Note : Merci pour les personnes qui ont écrit, c'est vraiment sympa et très encourageant !!!

Le Sang du Chaos

  C'était bien lui.

  Prisonnier d'une stèle de pierre éternelle, qu'il nourrissait lentement, il semblait attendre, visage impassible, regard perdu. Attendre une délivrance qui tardait à arriver.

  Sakura fit un pas dans sa direction. Puis un deuxième.

  Et soudain.

  Cette voix !

  Déchirant l'air, échos de ses rêves perdus, elle résonna dans son esprit, dans toute la pièce. Elle se prit la tête entre les mains. Tous pouvaient l'entendre maintenant, tous la reconnaissaient, la comprenait. Mais aucun ne ressentait la souffrance qui s'en dégageait comme Sakura. Elle la martelait, implacable, encore et encore.

  Toujours les mêmes mots.

  Tue-moi !

  Tues-moi !

  Tues-moi, tues-moi, tues-moi !

  Elle cria avant de s'effondrer dans les bars de Yué.

  _ Arrête ! S'il te plait Lionel, arrête. Arrête…

 Sakura…

 La jeune fille releva la tête, les yeux embués de larmes et le regarda. Elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas. Pas lui. Mon Dieu, non, pas lui. Pas après tout ce qui avait été dit.

  Ses yeux bruns avaient retrouvé leur clarté et on pouvait désormais y lire la souffrance et l'acceptation. L'acceptation d'un destin qui ne lui appartenait plus.

  Fait le, Sakura. Avant qu'il ne soit trop tard. Fait le pour la terre, pour tes parents, pour tes amis. Fait le pour moi.

  Il arrive et bientôt, il aura bu jusqu'à la lie. Tout doit s'arrêter ici, Sakura, maintenant.

  Mais la jeune fille ne put que fermer les yeux et tenter de contenir ses larmes.

  Soudain, l'air se mit à vibrer, d'abord doucement, puis de plus en plus vite, jusqu'à créer une spirale, au milieu de laquelle jaillit une intense lueur. L'atmosphère devint suffocante, presque irrespirable et les ténèbres semblèrent gagner plusieurs mètres sur la lumière.

  Alors, la spirale se décomposa pour laisser paraître le Chaos.

  C'était un être d'une beauté sans pareille, un androgyne à la peau d'albâtre dont les longs cheveux noirs cascadaient loin dans son dos. Ses yeux  paraissaient coulés dans de l'or pur et transperçaient chaque être de la pièce. Il ne portait, pour seul vêtement, que de longs et larges rubans azur, qui semblaient en perpétuel mouvement, glissant le long de son corps, serpents de soie et de satin. Tel un ange, il flottait doucement à quelques cinquante centimètres du sol, mais aucun de ses gestes ne déplaçaient d'air.

  Il vint se placer près du cristal et lança un sourire chaleureux, presque aimant en direction de Lionel, avant de reporter son attention sur Anthony. Puis, dans un geste d'une subtile et intentionnelle lenteur, il posa délicatement sa main sur une des faces polies de la pierre. Celle-ci émit une faible pulsion lumineuse qui se répéta doucement. 

  Alors même qu'un flux d'énergie passait du cristal à son corps, Anthony s'effondra brusquement, tentant en vain, de reprendre son souffle. Son cœur battait la chamade et il luttait contre l'évanouissement qui menaçait de le submerger. Prêt de lui, ses deux gardiens étaient également à terre et commençaient à disparaître.

  _ Non ! Hurla Sakura, qui se précipita vers le jeune garçon.

  L'être retira alors sa main de la pierre et au même instant, Anthony cessa de souffrir.

  Un rire cristallin trancha le silence de la pièce.

  Le jeune garçon, qui se redressait difficilement avec l'aide Sakura, lança un regard désespéré à ses compagnons, avant de se tourner, rage au cœur, vers son ennemi.

  Celui-ci répliqua d'un sourire carnassier et pour la première fois, parla.

  Sa voix était étrange, mi masculine, mi féminine. Très sensuelle. Pourtant, elle était également impersonnelle, sans émotion, vide de toute résonance.

  _  Il ne te reste plus beaucoup de force. Clow Read, c'est ça ? Il est dommage, que je ne puisse pas plus me nourrir, sinon tu serais déjà mort. Encore une scellée.

  Il soupira, ironique.

  _ C'est ainsi que tu faisais pour me voler mon énergie. Pourquoi ne pas t'en être directement pris à moi ? Demanda le jeune garçon.

  Cette fois, ce fut Sakura qu'il regarda avec intensité. Elle soutint sans trembler la froideur de ses yeux de braise et ne bougea pas.

  _ En réalité, ce n'est pas toi que je visais au départ, mais ma chère mère…

  Il sourit doucement à la jeune fille.

  _ Je trouvais amusant de réveiller ma puissance à travers celle qui, selon la légende, pouvait seule me détruire. A travers celle qui m'avait réveillé.

  Lentement, il passa sa langue sur ses lèvres, comme pour se délecter mentalement de ce repas qui lui avait échappé.

  _ Pourquoi ne pas l'avoir fait alors ? Intervint pour la première fois Yué, qui se dressa, protecteur, près de Sakura.

  _ Oh, je voulais le faire. Je voulais le faire. Mais j'avais besoins d'un appât. Aussi ai-je décidé de me servir de ce jeune homme, répondit-il dans un mouvement de tête vers Lionel. Mais ce dernier m'a lancé un défit que je ne pouvais refuser. Il m'a assuré, que quoiqu'il advienne, tu serais en mesure de me détruire, petite Sakura. Il m'a dit, que j'agissais ainsi, car je te craignais. Il m'a alors fait un marché des plus intéressants. Que je te laisse m'affronter en échange de son sang, du pouvoir de Clow Read. Difficile de refuser. Il s'est sacrifié pour toi, douce jeune fille. Et pour rien.

  Sakura hoqueta et se sentit ses compagnons se crisper.

  _ Une dernière fois. Je dois m'abreuver une dernière fois, reprit le Chaos, et plus rien ne pourra m'arrêter.

  Il lança un regard amuser à une assistance en plein désarroi.

  _ Regarde le bien, Sakura, car il sera bientôt mort. Il était pourtant courageux. Jamais je ne l'aurais cru capable de communiquer avec toi après tout ce qu'il a subit. Et pourtant, malgré toutes mes précautions, il a réussit à te guider jusqu'ici. Vraiment courageux.

  Sakura…

  La voix résonna doucement dans son esprit, l'effleurant d'un amour sans limite.

  Maintenant.

  Elle prit alors sa décision.

  Lentement, elle leva son sceptre au-dessus de sa tête, sous le regard médusé de ses amis.

  _ Crois-tu vraiment me faire peur ? Lança le Chaos. Je suis indestructible, tout autant que ce cristal.

  Mais Sakura ne l'écoutait plus.

  Le sceau apparut à ces pieds et elle récita :

  « Sceau Sacré qui détient les pouvoirs de l'Etoile, j'invoque ta puissance. Carte de Sakura venez à moi, maintenant ! »

  Les cartes apparurent alors pour former un cercle, qui l'entoura complètement.

  « Je vous l'ordonne Cartes magiques, redevenez ce que vous étiez, Energie maîtresse des deux extrêmes, Puissance de l'Equilibre. De toutes, soyez une et détruisez ce cristal maudit. »

  Les Cartes tourbillonnèrent rapidement autour de Sakura pour venir s'enrouler en un ruban flamboyant le long de son sceptre. Celui-ci sembla se dissoudre en une gerbe d'étincelles et le ruban se fit faisceau.

  Une formidable décharge d'énergie vint lors s'abattre sur la pierre qui vola instantanément en éclat, formant une pluie de larmes rouge sang.

  Malgré le fracas de l'explosion, ils purent tous entendre le cri de rage du Chaos.

  _ Impossible ! Siffla-t-il.

  Et pourtant, il ne restait de sa pierre qu'un tapis étincelant qui s'étendait à toute la pièce. Lentement, l'être se pencha pour ramasser une poignée de cette poudre rubis qu'il laissa couler entre ses doigts.

  Il se tourna alors vers Sakura et lui sourit.

  _ Ne te réjouit pas trop vite. Tu ne n'as pas encore gagné. J'ai suffisamment de puissance pour déclencher des forces dont tu n'as pas idée. Et toi, tu n'as plus rien.

  Il partit d'un rire glacial.

  _ Si tu en as le courage, vient donc m'affronter. Mais sans tes cartes, tu n'as aucune chance.

  Et il disparut, laissant filtrer un dernier murmure ironique.

  « Tu sais où me rejoindre. »

  Sakura se précipita alors vers Lionel, qu'elle prit délicatement dans ses bras, rapidement rejointe par Anthony et les gardiens.

  Le jeune garçon était affreusement pâle, sa respiration laborieuse et les battements de son cœur si faibles, qu'ils étaient tout juste perceptibles.

  Il tressaillit à peine lorsque Sakura passa doucement sa main sur son visage et à aucun moment, il n'ouvrit les yeux.

  _ Sakura, souffla Yué, il faut l'emmener à l'hôpital. Maintenant.

  La jeune fille se contenta de hocher la tête, incapable d'émettre la moindre parole.

  Anthony lui prit alors le jeune garçon des bras.

  _ Je vais m'en occuper, Sakura. Tu sais ce qu'il te reste à faire.

  Et, essuyant délicatement ses yeux embués de larmes :

  _ Je ne m'inquiète pas, je sais que tout se passera parfaitement bien.

 Il se tourna alors vers Gothar.

  _ Crois-tu être en mesure de nous aider mon ami ?

  Le gardien, qui avait visiblement du mal à se tenir debout, trouva assez de courage en lui pour, sans un mot, venir prendre sur son dos le corps étonnement léger de Lionel.

  Sakura s'approcha alors de Clow Read et lui tendit une carte.

  _ C'est la seule qu'il me reste. Je veux que tu la lui donnes, s'il te plait.

  Anthony hocha la tête, puis aida Samantha à se redresser et dans un dernier sourire, disparut avec ses gardiens et son précieux fardeau.

  Désormais seule avec ses deux compagnons, Sakura, inspira profondément pour chasser ses derniers sanglots.

  Kérobéro passa alors délicatement sa tête sous la main de la jeune fille.

  _ Que comptes-tu faire ? Demanda-t-il. Tu n'as plus ni tes cartes, ni ton sceptre. Tu ne peux quand même pas affronter le Chaos ?

  _ Il a raison, soupira Yué. Sans elles, tu ne tiendras pas une seconde face à lui. Pourquoi Clow semble-t-il tellement persuadé que tu pourras le vaincre ?

  Sakura leur fit fasse.

  _ Parce que ma magie n'est pas morte. Pas plus que mes cartes. Dit-elle simplement.

  _ Quoi ? Hurlèrent presque les deux compagnons.

  _ Souvenez-vous de ce qu'elles m'ont dit. Je dois faire attention de ne pas me perdre dans mes propres illusions. Les cartes n'ont jamais disparu. Elles ont seulement fusionné avec le Sceau. Je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas senti, pas plus que je ne sais pourquoi c'est arrivé. Mais le fait est là.

  Yué réfléchit un instant.

  _ Probablement parce que tu as utilisé une énergie considérable pour affronter les forces du Chaos et de ce fait, tu leur as permis d'atteindre leur puissance ultime. Ta magie n'a plus besoins de support matériel pour se conserver.

  _ Mais, intervint Kérobéro, il te faut toujours une clé pour invoquer le Sceau et la tienne à disparue lorsque tu as utilisé ton pouvoir.

  _ Ca devrait pouvoir s'arranger, sourit la jeune fille.

  Levant ses mains en coupe, elle laissa doucement l'énergie passer en elle. Un peu de la poussière qui recouvrait le sol se souleva alors et vint se placer entre ses doigts avant de s'associer pour former une unique étoile qui rayonna quelque instant. Puis, elle se dispersa à nouveau, pour rentrer en contact avec la peau de la jeune fille et fusionner avec elle.

  Sakura baissa alors les bras.

  _ Désormais, je suis l'unique clé qui peut ouvrir le Sceau.

  Yué et Kérobéro en restèrent sans voix. Leur maîtresse avait acquis en quelques jours une puissance phénoménale et une maturité d'adulte. La jeune fille toujours souriante semblait bien loin à présent et il avait désormais devant eux une magicienne déterminée.

  _ Sais-tu où il se trouve ? Demanda soudain Kérobéro.

  La jeune fille acquiesça.

  _ Là où ils m'attendent tous, toujours. A la Tour de Tokyo.

  _ Sakura, intervint alors Yué, avant que nous nous y rendions, une dernière question. C'est bien une carte que tu as transmise à Clow.

  _ Oui répondit-elle. La seule que je ne pouvais pas sacrifier.

  Ses compagnons la regardèrent, interrogateurs.

  _ L'Espoir.

  Elle sentit son cœur se serrer. Elle savait à présent qu'elle n'avait pas rêvé. La carte avait effectivement commencé à s'effacer. Dès l'instant où Lionel avait été menacé, la carte en avait subit le contre coup. Un peu comme Gothar et Samantha vis à vis d'Anthony. Et si jamais la carte disparaissait…

  Elle ne préférait même pas y penser.

  _ Il est temps d'y aller.

  La Tour.

  Elle s'élevait, majestueuse, dans le ciel de Tokyo, couronnée par une lune pâle qui semblait pleurer ses étoiles.

  Sakura volait rapidement, distançant presque ses gardiens.

  Autour d'elle la ville était étrangement calme et sombre. Les seules lumières qui l'éclairaient, provenaient de l'hôpital à plusieurs kilomètres de là.

  Une brise glaciale soufflait sans discontinuer, alors que, plus elle s'approchait de la Tour, plus un spectacle d'horreurs s'offrait à elle. Arbres, maisons, immeubles, tous écroulés, ruines mélancoliques où tranchait régulièrement la couleur pourpre et bizarrement lumineuse du sang. Elle pouvait voir les contours des corps à moitié ensevelis sous les gravas, tordus telles des poupées disloquées.

  Une vision ? Ou la réalité.

  Tokyo devenait, à mesure qu'elle progressait, une ville morte, un immense charnier au-dessus duquel volaient déjà des centaines de corbeaux et de vautours prêts à faire ripaille.

  Etait-ce là son destin ?

  Jamais !

  Elle arriva enfin.

  Devant elle, assis sur une poutrelle, jambes se balançant dans le vide, le Chaos attendait. Sa pâle figure rayonnait d'un sourire sinistre, alors que sur ses cuisses reposait le corps d'un enfant. Il avait la peau couleur de cendre et les cheveux en bataille. Elle pouvait voir son visage, qui avait du être si beau, désormais tordu dans une affreuse grimace de souffrance.

  Le Chaos caressait délicatement sa chevelure, laissant un chant étrangement mélancolique s'échapper de son être.

  Malgré son sourire, Sakura crut le voir pleurer.

  Lentement il releva la tête et s'arrêta de chanter. Et avec sa complainte disparut le vent.

  _ Regarde Sakura, murmura-t-il. N'est-il pas beau ?

  Et berçant doucement l'enfant :

  _ Il est mon œuvre, mon cadeau.

  Il la regarda presque tendrement.

  _ Tu me prends pour un monstre n'est-ce pas ?

  Sakura ne répondit pas.

  _ Tu as peut-être raison, soupira-t-il. Mais, je ne suis ni un juge, ni un bourreau. Ce que je fais, je l'accomplis parce que tel est mon destin. Je suis né pour détruire et rien, jamais, ne pourra m'en empêcher.

  Doucement, il entrouvrit les bras et laissa s'échapper le corps sans vie de l'enfant. Sakura soutint sans broncher la vision sanglante de son torse déchiqueté et le regarda s'enfoncer silencieusement dans la nuit. Quelques secondes passèrent avant qu'il ne s'écrase au pied de la Tour, toujours silencieux. Elle put voir alors une tâche sombres s'étaler lentement, telle une auréole, qui le noya bientôt totalement.

  Cette fois, elle en était sûre, il pleurait.

  Derrière elle, elle sentit ses gardiens tressaillir.

  A nouveau, elle regarda le macabre spectacle, avant de l'entendre souffler « Il est beau. »

  Elle releva la tête, prêtre à l'affronter, mais elle n'avait plus devant elle le décor de la tour de Tokyo. Elle était de nouveau dans son sanctuaire. La pièce était toujours aussi sombres et Lionel reposait encore dans son cercueil de cristal.

  Le chaos tournait lentement autour, le visage peint d'une expression perplexe.

  _ Tu es vraiment étonnant, murmura-t-il. Je ne comprends pas pourquoi tu fais ça. Tu te fatigues inutilement et tu ne fais qu'augmenter tes souffrances.

  Il sembla écouter une réponse que Sakura ne pouvait entendre.

  _ Hum… C'est un sentiment que je ne connais pas.

  Et posant délicatement une main sur la pierre :

  _ Veux-tu bien me l'expliquer ?

  Un long moment passa, avant qu'il ne parle à nouveau.

  _ C'est étrange, mais c'est quelque chose que je ne pourrais jamais ressentir. Je ne connais que les sentiments que tu devrais éprouver en ce moment et que, pourtant, tu sembles chasser de ton esprit. Ne me crains-tu donc pas ?

  Il sursauta.

  _ C'est la première fois que quelqu'un me dit ça. Oui, tu es vraiment étonnant.

  La Tour.

  A nouveau, elle avait devant elle l'Androgyne dont les yeux flamboyaient d'une étrange lueur.

  _ Pourquoi ? Demanda-t-elle. Pourquoi m'as-tu montré ça ?

  Mais au lieu de répondre, l'être sauta dans le vide et vint se placer en face d'elle. Yué et Kérobéro voulurent l'attaquer, mais Sakura les arrêta d'un geste de la main.

  _ Es-tu prête à m'affronter, Magicienne de l'Equilibre ?

  Sakura acquiesça et les deux adversaires se jaugèrent, tournoyant lentement dans l'air.

  Le Chaos attaqua le premier, lançant d'une main une boule enflammée qui vint s'écraser contre le bouclier qu'avait immédiatement levé Sakura. Elle contre-attaqua aussitôt, déchaînant les forces du Tonnerre, que le Chaos évita aisément.

  _ Joli ! Commenta-t-il.

  A nouveau, il se firent face, sans bouger.

  Sakura sentait son cœur battre la chamade, mais elle était remplie d'une confiance inébranlable.

  Ce fut elle qui, cette fois-ci, commença. Elle fit apparaître au bout de ses doigts une lance de glace, qu'elle envoya de toutes ses forces sur son adversaire. Celle-ci fusa si rapidement, que le Chaos faillit ne pas l'éviter et elle érafla durement son flanc droit. Au même instant, Sakura sentit passer près de sa tête une violente décharge électrique.

  Son cœur manqua un battement. Elle ne l'avait pas vu agir et si son attaque ne l'avait pas déstabilisé, elle aurait sûrement pris l'éclair de plein fouet.

  Elle recula un peu sur ses positions. Il fallait qu'elle se méfie. Trop de confiance lui serrait fatal. Elle sentit ses deux gardiens agir derrière elle, mais à nouveau, elle les arrêta.

  Elle se rendit alors compte que, doucement, un épais brouillard commençait à les encercler et ils furent rapidement noyés dans sa masse sombre.

  Sakura faillit invoquer la Lumière, mais stoppa son geste. En agissant ainsi, elle deviendrait une cible facile et c'est tout ce qu'il attendait. Au lieu de quoi, elle fit appelle au Vent, qui balaya d'une bourrasque les épais nuages.

  Un violent frison secoua alors son épine dorsale. En face d'elle, elle n'avait plus que les poutrelles sombres et vides de la Tour.

  _ Au dessus de toi ! Hurla Kéro, juste à temps pour qu'elle évite une sphère translucide d'énergie, qui alla frapper le sol avec tant de puissance qu'elle y creusa un trou de plus de vingt mètres de diamètre.

  Elle avait eu chaud, mais n'était pas sortie d'affaire pour autant. Elle se trouvait désormais en position de faiblesse.

  Elle ne l'avait toujours pas exactement situé et pour ne pas se lui laisser le temps de l'attaquer à nouveau, elle invoqua le Miroir.

  Ce ne fut alors pas une, mais plusieurs Sakura qui apparurent et se dispersèrent rapidement dans toutes les directions.

  Quelques-unes unes furent détruites dans de violents éclairs, ce qui permis à la véritable Sakura de situer son adversaire.

  Elle s'immobilisa et déchaîna le Tonnerre, faisant disparaître du même coup ces doubles. Le Chaos la localisa immédiatement et réussit à parer son attaque.

  Haletant, ils se firent à nouveau face.

  Puis, l'Androgyne disparut.

  Sakura devina immédiatement qu'il avait utilisé l'équivalent de la Furie. Il était devenu tellement rapide, qu'il n'était plus perceptible à l'œil nu.

  Elle se concentra alors, fermant les yeux, et lorsqu'il s'arrêta pour lancer son sort, elle lui fit immédiatement face.

  Mais trop tard. Elle vit fondre sur elle une lame de ténèbres qui semblait littéralement trancher l'air.

  Elle arrivait, prête à lui transpercer le cœur et Sakura sut qu'elle allait mourir. Ses gardiens ne pourraient rien faire pour la protéger et le Chaos deviendrait tout puissant.

  Une larme roula doucement sur sa joue. Elle ne voulait pas que tous ceux qu'elle aimait meurent à cause d'elle.

  La lame s'arrêta au contact de sa peau.

  Elle ouvrit les yeux.

  En face d'elle, le Chaos avait suspendu son geste, visiblement troublé.

  Lentement il abaissa la main et la lame recula.

  _ Tu m'as posé une question me semble-t-il.

  Sakura, surprise, ne put qu'acquiescer silencieusement.

  _ Je voulais te montrer que je n'étais pas exempte de curiosité, que j'étais aussi capable d'écouter et de comprendre. Pourtant, je n'avais pas réellement saisi le sens des mots qu'il m'avait dit. Mais je sais maintenant.

  Il sembla hésiter un instant.

  Puis d'un geste, il rappela la lame vers lui. Sakura crut qu'elle allait disparaître, avant de réaliser ce qu'il était en train de faire.

  _ Non ! Hurla-t-elle au moment même où l'arme s'enfonçait profondément dans la chaire de son maître.

  Celui-ci la regarda en souriant avant de tomber.

  Sa chute parut interminable et Sakura plongea aussi vite qu'elle put pour le rattraper juste avant qu'il ne touche le sol.

  Puis, elle l'aida à s'allonger, posant délicatement sa tête sur ses genoux.

  _ Pourquoi ?

  _ J'ai compris que détruire ne menait à rien, murmura-t-il entre deux spasmes de douleurs. Je l'ai compris depuis ce jour. Mais, je sais aussi que je n'aurais pas pu vivre autrement.

  Il cracha une gerbe de sang, et péniblement, reprit :

  _ Lionel m'a alors dit, qu'il ne me craignait pas, mais me plaignait, car j'étais incapable de ressentir de l'amour. Il avait raison. Ce sentiment me sera toujours inconnu, mais j'ai pu en voir toute la beauté dans tes larmes. Tu seras une grande Magicienne, Sakura, mais fait attention de ne jamais perdre ce sentiment.

  Ces yeux se voilèrent.

  _ Je… Je suis désolé, murmura-t-il dans un dernier soupir.

  Puis, sa tête bascula légèrement sur le côté et son corps se mit à disparaître lentement et avec lui, l'illusion qui les entourait.

  Sakura et ses amis purent alors contempler le levé d'un soleil, qui illumina une ville intacte où s'éveillait une vie éternelle.

  Elle attendait depuis plusieurs minutes maintenant devant la porte, incapable de se décider à l'ouvrir. Près d'elle, passait à intervalles réguliers, une myriade de médecins et d'infirmières qui la regardaient étonnés, mais continuaient bien vite leur chemin sans lui parler.

  Son père, Anthony et Tiffany attendaient un peu plus loin dans le couloir, accompagné de Mathieu qui avait décidé de rester avec eux.

 Elle se rappelait à peine comment elle était arrivée ici. Elle se souvenait vaguement de Yué et Kérobéro  lui demandant comment elle allait, puis Yué l'a portant jusqu'aux portes de l'hôpital, avant de reprendre sa forme terrestre.

  Puis, il y avait eu Dominique qui l'avait serré fortement contre lui, s'inquiétant de sa santé et Anthony et Tiffany, agissant de même, avant de l'informer que les médecins étaient pour l'instant incapable de se prononcer sur les chances de Lionel.

  Il fallait attendre.

  Enfin, elle se décida à ouvrir la porte.

  La pièce était spacieuse et doucement éclairé par les rayons du soleil qui filtraient derrière les stores.

  Le lit de Lionel était entouré de plusieurs machines aux bruits feutrés et réguliers. Elle se souvenait avoir entendu prononcer le mot coma. Mais au moins, respirait-il tout seul.

  Assis près du lit, la tête allongé sur le matelas, son frère dormait paisiblement. Dominique lui avait dit qu'il avait presque menacé de mettre le feu à l'hôpital, si on ne le laissait pas passer la nuit auprès de Lionel. Les médecins avaient finalement cédé.

  Elle sourit tendrement et s'avança jusqu'au lit.

  Ce ne fut pourtant pas sa main qui se posa doucement sur Thomas, mais celle de Mathieu. Sakura qui avait sentit sa présence ne sursauta pas.

  Elle vit alors Yué apparaître et lui sourire.

  _ Je crois qu'il est temps que je lui rende ce qui lui appartient, dit-il.

  Et elle vit l'énergie passer lentement de son ami à son frère.

  Ce dernier ouvrit alors de grands yeux étonnés, puis, attrapant Sakura, la serra contre lui de longues minutes, avant de la quitter sans un mot, suivit de Mathieu.

  Sur le seuil, il se tourna vers elle et dit à son ami :

  _ Tu avais raison. Elle a grandi plus vite que je ne le croyais.

  Et il referma la porte.

  Sakura s'assit à la place de Thomas et posa délicatement sa main sur celle de Lionel. Elle était chaude et douce.

  Elle remarqua alors que sous cette dernière, reposait la Carte. Elle fut tentée un instant de la prendre, mais finalement n'y toucha pas.

  Au lieu de quoi, elle préféra allonger sa tête sur le bras de Lionel, pour pouvoir juste le regarder.

  Et attendre.

  Attendre.

  Soudain, la carte rayonna d'une douce lumière, qui s'étendit à toute la pièce. Elle était chaude et légère, telle une tendre mélodie.

  Puis, elle s'évapora comme dans un rêve, laissant derrière elle un fin voile scintillant qui se dispersa pour disparaître lui aussi.

  Ils étaient seuls à présents.

  Sakura toucha la main de Lionel.

  Elle était si douce et si chaude.

  Son visage était si calme, si serein, illuminé de ce discret sourire qui n'appartenait qu'à lui seul.

  Il était si beau.

  Et Sakura pleurait.

  Pleurait.

  Le soleil baignait le parc de ses rayons dorés, accrochant les douces couleurs émeraude et pastelles qui le paraient.

  Une légère brise parfumée venait chatouiller la surface de l'herbe, porteuse en son sein de milliers de pétales des cerisiers en fleur.

  Avril dévoilait ainsi toute sa beauté et toute sa richesse.

  La journée promettait d'être belle.

  A quelques pas d'un des plus beaux cerisiers, un groupe attendait, visages fermés, silencieux, décalé au milieu de ce paradis de couleur et de senteur. Décalé dans ce décor de joie.

  Et pourtant.

  Ils attendaient.

  Ils attendaient la fine silhouette qui semblait dormir sous l'arbre centenaire.

  Elle était étendue, respirant doucement, suivant inlassablement de ses doigts les sillons gravés dans la pierre sur laquelle elle reposait.

  Toujours les mêmes gestes.

  Toujours le même mot.

  Elle pleurait, doucement, silencieusement, de ses larmes qui ne semblent jamais vouloir se tarir.

  Elle ne désirait qu'une chose, rester là, étendue, à jamais.

  Elle ferma les yeux, laissant le vent la bercer doucement, laissant les pétales caresser ses joues si pâles.

  Elle écouta le reflux de la brise.

  Elle se souvint.

  Elle pleurait.

  Pleurait.

  Elle savait maintenant que la carte était morte.

  Morte.

  Et avec elle…

  Pourtant, il avait l'air tellement vivant.

  Son visage, son tendre visage était si chaud.

  Mais sa respiration s'était tue. S'arrêtant au moment même où la carte avait disparu.

  La carte était le lien.

  Un lien devenu inutile.

  Elle reposait maintenant sur une poitrine inerte, silencieuse.

  Si chaude.

  Lionel !

  Sakura écouta le vent.

  Une mélodie, si douce, si calme.

  Un chant venu de nul part.

  Si ce n'était de son passé.

  Et cette chaleur, cette main posée sur sa joue.

  Elle ouvrit les yeux.

  Une pâle silhouette.

  Lionel !

  Sakura, ne pleure pas s'il te plait.

  Lionel !

  Je t'aime. Je t'attendrais. Toujours.

  Et il commença à disparaître.

  Dans un geste de désespoir, Sakura voulut l'attraper, le retenir, mais sa main se referma sur le vide.

  _ Lionel, non ! Ne t'en va pas ! Je t'en supplie. J'ai besoins de toi.

  Il sourit.

  Je serais toujours là, je te le promets. Ne pleurs plus. Je veillerais sur toi, jusqu'à ce que tu me rejoignes.

  Et il disparut.

  Il ne resta que le vent.

  Des yeux de Sakura, jaillit une dernière larme.

  Lentement, elle tomba sur une surface invisible et se répandit, telle une onde, source d'une lumière qui se déploya autour d'elle.

  Ainsi apparut une nouvelle fois le Sceau.

  Ainsi apparut une nouvelle fois la carte.

  Sakura s'en saisit délicatement.

  Elle ne pleure plus.

  Car l'Espoir renaît toujours.

FIN

ARGHHH !!! O'scourrr, c'est tellement flonflon que je me fait peur toute seule !!!! Bah voilà, en tout cas, ch'uis désolée, mais je l'ai vraiment tué ! C'est triste, je sais, mais je trouvais que c'était la fin la mieux en accord avec l'histoire.

Tout ne peut pas toujours bien se terminer !!!

GOMENNN !!!