Le train n'était en fait pas le transsibérien régulier des Moldus, mais la
version magique, qui, il faut bien le reconnaître, se déplaçait beaucoup
plus rapidement. Cela compensait en grande partie l'éloignement de l'école
des grandes concentrations de population de l'Ouest de la Russie : Moscou,
Saint-Petersbourg, Minsk, entre autres. Quelques professeurs étaient là
pour nous surveiller pendant le trajet. Pour rassurer nos parents
principalement je suppose. Il ne devait pas y avoir grand chose à craindre
dans un transport sorcier. Mais aussi sûrement pour que nous restions
disciplinés. Personne ne sera surpris si je dis que les enfants de « bonne
famille » comme on dit, sont souvent plus inclinés à se battre et à semer
le désordre et la discorde que les autres enfants. Cela vaut-il encore pour
les adultes ? Je ne sais. Les émeutes populaires, durement réprimées en
1905, se faisaient de plus en plus nombreuses. Mais si le peuple russe
était mécontent de la manière dont il était gouverné, la faute en revenait-
elle au gouvernement ? Il y aurait de nombreux arrêts au cours du voyage,
qui nous prendrait la journée, pour permettre aux autres élèves de monter,
qui vivaient dans les régions que nous traverserions. Je ne prêtais tout
d'abord pas attention aux trois autres filles qui s'étaient installées dans
le même compartiment que moi, trop occupée à observer par la fenêtre le
paysage que nous quittions. Plat, grand, désert, ou du moins très peu
habité, avec quelques forêts sombres coupant les plaines, en s'éloignant de
la mer calme et scintillante à mon départ.
J'aimais ce paysage, et je l'aime encore. Ces grands espaces libres de la Russie intérieure, inspiration des rêves de mon enfance, et les souvenirs merveilleux des voyages en train vers Sorcosk. Le retour aussi. Mais il faut dire que je passait rarement mes voyages retour à regarder par la fenêtre. Le jour se levait sur la campagne grise de brouillard matinal, et une nouvelle vie commençait pour moi. Je me retournais alors vers la jeune fille brune d'une quinzaine d'années, assise à côté de moi, mais, plongée dans la lecture, elle ne faisait absolument pas attention à moi. Par contre, en face de moi, sa sœur, Vassilika, avait plus de conversation. Même si je me souviens assez bien de cette journée si importante pour moi, je ne pourrais pas rapporter ses paroles mots pour mots. Le père de Vassilika et Diana était Vladimir Pourichkevitch, un proche du prince Youssoupov. Il était sorcier, et son épouse Moldue. Hélas, même si Vassilika et Diana croyaient aussi que tout leur était dû, elles partageaient des opinions tranchées sur les classes sociales, et , bien que je fasse partie du groupe de personnes qu'elles comptaient pouvoir fréquenter, je déplorais de trouver déjà des clivages à ma première rencontre réelle du monde sorcier. La conversation de Vassilika ne me changeait pas beaucoup de celles que j'avais à la maison : soit des platitudes et des apparences, soit de la politique. Ce qui me lassait infiniment. Et la troisième fille, une amie de Diana, n'ouvrit pas la bouche du trajet. Je décidais bientôt d'échapper à leur compagnie, et, avec autant de politesse qu'il était possible, m'excusais de leur présence pour parcourir le train. A la recherche de nouveauté, et peut-être d'idéalisme. Il n'y avait pas encore grand monde dans le train. La plupart des élèves montèrent à Moscou, et beaucoup plus tard, à Ekaterinbourg. Je dus me contenter de la conversation de Vassilika, qui m'apprit quand même, à mon grand étonnement, que Grigori Raspoutine était un sorcier. Il était assez mal vu de tous, entre autres du Ministère Magique Russe, qui lui reprochait de trop se mêler des affaires Moldues, de politique en fait, et de ne pas s'en tenir à son métier de guérisseur, de médisorcier, qu'il exerçait aussi auprès du jeune Tsarévitch Alexis . Je ne pus point me défaire de la conversation de Vassilika par la suite, tout au long de l'année. Je m'étais endormie entre Perm et Ekaterinbourg, et ne me réveillait seulement qu'à l'arrivée du train à la gare de Sorcosk, n'ayant pas même senti le brusque changement de direction de Tioumen. L'école était, ce qui me surprit un peu, un large bâtiment de pierres grises, qui prenaient des teintes multicolores dans le soleil qui s'abaissait sur l'horizon. Par contre, l'intérieur était en bois. L'organisation y était assez simple. Dans les cours, chacun pour soi, et pour les dortoirs, il y en avait deux pour les filles, et deux pour les garçons : Est et Ouest.. Et la répartition se faisait par tirage au sort au début de l'année : avant de s'asseoir à l'une des immenses tables pour le repas de bienvenue, nous prenions à l'entrée un parchemin dans l'un des deux chaudrons qui se faisaient face. Les deux chaudrons comportaient bien sûr autant de parchemins pour une aile que pour l'autre. Il s'agissait vraiment de hasard. Je me trouvais dans le dortoir de l'Ouest, avec Vassilika, sa sœur, et d'autres filles, de mon âge ou non, que j'appris bientôt à connaître, plus ou moins bien. A l'Est, comme à l'Ouest se trouvaient deux grandes salles d'études, ou nous passions notre temps libre, quand nous n'étions pas à l'extérieur, ou à la bibliothèque du troisième étage. Les dortoirs des filles se trouvaient au deuxième étage, ceux des garçons, au premier. Et les salles de classes se répartissaient dans tout le bâtiment, aux multiples cheminées. Nous pouvions nous asseoir où nous voulions dans la salle de banquet, mais des groupes s'étaient très vite formés. Par dortoirs, par affinités, mais il y avait aussi malheureusement des groupes fermés par classes sociales. Je m'en aperçus très vite, et, tout en restant en contact très fréquent avec Vassilika à côté de qui j'étais souvent assise en classe, je m'arrangeais pour m'asseoir ailleurs lors des repas. Afin de me faire de nouveaux amis, aux esprits moins obtus.
J'aimais ce paysage, et je l'aime encore. Ces grands espaces libres de la Russie intérieure, inspiration des rêves de mon enfance, et les souvenirs merveilleux des voyages en train vers Sorcosk. Le retour aussi. Mais il faut dire que je passait rarement mes voyages retour à regarder par la fenêtre. Le jour se levait sur la campagne grise de brouillard matinal, et une nouvelle vie commençait pour moi. Je me retournais alors vers la jeune fille brune d'une quinzaine d'années, assise à côté de moi, mais, plongée dans la lecture, elle ne faisait absolument pas attention à moi. Par contre, en face de moi, sa sœur, Vassilika, avait plus de conversation. Même si je me souviens assez bien de cette journée si importante pour moi, je ne pourrais pas rapporter ses paroles mots pour mots. Le père de Vassilika et Diana était Vladimir Pourichkevitch, un proche du prince Youssoupov. Il était sorcier, et son épouse Moldue. Hélas, même si Vassilika et Diana croyaient aussi que tout leur était dû, elles partageaient des opinions tranchées sur les classes sociales, et , bien que je fasse partie du groupe de personnes qu'elles comptaient pouvoir fréquenter, je déplorais de trouver déjà des clivages à ma première rencontre réelle du monde sorcier. La conversation de Vassilika ne me changeait pas beaucoup de celles que j'avais à la maison : soit des platitudes et des apparences, soit de la politique. Ce qui me lassait infiniment. Et la troisième fille, une amie de Diana, n'ouvrit pas la bouche du trajet. Je décidais bientôt d'échapper à leur compagnie, et, avec autant de politesse qu'il était possible, m'excusais de leur présence pour parcourir le train. A la recherche de nouveauté, et peut-être d'idéalisme. Il n'y avait pas encore grand monde dans le train. La plupart des élèves montèrent à Moscou, et beaucoup plus tard, à Ekaterinbourg. Je dus me contenter de la conversation de Vassilika, qui m'apprit quand même, à mon grand étonnement, que Grigori Raspoutine était un sorcier. Il était assez mal vu de tous, entre autres du Ministère Magique Russe, qui lui reprochait de trop se mêler des affaires Moldues, de politique en fait, et de ne pas s'en tenir à son métier de guérisseur, de médisorcier, qu'il exerçait aussi auprès du jeune Tsarévitch Alexis . Je ne pus point me défaire de la conversation de Vassilika par la suite, tout au long de l'année. Je m'étais endormie entre Perm et Ekaterinbourg, et ne me réveillait seulement qu'à l'arrivée du train à la gare de Sorcosk, n'ayant pas même senti le brusque changement de direction de Tioumen. L'école était, ce qui me surprit un peu, un large bâtiment de pierres grises, qui prenaient des teintes multicolores dans le soleil qui s'abaissait sur l'horizon. Par contre, l'intérieur était en bois. L'organisation y était assez simple. Dans les cours, chacun pour soi, et pour les dortoirs, il y en avait deux pour les filles, et deux pour les garçons : Est et Ouest.. Et la répartition se faisait par tirage au sort au début de l'année : avant de s'asseoir à l'une des immenses tables pour le repas de bienvenue, nous prenions à l'entrée un parchemin dans l'un des deux chaudrons qui se faisaient face. Les deux chaudrons comportaient bien sûr autant de parchemins pour une aile que pour l'autre. Il s'agissait vraiment de hasard. Je me trouvais dans le dortoir de l'Ouest, avec Vassilika, sa sœur, et d'autres filles, de mon âge ou non, que j'appris bientôt à connaître, plus ou moins bien. A l'Est, comme à l'Ouest se trouvaient deux grandes salles d'études, ou nous passions notre temps libre, quand nous n'étions pas à l'extérieur, ou à la bibliothèque du troisième étage. Les dortoirs des filles se trouvaient au deuxième étage, ceux des garçons, au premier. Et les salles de classes se répartissaient dans tout le bâtiment, aux multiples cheminées. Nous pouvions nous asseoir où nous voulions dans la salle de banquet, mais des groupes s'étaient très vite formés. Par dortoirs, par affinités, mais il y avait aussi malheureusement des groupes fermés par classes sociales. Je m'en aperçus très vite, et, tout en restant en contact très fréquent avec Vassilika à côté de qui j'étais souvent assise en classe, je m'arrangeais pour m'asseoir ailleurs lors des repas. Afin de me faire de nouveaux amis, aux esprits moins obtus.
