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Je ne lis plus, mais si je devais replonger dans un roman dans lequel je pourrais y rester coincé sans aucun souci, ce serait définitivement celui qui se passe à Fantasia.

Quelle coïncidence !

Nous y sommes allés la nuit dernière.

Mick et moi.

Notre duo de choc ne se sépare ni dans les bons moments, ni dans les mauvais.

Mon seul regret ?

Je ne portais pas l'Auryn autour du cou, et Dieu seul sait à quel point j'aimerais oublier mes souvenirs...

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Il faisait sombre, une nuit sans lune, sans étoile. Quel dommage, le ciel noir était pourtant tellement dégagé. Mais non, aucune lumière naturelle ne venait nous guider dans cette nouvelle aventure.

Je tenais la main de Mick.

Mon Mick Davies, qui portait une vieille chemise à carreaux azur, et un jean usé. Sa barbe de trois jours rongeait son visage fatigué, aux cernes épais, qui ternissaient ses yeux si bleus translucides. Ses cheveux ébène partaient dans tous les sens.

Pas comme les miens, longs et châtains, qui étaient coiffés en une imposante tresse dans mon dos. Comme toujours, je portais une grande robe totalement noire, aux manches courtes, avec des grosses chaussures tout aussi sombres aux pieds.

Quelles nouvelles épreuves mes TSPT m'ont-ils encore préparées ?

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Oh, je vois... Il semblerait que mes troubles se soient inspirés des gangs de Hell's Kitchen.

Pourquoi ?

Nous étions à l'extérieur, au milieu d'une énorme plaine. Sous ce ciel, tout semblait gris, terne, sans couleur. Comme si nous nous trouvions au centre d'une grotte géante, sans fenêtre, aussi immense qu'un village. Difficile cependant de comprendre réellement ce que nous voyions, outre l'obscurité, une bonne partie du sol était recouvert d'une montagne de bric-à-brac indéchiffrable. Il y avait de tout, comme une décharge électrique grandeur nature, des objets métalliques, des tas d'appareils obsolètes et détruits.

C'était une vision très étrange.

Surtout lorsque nous avons contourné une colline d'appareillages et que nous avons découvert un trou.

Oui, juste un trou.

Un tour noir.

Immense. Géant.

Sans fond.

Plusieurs mètres et mètres de diamètre.

Une référence à Hell's Kitchen, inutile donc pour moi de chercher à connaître la profondeur du trou, je le savais déjà :

40 étages.

Rien que ça.

Tu tombes, tu meurs.

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D'ailleurs, Mick et moi marchions lentement vers les bords du trou, sans toutefois en être trop proche, par peur de tomber dans le vide abyssal.

Nous avons sursauté en même temps, lorsqu'une voix derrière nous s'est mise à parler :

- Qui êtes-vous ?

Nous nous sommes retournés de concert, apeurés et méfiants.

Mick me tenait toujours la main, la sienne tremblait dans la mienne.

- Je m'appelle Alisone et mon chéri se nomme Mick. Et toi ?

Il s'approcha de nous. C'était un homme de notre âge, dans la trentaine. Il avoua :

- Bastien.

Je sursautai derechef :

- Bastien Balthazar Bux ?!

Ce fut à son tour de sursauter :

- Comment... Comment tu connais mon nom complet ?

J'ai jeté un regard complice à Mick, avant d'expliquer, en souriant :

- Tout le monde connaît l'histoire de Bastien à Fantasia ! Comment tu as donné un prénom à la jeune Impératrice tout en détruisant Xayide. C'est un classique.

Mick sourit et acquiesça.

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C'était si étrange de voir Bastien en homme de notre âge !

Nom de Dieu, il avait tout juste, quoi... 13 ans lors de son premier voyage à Fantasia ?!

Néanmoins, je me suis rendu compte qu'il paraissait apeuré.

Pourquoi ?

Voyant mon regard interrogateur, il lâcha :

- Xayide... Xayide est toujours en vie. Mon dernier vœu ne l'a pas réellement détruit.

Mick tiqua.

- Quoi, comment ça ? Tu veux dire qu'elle est toujours ici ? Genre... Maintenant ?

Bastien s'apprêtait à répondre, mais un bruit assourdissant l'en empêcha.

Comme si un orage, sans précédent, venait fendre la nuit noire et sonner la fin du ciel qui commençait à mourir. Dans un maelström d'éclairs, une silhouette rouge apparut devant nous, devant nous trois.

Elle était belle, la peau blanche, des cheveux noir de jais, coiffés en hauteur, une longue robe écarlate qui sculptait parfaitement son corps, un col de plumes couleur sang et des ongles tout aussi acérés que ses sortilèges.

Xayide.

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Mick serra plus encore sa main dans la mienne. Il était d'ailleurs tout aussi apeuré que le pauvre Bastien, qui ne semblait pas vouloir affronter la Sorcière une nouvelle fois. Réellement, j'aurais voulu avoir l'Auryn à ce moment-même. Outre mon désir de me lobotomiser pour de bon, je n'aurais pas été contre un vœu ou deux pour nous sortir de cette situation.

Parce que là... Nous sommes mal barrés, je ne vais pas vous mentir.

Bastien, Mick et moi reculions en même temps à mesure que Xayide avançait vers nous. Elle était aussi splendide que dangereuse. J'avais l'impression d'avoir 10 ans à nouveau, seule et sans défense. D'ailleurs, mon angoisse était similaire chez Mick et Bastien.

Clairement.

L'ancienne Reine de Fantasia se mit à parler d'une voix profonde et d'outre-tombe :

- Vous... Je me souviens de vous... De vous trois...

J'ai tourné ma tête vers Mick. Il comprit mon regard interrogateur. Bastien était déjà venu à Fantasia, bien sûr. Moi aussi. Mais... Mick ?

Nous n'eûmes pas le temps de réfléchir plus longtemps, parce que la Sorcière lança sont premier sort. Un éclair écarlate fendit l'espace entre elle et nous. Nous laissant tout juste le temps de nous jeter sur le sol pour échapper à sa magie noire.

Elle s'avança encore plus, nous faisant reculer de plus en plus, contre les montagnes de débris étranges et divers.

Xayide réitéra sa mauvaise sorcellerie : d'autres éclairs jaillirent de ses mains.

L'un d'eux me toucha en plein cœur et me projeta au sommet d'un amas de bric-à-brac. Des pointes d'objets métalliques labouraient mon pauvre dos, et des vis me taillaient les pieds.

Heureusement que j'avais de grosses chaussures !

J'entendis la voix de Mick qui hurlait mon prénom.

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Je me débattais dans cette montagne de bordels sans nom. Il me fallait désormais descendre cette pente de l'Enfer pour retrouver mon chéri et Bastien.

D'ailleurs, ils étaient eux-mêmes en train de lutter contre les sorts de Xayide, plus vindicative que jamais. Tout en glissant sur les débris métalliques, j'ai vu à quelques mètres de là le fameux trou noir qui tombait dans les abysses. Je sentais que la Sorcière essayait de nous acculer près du gouffre pour nous y jeter dedans.

Malin.

Mais horrible.

Je sautais de vestiges en vestiges, sous les hurlements de mes amis, jusqu'à arriver devant une minuscule bibliothèque : des étagères de bois, de toutes tailles et de toutes formes, qui contenaient des livres et d'autres bibelots.

Mon esprit était en totale ébullition, calculant tout au milieu de ce bazar.

Si je faisais tomber les étagères, le haut de ces dernières pourrait dépasser du trou et créer une espèce de pont, des fois que la Sorcière ne décide de nous y jeter dedans.

Ce qu'elle comptait carrément faire, parce que nous nous retrouvions de plus en plus proches de ce géant infernal.

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Et le vacarme assourdissant énerva Xayide, qui me chercha avidement parmi les monticules de débris. Bastien et Mick se trouvaient bien trop près des bords du trou.

J'ai réussi à sauter de ma tour de métal pour rejoindre mes camarades aussi rapidement que possible, tout en évitant les sorts machiavéliques de la Sorcière.

Non, ce n'était pas chose aisée.

Une fois les deux pieds sur le sol gris, j'ai cherché mon fiancé des yeux...

Mon Dieu, il était si proche du trou.

Bastien et lui essayaient tant bien que mal de quitter les bords inquiétants, mais Xayide ne l'entendait pas de cette oreille...

- Vous m'avez détruit... Aujourd'hui, c'est à mon tour...

Elle leva ses mains en l'air et je pus voir, impuissante, Bastien et Mick se faire propulser dans les airs, au-dessus du trou noir.

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NON !

Non, non, non !

J'ai couru jusqu'au trou. J'ai découvert, avec joie que Mick se retenait de justesse au haut des étagères à l'horizontale. Par contre, aucune trace du pauvre Bastien...

Pas le temps de cogiter, je me suis dirigée vers une montagne de bordel pour attraper une espèce de longue tige métallique, mesurant environ deux mètres. Une fois ce truc étrange en main, j'ai couru jusqu'aux bords du trou pour tenir la barre à la verticale. Je devais la tenir fermement, car Mick devait l'attraper et s'y accrocher de tout son poids. Ce qu'il fit, laissant ses jambes tanguer dans le vide sous ses pieds. Avec l'adrénaline, mes forces se sont décuplées et j'ai remonté mon fiancé, lentement, mais sûrement.

Une fois sur le sol, Mick me prit dans ses bras avant de m'embrasser amoureusement.

Mais nous n'étions pas réellement sauvés...

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Puis, je me suis réveillée...

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13/14.10.2022

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