L'année qui suivit fut en effet très mouvementée.

Au début de janvier je reçus une lettre de Dmitri, m'annonçant l'assassinat de son père.

Ma très chère Irèna,

Ce sont de mauvaises nouvelles que j'ai à t'annoncer, et j'espère que ta nouvelle année s'annonce sous de meilleurs auspices que la mienne. Mon père est mort.

Ce n'est pas que sa disparition me peine outre mesure, mais malgré ses défauts, c'était tout de même mon père. De plus, il a été assassiné. Il a été retrouvé dans l'au glacée de la Neva au matin du dimanche 31 décembre dernier. La veille au soir il était allé dîner chez le prince Youssoupov.

Ma sœur aînée me dit qu'il savait ce qui pouvait se passer s'il y allait, mais qu'il avait témérairement ignoré le danger. Je te raconte tout cela, Irèna, parce que je t'aime et ne veux rien te cacher.

Tu finiras de toute manière par l'apprendre par voie officielle, ou par le comérage sans fin des dortoirs. De plus, cela t'expliquera l'insécurité que je ressens. Mon père avait donc eu une vision de ce dîner, d'un empoisonnement au cyanure, de coups de révolver moldu. Il a alors préparé deux potions devant ma sœur :

un antidote du poison qu'il savait qu'on lui administrerait ( je suppose que tu l'as rencontré en cours cette année, c'est une des potions qui utilise du miel de grinchebourdon. Tu sais cette mélasse qui rend mélancolique, mais bien sûr que tu le sais). ,

et aussi une potion de ralentissement du sang, pour éviter une hémorragie mortelle en cas de blessure par coup de feu.

Tout cela n'a apparament pas suffit. Selon l'autopsie, il est mort noyé, mais j'ai ma propre théorie là dessus. Sachant qu'au moins un des amis du prince présent était sorcier, je suppose qu'il a frappé mon père du sort « pleindeau », que mon père était trop soul pour réagir, et qu'il est mort quand l'eau a fini d'emplir ses poumons. Il y a des traces de sortilèges sur le corps. J'ai peur de connaître un jour le même sort que lui, pour la simple raison que je suis son fils, et que notre famille a beaucoup d'ennemis. Mais assez parlé d'horreurs.

J'ai bientôt terminé mon apprentissage chez Rincelepov à Moscou, je pourrais alors m'établir comme médisorcier et gagner ma vie de manière indépendante.(…)

J'appris peu après que mon père était mort lors d'une des mutineries qui parcourraient l'armée russe en ces temps difficiles de famine et de guerre. Puis vint la révolution, oh, elle était déjà en marche depuis longtemps, mais ce fut en mars que le Tsar abdiqua. Ma mère décida de quitter la Russie et après m'avoir envoyé un dernier message partit pour le Sud de la France. Je n'ai jamais su si elle avait réussi à traverser l'Europe encore en guerre et n'ai plus jamais eu de nouvelle d'elle. Heureusement pour moi, Dmitri et moi avions déjà des plans pour notre vie future. Il furent juste un peu précipités. Nous nous sommes mariés à la fin de l'année 1917, entourés de quelques amis et de la famille de Dmitri, et il s'est installé comme médisorcier à Tioumen tandis que je continuais mes études à Sorcosk. Cependant, notre maison de Tioumen subit plusieurs attaques, évidemment dirigées contre nous. Contre Dmitri surtout je crois.

Nous avions alors projeté de quitter discrètement la Russie et d'émigrer dans un autre pays moins troublé. Nous nous sommes en fait décidés après la mort du Tsar et de sa famille, après leur assassinat. Ce fut Youri qui nous aida le plus . Il avait obtenu un poste au Ministère et nous avait fourni des passeports.

« Voilà, le Mir part de Kaliningrad le 10 décembre, en direction de la France, la guerre moldue bouge finalement et d'après les différents Ministères d'Europe, devrait être terminée d'ici là. Vous pourrez Apparaître là-bas de chez moi, et vous devriez pouvoir être à Paris pour Noel. J'ai demandé à un ami du Ministère français de vous trouver un travail. Je crois qu'il a trouvé quelque chose, mais ce serait en Angleterre. J'ai donc préparé quatre passeports, pour que vous puisseiez vous fondre plus facilement dans la population locale… Je ne suis pas aussi sérieux que cela d'habitude… Ca doit être le fait de penser vous quitter… Je suppose que nous ne pourrons pas rester en contact…Ach, laissez tomber… »

Dmitri, Youri et moi sommes très émus quand Youri nous tend nos passeports.

« Tada, euh, voilà, Mr et Mme Pesan, français. Vous êtes sensé avoir de la famille en Russie, et être restés coincés ici pendant la durée de la guerre. Euh, ils ont intérêt de se dépècher de faire la paix là-bas, sinon il faudra retarder votre départ ! »

« Ah bon ? » demande Dmitri.

« Bien sûr, tu ne crois quand même pas que je vais me fatiguer à refaire vos passeports ! » réplique Youri.

« Et voilà vos identités anglaises, si besoin est… Au fait, je voulais que vous pensiez à moi de temps en temps, alors… tu te souviens que je t'avais surnommé « le penseur » ? »

« Comment aurions-nous pu l'oublier ? » C'est mon tour d'être sarcastique.

En effet, c'est presque toujours ainsi qu'il appelle Dmitri maintenant.

Youri m'adressa un large sourire : «  C'est le but ! Voilà comme ici tu as toujours pensé, et que maintenant tu vas changer de vie, tu es « celui qui pensa », alors, ton nom, c'est un annagramme : Pesan. En plus c'est français… Ca tombe bien. »

C'était une excuse lamentable.

L'armistice fut signé avant le 10 décembre, et nous prîmes le bateau. Je quittais la Russie pour la première fois. Dmitri et moi perdions un merveilleux ami en Youri, mais il connaissait notre identité, avait des relations internationnales, et s'il voyageait un jour en Europe de l'Ouest, nous lui avions fait promettre de venir nous voir. Le cœur serré, nous allions commencer une nouvelle vie.





Notes : je précipite un peu l'histoire, mais je rajouterai peut-être des chapitres intermédiaires un de ces jours… J'aimerai savoir votre opinion sur ce que j'écris…Merci