Chapitre II : Une Etrange Conduite

« Macy, c'est un diminutif pour Ultimécia. » annonça tout à coup Squall, en voyant que Selphie ne pouvait se résoudre à en parler. Raijin, qui avait justement choisi ce moment précis pour boire une gorgée d'eau, toussa et ne trouva rien de mieux à faire que d'éclabousser Fujin avec son verre d'eau ; alors il grimaça et attendit la sanction qui n'allait certainement pas tarder à lui tomber dessus. Mais la jeune femme, assise à côté de lui, ne le frappa pas, elle prit une serviette en papier et épongea sa robe mouillée. Puis elle regarda Seifer.

« - Tu étais au courant ? demanda t-elle d'un calme glacial.

- Non. » répondit-il sobrement.

Quistis porta la main à sa gorge, semblant s'étrangler ; elle était devenue blême. Zell s'écria « Bon sang ! » en se levant soudain de sa chaise ; brandissant son poing au-dessus de la table, il s'apprêtait à y mettre un grand coup de poing lorsque la politesse la plus élémentaire l'en empêcha. Il voulut alors se rasseoir, mais malheureusement, il rata sa destination lorsqu'il se laissa tomber sur sa chaise, et ce fut sur le sol qu'il se laissa tomber. Squall posa la paume de sa main droite sur son front et secoua lentement la tête. Linoa regarda son mari d'une façon qui en disait long sur ce qu'elle pensait à propos du manque évident de tact de M. Leonhart, mais ne dit pas un mot. Selphie se contenta de se blottir un peu plus dans les bras de son fiancé, tandis que ce dernier lui caressait machinalement les cheveux.

« - Suis-je le seul à trouver votre réaction exagérée ? fit-il soudain.

- Irvine ! s'écria Selphie en ouvrant les yeux pour lui lancer un regard assassin.

- Mon petit bretzel, réfléchis un peu ! coupa Irvine.

- Il a raison ! intervint le recteur, Cid Kramer. Macy n'est pas encore Ultimécia. Si jamais elle le devient un jour, ce sera au SeeD de l'éliminer ; mais j'aimerais qu'au lieu de punir, le SeeD intervienne avant que… les problèmes ne soient arrivés. Macy est une gentille enfant, je suis sûr qu'en grandissant ici, c'est une SeeD compétente et non une sorcière maléfique qu'elle deviendra ! Rendez-vous donc compte, nous pouvons changer l'avenir et le passé, et empêcher que Macy ne devienne Ultimécia ou ne transfère ses pouvoirs à Edea. Nous pouvons arrêter ce cercle infernal !

- Vous… vous dites sans doute vrai, Monsieur, articula Selphie.

- Un joli paquet de foutaises sentimentales, oui ! » ricana Seifer.

Aucun ne prit la parole pour lui dire ce qu'ils pensaient de lui, mais les regards qu'ils lancèrent à Seifer étaient bien assez explicites en eux- mêmes. Cid soupira et eut un sourire fatigué.

« - Tu as toujours été d'une franchise presque insolente, Seifer, lui dit- il. Mais ta révolte contre l'autorité n'est pas justifiée, ce soir…

- Je vous propose tous d'en reparler demain ! annonça Squall, une fois encore d'une façon abrupte. Restez donc ici pour la nuit, nous vous trouverons bien des chambres de libre, quelque part… »

Irvine supposa que Squall était en train de s'adresser à Selphie et à lui, étant donné que toutes les autres personnes présentes travaillaient – et vivaient donc – à la BGU. Il fut donc surpris d'entendre Ellone accepter l'hospitalité que Squall venait de leur offrir, puis il se souvint qu'Ellone, la nièce adoptive du Président Loire, habitait aussi à Esthar !

Puis Selphie, remise de ses émotions, accepta aussi de rester dormir à la BGU, à condition que Linoa lui prête des habits de rechange – ce à quoi Linoa répondit « Bien sûr ! » avec un charmant sourire.

Squall se chargea ensuite de trouver des chambres inoccupées pour leurs invités : il se rendit à son bureau au deuxième étage, tapota sur son ordinateur et vit qu'il restait une chambre simple et un dortoir double dans l'aile des étudiants. Lorsqu'il redescendit, des robots de nettoyage s'activaient déjà afin de remettre la salle des fêtes en ordre, et la majorité des membres du Conseil de la BGU (autrement dit, Cid, Seifer, Zell, Fujin et Raijin) étaient déjà partis dans leurs chambres. Linoa, Quistis et les invités se tournèrent vers Squall lorsqu'il arriva à leur hauteur.

« Il reste une chambre double et une simple dans l'aile des étudiants, annonça t-il à Ellone, Selphie et Irvine. J'espère que ça ira ? Je suppose que les filles s'arrangeront avec le dortoir double, et toi Irvine, tu prendras la chambre simple… »

Ce fut Linoa qui, cette fois, porta la paume de sa main à son front. Elle baissa la tête, la secoua doucement et se mit à rire de la candeur de son cher époux. Celui-ci la regarda d'un œil interrogateur, tourna son regard vers Quistis et les trois invités qui souriaient, eux aussi.

« Oh ! J'ai compris… » dit-il finalement, lorsqu'un éclair de lucidité le frappa.

Puis Quistis se proposa d'accompagner les invités jusqu'à leurs chambres, et Squall leur donna les numéros des dortoirs libres. Bien sûr, Ellone eut droit à la chambre simple, et Selphie et son fiancé occupèrent le dortoir double. Selphie n'alla pas dormir tout de suite mais se mit à sa table et écrivit le récit de cette drôle de soirée dans le carnet qui ne la quittait jamais. En se remémorant ces évènements, Selphie sentit sa nervosité s'estomper peu à peu, et ce ne fut que sur le coup des trois heures du matin qu'elle s'endormit sur son bureau, la tête posée sur ses bras repliés.

Mais lorsqu'elle se réveilla, Selphie était dans son lit. Elle pensa qu'Irvine avait dû gentiment la porter jusque dans son lit, et se dit qu'il était bien prévenant. Elle regarda la pendule accrochée au mur de sa chambre et comme il était déjà huit heures, elle se leva pour aller dans la salle de bain faire sa toilette. Lorsqu'elle sortit de la douche, enroulée dans une serviette-éponge et sa brosse à dents dans la main, elle fut surprise de voir Ellone dans la chambre.

« Oh ! Tu m'as fait peur, Ellone. Bonjour, ça va ? »

Ellone, habillée de noir, lui sourit d'un air triste et c'est alors que Selphie remarqua que son amie était bien plus âgée qu'elle n'aurait dû l'être ! Ellone semblait avoir la cinquantaine… Et puis, soudain, son image disparut, purement et simplement.

Selphie fit quelques pas en avant, tendit le bras et brassa l'air de sa main pour savoir si quelque chose se trouvait là. Mais il n'y avait rien, plus rien du tout…

« Hé, Nunchaku adoré, tu as fait la grasse matinée ? »

Selphie sursauta et vit Irvine se tenant devant elle, la main encore sur la poignée de la porte qu'il venait de franchir. Elle s'assit d'un air perplexe sur le rebord de son lit et regarda la pendule au mur : onze ! Il était onze heures !

« - Je t'ai apporté un petit en-cas, fit Irvine en tendant un bretzel à sa compagne.

- Est-ce que tu l'as vue ? demanda t-elle, en refusant le beignet d'un signe de la main.

- Que suis-je sensé avoir vu ? répondit-il par cette question, tout en mordant dans le bretzel et en allant dans la chambre adjacente pour prendre sa veste.

- Ellone, elle était là ! Ici, juste devant moi !

- Euh, je ne crois pas qu'elle était ici, ma puce électronique ! articula t- il, la bouche pleine.

- Mais je te dis que je l'ai vue ! »

Irvine avait enfilé sa veste, il revint dans la chambre de Selphie, s'accroupit devant elle et la regarda d'un air inquiet.

« - Habille-toi, Selphie. Tu vas prendre froid…

- Je… j'étais sûre de l'avoir vue…

- Peut-être qu'Ellone est effectivement passée ici, mais je ne l'ai pas vue en arrivant. De toutes façons, on va la voir tout à l'heure, et tu pourras lui parler. Je ne comprends pas pourquoi tu es tellement… bouleversée. Si tu venais plutôt à la cafèt' déjeuner avec moi ?

- …

- Habille-toi, Selphie, et on ira déjeuner… A moins que… »

Irvine eut un petit sourire significatif au coin des lèvres. Selphie le regarda avec surprise, sans comprendre son sous-entendu. Alors, il dut être plus explicite et désigna en souriant la serviette de bain qui constituait à ce moment-là le seul habit de Selphie.

« - Oh ! Irvine, ce n'est vraiment pas le moment de penser à ÇA ! fit-elle d'un air dégoûté.

- Bon, OK ! » marmonna t-il, de mauvaise humeur.

Il se releva et se dirigea vers la porte de sortie du dortoir double.

« Je vais aller chiper des bretzels à Zell, dans ce cas ! » conclut-il.

La main sur la poignée de la porte, il éclata soudain de rire : « Ha ha ha ! "Des bretzels à Zell" ! Essaye de dire ça plusieurs fois de suite, à toute vitesse ! Ha ha ha ! »

Une fois qu'il eût fait cette remarque d'un intérêt scientifique inégalable, Irvine sortit du dortoir, toujours en riant. Selphie s'habilla et sortit à son tour pour aller déjeuner à la cafétéria. Jamais elle n'arriva à la cafétéria ce jour-là, et on n'eut plus de nouvelles d'elle jusqu'à deux heures et demi de l'après-midi – heure à laquelle Irvine la retrouva finalement et lui dit que Squall la demandait à une réunion qui était en train de se dérouler au premier étage ; elle s'y rendit donc.

Lorsque Selphie et son ami arrivèrent, très en retard, à la salle de réunion, Squall remarqua l'air désorienté et fatigué de la jeune femme. Elle s'assit sans un mot à la table de réunion et se mit à fixer Ellone du regard. La discussion autour de la table reprit son cours.

« - Je comprends ta réticence, Zell, disait Squall. Mais Macy n'est encore qu'une enfant, nous ne pouvons ni lui faire de mal, ni l'abandonner à son sort – d'ailleurs, tu sais bien ce qu'elle deviendrait si nous l'abandonnions…

- Je sais, je sais… Pourtant, j'ai comme un mauvais pressentiment.

- Notre rôle en tant que SeeD est de servir et de protéger, alors il n'est pas question de faire quoi que ce soit de nuisible à cette petite !

- Bien, M. le Sous-directeur ! ironisa Seifer.

- Lorsque nous aurons besoin de vos conseils, M. Almasy le Chevalier Servant des Sorcières, nous vous sonnerons ! lui dit Zell, avec dédain.

- Es-espèce de…

- S'il vous plait, intervint Squall, ne vous –

- … de porc-épic blond !

- … ne vous disputez pas…

- Oh ! Et toi, sale…

- Zell ! Seifer !

- … Gunblade rouillée !

- Hérisson décoloré !

- CELA SUFFIT ! » cria Squall en séparant les deux ennemis.

Seifer sortit en claquant la porte, et Zell se rassit à contre-cœur en marmonnant des noms d'oiseaux entre ses dents.

« - On ne s'en sortira jamais si vous n'y mettez pas du vôtre ! Zell, je t'en prie…

- C'est à lui qu'il faut dire ça, Squall ! Il me tape sur les nerfs depuis près de trente ans ! Un de ces jours, je lui ferai bouffer son épée sans assaisonnement !

- Vous allez me rendre dingue tous les deux ! Bon, puisque c'est comme ça, la réunion est close. C'est moi qui décide des admissions d'étudiants à la BGU, et Macy restera ici – point final ! Et ceux qui me traiteront de dictateur peuvent aller se faire voir ailleurs ! Rompez ! »

Après cet accès de colère, Squall se rassit, sortit une boîte de médicaments de la poche de sa veste et jeta un comprimé effervescent dans un verre d'eau.

« Vous avez entendu ? Rompez ! » ordonna t-il à nouveau.

Stupéfaits, tous les participants à la réunion se levèrent alors sans bruit et sortirent de la salle. Linoa resta cependant assise à sa place, silencieuse et pensive.

« - Tu avais raison, Linoa… J'ai vraiment un ulcère, et cela bien avant d'avoir trente ans ! fit Squall en riant.

- Je suis sûre que ce n'est pas la bonne solution, mais nous n'avons pas le choix…

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Je parlais de notre décision de garder Macy ici…

- Je ne veux pas que l'histoire se répète inlassablement, Linoa. Je ne veux pas laisser Macy devenir Ultimécia, je ne veux pas qu'elle meure par ma main et transfère ses pouvoirs à notre gouvernante… à l'orphelinat… le jour où Ellone est partie… Et puis, Macy n'est encore qu'une enfant !

- C'est bien ce que je disais : nous n'avons pas le choix…

- … M. Kramer me donne bien trop de responsabilités… Il doit sans doute penser que j'ai les épaules assez solides pour ça, mais… il me délègue bien trop de responsabilités ! »

Linoa voulut dire quelque chose à son mari mais elle fut interrompue par plusieurs coups frappés timidement à la porte.





Selphie ouvrit les yeux lorsque plusieurs coups frappés à la porte la réveillèrent. Elle vit qu'elle était assise devant le carnet qui lui servait à la fois de carnet de notes et de journal intime. Le carnet était ouvert et les derniers mots qui y étaient écrits étaient : "il est trois heures du matin et je tombe de sommeil…"

On frappa à nouveau à la porte et Selphie entendit Irvine ronchonner en allant ouvrir à ce visiteur matinal. Elle ferma son carnet et massa ses avant-bras, engourdis d'avoir supporté le poids de sa tête durant la nuit. Un peu désorientée et encore ensommeillée, elle regarda la pendule accrochée au mur ; il était presque six heures. Machinalement, elle gagna son lit, se glissa entre les draps, et tomba dans un profond sommeil. Elle n'entendit pas Irvine parler au visiteur, elle ne l'entendit pas non plus sortir une heure plus tard, et lorsqu'elle se réveilla une seconde fois à huit heures du matin, elle pensa que c'était Irvine qui l'avait gentiment portée à son lit. Elle se leva dans l'intention de se rendre dans la salle de bain mais elle fit tout à coup demi-tour, se dirigea vers le bureau, puis comme une automate, elle alluma son ordinateur portable, écrivit et imprima son article pour le prochain numéro du Esthar Maniacs ; enfin à onze heures moins le quart, elle revint à la réalité et alla dans la salle de bain prendre sa douche. Lorsqu'elle sortit de la salle de bain, les yeux à nouveau hagards, elle se redirigea vers son bureau, prit l'article qu'elle venait d'écrire, le froissa et le jeta dans la corbeille au pied du bureau.

A ce moment-là, Irvine ouvrit la porte du dortoir et s'écria, avant même d'être entré dans la chambre de Selphie : « Hé, Nunchaku adoré, tu as fait la grasse matinée ? ». Selphie sursauta et d'un air perplexe, elle s'assit sur le rebord du lit.

« - Je t'ai apporté un petit en-cas, lui dit Irvine en lui tendant un bretzel.

- Est-ce que tu l'as vue ? » demanda t-elle en retour.