main sur son épaule en un geste qui se voulait rassurant et réconfortant.

- Tu sais ... Il ... Enfin ... On ...

- Tu n'as pas pleuré. Coupa une voix qu'il avait déjà entendu.

Une voix qui se mit à sa gauche et qui posa sa main sur son épaule délaissée. Hermione. Toujours aussi perspicace. Pleurer ? Pourquoi faire. Cela ne servirait à rien. Et ça ne chasserait pas le froid.

- Harry ... On sait ce qu'il était pour toi. Continua la sorcière.

- C'est lui qui a prit le rôle de ton père le jour de ton mariage. Continua Ron.

- Il t'a présenté le monde de la magie. Enchaîna la femme.

« Tu es un sorcier Harry. »

Ils parlèrent dans l'espoir qu'il prononce ne serait-ce qu'un mot. Rien. Rien ne sorti des lèvres fermées. Les yeux continués de regarder le meuble en bois quand une silhouette aux cheveux de feu bloqua sa vision une bonne fois.

- Mange. Ordonna Ginny en lui mettant une assiette entre les mains. Tu n'as rien mangé depuis plusieurs jours. Alors mange.

Pour la première fois depuis qu'il était arrivé, le son perça enfin ses tympans. Il entendait tout. Les voix. Les larmes. Les rires nerveux. C'était comme sortir la tête hors de l'eau. Ginny était dans sa robe noire, les joues tachée de sel mais devant lui attendant qu'il mange. De même que Ron et Hermione qui restaient près de lui, les yeux brillants de larmes encore à donner.

Il fit ce qu'on attendait de lui. Les yeux verts se posèrent sur le contenu et ses doigts glacés attrapèrent la première chose qu'ils purent.

Une saucisse fumante et graisseuse qui brûla ses extrémités.

Et cet instant qu'il éclata. Il revit tellement de choses en l'espace de quelques secondes.

Des après-midi à prendre le thé avec Hagrid.

Des cadeaux de Noël fait maison mais avec amour.

Des encouragements pour des matchs à venir.

Des cours de soins lui demandant de rester en vie. Des rires et des larmes avec un demi-géant aux yeux noirs et petits comme des scarabée.

Un gardien ému d'être près de lui le jour de son mariage

Un sauveur venant le chercher alors qu'il dormait sur le sol d'une maisonnette hissée sur un rocher.

« Poudlard ne peut se passer de vous Hagrid. »

Assis près des flammes et ressentant enfin leurs chaleurs, le Garçon qui avait survécu éclata en larmes.

Plus personne ne serait sur la chaise pliée.

Plus personne ne ferait de gâteaux aussi durs que des rochers.

Plus personne ne montrerait des animaux considérés comme dangereux.

Plus personne ne traînerait des sapins dans la neige.

Plus personne ne marcherait avec un immense manteau rempli de poches multiples.

Plus personne ne parlerait trop.

Plus personne ne prendrait une moto volante et irait dans les airs.

Plus personne n'irait sauver un enfant le jour de son anniversaire.

Plus personne ne ferait tout ce que seul Hagrid pouvait faire.

- Oh Harry ... Murmura une voix dans l'amas des cris de douleurs du sorcier.


Hagrid était parti et plus jamais il ne passerait une porte pour venir chercher Harry.