MERES
PARTIE 3 :
Auteur : Jarleen
Notes de l'auteur : Bon, pour cette partie j'ai quelques précisions à donner. Tout d'abord, au niveau médical, Abby est une infirmière, mais je suis pas sure que les infirmières aient le droit de suturer, mais on va pas chipoter là-dessus, parce que je n'ai pensé à ça qu'après avoir tout écrit… En plus, j'ai défini la mère d'Abby comme étant une personne bi-polaire. Or, je ne connais pas grand chose à cette maladie, et malgré les explications de Carine (que je remercie beaucoup d'ailleurs), il se peut que ma fic comporte encore quelques incohérences, alors on va dire que l'état que j'ai décrit est une version hyper-accélérée de la bi-polarité. Alors ne tenez pas trop compte des éventuelles erreurs médicales, on va faire comme si de rien n'était... ;-)
Droits : Toujours pareil, je n'ai de droits ni sur la musique, ni sur les personnages...(cf chap. 1)
ABBY
"De la mer casse-pieds à
la mer âgée,
En passant par la
mer qui médite pour y arriver,
Je dédicace
ces vers aux couleurs de nos mères
Qui font tout pour
qu'un jour on ait les pieds sur terre"
Il était 7.05, et Abby était encore en retard. Sa garde commençait à 7.00, mais elle avait une fois de plus loupé le métro. C'est parce qu'elle n'avait encore pas l'habitude de venir de l'hôtel de Luka. Elle se trompait souvent de ligne, ou bien elle arrivait juste quand la rame partait et ainsi elle était obligée d'attendre le métro suivant... Elle avait encore passé la nuit avec Luka. Ca faisait maintenant quelques mois qu'ils sortaient ensemble, et ils passaient souvent la nuit chez l'un ou chez l'autre. Mais cela ne voulait pas dire que leur relation devenait sérieuse. Abby savait très bien au fond qu'elle n'aimait pas Luka, et que Luka ne l'aimait pas non plus. Leur relation était basée sur le sexe et pas sur l'amour, et tous les deux en étaient conscient. Pourtant, ils s'aimaient au début. Ou alors ils croyaient s'aimer, et c'était leur détresse commune qui les avait réuni. Peu importe, Luka était gentil et rassurant, et c'était tout ce qu'Abby voulait pour le moment.
Il était donc environ 7.10 lorsqu'Abby arriva aux urgences. Elle s'attendait vraiment à ce qu'Haley et Kerry lui tombent dessus dès son arrivée et lui passent un savon pour ce nouveau retard, mais ce matin, Haley était malade, et Kerry était visiblement trop occupée à faire la chef dans le service et à s'occuper du surplus de patient pour faire vraiment attention à l'heure d'arrivée et de sortie de tout le monde.
Alors elle fila chercher sa blouse en salle de repos, et elle y trouva Deb et Dave en train de discuter. Ils étaient de garde depuis minuit, mais là ils prenaient leur pause, et ils en profitaient tant que Kerry n'était pas dans les parages. Après avoir enfilé sa blouse, Abby se dirigea vers le bureau des admissions. Doyle, qui passait par là, lui demanda de faire les analyses et de poser une perfusion de physio à M. Cajòn, un patient diabétique. Abby se rendit dans la salle 2, où M. Cajòn se trouvait. C'était un jeune homme de type espagnol, il avait environ 25 ans.
Abby : Bonjour M. Cajòn, je m'appelle Abby Lockhart.
M. Cajòn (très nerveux) : Vous pouvez m'appeler Antonio. C'est vous l'infirmière ?
Abby : Oui, c'est moi. Je suis là pour vous faire les analyses dont vous avez besoin. Donnez moi votre bras, on va commencer par la prise de sang.
Antonio (un peu angoissé, il jouait avec ses doigts) : Oh, c'est pas la peine, mon sang va très bien, tout est normal...
Abby ne put s'empêcher de sourire à cette remarque : Oui, je suis sure qu'il va bien, mais c'est simplement pour vérifier si vous n'avez pas un manque de quelque chose...
Antonio (de plus en plus angoissé, ses mains étaient moites) : Non, non, je vous dit que ça va, je manque de rien, je prends du fer, du magnésium...Tout va bien, vous en faites pas.
Abby : Mais vous êtes quand même là parce que quelque chose ne va pas ?
Antonio : Oui, j'ai juste eu quelques vertiges, mais rien d'alarmant. Le docteur Doyle m'a dit que tout allait bien et que j'allais pouvoir rentrer, alors donnez moi juste un truc contre les vertiges, et ça ira...Pas besoin de toutes ces analyses !
Abby (elle réfléchit une minute, et réalisa pourquoi il était si angoissé) : Antonio, vous avez peur des piqûres, c'est ça ?
Antonio fit oui de la tête, un peu honteux : Mais vous n'avez qu'a écrire dans votre case 'résultats' que tout va bien, et je ne dirais rien à personne, c'est juré !
Abby : Oui, mais ce n'est pas si simple. Vous avez peut-être quelque chose de très grave et...(elle marqua une pause, et regarda soudainement son dossier) Antonio, vous êtes diabétique, comment faites vous pour faire vos injections d'insuline si vous détestez les piqûres ?
Il haussa les épaules.
Abby : Vous ne les prenez pas ? Vous ne vous faites pas vos deux injections quotidiennes ?
Antonio : Mais si, c'est juste que j'avale les doses à la place de la piqûre.
Abby (ironique) : Et bien sûr, vous avez prévenu le docteur Doyle...?
Antonio : En fait, j'allais lui dire, mais...
Abby (d'une voix presque maternelle) : Antonio, le diabète est une maladie très grave. Vous devez prendre votre traitement correctement si vous ne voulez pas que votre état s'aggrave.
Antonio : Je sais, mais les piqûres, je peux pas !
Abby soupira : Bon, je vais aller voir ce que je peux faire avec le Dr Doyle. J'en ai pour une minute.
Antonio : Merci...
Abby laissa M.Cajòn seul et partit à la recherche de Maggie Doyle. Après avoir inspecté tous les recoins du service, elle la trouva en train d'examiner une femme âgée dans la salle 3. Abby entra dans la salle, s'excusa de cette soudaine irruption, et demanda à parler quelques instants avec Maggie, en précisant que c'était assez urgent. Celle-ci arrêta son examen et sortit pour parler avec Abby. Elles discutèrent toute les deux quelques minutes, mais Abby eut beau insister, Maggie resta catégorique : Il lui fallait toutes les analyses.
Abby retourna donc voir Antonio et lui annonça qu'elle allait être obligée de lui faire la prise de sang. Le pauvre homme la regarda comme si elle venait de lui annoncer sa mort. Il était littéralement terrorisé quand elle approcha l'aiguille, alors il ferma les yeux et tendit le bras stoïquement. Il voulait passer outre sa peur, mais Abby sentait bien que c'était très dur pour lui. Il serrait les dents si fort qu'il devait vraiment avoir très mal aux mâchoires, et elle put percevoir quelque larmes au coins de ses yeux fermés, mais elle ne savait pas si c'était à cause de la peur ou de la douleur. Abby le regarda encore un instant, réalisant combien il était ridicule de le faire souffrir comme ça, et elle était dégoûtée qu'on ne puisse pas trouver une autre solution pour lui éviter ça. Elle s'appliqua alors à trouver la bonne veine et fit en sorte que ce soit le moins douloureux possible et surtout que ça dure le moins longtemps possible. C'était ça aussi, être une bonne infirmière. Puis lorsqu'elle eut fini, elle porta les analyses au laboratoire.
Lorsqu'elle revint du laboratoire, elle croisa Kerry, qui lui demanda d'aller faire des sutures sur Ethan Lane, ce garçon de 6 ans qui venait de perdre sa petite soeur et probablement sa mère dans un accident de voiture. Abby se lamenta intérieurement d'un cas encore aussi triste. Quand n'aurait elle à recoudre que des personnes qui auraient une simple petite écorchure, à soigner juste de petits maux de têtes...Quand le monde tournerait-il enfin correctement ? Ce n'était pas demain la veille.
Elle soupira, et se rendit en salle de suture. Ethan était allongé, et regardait le plafond. Abby lui sourit en arrivant. Elle enfila ses gants, et regarda le corps du gamin. Il avait déjà plusieurs fractures, et il était ouvert à divers endroits, ce qui témoignait de la violence de l'accident. Les jambes, les bras, le visage, elle ne savait pas par où commencer... Elle se décida finalement pour le thorax. Ethan resta très calme, et ne parla pas. En fait, il n'avait prononcé aucune parole depuis qu'il était arrivé. Il était sous le choc. Carter, qui se chargeait de son dossier avec Kerry, avait demandé un avis psychiatrique qui tardait à descendre. Tout le temps qu'Abby recousit ses plaies, il ne se plaignit même pas d'avoir mal. Il contemplait seulement le plafond. Abby essayait de lui parler de son école, de ses copains, mais il ne décrocha pas un mot. Ce n'est que lorsqu'elle lui annonça qu'elle avait terminé qu'il demanda à voir sa mère. Mais Abby lui répondit que c'était pas possible pour le moment, et il n'insista pas, comme s'il savait déjà.
***
Pendant ce temps, deux policiers arrivèrent aux urgences avec une femme d'une cinquantaine d'années qui présentait quelques plaies au visage et sur les mains. Elle était attachée avec des menottes, et tentait désespérément de se libérer, en criant qu'elle n'avait rien fait.
Kerry : Qu'est-ce qu'il se passe ?
Policier 1 : On a trouvé cette hystérique au centre commercial.
Policier 2 : Elle s'est disputée avec la vendeuse d'un magasin, et dans un accès de colère elle a brisé une vitre. Et elle a continué sa crise dans la voiture jusqu'ici. Elle a vraiment pas l'air bien.
Policier 1 : Ouais, méfiez vous, c'est une cinglée...
A ces mots, Kerry le regarda de travers. Il sut immédiatement qu'il avait dit une bêtise.
Kerry : On s'en charge, mais retirez lui les menottes.
Les policiers lui retirèrent les menottes puis partirent, laissant la femme aux bons soins de Kerry Weaver. Bien qu'elle soit débordée de patients, Kerry s'occupa tout de suite de cette femme. Elle lui rappelait vaguement quelqu'un... Elle l'emmena en salle 4, aidée de Connie et la fit asseoir sur le lit. Puis, elle commença son examen. La femme semblait un peu agitée. Kerry demanda tout de suite un avis psychiatrique.
Kerry : Comment vous appelez vous ?
Femme : Maggie Wyczenski
Kerry (en l'auscultant) : Quel âge avez vous ? Vous suivez un traitement ?
Maggie : J'ai 56 ans, et non, je n'ai pas de traitement.
Kerry : Alors expliquez moi ce qui s'est passé.
Maggie (énervée rien qu'à repenser à ce qui c'était passé) : Je suis ici pour voir ma fille. Elle habite à Chicago. Et je voulais lui offrir un cadeau, mais cette vendeuse a refusé ma carte de crédit, en disant que je n'avais pas assez d'argent sur mon compte. Et quand je lui ai dit que ce n'était pas vrai, elle a...(elle vit que Connie voulait lui poser une perfusion) Hé, hé, mais qu'est-ce que vous faites ?
Kerry : Détendez vous, Maggie, c'est juste pour un contrôle de routine.
Maggie (prenant peur, et se débattant) : Non, non, enlevez moi ça, je ne veux pas de ça ! Je veux voir ma fille, elle est docteur ici, je le sais. Je veux la voir. (elle se mit à crier) Abby !
Kerry (aidée de Connie, ayant du mal à la garder sur le lit) : Abby Lockhart ? (elle appelle Randy qui passait dans le couloir) Randy, allez me chercher Abby, et vite !
Maggie s'énervait de plus en plus, et Kerry tentait comme elle le pouvait de la rassurer. Randy trouva Abby dans le couloir, elle sortait de la salle de suture. Lorsque Randy lui annonça que sa mère la demandait en salle 4, le coeur d'Abby se souleva. Elle imaginait déjà le pire, et elle suivit la réceptionniste sans rien dire. Elle arriva près de la salle 4 et regarda de derrière la porte. Elle vit sa mère en train de se donner en spectacle à tout l'hôpital. Maggie se déchaînait, et Kerry et Connie peinaient à la garder sur le lit. A ce moment, Abby retomba en enfance, et elle eut la même sensation que quand sa mère venait la chercher à l'école. Puis elle reprit rapidement ses esprits, regarda tristement Randy, et lui dit froidement qu'elle ne connaissait pas cette femme. Elle voulut partir, mais Maggie l'avait vue à travers la porte. Elle hurla son nom et se débattit tant et si bien que Kerry et Connie finirent par la lâcher. Maggie courut ouvrir la porte et se jeta littéralement dans les bras d'Abby. Celle-ci leva les yeux au ciel et soupira. Qu'avait-elle fait pour mériter ça ?
Dans le couloir, Kerry, Connie et Randy étaient stupéfaites. Plusieurs personnes se tenaient debout et les regardaient. Abby détestait cela ; elle détestait que sa mère soit comme ça. Elle fit un geste de la tête à Kerry, ce qui sous-entendit qu'elle allait se charger elle-même de soigner sa mère. Puis Maggie lâcha enfin Abby, qui l'emmena en salle de suture.
***
Une fois arrivées dans la salle, Maggie laissa exploser sa joie, prit sa fille dans ses bras, l'embrassa, mais elle n'eut rien en retour de la part d'Abby qui resta de marbre face à ces débordements d'émotions.
Maggie (souriant jusqu'aux oreilles) : Abby, chérie, je suis si heureuse de te revoir (elle pose ses mains sur le visage d'Abby) Laisse moi te regarder. Comme tu as changé, ma fille !
Abby baissa son regard pour ne pas croiser celui de sa mère. Elle retira ses mains de son visage, et prit un kit de suture. Maggie s'assit sur le lit.
Abby : Allonge-toi, je vais commencer par recoudre ton arcade.
Maggie (souriant toujours) : Alors tu es devenue un grand médecin...Je le savais, Abby, que tu réussirais.
Abby (sans même regarder sa mère, d'un ton froid) : Je suis juste infirmière, maman.
Maggie (ne faisant pas attention à la dernière remarque) : Oh, Abby, tu m'a manquée chérie...
A ces mots Abby regarde sa mère un instant, puis retourne à ses sutures.
Abby (sarcastique) : Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé, cette fois ? Ta voisine t'as mise de mauvaise humeur, ou c'est le chauffeur de taxi qui a dit quelque chose qui t'as énervé ?
Maggie (perdant d'un coup son sourire) : Qu'est-ce qu'il y a ?
Abby (feignant de ne pas comprendre) : Quoi ?
Maggie : Abby, je ne suis pas débile, qu'est-ce que tu me reproches ?
Abby : Rien du tout...
Maggie (comprenant l'attitude d'Abby) : Oh, si, tu m'en veut encore pour quand tu étais petite...Je sais bien que je n'ai pas pu bien m'occuper de ton frère et toi quand vous étiez enfants, mais j'étais malade, tu sais...
Abby (avec un calme exemplaire) : Oui, je sais. Mais je sais surtout que tu refusais de te soigner, et qu'à cause de ça, tu as gâché notre enfance...
Maggie (la colère commençait à se faire sentir) : Gâché votre enfance ?
Abby (s'énervant un peu) : Tu trouve ça normal que j'aie dû m'occuper d'Eric quand j'avais 9 ans, tu trouve ça normal qu'on ait dû subir toutes tes crises sans rien dire, sans broncher pour ne pas alerter les voisins, tout ça parce que tu refusais de te soigner !
A l'écoute de tout cela, Maggie bouillonna de colère. Elle avait dû mal à se contrôler. Abby cessa ses reproches lorsqu'elle vit l'état de Maggie qui empirait. Mais la liste était encore longue, et Abby avait tout gardé en mémoire. Les crises d'euphorie de sa mère, ses fièvres acheteuses qui faisaient accourir les services sociaux et surtout les services financiers à la maison, et les longues dépressions qui s'en suivaient, pendant lesquelles elle, Abby, âgée alors de 9 ou 10 ans, devait tout prendre en charge à la maison, y compris son jeune frère. Elle avait cessé de compter les jours d'école manqués, les punitions pour être arrivée en retard et pour s'être endormie au fond de la classe... Tout ça parce que sa mère était bi-polaire et refusait de se soigner. Elle avait gâché son enfance. Mais Abby n'avait pas supporté longtemps cette situation, et elle était partie à 17 ans pour vivre avec Richard. Richard, c'était la liberté pour elle. Elle s'était mariée avec lui, elle était devenue alcoolique avec lui. C'était un paumé, et à l'époque elle aussi. Mais à force de courage elle avait réussi à se sortir de l'alcool, et elle avait finalement divorcé d'avec Richard. Elle avait recommencé une nouvelle vie.
Sa mère vivait en Floride, près de chez son frère Eric, et il veillait sur elle. Abby téléphonait souvent à son frère et prenait des nouvelles de leur mère, sans jamais vouloir lui parler. D'après ce qu'Eric lui disait, elle avait finalement accepté un traitement qui lui faisait beaucoup de bien. Mais de toute évidence, elle avait dû arrêter son traitement avant de venir voir Abby. Elle soupira. La colère de Maggie commençait à monter, et elle finit par exploser littéralement. Elle se leva et se mit à crier en tournant en rond dans la petite salle de sutures.
Maggie : Tu m'en veux, tu m'en veux...Mais ce n'est pas ma faute, tu comprends ça !
Elle donna un violent coup de pied dans un chariot, ce qui fit sursauter Abby, et tous les kits de sutures volèrent à travers la pièce. Et Maggie continuait :
Maggie : C'est ton père qui m'a mise dans cet état là, j'étais pas comme ça avant. Et tu crois pas que je sais déjà que je vais mal ? Pourquoi tu m'enfonces Abby, je suis malade...
Elle était devenue complètement déchaînée maintenant, elle faisait de grands gestes et, de colère, renversait les chariots, brisait les flacons de médicaments, piétinait rageusement les piles de dossiers restées dans un coin de la salle. Rien n'était épargné. Et elle hurlait de plus belle. Abby était debout et regardait sa mère. Cela faisait presque 15 ans qu'elle ne l'avait pas vue en crise, et cela ravivait des souvenirs douloureux. Elle la regardait sans aucune haine ni colère. Elle attendait, comme impassible, que l'orage se calme. C'est toujours ce qu'elle faisait lorsqu'elle était enfant, et les souvenirs lui revenaient instinctivement. Elle entendait sa mère hurler, et elle revoyait en flash-back toutes ces scènes auxquelles elle était trop habituée. Elle ne savait pas quoi faire, et ne pouvait pas bouger, comme si elle était paralysée. Son coeur se serrait. Même après toutes ces années, voir les crises de sa mère lui faisait toujours la même chose : C'est comme si elle la voyait mourir à chaque fois sous ses yeux dans une pénible et interminable agonie.
Puis la sécurité arriva, alertée par les cris de Maggie, et deux molosses l'emmenèrent hors de la salle. Abby était perdue. Kerry entra dans la salle et lui parla, sûrement pour lui demander si ça allait, ou ce qu'il s'était passé, mais elle ne l'entendait pas. Bouleversée, choquée, elle passa devant Kerry sans même la voir, et monta se réfugier sur le toit. Le toit était l'endroit préféré d'Abby. Plutôt que la salle de repos ou le parking des ambulances, elle était toujours seule et tranquille, là-haut. Elle pouvait pleurer comme elle le voulait.
C'est d'ailleurs ce qu'elle était en train de faire, assise contre un mur, lorsque quelqu'un arriva. C'était Luka. Elle se dépêcha d'essuyer ses larmes, et le laissa s'asseoir à ses cotés.
Luka : Abby, ça va ?
Abby respira profondément, finit de sécher ses larmes, et hocha la tête en guise de "oui".
Luka : Ils ont été obligés d'administrer un neuroleptique à ta mère. Elle...Elle va un peu mieux maintenant.
Abby hocha la tête en signe d'approbation. Luka la regardait. Il voulait qu'elle lui parle. Il voulait comprendre. Ils étaient ensemble depuis quelques temps, et elle ne lui avait jamais avoué la maladie de sa mère. Il estimait pourtant que c'était une chose importante. Abby lut dans son regard, et bien qu'elle n'ait pas spécialement envie de parler de ça à ce moment, elle commença son histoire, un peu à contre coeur.
Abby : Ma mère est comme ça depuis longtemps. Elle est bi-polaire. Mais elle a toujours refusé de se soigner. Pendant toute notre enfance, mon frère et moi en avons fais les frais. En sortant de l'école, on ne savait jamais comment elle allait être. C'était l'angoisse de la journée. Certaines fois, elle était bien, mais c'était si rare...Soit elle était complètement euphorique, et elle était totalement imprévisible, ou alors elle on la retrouvait en train de pleurer dans un coin de la maison qu'elle avait bien évidemment mise à sac dans une crise...
Luka : Je ne savais pas tout ça...Tu ne m'en a jamais parlé.
Abby : Je sais...Mais je voulais oublier.
Luka : Et elle a jamais voulu voir de médecin ?
Abby : Oh, si, des médecins elle en a vu. C'est les traitements qu'elle refusait. Elle les jetait dans le lavabo dès qu'elle rentrait à la maison, et mon frère et moi voyions là tous nos espoirs s'enfuir...
Luka : Et ton père ?
Abby : Il est décédé quand nous étions très jeunes. C'est en partie pour ça que ma mère est devenue malade.
Luka : Tu devrais lui parler.
Abby (ironique) : Pour lui dire quoi ? Que je la déteste ?
Luka : Tu ne la déteste pas. Abby, elle a besoin que tu la soutiennes. Tu pourrais peut-être essayer de la convaincre de suivre un traitement. Pour elle, tu es un grand médecin, alors elle t'écoutera sûrement...
Abby réfléchit et ne répondit rien.
Luka : C'est ta mère, ne l'oublies pas ! Et elle a besoin de toi...
Connie ouvrit la porte du toit, et fit un signe en direction d'Abby et Luka.
Connie : Docteur Kovac, un polytrauma dans 2 minutes, on a besoin de vous en réa 3.
Luka : J'arrive ! (à Abby) Réfléchit bien, Abby. Ne prend pas le risque de la perdre...
Bon, on se voit ce soir ?
Abby : Je sais pas, je te rappellerais.
Luka l'embrassa, puis se leva et marcha jusqu'à la porte. Abby le regarda s'éloigner jusqu'à ce que la porte se referme derrière lui. Elle soupira, resta encore quelques minutes, puis se releva elle aussi. Encore une fois, Luka avait raison. Ses paroles avaient dépassées sa pensée : Elle ne détestait pas sa mère, et elle ne voulait pas la perdre...
Elle rentra dans l'hôpital, et retourna voir sa mère. Maggie rassemblait ses affaires et enfilait déjà son manteau. Elle sursauta quand elle vit Abby entrer dans la salle. Les deux femmes restèrent debout, immobiles, à se regarder dans les yeux.
Abby : Maman, je suis désolée...
Elle avait la gorge nouée. Elle n'avait pas l'habitude de ce genre de scènes d'excuses plates, et elle en était presque gênée. Mais paradoxalement s'excuser lui faisait du bien. C'est comme si elle réussissait à pardonner à sa mère toutes ces années.
Maggie (faiblement) : Moi aussi...
Maggie regarda sa fille. Ses yeux brillaient, mais impossible de savoir si c'était dû aux séquelles de la crise où aux excuses d'Abby. Elle aussi avait la gorge serrée. Elle avait conscience qu'elle avait causé beaucoup de tort à ses enfants, et encore cette après-midi à Abby. Le silence s'installa. Abby prit une grande inspiration, et s'apprêta à parler avec sa mère de la possibilité d'un traitement pour ses troubles, mais au moment où elle allait parler, sa mère l'arrêta.
Maggie : Je sais ce que tu vas me dire, Abby. Mais je me suis finalement décidée à suivre un traitement.
Abby sembla sidérée. Sa mère aurait-elle lu dans ses pensées ?
Maggie : Le docteur Weaver m'a parlé tout à l'heure, et je me suis rendue compte que j'en avais vraiment besoin. Je ne peux pas m'en sortir seule, et je ne veux pas rester comme ça toute ma vie...
Abby la regarda et sourit. Ca faisait longtemps qu'elle n'avait pas vu sa mère aussi lucide. Maggie sourit aussi. Puis Abby réalisa que sa mère était en train de plier bagages.
Abby : Tu t'en vas ?
Maggie : Oui, ton frère est très inquiet et il a prévenu un taxi pour me ramener. Le chauffeur m'attend déjà devant la porte.
Abby ne dit rien. Elle pensait à son frère qui s'occupait de sa mère depuis toutes ces années, et qui n'avait jamais craqué. Elle l'admirait, et elle se sentait même un peu lâche et coupable de le laisser se charger seul de leur mère. Mais elle savait très bien qu'elle même n'aurait pas tenu une semaine avec leur mère...
Quelque part, Abby était un peu ennuyée que sa mère reparte comme ça, elle aurait bien aimé discuter encore un peu avec elle, mais au fond, pour changer quoi ? Ca faisait quinze ans qu'elle n'avait pas vu sa mère, et c'était peine perdue que de vouloir rattraper le temps passé. Elle la laissa donc partir, se disant qu'elle appellerait Eric le soir même. Maggie reprit ses affaires et le traitement, puis Abby la raccompagna au taxi. Elles se serrèrent dans leurs bras, et Maggie monta dans la voiture. Puis le chauffeur démarra, et le taxi s'éloigna. Abby la regarda partir, sous la pluie. Elle n'avait aucune idée de ce que lui réservait l'avenir. Peut-être que le traitement allait marcher. Peut-être aussi que sa mère allait le jeter dès son arrivée en Floride, comme elle l'avait fait avec tous les autres traitements.
Puis Abby cessa de penser à l'avenir. Ca ne servait à rien de faire des projets à longs termes avec sa mère... Pour l'instant, elle avait vu Maggie, elle lui avait pardonné, et c'est tout ce qui comptait.
Maintenant, il était 7.00, et sa garde s'achevait.
Demain serait un autre jour...
~ fin du chapitre 3 ~
