Treize
Chapitre IV : Bienvenue à Sarajevo
Auteur : Lojie
Disclaimer : Tous les personnages sont la propriété de la WB et d'Amblin.
Note de l'auteur : Luka va beaucoup être à l'honneur dans cette partie (avis aux fans), mais d'autres auront aussi leur heure de gloire dans la suite de la fanfiction. En attendant, ça bouge à l'intérieur comme à l'extérieur du service des urgences.
Je dédis ce chapitre à notre petite Lydie qui adoooore Luka :o) et aussi à son pôv prof de math monsieur Auque !
¤°¤°¤°¤ ¤°¤°¤°¤
Joffrey était à présent hilare, ignorant totalement le bruit des hélicoptères au-dessus de l'hôpital, des sirènes à une centaine de mètres d'eux. Des snippers devaient déjà être posté sur les toits des immeubles alentours, des équipes d'interventions prêtes au combat à l'étage au dessus.
Le téléphone se remit à sonner.
" _Bon, " soupira Joffrey mécontent, " Luka, va répondre à c'putain d'téléphone avant. "
Le médecin se releva sans faire de gestes brusques, mais avant qu'il ne décroche, le garçon réintervint.
"_ Attends ! Tu vas dire tout c'que j'vais marquer au tableau, d'acc ? "
Luka hocha de la tête. De toute façon, il n'avait pas vraiment le choix. Joffrey effaça le tableau des consultations, prit un feutre de la main gauche, la droite toujours vissée à son arme, et commença à écrire. Le docteur Kovac décrocha :
" _Allô ? "
" _Allô docteur Kovac ? C'est toujours Husser au téléphone. Vos preneurs d'otages ont fait leurs requêtes ? "
Luka s'aperçut avec crainte que les policiers pensaient qu'il y avait plusieurs agresseurs. Comment leur expliquer sans que Joffrey ne s'en aperçoive, que c'était juste un gosse avec une arme ? Celui-ci lui montrait par grands signes le tableau pour qu'il le lise. Peu lisible, Luka avait du mal à comprendre :
" _Les.. preneurs d'otages veulent.. veulent la libération immédiate et sans appel de.. de Michael Banner, incarcéré dans l'état de Géorgie à.. à la prison fédérale de Northwaulks. "
Luka avait lu mot pour mot, et prenait conscience que Joffrey avait parfaitement compris que les policiers ne savaient pas du tout qu'il était seul. Il misait tout sur le bluff.
"_ Les preneurs d'otages veulent aussi un.. hélicoptère et les.. non, le.. le dernier album de Snoop Dog ? ! ? "
Husser ne répondit pas tout de suite à l'autre bout du fil. Il est vrai que la dernière requête était assez hors de contexte. Joffrey fronça les sourcils en n'entendant pas de réponse immédiate par le haut-parleur.
" _Pour l'album de.. Snoop Dog, je pense pas qu'on aura trop de difficultés pour l'obtenir, " répondit finalement l'inspecteur, " mais pour l'hélicoptère et la libération de Michael Banner, il va nous falloir réfléchir. "
Joffrey effaça le tableau et inscrivit autre chose tout aussi rapidement. Luka se remit à lire :
" _Ne tardez pas trop quand même sinon.. Sinon on les bute tous un par un. "
Kovac déglutit avec difficulté. La dernière phrase était peu réjouissante. L'adolescent s'approcha de Luka, prit le combiné de ses mains et raccrocha.
" _Va t'asseoir, et racontes-nous un truc que t'as jamais dit. " Ordonna-t-il. " J'espère qu'ils vont nous laisser un peu tranquille pour qu'on puisse jouer au jeu d'la vérité. "
¤°¤°¤°¤
Une jeune femme blonde tenta de passer sous les bandes jaunes, quand un policier l'arrêta en la prenant par l'épaule :
" _Veuillez retourner de l'autre côté, madame. Seuls les gens autorisés peuvent franchir la bande jaune. " Dit-il comme s'il récitait une leçon.
" _Mais… " Tenta-t-elle de protester.
" _Il n'y a pas d'exceptions, je suis désolé. " Rétorqua-t-il durement.
" _Laissez-la passer, " ordonna Mark qui avait vu la scène de loin et qui s'était approché. " Elle connaît des gens à l'intérieur. "
Le policier scruta le regard du médecin pour savoir s'il disait la vérité, puis convaincu il laissa Susan Lewis passer.
" _Mark ! " Dit-elle souriante. " Tu arrives toujours au bon moment ! "
Mais le médecin n'arrivait pas à sourire. Il gardait un air grave incapable de se dérider. Il pensait trop à Elisabeth retenue en otage. Sans un mot et seulement avec un regard réconfortant, elle lui prit le bras puis ils se dirigèrent tous deux vers la fourgonnette où étaient les autres.
¤°¤°¤°¤
" _Alors ? " S'impatienta Joffrey. " T'as pas l'air d'vouloir trop raconter d'trucs sur ta vie. Tu sais, y'a douze autres personnes ici, une de plus, une de moins, j'suis pas à ça prêt. "
La menace était claire. Le garçon avait l'air ravi de cette suprématie toute neuve. Luka vit se tourner vers lui tous les regards. Il fallait qu'il dise quelque chose, mais quoi ? Il n'avait pas le temps d'inventer un mensonge, Joffrey pointait déjà son arme vers le crâne de Randi. Finalement pourquoi ne pas vraiment jouer le jeu ?
" _Je… " Commença Luka.
Le garçon baissa aussitôt son arme et Randi reprit son souffle avec difficulté.
"_ Je suis responsable de la mort de quatre personnes. "
" _Quatre ? " S'étonna Joffrey le sourire aux lèvres. " T'y es pas allé de main morte dans les confessions toi ! Qu'est-c'qui s'est passé ? "
" _Les trois premières victimes sont ma femme et mes deux enfants. Je les ai laissé mourir. J'ai rien pu faire pour les sauver ! J'étais juste sorti pour quelques courses, ils voulaient venir mais je leur ai dit de rester dans l'immeuble, je leur ai dit de mourir ! "
" _D'où tu viens ? " Demanda Joffrey qui ne comprenait pas vraiment de quoi il parlait, à l'inverse des otages.
" _Croatie, Sarajevo. " Répondit simplement Luka au bord des larmes. " Un obus a foncé droit sur mon immeuble, mon fils est mort sur le coup, ma femme et ma fille quelques instants après. "
" _Mais c'était pas ta faute ! " Répliqua le garçon. " C'est les autres qui ont envoyé l'obus ! "
" _Je n'aurais jamais dû les laisser seul ! " Protesta Luka sans mesurer le ton de sa voix. " J'ai essayé de sauver ma fille, mais tout ce que j'ai réussi à faire, c'est la laisser mourir elle et sa mère ! "
Malgré ses longues conversations avec l'évêque, il n'avait toujours pas réussi à se pardonner. Joffrey restait silencieux. Il ne s'attendait sûrement pas à des révélations pareilles. Pensif pendant quelques instants, il posa finalement une question qui le démangeait :
" _C'était comment la vie à Sarajevo du temps d'la guerre ? "
Cette question pourtant si anodine, était d'une complexité extrême à répondre. Comment réussir à faire partager des sentiments enfouis dans notre plus profond moi, et dont nous ne soupçonnons même pas l'existence.
" _Ca dépend, " répondit Luka après une longue pause. " Un jour, on peut presque arriver à l'ignorer, presque trouver la situation normale et se faire une raison. Le jour suivant, on peu avoir envie de tout casser, l'envie d'avoir face à soi les véritables responsables et de les battre, de les battre, battre encore et encore. Les mots sont impuissants pour décrire ce qu'est la vie durant la guerre. Même guerre et vie sont déjà deux termes qui s'opposent. Et on ne s'en remet jamais. C'est comme si la guerre ouvrait une part d'ombre dans votre esprit et qu'il vous était impossible de la refermer. Vous aurez beau poussé de toutes vos forces, la résistance de l'autre côté ne sera que plus intense. "
Chacun observait le visage torturé du croate, les sentiments sans noms qui transparaissaient à travers son regard. Joffrey parut satisfait de la réponse mais il était curieux et voulait en savoir plus :
" _Et pour toi, qui étaient les véritables responsables ? "
" _Les vrais responsables ? L'histoire est bien trop compliqué pour pouvoir blâmer quelqu'un de précis, " enchaîna Luka.
Cela déçut un peu Joffrey qu'il n'y ait pas de 'grand méchant'.
"_ On pourrait dire que c'est la faute du communisme, de Tito, des serbes et des croates… Il y a tellement d'éléments qui entrent en jeu. "
" _D'habitude dans les films, on voit les gens qui reviennent de la guerre tout traumatisés. Et toi t'es traumatisé ? " Demanda naïvement Joffrey.
Luka avait plus l'impression de répondre à de simples questions d'enfants qu'à un preneur d'otage. Ses collègues l'écoutaient eux aussi avec beaucoup d'attention, tout le monde semblait avoir oublié la situation dans laquelle ils étaient.
" _Bien sûr que je suis traumatisé, " répondit-il. " Il n'y a pas si longtemps que ça, j'ai dû aller porter secours lors d'un déraillement de train. C'était horrible il y avait du sang partout, et à certains moments je devais m'arrêter pour me calmer, j'étais torturé par des visions de Sarajevo. Mais ça se répercute aussi dans ma vie de tous les jours, par exemple la nuit je ne dors jamais complètement. Au moindre bruit strident je me réveille car cela me rappelle les obus. La perte de ma famille a été pour moi une grande douleur et je ne me confis plus à cause de ça, j'ai trop peur de souffrir à nouveau. C'est pour ça que ma copine vient de rompre avec moi, elle disait que je ne l'aimais pas car je ne me confiais pas à elle. "
" _Et tu l'aimais ? "
" _Je ne sais pas. J'ai perdu tous mes repères. "
Bizarrement, ce jeu de la vérité qui devait s'annoncer comme un véritable calvaire, réconfortait Luka. Parler de ça lui apportait un peu de paix, un peu de repos de l'âme. Joffrey osait poser les questions simples mais qui posent pourtant le plus de problèmes.
¤°¤°¤°¤
Husser prit son courage à deux mains. Il fallait qu'il aille parler aux familles. La tâche était bien trop délicate pour qu'il se décharge sur ses subordonnées. Il s'avança vers la fourgonnette en prenant une démarche tout à fait naturelle.
De loin, les familles virent l'inspecteur Husser s'approcher vers eux. Mark, Susan, Cleo et Abby remarquèrent aussitôt que quelque chose n'allait pas. Sa mâchoire était légèrement crispé, son pas légèrement hésitant, ses yeux légèrement fuyants. Les docteurs avaient l'impression de se retrouver face à un miroir, quand ils devaient annoncer quelque chose de particulièrement difficile aux familles des patients.
" _Rebonjour, " commença Husser sur un ton faussement enthousiaste. " Nous allons peut-être réussir à faire libérer au moins un otage en échange d'une requête. "
" _Quelle est cette requête ? " Demanda Carla Reese qui avait elle aussi avait remarqué les hésitations de l'inspecteur.
" _Il y en a plusieurs, et la première est… " Husser prit une profonde inspiration. " Est le dernier album de Snoop Dog. "
Tout le monde resta un instant interdit face à cette révélation. La femme brune avec la fillette qui n'avait encore jamais parler hormis pour rassurer son enfant, se leva furieuse :
" _Vous voulez dire qu'on va échanger une vie humaine contre.. contre un compact disc ! ? ! "
" _J'en ai bien peur.. " Voulut reprendre l'inspecteur mais elle ne le laissa pas continuer :
" _Mais quels fous peuvent demander un putain de cédé contre un humain ! Le père de ma fille est là dedans, elle est encore trop jeune pour comprendre, mais si ça tourne mal et qu'elle me demande plus tard ce qui s'est passé, que vais-je lui dire ? Que c'est la faute à un cédé ? " S'énerva-t-elle alors que Betty MacGrath, la femme de Malik, lui prit le bras pour tenter de la calmer.
" _Ce n'est pas moi qui fait les requêtes ! " Protesta Husser pour se défendre. " Moi tout ce que je vois en ce cédé justement, c'est un moyen de faire libérer quelqu'un ! "
Elle se rassit en tentant de se calmer. Elle savait que l'inspecteur avait raison, tout le monde savait qu'il avait raison mais personne ne pouvait s'empêcher de penser comme elle. Un cédé contre une vie humaine, cela rendait cette vie si dérisoire… Husser fit demi-tour pour aller voir comment se dérouler les opérations.
Betty MacGrath prit la main de la femme brune dans la sienne :
"_Je m'appelle Betty, mon mari aussi est là-dedans. " Dit-elle pour tenter de la réconforter.
" _En fait on est divorcé, " répondit la femme brune. " Mais on a gardé de bonnes relations. Je m'appelle Maria. "
¤°¤°¤°¤
Tout le monde était suspendu aux lèvres de Luka. Son tragique passé avait même réussi à arracher quelques larmes aux plus émotifs, Haleh en particulier. Même le jeune preneur d'otage semblait maintenant regarder le croate avec respect, et non avec pitié. C'est ce que Luka appréciait dans les regards de ses amis, il n'y avait pas de pitié car c'était ce dont il avait besoin le moins.
Joffrey allait poser une autre question quand le téléphone sonna. Tout le monde fut brusquement tiré de ses songes à propos du passé de Luka. La cruelle vérité de la situation se rappelait à leur bon souvenir.
¤°¤°¤°¤
A suivre…
Vos Commentaires
Chapitre IV : Bienvenue à Sarajevo
Auteur : Lojie
Disclaimer : Tous les personnages sont la propriété de la WB et d'Amblin.
Note de l'auteur : Luka va beaucoup être à l'honneur dans cette partie (avis aux fans), mais d'autres auront aussi leur heure de gloire dans la suite de la fanfiction. En attendant, ça bouge à l'intérieur comme à l'extérieur du service des urgences.
Je dédis ce chapitre à notre petite Lydie qui adoooore Luka :o) et aussi à son pôv prof de math monsieur Auque !
¤°¤°¤°¤ ¤°¤°¤°¤
Joffrey était à présent hilare, ignorant totalement le bruit des hélicoptères au-dessus de l'hôpital, des sirènes à une centaine de mètres d'eux. Des snippers devaient déjà être posté sur les toits des immeubles alentours, des équipes d'interventions prêtes au combat à l'étage au dessus.
Le téléphone se remit à sonner.
" _Bon, " soupira Joffrey mécontent, " Luka, va répondre à c'putain d'téléphone avant. "
Le médecin se releva sans faire de gestes brusques, mais avant qu'il ne décroche, le garçon réintervint.
"_ Attends ! Tu vas dire tout c'que j'vais marquer au tableau, d'acc ? "
Luka hocha de la tête. De toute façon, il n'avait pas vraiment le choix. Joffrey effaça le tableau des consultations, prit un feutre de la main gauche, la droite toujours vissée à son arme, et commença à écrire. Le docteur Kovac décrocha :
" _Allô ? "
" _Allô docteur Kovac ? C'est toujours Husser au téléphone. Vos preneurs d'otages ont fait leurs requêtes ? "
Luka s'aperçut avec crainte que les policiers pensaient qu'il y avait plusieurs agresseurs. Comment leur expliquer sans que Joffrey ne s'en aperçoive, que c'était juste un gosse avec une arme ? Celui-ci lui montrait par grands signes le tableau pour qu'il le lise. Peu lisible, Luka avait du mal à comprendre :
" _Les.. preneurs d'otages veulent.. veulent la libération immédiate et sans appel de.. de Michael Banner, incarcéré dans l'état de Géorgie à.. à la prison fédérale de Northwaulks. "
Luka avait lu mot pour mot, et prenait conscience que Joffrey avait parfaitement compris que les policiers ne savaient pas du tout qu'il était seul. Il misait tout sur le bluff.
"_ Les preneurs d'otages veulent aussi un.. hélicoptère et les.. non, le.. le dernier album de Snoop Dog ? ! ? "
Husser ne répondit pas tout de suite à l'autre bout du fil. Il est vrai que la dernière requête était assez hors de contexte. Joffrey fronça les sourcils en n'entendant pas de réponse immédiate par le haut-parleur.
" _Pour l'album de.. Snoop Dog, je pense pas qu'on aura trop de difficultés pour l'obtenir, " répondit finalement l'inspecteur, " mais pour l'hélicoptère et la libération de Michael Banner, il va nous falloir réfléchir. "
Joffrey effaça le tableau et inscrivit autre chose tout aussi rapidement. Luka se remit à lire :
" _Ne tardez pas trop quand même sinon.. Sinon on les bute tous un par un. "
Kovac déglutit avec difficulté. La dernière phrase était peu réjouissante. L'adolescent s'approcha de Luka, prit le combiné de ses mains et raccrocha.
" _Va t'asseoir, et racontes-nous un truc que t'as jamais dit. " Ordonna-t-il. " J'espère qu'ils vont nous laisser un peu tranquille pour qu'on puisse jouer au jeu d'la vérité. "
¤°¤°¤°¤
Une jeune femme blonde tenta de passer sous les bandes jaunes, quand un policier l'arrêta en la prenant par l'épaule :
" _Veuillez retourner de l'autre côté, madame. Seuls les gens autorisés peuvent franchir la bande jaune. " Dit-il comme s'il récitait une leçon.
" _Mais… " Tenta-t-elle de protester.
" _Il n'y a pas d'exceptions, je suis désolé. " Rétorqua-t-il durement.
" _Laissez-la passer, " ordonna Mark qui avait vu la scène de loin et qui s'était approché. " Elle connaît des gens à l'intérieur. "
Le policier scruta le regard du médecin pour savoir s'il disait la vérité, puis convaincu il laissa Susan Lewis passer.
" _Mark ! " Dit-elle souriante. " Tu arrives toujours au bon moment ! "
Mais le médecin n'arrivait pas à sourire. Il gardait un air grave incapable de se dérider. Il pensait trop à Elisabeth retenue en otage. Sans un mot et seulement avec un regard réconfortant, elle lui prit le bras puis ils se dirigèrent tous deux vers la fourgonnette où étaient les autres.
¤°¤°¤°¤
" _Alors ? " S'impatienta Joffrey. " T'as pas l'air d'vouloir trop raconter d'trucs sur ta vie. Tu sais, y'a douze autres personnes ici, une de plus, une de moins, j'suis pas à ça prêt. "
La menace était claire. Le garçon avait l'air ravi de cette suprématie toute neuve. Luka vit se tourner vers lui tous les regards. Il fallait qu'il dise quelque chose, mais quoi ? Il n'avait pas le temps d'inventer un mensonge, Joffrey pointait déjà son arme vers le crâne de Randi. Finalement pourquoi ne pas vraiment jouer le jeu ?
" _Je… " Commença Luka.
Le garçon baissa aussitôt son arme et Randi reprit son souffle avec difficulté.
"_ Je suis responsable de la mort de quatre personnes. "
" _Quatre ? " S'étonna Joffrey le sourire aux lèvres. " T'y es pas allé de main morte dans les confessions toi ! Qu'est-c'qui s'est passé ? "
" _Les trois premières victimes sont ma femme et mes deux enfants. Je les ai laissé mourir. J'ai rien pu faire pour les sauver ! J'étais juste sorti pour quelques courses, ils voulaient venir mais je leur ai dit de rester dans l'immeuble, je leur ai dit de mourir ! "
" _D'où tu viens ? " Demanda Joffrey qui ne comprenait pas vraiment de quoi il parlait, à l'inverse des otages.
" _Croatie, Sarajevo. " Répondit simplement Luka au bord des larmes. " Un obus a foncé droit sur mon immeuble, mon fils est mort sur le coup, ma femme et ma fille quelques instants après. "
" _Mais c'était pas ta faute ! " Répliqua le garçon. " C'est les autres qui ont envoyé l'obus ! "
" _Je n'aurais jamais dû les laisser seul ! " Protesta Luka sans mesurer le ton de sa voix. " J'ai essayé de sauver ma fille, mais tout ce que j'ai réussi à faire, c'est la laisser mourir elle et sa mère ! "
Malgré ses longues conversations avec l'évêque, il n'avait toujours pas réussi à se pardonner. Joffrey restait silencieux. Il ne s'attendait sûrement pas à des révélations pareilles. Pensif pendant quelques instants, il posa finalement une question qui le démangeait :
" _C'était comment la vie à Sarajevo du temps d'la guerre ? "
Cette question pourtant si anodine, était d'une complexité extrême à répondre. Comment réussir à faire partager des sentiments enfouis dans notre plus profond moi, et dont nous ne soupçonnons même pas l'existence.
" _Ca dépend, " répondit Luka après une longue pause. " Un jour, on peut presque arriver à l'ignorer, presque trouver la situation normale et se faire une raison. Le jour suivant, on peu avoir envie de tout casser, l'envie d'avoir face à soi les véritables responsables et de les battre, de les battre, battre encore et encore. Les mots sont impuissants pour décrire ce qu'est la vie durant la guerre. Même guerre et vie sont déjà deux termes qui s'opposent. Et on ne s'en remet jamais. C'est comme si la guerre ouvrait une part d'ombre dans votre esprit et qu'il vous était impossible de la refermer. Vous aurez beau poussé de toutes vos forces, la résistance de l'autre côté ne sera que plus intense. "
Chacun observait le visage torturé du croate, les sentiments sans noms qui transparaissaient à travers son regard. Joffrey parut satisfait de la réponse mais il était curieux et voulait en savoir plus :
" _Et pour toi, qui étaient les véritables responsables ? "
" _Les vrais responsables ? L'histoire est bien trop compliqué pour pouvoir blâmer quelqu'un de précis, " enchaîna Luka.
Cela déçut un peu Joffrey qu'il n'y ait pas de 'grand méchant'.
"_ On pourrait dire que c'est la faute du communisme, de Tito, des serbes et des croates… Il y a tellement d'éléments qui entrent en jeu. "
" _D'habitude dans les films, on voit les gens qui reviennent de la guerre tout traumatisés. Et toi t'es traumatisé ? " Demanda naïvement Joffrey.
Luka avait plus l'impression de répondre à de simples questions d'enfants qu'à un preneur d'otage. Ses collègues l'écoutaient eux aussi avec beaucoup d'attention, tout le monde semblait avoir oublié la situation dans laquelle ils étaient.
" _Bien sûr que je suis traumatisé, " répondit-il. " Il n'y a pas si longtemps que ça, j'ai dû aller porter secours lors d'un déraillement de train. C'était horrible il y avait du sang partout, et à certains moments je devais m'arrêter pour me calmer, j'étais torturé par des visions de Sarajevo. Mais ça se répercute aussi dans ma vie de tous les jours, par exemple la nuit je ne dors jamais complètement. Au moindre bruit strident je me réveille car cela me rappelle les obus. La perte de ma famille a été pour moi une grande douleur et je ne me confis plus à cause de ça, j'ai trop peur de souffrir à nouveau. C'est pour ça que ma copine vient de rompre avec moi, elle disait que je ne l'aimais pas car je ne me confiais pas à elle. "
" _Et tu l'aimais ? "
" _Je ne sais pas. J'ai perdu tous mes repères. "
Bizarrement, ce jeu de la vérité qui devait s'annoncer comme un véritable calvaire, réconfortait Luka. Parler de ça lui apportait un peu de paix, un peu de repos de l'âme. Joffrey osait poser les questions simples mais qui posent pourtant le plus de problèmes.
¤°¤°¤°¤
Husser prit son courage à deux mains. Il fallait qu'il aille parler aux familles. La tâche était bien trop délicate pour qu'il se décharge sur ses subordonnées. Il s'avança vers la fourgonnette en prenant une démarche tout à fait naturelle.
De loin, les familles virent l'inspecteur Husser s'approcher vers eux. Mark, Susan, Cleo et Abby remarquèrent aussitôt que quelque chose n'allait pas. Sa mâchoire était légèrement crispé, son pas légèrement hésitant, ses yeux légèrement fuyants. Les docteurs avaient l'impression de se retrouver face à un miroir, quand ils devaient annoncer quelque chose de particulièrement difficile aux familles des patients.
" _Rebonjour, " commença Husser sur un ton faussement enthousiaste. " Nous allons peut-être réussir à faire libérer au moins un otage en échange d'une requête. "
" _Quelle est cette requête ? " Demanda Carla Reese qui avait elle aussi avait remarqué les hésitations de l'inspecteur.
" _Il y en a plusieurs, et la première est… " Husser prit une profonde inspiration. " Est le dernier album de Snoop Dog. "
Tout le monde resta un instant interdit face à cette révélation. La femme brune avec la fillette qui n'avait encore jamais parler hormis pour rassurer son enfant, se leva furieuse :
" _Vous voulez dire qu'on va échanger une vie humaine contre.. contre un compact disc ! ? ! "
" _J'en ai bien peur.. " Voulut reprendre l'inspecteur mais elle ne le laissa pas continuer :
" _Mais quels fous peuvent demander un putain de cédé contre un humain ! Le père de ma fille est là dedans, elle est encore trop jeune pour comprendre, mais si ça tourne mal et qu'elle me demande plus tard ce qui s'est passé, que vais-je lui dire ? Que c'est la faute à un cédé ? " S'énerva-t-elle alors que Betty MacGrath, la femme de Malik, lui prit le bras pour tenter de la calmer.
" _Ce n'est pas moi qui fait les requêtes ! " Protesta Husser pour se défendre. " Moi tout ce que je vois en ce cédé justement, c'est un moyen de faire libérer quelqu'un ! "
Elle se rassit en tentant de se calmer. Elle savait que l'inspecteur avait raison, tout le monde savait qu'il avait raison mais personne ne pouvait s'empêcher de penser comme elle. Un cédé contre une vie humaine, cela rendait cette vie si dérisoire… Husser fit demi-tour pour aller voir comment se dérouler les opérations.
Betty MacGrath prit la main de la femme brune dans la sienne :
"_Je m'appelle Betty, mon mari aussi est là-dedans. " Dit-elle pour tenter de la réconforter.
" _En fait on est divorcé, " répondit la femme brune. " Mais on a gardé de bonnes relations. Je m'appelle Maria. "
¤°¤°¤°¤
Tout le monde était suspendu aux lèvres de Luka. Son tragique passé avait même réussi à arracher quelques larmes aux plus émotifs, Haleh en particulier. Même le jeune preneur d'otage semblait maintenant regarder le croate avec respect, et non avec pitié. C'est ce que Luka appréciait dans les regards de ses amis, il n'y avait pas de pitié car c'était ce dont il avait besoin le moins.
Joffrey allait poser une autre question quand le téléphone sonna. Tout le monde fut brusquement tiré de ses songes à propos du passé de Luka. La cruelle vérité de la situation se rappelait à leur bon souvenir.
¤°¤°¤°¤
A suivre…
Vos Commentaires
