Treize
Chapitre IX : Une Enfance Normale
Auteur : Lojie
Disclaimer : Tous les personnages sont la propriété de la WB et d'Amblin.
Note de l'auteur : Cette partie a pas été simple à écrire. Etant donné qu'elle est consacrée à Malucci et qu'avec Adeline je participais encore à l'écriture de " Yersin " quand je l'ai écris, j'ai fait mon maximum pour que cela n'interfère pas avec " Treize ". Et aussi pour que cela ne ressemble pas aux nombreuses fics de Adeline mettant en scène ce personnage (la prise de tête !)
Ce chapitre est dédiée à Adeline THE fan de Baby Duck.*
¤°¤°¤°¤ ¤°¤°¤°¤
13:00
Malucci hocha de la tête pour approuver. De toute façon il devait s'y attendre. A l'école les professeurs avaient toujours eut la fâcheuse tendance de l'interroger, pourquoi cela devrait changer maintenant ? Sauf qu'en l'occurrence ici c'était un preneur d'otages et non un professeur, c'était encore moins rassurant. Il avait été un sacré cancre et maintenant il n'avait plus le droit aux mauvaises réponses.
" _Alors, t'as quoi à dire ? " Demanda Joffrey irrité par l'absence de réaction de Dave.
" _Je n'ai rien à dire. "
" _Tu veux qu'j'te menace comme Elisabeth ou quoi ? " S'exclama le garçon en descendant du comptoir du bureau.
" _Mais c'est pas que je veux pas parler, c'est qu'il se passe rien dans ma vie ! C'est pas ma faute ! " Rétorqua le médecin sans se laisser impressionner.
" _Il s'passe toujours un truc ! " Argumenta Joffrey. " Et puis me dis pas que dans toute ta vie, il s'est jamais rien passé ? ! ? "
" _Si, mais… "
" _Et bah parles-en ! " Ordonna le jeune preneur d'otages exaspéré.
Dave réfléchit quelques instants pour savoir comment formuler le tout. A côté de lui Luka le poussait du regard, il devait parler s'il tenait à la vie. De l'autre Robert Romano tremblait et suait de peur. Sans compter le revolver de Joffrey pointé droit sur lui, il était difficile pour Dave de se concentrer.
" _Résumer tout ce qui s'est passé durant ma vie ne risque pas d'être vraiment intéressant. Hormis quelques détails, j'ai eu une enfance plutôt normale. Enfin, d'après mon point de vue. "
" _Comment ça d'ton point d'vue ? " Demanda Joffrey, une lueur de curiosité venait de s'allumer dans son regard.
" _Tout comme Kerry, beaucoup de rumeurs circulent dans mon dos ici. En fait une surtout. J'ai déjà entendu les infirmières en parler. Mais il n'y a pas qu'elles. Je sais que tout le monde ici se demande pourquoi je réagis si violemment face aux enfants maltraités, ce qui est légitime car j'ai toujours beaucoup de mal à me contrôler quand je vois ces cas qui arrivent aux urgences. En fait il y a deux raisons. Je vais les dire pour que ces rumeurs cessent car je déteste ça. Je n'aime pas être plaint alors qu'aucun ici ne me connaît véritablement. "
Plusieurs baissèrent le regard. C'est vrai que peu d'entre eux avaient véritablement accordé de l'attention à ce docteur immature. Joffrey remarqua le sentiment de gêne qui s'emparait des gens présents. Il y avait décidément beaucoup de squelettes dans les placards de ce service.
" _Alors c'est quoi ces deux raisons ? "
" _La première c'est que je suis papa. J'ai divorcé l'année dernière et je suis venu habiter Chicago car mon ex-femme qui est danseuse, donne des cours ici à présent. Pour ne pas perdre de vue ma fille, j'ai donc quitté Grenade alors que je m'étais juré de ne plus jamais revenir dans cette ville. Contrairement à ce que certains pensent, je sais être responsable et je le suis envers tout ce qui touche ma fille. Voir des parents qui maltraitent et négligent leurs enfants me rend hors de moi. Pour moi, quand on devient parent on doit assumer ses responsabilités et non s'en servir pour exorciser ses peurs, comme ceux qui les battent par exemple. "
Il y eut quelques haussements de sourcils à l'idée que Dave puisse avoir été marié, et aussi qu'il ait un enfant. Son petit discours avait été prononcé sur un ton calme et mature, un ton que jamais personne ici n'avait entendu dans la voix de Dave Malucci. Mais la principale question qui les taraudait était pourquoi avait-il juré de ne plus jamais revenir ici.
" _Et pourquoi t'as juré d'plus jamais revenir ici ? " Demanda Joffrey satisfaisant sans le savoir l'avidité générale.
¤°¤°¤°¤
Dans la fourgonnette, Husser vérifiait les derniers préparatifs. En face de lui, un jeune homme mince attendait ses ordres avant de se rendre dans l'hôpital à l'étage de chirurgie.
Il s'appelait Baymore. Malgré son peu d'années, il avait déjà derrière lui une brève carrière militaire et deux ans dans une cellule d'action secrète de la CIA. Il était l'agent parfait pour le type de mission qui venait de lui être confié. Cela consisterait à s'introduire dans les urgences et fournir un compte-rendu de l'état des lieux, autrement dit du nombre et des emplacement des preneurs d'otages. Comme la caméra dans le système de ventilation n'avait rien donné, il fallait carrément envoyer un homme.
Quelqu'un frappa aux portes arrières. Husser ouvrit et se retrouva face à trois membres des familles des otages. A la tête des quelques personnes, Mark prit la parole:
"_On a entendu dire que vous alliez envoyer un homme dans les urgences ! " S'exclama-t-il furieux en remontant ses lunettes.
" _C'est exact, " répondit l'inspecteur à contrecœur se demandant qui avait bien pu les prévenir. Ses soupçons se portaient déjà sur Younberg.
" _Trouvez un autre moyen ! " S'indigna un homme asiatique d'âge mûr. " Si votre homme se fait prendre, les conséquences seront terribles pour les otages ! "
" _Comprenez-moi, " supplia Husser. " Si nous n'agissons pas plus vite, alors là les conséquences seront terribles pour les otages ! "
" _Monsieur Chen a raison, " approuva la grand-mère de Carter. " Trouvez un autre moyen et n'utilisez votre méthode qu'en dernier recours ! "
" _Il y a sûrement autre chose que vous pouvez faire ! " Répliqua Mark en levant ses bras en signe d'impuissance.
" _A la rigueur, je peux continuer les négociations avec l'hélicoptère, " suggéra Husser en prenant un air blasé. " Mais vu comment se sont comportés jusqu'à présent les preneurs d'otages, je ne sais pas si cela mènera à grand chose. "
" _Essayez quand même, " rétorqua sévèrement le père de Jing-Mei.
¤°¤°¤°¤
Malucci hésitait à se dévoiler et il regrettait déjà d'avoir commencé à parler. Mais l'arme de Joffrey était un argument très persuasif pour parler et après tout, Luka, John, Kerry et Elisabeth avaient joué le jeu alors pourquoi pas lui.
" _Dans la famille Malucci on a une devise qui dure depuis des générations. Moi aussi je l'ai appris très jeune. Cela doit venir de mes ancêtres qui en venant s'installer aux Etats-Unis ont ramené dans leurs bagages la loi du silence. Cette devise c'est que les affaires familiales ne concernent que la famille et que quoiqu'il arrive tu dois te la fermer. J'ai été tellement habitué à l'appliquer que même aujourd'hui je suis toujours sous son influence. La preuve ici personne n'était au courant que j'avais une fille, mais pourquoi l'aurais-je dit puisque cela concerne la famille et non le travail ? Et je crois que j'aurais beau lutter de toutes mes forces, jamais je n'arriverais à me défaire de cette devise. "
" _J'vois pas le rapport de pourquoi t'as juré d'plus revenir ici ! " Coupa Joffrey.
" _Je suis né à Chicago, j'ai grandi à Chicago, j'ai tout découvert et tout appris à Chicago. Cette ville est mon berceau, " expliqua Dave. " Mais je la déteste quand même. En plus de la devise, il y a une tradition dans la famille Malucci. Allez jeter un coup d'œil dans nos dossiers médicaux et même quelqu'un qui n'est pas médecin comprendra vite. On se bat de père en fils. Mon arrière grand-père battait mon grand-père, mon grand-père battait mon père, mon père me battait. Et toutes les femmes ne disaient rien à cause de cette foutue loi du silence. J'ai six sœurs et jamais aucune n'a été frappée. Heureusement d'ailleurs sinon je serai devenu fou. C'est seulement les garçons qui s'en recevaient pour d'après l'expression de mon père " apprendre la vie ". Je sais que ce n'est pas sa faute, il n'a toujours fait que reproduire le traitement que lui a fait subir mon grand-père. Et jusqu'à l'âge de vingt ans j'ai toujours trouvé ça normal moi aussi car j'avais été conditionné comme toute la famille depuis tout petit. C'était un horrible cercle vicieux et j'étais déjà prêt à battre mes futurs fils. Chicago abrite depuis toujours ma famille, dès qu'elle est arrivée aux Etats-Unis. Cette ville a abrité toutes les générations de Malucci mâles battus et je n'ai pas envie de continuer la lignée. C'est pour ça que j'ai fui ma famille et cette ville. Je suis parti à Grenade où personne ne me connaissait et où j'ai pu refaire ma vie. Pourtant j'avais largement les notes suffisantes pour entrer dans une école de médecine comme celle de Yale. "
" _Comment t'as compris qu'c'était pas normal ? " Demanda Joffrey.
" _En commençant mes études de médecin ici même. Il y a eu un cours sur les procédures judiciaires, et notamment celles pour les cas de maltraitance. Le maître de conférence a fait passé des diapositives de blessures d'enfants battus, et sur chaque diapositive je me suis reconnu. Ca était un choc, au début je ne voulais pas y croire car je ne m'étais jamais considéré comme un enfant battu. Pendant plus de trois mois, je me suis trouvé plongé dans un état de léthargie où je me suis documenté sur tous ce qui concernait la maltraitance, j'ai lu des livres de psychologie et j'ai découvert que souvent les enfants battus reproduisaient à l'âge adulte ce qu'on leur avait fait. J'y ai reconnu mon père, mon grand-père, et surtout moi-même. Cela a complètement bousculé ma vision du monde et ma vision de moi-même. Je devais me reconstruire c'est pourquoi que j'ai quitté Chicago et mes peurs, me réfugiant dans un endroit nouveau pour une nouvelle vie, une nouvelle famille et plus jamais de violence. "
"_Donc t'as jamais dû touché à un cheveu de ta fille ! " Conclut Joffrey un peu trop rapidement.
Dave resta silencieux. Son hypersensibilité envers les enfants maltraités était maintenant parfaitement compréhensible. Luka observa le jeune homme torturé par son passé et ses anciennes convictions. Il était dur de se mettre à sa place, imaginer que finir en sang à cause de coups de ceinture pour ne pas avoir dit " s'il te plaît " était normal, cela dépassait complètement Luka. Dave avait vécu pendant plus de vingt ans avec cette conviction fermement ancré en lui, pensant qu'il en était de même dans tous les foyers, et surtout que lui même reproduirait cette même violence plus tard. Son malaise envers les enfants maltraités et son agressivité envers les parents, venaient du fait que Dave savait très bien qu'avant " il était comme ça " et que ces gens ne se rendaient même pas compte du mal qu'ils faisaient.
" _Justement, " reprit Dave alors que tout le monde pensait qu'il ne dirait plus rien. Il avait les larmes aux yeux et personne ne l'ayant jamais vu dans cet état n'osait le regarder. " Justement une fois ma main est partie. J'ai frappé ma fille et sous les yeux de sa mère. C'était pour une broutille. Je lisais un livre de médecine et elle était assise à côté de moi sur le canapé. Elle faisait du bruit et gigotait sans cesse. Elle ne voulait pas s'arrêter alors je l'ai giflé très fort. Elle est tombé du canapé et s'est cogné le crâne contre le sol. Elle s'est assommée et c'est là que sa mère est arrivée de la cuisine. Elle l'a vu étendue sur le sol et moi sur le canapé plongé dans mon livre. Je ne m'étais même pas rendu compte que j'avais frappé ma fille. Mon ex-femme connaissait mon passé et elle a demandé le divorce le jour même. Le pire c'est que je ne m'en suis même pas rendu compte sur le coup ! Ma fille gisait assommée sur le sol et moi je lisais mon livre de médecin. C'était… normal. "
¤°¤°¤°¤
Husser décrocha le téléphone. Il y eut plusieurs sonneries avant que Luka ne décroche. L'inspecteur se demanda ce qui avait bien pu le retarder pour qu'il mette tant de temps à répondre.
" _Luka, nous avons l'hélicoptère qui vient de se poser sur le toit. Ce serait pour négocier quelques otages à libérer en échange. Est-ce que je pourrais parler à l'un des hommes qui vous retiennent ? " Il y eut un long silence à l'autre bout de la ligne.
" _Ils ne veulent pas. Et ils ne veulent pas non plus libérer d'otages avant d'avoir des preuves. "
" _Une preuve ? Mais comment vous prouvez que l'hélicoptère est bien sur le toit de l'hôpital ? C'est impossible ! " S'exclama Husser.
" _Débrouillez-vous. " Lit Luka sur le tableau.
Puis il y eut la tonalité. L'inspecteur trouvait le comportement de ces preneurs d'otages vraiment extraordinaire, dans le sens étymologique du terme bien sûr. Normalement, ils obéissaient inconsciemment à certains schémas et les policiers avaient des techniques pour les parer. Mais là, les malfaiteurs ne suivaient aucune logique, comme s'ils ne savaient pas vraiment ce qu'ils voulaient. Husser regarda par la vitre de la porte arrière, à la fourgonnette des familles plusieurs personnes tournaient en rond.
¤°¤°¤°¤
" _Chuuuuut Elena, chuuuut. Tout sera bientôt terminé, " murmurait doucement Maria à la petite fille qui commençait à pleurnicher.
L'enfant était épuisée nerveusement et physiquement. Elle était encore trop petite pour se rendre compte de la gravité de la situation et voulait rentrer chez elle. Elena ne comprenait pas pourquoi papa ne pourrait peut-être pas la prendre avec lui ce soir, pourquoi elle et maman devaient attendre dans ce fourgon avec tous ces gens autour. Kim sortit alors un bout de ficelle et fixa l'attention de la fillette :
" _Regarde Elena, je vais faire un tour de magie. Je fais un noeud, comme ça et puis ensuite comme ça, ensuite je tire et.. Oh ! Magie ! Le nœud a disparu ! "
Elena prit un air méfiant, attrapa le fil des mains de Kim et vérifia que c'était bien un fil normal. Perplexe elle ne comprenait pas comment la psychologue avait réussi ce tour de magie. La fillette observait maintenant Kim avec deux grands yeux noirs émerveillés. Maria se mit à rire.
" _Vous l'impressionnez beaucoup, " dit-elle en observant Elena vérifier une seconde fois que le fil était normal.
" _Le coup du nœud magique fonctionne toujours, sauf quand ils plus de cinq ans car à cet âge ils connaissent déjà tous le truc, " répondit Kim. " Sans indiscrétion, qui attendez-vous à l'intérieur ? "
" _J'attends mon ex mari, c'est le docteur Malucci. " La psychologique ne put cacher son étonnement. Kerry lui avait dit tant de mal de cet homme et pourtant sa fille était si adorable. Maria remarqua sa surprise.
" _Tout le monde a cette réaction à chaque fois, " dit-elle en ayant un petit rire nerveux. " On me dit souvent, mais comment as-tu pu être mariée avec quelqu'un comme lui ? Et comment est-ce qu'il peut être le père de ce petit ange ? Peu de gens le connaissent en vérité, il n'est pas ce qu'il laisse paraître. Et vous, qui attendez-vous ? "
" _Kerry Weaver, " répondit Kim. Ce fut Maria qui eut un air surpris à son tour. " Kerry n'est pas non plus ce qu'elle laisse paraître aux urgences. " Ajouta-t-elle avec malice.
Dans cet attente interminable les deux femmes liaient connaissance malgré tout. L'incertitude grandissait en elles comme chez toutes les autres personnes présentes. Mais la terre ne s'arrêtait pas pour autant de tourner et communiquer les aidait tous à oublier quelques instants la situation présente.
¤°¤°¤°¤
" _C'est fini pour toi, " jugea Joffrey.
Dave soupira de soulagement, son passage était enfin fini. Maintenant, les autres membres commencèrent à se lancer des regards inquiets. A qui était-ce le tour ? L'adolescent prenait un malin plaisir à laisser filer le temps, rendant les secondes interminables alors qu'il repérait sa prochaine proie. Joffrey pointa son doigt :
" _Toi ! "
Peter Benton se retourna et vit qu'il n'y avait personne derrière lui. C'était donc bien lui que le garçon avait désigné.
¤°¤°¤°¤
A suivre…
Nota Bene : Etant donné que Benton fait partie de mes persos préférés, j'ai adoré écrire le prochain chapitre !
Chapitre IX : Une Enfance Normale
Auteur : Lojie
Disclaimer : Tous les personnages sont la propriété de la WB et d'Amblin.
Note de l'auteur : Cette partie a pas été simple à écrire. Etant donné qu'elle est consacrée à Malucci et qu'avec Adeline je participais encore à l'écriture de " Yersin " quand je l'ai écris, j'ai fait mon maximum pour que cela n'interfère pas avec " Treize ". Et aussi pour que cela ne ressemble pas aux nombreuses fics de Adeline mettant en scène ce personnage (la prise de tête !)
Ce chapitre est dédiée à Adeline THE fan de Baby Duck.*
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Malucci hocha de la tête pour approuver. De toute façon il devait s'y attendre. A l'école les professeurs avaient toujours eut la fâcheuse tendance de l'interroger, pourquoi cela devrait changer maintenant ? Sauf qu'en l'occurrence ici c'était un preneur d'otages et non un professeur, c'était encore moins rassurant. Il avait été un sacré cancre et maintenant il n'avait plus le droit aux mauvaises réponses.
" _Alors, t'as quoi à dire ? " Demanda Joffrey irrité par l'absence de réaction de Dave.
" _Je n'ai rien à dire. "
" _Tu veux qu'j'te menace comme Elisabeth ou quoi ? " S'exclama le garçon en descendant du comptoir du bureau.
" _Mais c'est pas que je veux pas parler, c'est qu'il se passe rien dans ma vie ! C'est pas ma faute ! " Rétorqua le médecin sans se laisser impressionner.
" _Il s'passe toujours un truc ! " Argumenta Joffrey. " Et puis me dis pas que dans toute ta vie, il s'est jamais rien passé ? ! ? "
" _Si, mais… "
" _Et bah parles-en ! " Ordonna le jeune preneur d'otages exaspéré.
Dave réfléchit quelques instants pour savoir comment formuler le tout. A côté de lui Luka le poussait du regard, il devait parler s'il tenait à la vie. De l'autre Robert Romano tremblait et suait de peur. Sans compter le revolver de Joffrey pointé droit sur lui, il était difficile pour Dave de se concentrer.
" _Résumer tout ce qui s'est passé durant ma vie ne risque pas d'être vraiment intéressant. Hormis quelques détails, j'ai eu une enfance plutôt normale. Enfin, d'après mon point de vue. "
" _Comment ça d'ton point d'vue ? " Demanda Joffrey, une lueur de curiosité venait de s'allumer dans son regard.
" _Tout comme Kerry, beaucoup de rumeurs circulent dans mon dos ici. En fait une surtout. J'ai déjà entendu les infirmières en parler. Mais il n'y a pas qu'elles. Je sais que tout le monde ici se demande pourquoi je réagis si violemment face aux enfants maltraités, ce qui est légitime car j'ai toujours beaucoup de mal à me contrôler quand je vois ces cas qui arrivent aux urgences. En fait il y a deux raisons. Je vais les dire pour que ces rumeurs cessent car je déteste ça. Je n'aime pas être plaint alors qu'aucun ici ne me connaît véritablement. "
Plusieurs baissèrent le regard. C'est vrai que peu d'entre eux avaient véritablement accordé de l'attention à ce docteur immature. Joffrey remarqua le sentiment de gêne qui s'emparait des gens présents. Il y avait décidément beaucoup de squelettes dans les placards de ce service.
" _Alors c'est quoi ces deux raisons ? "
" _La première c'est que je suis papa. J'ai divorcé l'année dernière et je suis venu habiter Chicago car mon ex-femme qui est danseuse, donne des cours ici à présent. Pour ne pas perdre de vue ma fille, j'ai donc quitté Grenade alors que je m'étais juré de ne plus jamais revenir dans cette ville. Contrairement à ce que certains pensent, je sais être responsable et je le suis envers tout ce qui touche ma fille. Voir des parents qui maltraitent et négligent leurs enfants me rend hors de moi. Pour moi, quand on devient parent on doit assumer ses responsabilités et non s'en servir pour exorciser ses peurs, comme ceux qui les battent par exemple. "
Il y eut quelques haussements de sourcils à l'idée que Dave puisse avoir été marié, et aussi qu'il ait un enfant. Son petit discours avait été prononcé sur un ton calme et mature, un ton que jamais personne ici n'avait entendu dans la voix de Dave Malucci. Mais la principale question qui les taraudait était pourquoi avait-il juré de ne plus jamais revenir ici.
" _Et pourquoi t'as juré d'plus jamais revenir ici ? " Demanda Joffrey satisfaisant sans le savoir l'avidité générale.
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Dans la fourgonnette, Husser vérifiait les derniers préparatifs. En face de lui, un jeune homme mince attendait ses ordres avant de se rendre dans l'hôpital à l'étage de chirurgie.
Il s'appelait Baymore. Malgré son peu d'années, il avait déjà derrière lui une brève carrière militaire et deux ans dans une cellule d'action secrète de la CIA. Il était l'agent parfait pour le type de mission qui venait de lui être confié. Cela consisterait à s'introduire dans les urgences et fournir un compte-rendu de l'état des lieux, autrement dit du nombre et des emplacement des preneurs d'otages. Comme la caméra dans le système de ventilation n'avait rien donné, il fallait carrément envoyer un homme.
Quelqu'un frappa aux portes arrières. Husser ouvrit et se retrouva face à trois membres des familles des otages. A la tête des quelques personnes, Mark prit la parole:
"_On a entendu dire que vous alliez envoyer un homme dans les urgences ! " S'exclama-t-il furieux en remontant ses lunettes.
" _C'est exact, " répondit l'inspecteur à contrecœur se demandant qui avait bien pu les prévenir. Ses soupçons se portaient déjà sur Younberg.
" _Trouvez un autre moyen ! " S'indigna un homme asiatique d'âge mûr. " Si votre homme se fait prendre, les conséquences seront terribles pour les otages ! "
" _Comprenez-moi, " supplia Husser. " Si nous n'agissons pas plus vite, alors là les conséquences seront terribles pour les otages ! "
" _Monsieur Chen a raison, " approuva la grand-mère de Carter. " Trouvez un autre moyen et n'utilisez votre méthode qu'en dernier recours ! "
" _Il y a sûrement autre chose que vous pouvez faire ! " Répliqua Mark en levant ses bras en signe d'impuissance.
" _A la rigueur, je peux continuer les négociations avec l'hélicoptère, " suggéra Husser en prenant un air blasé. " Mais vu comment se sont comportés jusqu'à présent les preneurs d'otages, je ne sais pas si cela mènera à grand chose. "
" _Essayez quand même, " rétorqua sévèrement le père de Jing-Mei.
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Malucci hésitait à se dévoiler et il regrettait déjà d'avoir commencé à parler. Mais l'arme de Joffrey était un argument très persuasif pour parler et après tout, Luka, John, Kerry et Elisabeth avaient joué le jeu alors pourquoi pas lui.
" _Dans la famille Malucci on a une devise qui dure depuis des générations. Moi aussi je l'ai appris très jeune. Cela doit venir de mes ancêtres qui en venant s'installer aux Etats-Unis ont ramené dans leurs bagages la loi du silence. Cette devise c'est que les affaires familiales ne concernent que la famille et que quoiqu'il arrive tu dois te la fermer. J'ai été tellement habitué à l'appliquer que même aujourd'hui je suis toujours sous son influence. La preuve ici personne n'était au courant que j'avais une fille, mais pourquoi l'aurais-je dit puisque cela concerne la famille et non le travail ? Et je crois que j'aurais beau lutter de toutes mes forces, jamais je n'arriverais à me défaire de cette devise. "
" _J'vois pas le rapport de pourquoi t'as juré d'plus revenir ici ! " Coupa Joffrey.
" _Je suis né à Chicago, j'ai grandi à Chicago, j'ai tout découvert et tout appris à Chicago. Cette ville est mon berceau, " expliqua Dave. " Mais je la déteste quand même. En plus de la devise, il y a une tradition dans la famille Malucci. Allez jeter un coup d'œil dans nos dossiers médicaux et même quelqu'un qui n'est pas médecin comprendra vite. On se bat de père en fils. Mon arrière grand-père battait mon grand-père, mon grand-père battait mon père, mon père me battait. Et toutes les femmes ne disaient rien à cause de cette foutue loi du silence. J'ai six sœurs et jamais aucune n'a été frappée. Heureusement d'ailleurs sinon je serai devenu fou. C'est seulement les garçons qui s'en recevaient pour d'après l'expression de mon père " apprendre la vie ". Je sais que ce n'est pas sa faute, il n'a toujours fait que reproduire le traitement que lui a fait subir mon grand-père. Et jusqu'à l'âge de vingt ans j'ai toujours trouvé ça normal moi aussi car j'avais été conditionné comme toute la famille depuis tout petit. C'était un horrible cercle vicieux et j'étais déjà prêt à battre mes futurs fils. Chicago abrite depuis toujours ma famille, dès qu'elle est arrivée aux Etats-Unis. Cette ville a abrité toutes les générations de Malucci mâles battus et je n'ai pas envie de continuer la lignée. C'est pour ça que j'ai fui ma famille et cette ville. Je suis parti à Grenade où personne ne me connaissait et où j'ai pu refaire ma vie. Pourtant j'avais largement les notes suffisantes pour entrer dans une école de médecine comme celle de Yale. "
" _Comment t'as compris qu'c'était pas normal ? " Demanda Joffrey.
" _En commençant mes études de médecin ici même. Il y a eu un cours sur les procédures judiciaires, et notamment celles pour les cas de maltraitance. Le maître de conférence a fait passé des diapositives de blessures d'enfants battus, et sur chaque diapositive je me suis reconnu. Ca était un choc, au début je ne voulais pas y croire car je ne m'étais jamais considéré comme un enfant battu. Pendant plus de trois mois, je me suis trouvé plongé dans un état de léthargie où je me suis documenté sur tous ce qui concernait la maltraitance, j'ai lu des livres de psychologie et j'ai découvert que souvent les enfants battus reproduisaient à l'âge adulte ce qu'on leur avait fait. J'y ai reconnu mon père, mon grand-père, et surtout moi-même. Cela a complètement bousculé ma vision du monde et ma vision de moi-même. Je devais me reconstruire c'est pourquoi que j'ai quitté Chicago et mes peurs, me réfugiant dans un endroit nouveau pour une nouvelle vie, une nouvelle famille et plus jamais de violence. "
"_Donc t'as jamais dû touché à un cheveu de ta fille ! " Conclut Joffrey un peu trop rapidement.
Dave resta silencieux. Son hypersensibilité envers les enfants maltraités était maintenant parfaitement compréhensible. Luka observa le jeune homme torturé par son passé et ses anciennes convictions. Il était dur de se mettre à sa place, imaginer que finir en sang à cause de coups de ceinture pour ne pas avoir dit " s'il te plaît " était normal, cela dépassait complètement Luka. Dave avait vécu pendant plus de vingt ans avec cette conviction fermement ancré en lui, pensant qu'il en était de même dans tous les foyers, et surtout que lui même reproduirait cette même violence plus tard. Son malaise envers les enfants maltraités et son agressivité envers les parents, venaient du fait que Dave savait très bien qu'avant " il était comme ça " et que ces gens ne se rendaient même pas compte du mal qu'ils faisaient.
" _Justement, " reprit Dave alors que tout le monde pensait qu'il ne dirait plus rien. Il avait les larmes aux yeux et personne ne l'ayant jamais vu dans cet état n'osait le regarder. " Justement une fois ma main est partie. J'ai frappé ma fille et sous les yeux de sa mère. C'était pour une broutille. Je lisais un livre de médecine et elle était assise à côté de moi sur le canapé. Elle faisait du bruit et gigotait sans cesse. Elle ne voulait pas s'arrêter alors je l'ai giflé très fort. Elle est tombé du canapé et s'est cogné le crâne contre le sol. Elle s'est assommée et c'est là que sa mère est arrivée de la cuisine. Elle l'a vu étendue sur le sol et moi sur le canapé plongé dans mon livre. Je ne m'étais même pas rendu compte que j'avais frappé ma fille. Mon ex-femme connaissait mon passé et elle a demandé le divorce le jour même. Le pire c'est que je ne m'en suis même pas rendu compte sur le coup ! Ma fille gisait assommée sur le sol et moi je lisais mon livre de médecin. C'était… normal. "
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Husser décrocha le téléphone. Il y eut plusieurs sonneries avant que Luka ne décroche. L'inspecteur se demanda ce qui avait bien pu le retarder pour qu'il mette tant de temps à répondre.
" _Luka, nous avons l'hélicoptère qui vient de se poser sur le toit. Ce serait pour négocier quelques otages à libérer en échange. Est-ce que je pourrais parler à l'un des hommes qui vous retiennent ? " Il y eut un long silence à l'autre bout de la ligne.
" _Ils ne veulent pas. Et ils ne veulent pas non plus libérer d'otages avant d'avoir des preuves. "
" _Une preuve ? Mais comment vous prouvez que l'hélicoptère est bien sur le toit de l'hôpital ? C'est impossible ! " S'exclama Husser.
" _Débrouillez-vous. " Lit Luka sur le tableau.
Puis il y eut la tonalité. L'inspecteur trouvait le comportement de ces preneurs d'otages vraiment extraordinaire, dans le sens étymologique du terme bien sûr. Normalement, ils obéissaient inconsciemment à certains schémas et les policiers avaient des techniques pour les parer. Mais là, les malfaiteurs ne suivaient aucune logique, comme s'ils ne savaient pas vraiment ce qu'ils voulaient. Husser regarda par la vitre de la porte arrière, à la fourgonnette des familles plusieurs personnes tournaient en rond.
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" _Chuuuuut Elena, chuuuut. Tout sera bientôt terminé, " murmurait doucement Maria à la petite fille qui commençait à pleurnicher.
L'enfant était épuisée nerveusement et physiquement. Elle était encore trop petite pour se rendre compte de la gravité de la situation et voulait rentrer chez elle. Elena ne comprenait pas pourquoi papa ne pourrait peut-être pas la prendre avec lui ce soir, pourquoi elle et maman devaient attendre dans ce fourgon avec tous ces gens autour. Kim sortit alors un bout de ficelle et fixa l'attention de la fillette :
" _Regarde Elena, je vais faire un tour de magie. Je fais un noeud, comme ça et puis ensuite comme ça, ensuite je tire et.. Oh ! Magie ! Le nœud a disparu ! "
Elena prit un air méfiant, attrapa le fil des mains de Kim et vérifia que c'était bien un fil normal. Perplexe elle ne comprenait pas comment la psychologue avait réussi ce tour de magie. La fillette observait maintenant Kim avec deux grands yeux noirs émerveillés. Maria se mit à rire.
" _Vous l'impressionnez beaucoup, " dit-elle en observant Elena vérifier une seconde fois que le fil était normal.
" _Le coup du nœud magique fonctionne toujours, sauf quand ils plus de cinq ans car à cet âge ils connaissent déjà tous le truc, " répondit Kim. " Sans indiscrétion, qui attendez-vous à l'intérieur ? "
" _J'attends mon ex mari, c'est le docteur Malucci. " La psychologique ne put cacher son étonnement. Kerry lui avait dit tant de mal de cet homme et pourtant sa fille était si adorable. Maria remarqua sa surprise.
" _Tout le monde a cette réaction à chaque fois, " dit-elle en ayant un petit rire nerveux. " On me dit souvent, mais comment as-tu pu être mariée avec quelqu'un comme lui ? Et comment est-ce qu'il peut être le père de ce petit ange ? Peu de gens le connaissent en vérité, il n'est pas ce qu'il laisse paraître. Et vous, qui attendez-vous ? "
" _Kerry Weaver, " répondit Kim. Ce fut Maria qui eut un air surpris à son tour. " Kerry n'est pas non plus ce qu'elle laisse paraître aux urgences. " Ajouta-t-elle avec malice.
Dans cet attente interminable les deux femmes liaient connaissance malgré tout. L'incertitude grandissait en elles comme chez toutes les autres personnes présentes. Mais la terre ne s'arrêtait pas pour autant de tourner et communiquer les aidait tous à oublier quelques instants la situation présente.
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" _C'est fini pour toi, " jugea Joffrey.
Dave soupira de soulagement, son passage était enfin fini. Maintenant, les autres membres commencèrent à se lancer des regards inquiets. A qui était-ce le tour ? L'adolescent prenait un malin plaisir à laisser filer le temps, rendant les secondes interminables alors qu'il repérait sa prochaine proie. Joffrey pointa son doigt :
" _Toi ! "
Peter Benton se retourna et vit qu'il n'y avait personne derrière lui. C'était donc bien lui que le garçon avait désigné.
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A suivre…
Nota Bene : Etant donné que Benton fait partie de mes persos préférés, j'ai adoré écrire le prochain chapitre !
