« Quoi ? » m'étranglais-je à mi voix.

« Si je te le jure. Tu n'as pas remarqué comme il lui ressemble ? » me chuchota Vassilika.

Nous étions en cours, celui sur les animaux fantastiques donné par Professeur Necrassov qui était actuellement occupé à nous décrire les multiples sortilèges utilisables contre le Povrebine (ou Pogrebin), un démon de nos région.

Je prenais des notes sur les sorts qu'il expliquait, mais étant donné qu'un coup de pied suffisait à les éloigner, je n'éprouvais aucun remords à écouter ma voisine de table.

« Non. » dis-je « Je ne l'ai jamais vu. » Elle parlait de Raspoutine.

« Ceci explique cela… et bien, si tu as l'occasion, ils ont tous les deux le même visage, le même nez, et les mêmes cheveux.  Et puis, demande à qui tu veux. Tous te diront que c'est le fils de Raspoutine… » Elle parlait de Dmitri comme s'il devait me dégoûter, d'avoir discuté à table avec lui hier surtout.

En fait c'était surtout Youri qui avait parlé. Quel bavard ! Et quel blagueur ! Il avait réussi à faire avaler à Vladimir un breuvage suspect qui avait coloré ses cheveux de violet, la couleur des dortoirs de l'Ouest. Tous nos uniformes avaient été magiquement colorés de cette même teinte ce matin par Mme Ostoaprelsky, affectée principalement à notre dortoir, mais aussi accessoirement professeur de …sport ? Vol de Balais en tout cas, mais aussi patin à glace et conduite de ... Enfin, c'étaient plutôt des voitures sur patins à propulsion magique, dirigées par le poids de ses occupants. Nous les faisions courir sur le lac, en hiver. Ou quand le directeur Pavlov décidait de le geler. Il y avait généralement quatre chars en course. Un par dortoir, portant chacun neuf participants : huit contrepoids et un conducteur, qui donnait les ordres et réglait la vitesse. Les Courses étaient une occasion de grand challenge entre les Violets de l'Ouest et les Bleus de l'Est. Les cris des spectateurs, que ce soit « allez les bleus » de la part de nos rivaux de l'Est , ou « nous vaincrons » n'étaient pas très originaux. Dmitri était Conducteur pour son dortoir…

Dmitri, le fils de Raspoutine, c'était intéressant…, mais ne me dérangeait pas le moins du monde.

« Je lui demanderai » soufflais-je à Vasssilika, avant de me pencher sur mes notes comme Professeur Necrassov s'avançait vers nous.

Dmitri me le confirma au repas du soir. Je n'avais pas pu l'approcher de la journée. Oui, il était bien le fils de Grigori Iefimovitch Novykh, que l'on surnommait Raspoutine. Et non, cela ne lui rendait pas la vie facile. Souvent, la célébrité apporte plus de désagréments que d'avantages, surtout pour la famille. Au cours des années suivantes, tandis que j'apprenais les nombreuses choses nécessaires (plus ou moins) à la vie des sorciers, Dmitri me parlait souvent de sa famille. De ses sœurs, de sa mère, de qui il avait hérité les yeux noirs qui me subjuguaient, mais aussi de son père. Celui-ci avait un savoir certain de médecine magique, ainsi que sur les herbes et potions. De plus, il avait de temps en temps des visions : il avait des dons de divinations. Souvent Dmitri me disait qu'il regrettait que son père ait cette dernière faculté. C'est ce qui lui avait attiré, et attirerait le plus d'ennuis en fait. Il utilisait cette connaissance approximative du future pour se mêler des affaires politiques de la Russie moldue, s'opposant en cela au Ministère , et surtout au Ministre Karkharov . Ses connaissances le rendaient insupportables par moment, l'emplissaient d'arrogance et de suffisance. Dmitri l'évitait autant que possible, sauf quand son père lui apprenait quelques secrets de son métier. Dmitri était le meilleur en cours de potions , même s'il excellait dans plusieurs autres matières. Ce n'était pas par hasard qu'il était devenu Porte Parole, comme nous disons dans les dortoirs. Tous s'accordaient à dire qu'il était un Conducteur hors-pair, et même si beaucoup guettaient le moindre faux pas pour lui chercher des noises, dans l'ensemble, le Dortoir Ouest approuvait ses idées. Dmitri avait beaucoup d'idées. Pour améliorer l'organisation, pour organiser des distractions. Il réfléchissait beaucoup, sans pour cela réagir lentement.

L'hiver de ma troisième année à Sorcosk avait été très froid. Généralement les cheminées des dortoirs étaient allumées en permanence, mais un jour, en fin d'après-midi, quand les premiers sortis de cours étaient rentrés, la cheminée de la salle commune d'étude du dortoir Ouest était éteinte. Quand j'arrivais cependant, et m'installais pour travailler, le feu avait été rallumé par d'autres élèves, plus âgés que moi. Ils l'avaient fait magiquement. Comme les autres, je m'étais aperçue que les flammes n'étaient pas tout à fait les mêmes qu'à l'habitude, ni de la même couleur. Mais ce fut Dmitri, qui quand il arriva, réagit.

« Qui a allumé ce feu ? » et quand personne ne répondit. « Depuis quand est- il allumé ? »

« Plus d'une heure et demi, il l'était déjà quand je suis arrivée. » répondis-je.

Déjà Dmitri c'était précipité vers la cheminée, avait éteint le feu et gelé l'âtre. Malgré les protestations surprises de quelques uns. Il s'était agenouillé pour examiner les cendres, puis s'était tourné vers nous. « Il y a au moins un serpencendre dans la pièce. Cherchez les sources de chaleur, nous n'avons pas beaucoup de temps. »

Les oeufs avaient fini par être trouvés à temps. Juste à temps avant que les tentures ne prenne feu, en fait. C'est là que j'entendis pour la première fois le surnom que Youri donna à Dmitri : « Le penseur. » Nous nous étions tous aperçus que ce feu était magique, mais aucun d'entre nous n'avait pensé au danger d'en laisser un allumé longtemps. Sans Dmitri, le Dortoir Ouest aurait vraisemblablement brûlé.

« Tiens, ça pourra t'être utile. » dit un des garçons en lui lançant un des oeufs. « On a tous vu comment tu la regardes. » Il parlait de moi, mais je ne le savais pas encore. Il était sûrement jaloux de la gloire que Dmitri venait de s'attirer.

« Comme si tu en avais besoin ! » s'exclama Youri en poussant Dmitri du coude. Et il me lança un clin d'oeil complice...

Les années passaient. Je rentrais à Saint-Pétersbourg aux vacances d'été, chez mes parents qui m'étaient de plus en plus étrangers. Dmitri venait de temps en temps voir son père, et en profitait pour me rendre visite. Mes parents étaient assez riches, nous ne manquions de rien malgré les restrictions de la guerre. A Sorcosk non plus, d'ailleurs. De ce côté là, j'étais assez chanceuse d'être sorcière, par rapport à beaucoup de mes concitoyens.

Avant que Dmitri ne quitte Sorcosk pour faire son apprentissage de médecine magique et potions, nous étions devenus très proches. Je l'aimais, cela m'était devenu clair peu à peu, et j'étais heureuse. Cette affection était réciproque.

La fin de l'année1916 marqua cependant la fin de la tranquillité pour nous.

A suivre



Pour voir une photo de Raspoutine :

http://www.romanov-memorial.com/Cellar-Room/fr/Historical_Background_1.html



Merci de me donner vos avis et conseils....